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22/01/2020 | FRANCE | N°16-20151

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 janvier 2020, 16-20151


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation sans renvoi

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 44 F-D

Pourvoi n° J 16-20.151

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2020

1°/ la société [...] , société

d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. L... G..., en qualité de mandataire judiciaire de la soci...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 janvier 2020

Cassation sans renvoi

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 44 F-D

Pourvoi n° J 16-20.151

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JANVIER 2020

1°/ la société [...] , société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par M. L... G..., en qualité de mandataire judiciaire de la société Le Sevine,

2°/ la société Le Sevine, société civile immobilière, dont le siège est [...] ,

3°/ la société FHB, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par Mme F... K..., prise en qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Le Sevine,

ont formé le pourvoi n° J 16-20.151 contre l'arrêt n° RG : 15/08748 rendu le 26 mai 2016 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société FCT Europrop (EMC) - Compartment « Signac Compartment », dont le siège est [...] , représentée par sa société de gestion la société Eurotitrisation,

2°/ au procureur général près la cour d'appel de Versailles, domicilié en son parquet général, cour d'appel de Versailles, [...] ,

défendeurs à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, avocat de la société [...] , ès qualités, la société Le Sevine et la société FHB, ès qualités, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société FCT Europrop - Compartment « Signac Compartment », l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 26 novembre 2019 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen relevé d'office :

Vu l'article 583 du code de procédure civile ;

Attendu que seule une personne y ayant intérêt est recevable à former tierce opposition ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société civile immobilière Le Sevine (la SCI) a été constituée pour l'acquisition d'un terrain et la construction d'un immeuble de bureaux ; que ses parts ont été acquises par les sociétés Findi Real Estate (la société Findi) puis France Invest Real Estate (la société FIRE), laquelle a bénéficié de la première d'un crédit-vendeur ; que, le 12 juillet 2006, la société Citibank (la banque) a financé l'opération par un prêt, garanti par le nantissement des créances envers la société FIRE, et destiné à être remboursé dans le délai de cinq ans par la vente ou le refinancement de l'immeuble ; que le même jour, la société Findi a consenti à la SCI un prêt de refinancement dont elle a cédé la créance de remboursement à la société FIRE ; que la Citibank a cédé par bordereau ces créances au fonds commun de titrisation Europrop (le FCT), lequel a ensuite contesté en justice la régularité de la cession ; qu'après que les sociétés FIRE et Findi ont été placées sous sauvegarde, la SCI a été mise en redressement judiciaire le 21 juillet 2011, les sociétés [...] et FHB étant désignées respectivement mandataire judiciaire et administrateur ; que, dans l'attente de l'issue du litige quant à la qualité de créancier, le FCT a déclaré à la procédure de redressement une créance au titre du nantissement de la créance de prêt de refinancement, ainsi que des créances de frais, intérêts de retard et accessoires ; que par un jugement du 5 juin 2012, le tribunal a arrêté un plan de redressement et désigné la société FHB en qualité de commissaire à l'exécution de ce plan, qui prévoyait un report de trois ans du remboursement de la créance, auquel le FCT, consulté, a donné son accord ; qu'à la demande de la SCI, le tribunal a modifié le plan et prorogé le remboursement de trois autres années ; que le FCT a formé tierce opposition au jugement ;

Attendu que pour déclarer recevable la tierce opposition du FCT au jugement ayant modifié le plan de redressement, l'arrêt retient qu'en l'état, il a la qualité de créancier ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des productions que, par un arrêt devenu irrévocable de la cour d'appel de Paris prononcé le 6 février 2019, la cession de créance dont le FCT tenait ses droits a été résolue, de sorte que celui-ci, n'étant plus créancier de la société débitrice, seule qualité qu'il invoquait, est sans intérêt à critiquer la modification du plan, et que l'arrêt attaqué, désormais privé de fondement juridique, doit dès lors être annulé pour avoir déclaré irrecevable sa tierce opposition ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable la tierce-opposition formée par la société FCT Europrop (EMC) Compartment "Signac Compartment" du jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 mai 2015 modifiant le plan de redressement de la SCI Le Sevine ;

Condamne la société FCT Europrop (EMC) Compartment "Signac Compartment" aux dépens incluant ceux exposés devant les juges du fond ;

Et vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société [...] , ès qualités, la société Le Sevine et la société FHB, ès qualités.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevable la tierceopposition formée par la société FCT à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en date du 28 mai 2015 modifiant le plan de redressement de la SCI LE SEVINE ;

Aux motifs que « le FCT conteste en premier lieu le jugement entrepris en ce qu'il l'a déclaré irrecevable en sa tierce opposition au jugement du 28 mai 2015 ;

Considérant que le FCT soutient qu'il peut former tierce opposition au jugement du 28 mai 2015 sur le fondement de l'article L. 661-3 du code de commerce, l'article 583 du code de procédure civile ouvrant la tierce opposition aux personnes qui y ont un intérêt dans la mesure où elles n'ont été ni parties ni représentées au jugement attaqué ; que le FCT a déclaré une créance d'environ 43 millions d'euros ; qu'il dispose donc de moyens propres pour faire opposition, l'admission de sa créance n'étant pas une condition posée à la recevabilité de la tierce opposition ; que sa demande de nullité ou de résolution de la cession de créance lui ayant été consentie a été rejetée par un arrêt ayant force de chose jugée, malgré le pourvoi qui le frappe ; qu'un créancier a un droit propre à contester les dispositions du plan qui lui préjudicie à lui seul, les autres créanciers voyant leurs créances payées immédiatement, quand lui-même doit attendre 3 années supplémentaires le remboursement de sa créance en espérant que l'immeuble reprenne une hypothétique valeur ; qu'il n'avait accepté le plan de redressement que parce que ses modalités prévoyaient le remboursement des créances du prêt de refinancement dans les 3 ans, ce qui ne lui interdit pas de s'opposer à un report de ce remboursement au bout de 3 armées supplémentaires ;

Considérant que la SCI réplique que le FCT n'a jamais contesté l'irrégularité des bordereaux de cession et qu'il ne pouvait donc prétendre être titulaire des créances cédées ; qu'il a d'ailleurs formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris qui démontre qu'il ne se prétend pas créancier ; que sa tierce opposition n'a pour but que de parvenir à la liquidation judiciaire des sociétés Findi, FIRE et de la SCI, cc qui constitue une fraude à la loi ; qu'en se prévalant désormais de sa qualité de créancier de la SCI le FCT se contredit au détriment d'autrui puisqu'il reconnaît lui-même que les bordereaux de cession de créance étaient irréguliers ; qu'il n'a d'ailleurs entrepris aucune démarche pour faire statuer sur les créances déclarées, continuant de solliciter le sursis à statuer dans les procédures de vérification du passif et non l'admission de ses créances ; qu'en tout état de cause il n'a ni intérêt à agir, ni moyens propres à faire valoir : qu'il a été représenté au jugement du 28 mai 2015 et ne détient aucune créance admise à l'encontre de la SCI ; qu'en outre il a accepté de n'être désintéressé que dans le seul cadre de la procédure collective ouverte contre la société Findi et qu'il ne peut donc prétendre à un désintéressement dans le cadre de la procédure ouverte contre la SCI ; qu'il n'a pas de moyen propre, distinct de celui des autres créanciers à faire valoir ; qu'aucune fraude à ses droits n'a été commise et qu'il a pu faire valoir ses observations dans le cadre de la procédure de prolongation du plan devant le tribunal de grande instance ; qu'enfin la prorogation du plan est justifiée par l'évolution de la conjoncture immobilière ;

Considérant que les créanciers d'un débiteur en redressement judiciaire, intéressés à la procédure collective du débiteur, ne sont pas partie à cette procédure ; qu'ils ne disposent donc pas d'un droit d'appel contre la décision arrêtant le plan ; que l'article L. 661-3 du code de commerce leur ouvre cependant la voie de la tierce-opposition dès lors qu'ils disposent d'un moyen propre et d'un préjudice personnel distinct d'une atteinte à l'intérêt collectif des créanciers ;

Considérant qu'en l'espèce la créance du FCT n'a pas été admise au passif de la procédure ; que cette créance a néanmoins été déclarée et que le juge commissaire a été saisi d'une contestation et a sursis à statuer ;

Considérant que le plan doit prévoir le règlement de toutes les créances déclarées, y compris des créances contestées ; que quoique sa créance n'ait pas encore fait l'objet d'une décision d'admission, le FCT est considéré par la procédure comme un créancier puisque le plan a été arrêté en considération de sa créance et après qu'il a été consulté ; qu'il ne peut donc pas être privé du droit d'exercer un recours ouvert aux créanciers ; que, de même, le fait que sa créance ne soit pas nécessairement payée en définitive dans le cadre de cette procédure collective, mais dans le cadre de la procédure ouverte au bénéfice de la société Findi ne le prive pas davantage du droit d'exercer, si il en remplit les conditions, un recours contre une décision qui lui sera opposable si sa créance est admise ;

Sur l'irrecevabilité tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui :

Considérant que le FCT a déclaré une créance de 41 598 999,69 euros sur la SCI au titre du prêt de refinancement consenti par la société Findi à la SCI ; que cette créance lui a été cédée par la Citibank ; que le FCT a poursuivi l'annulation et la résolution de cette cession de créances ; que l'arrêt rendu le 5 novembre 2015 par la cour d'appel de Paris a rejeté ses demandes ; que cet arrêta force de chose jugée, nonobstant le pourvoi qui le frappe ; qu'il a déclaré réguliers les deux bordereaux de cession signés le 12 juillet 2006 valant actes de cession de créances professionnelles et a rejeté la demande de résolution de la cession ; qu'en soutenant être créancier de la SCI le FCT ne se contredit pas au détriment de celle-ci mais prend seulement acte de la décision de la cour d'appel de Paris qui le déclare titulaire des créances ainsi cédées, y compris des créances de garanties au titre du prêt Citi ;

Sur l'irrecevabilité de la tierce opposition tirée de l'absence d'intérêt à agir, de moyens propres et de l'existence d'une fraude :

Considérant que la SCI soutient que le FCT ne fait pas valoir de moyen différent de celui des autres créanciers ayant déclaré cette même créance puisque le délai supplémentaire de 3 ans lui est imposé comme aux trois autres déclarant au titre du même prêt de refinancement, soit la société FIRE, la société Findi et la Citibank ;

que l'arrêt de la cour d'appel de Paris ne préjuge en rien d'une admission de sa créance au passif de la SCI ; qu'en effet outre le fait que cet arrêt n'est pas définitif, l'objet de la procédure à laquelle il a abouti porte seulement sur la titularité au titre du prêt Citi et donc sur la seule détermination du créancier de la société Findi ; que cette procédure n'a aucune incidence sur les créances déclarées par le FCT et la Citibank au passif de la société FIRE et de la SCI ; que le seul créancier au titre du prêt de refinancement reste la société FIRE, les créances déclarées par les autres sociétés l'ayant été au titre d'un droit de nantissement ; que la créance déclarée par la société Findi pour la même cause a été admise sans que le FCT ne forme de réclamation contre cette admission ; que les moyens propres dont disposerait le FCT doivent être appréciés au regard de la seule procédure collective de la SCI et non de celle ouverte à l'égard de la société Findi ; qu'il n'a pas d'intérêt à faire valoir dans la mesure où il a accepté que son désintéressement intervienne dans le cadre de la seule procédure collective ouverte à l'égard de la société Findi, comme le prévoit le plan de redressement de la SCI, qu'en effet c'est par l'effet du remboursement par la SCI du prêt de refinancement que la société Findi pourra rembourser le solde du prêt Citi ; que le plan de sauvegarde de la société Findi a aussi été modifié et prévoit un amortissement du prêt "Citi" sur 6 ans ; que le délai de 6 ans prévu dans le cadre du redressement de la SCI n'est que le reflet de cette prolongation ; que la créance du FCT n'ayant pas encore été admise au passif de la SCI, la rétractation du jugement n'entraînera aucun paiement puisque si une créance était admise au profit du FCT elle ne le serait qu'au terme d'un long processus judiciaire ;

Considérant que le FCT soutient qu'il a intérêt à agir en sa qualité de créancier déclarant, qu'il invoque un moyen qui lui est propre puisque les modifications du plan ne préjudicient qu'à lui-même, sa créance n'étant payée qu'au bout de 6 ans quand les autres créanciers voient leurs créances payées immédiatement ; qu'il fait valoir qu'il n'a consenti à renoncer aux créances de frais, accessoires et intérêts de retard qu'en considération du bref délai qui lui était proposé pour le recouvrement de sa créance ; qu'il a intérêt à ce que l'immeuble ne perde pas de sa valeur comme il l'a déjà fait en ans, la valorisation de l'immeuble étant passé de 72 M d'euros dans le rapport de l'administrateur judiciaire de 2012 à 33 M d'euros en 2015, aux termes du rapport d'expertise de B... et D... ; que le taux d'occupation des locaux a diminué ; que le plan n'est pas viable ; qu'enfin le jugement a été rendu en fraude de ses droits, la mise en sauvegarde et le plan de redressement n'ayant eu pour objet que de protéger les seuls intérêts de l'investisseur d'une vente forcée de l'immeuble le privant de la plusvalue escomptée ;

Considérant qu'il résulte des articles 583, alinéa 2, du code de procédure civile et L. 661-3 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, que le créancier n'est recevable à former tierce opposition contre le jugement arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde de son débiteur que s'il invoque un moyen qui lui est propre ou établit une fraude ;

Considérant que le FCT fait valoir un moyen tiré de ce que des délais lui ont été imposés dans le cadre de la modification du plan, alors qu'il les a contestés et qu'il n'est pas traité comme les autres créanciers ; que ce moyen, qui lui est propre, ouvre son droit à former tierce opposition contre le jugement modifiant le plan ; qu'il a au surplus intérêt à contester cette modification en raison de l'impossibilité de vendre l'immeuble sur lequel il détient des sûretés pendant la durée du plan ; que sa tierce opposition est donc recevable » ;

Alors, d'une part, que les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres ; qu'en retenant, pour déclarer recevable la tierce opposition de la société FCT, que cette dernière est considérée par la procédure comme un créancier, quand, en l'absence d'admission de sa créance, la société FCT qui n'a que la qualité de déclarant, n'est pas recevable à former une tierce opposition contre la décision modifiant le plan de redressement, la Cour d'appel a violé les articles L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile ;

Alors, d'une part, que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ; qu'en faisant droit à la tierce opposition exercée par le FCT en sa qualité de créancier de la société LE SEVINE, quand, dans le même temps, le FCT n'a eu de cesse de nier sa qualité de créancier, en invoquant l'irrégularité de la cession Dailly portant sur la créance de créditvendeur pour obtenir la remise en cause de l'opération de titrisation, la Cour d'appel, qui n'a pas sanctionné le fait pour le FCT d'adopter, au détriment des exposantes, des prétentions contradictoires, a violé le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui ;

Alors, de troisième part, que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ; qu'un créancier n'est recevable à agir à titre individuel qu'à la condition de démontrer un intérêt personnel et distinct de la procédure ; qu'en énonçant que le FCT était recevable à former une tierce opposition contre la décision modifiant le plan de redressement, quand cette décision avait, dans l'intérêt de la procédure au regard de l'effondrement du marché immobilier, prolongé la durée du plan de la SCI LE SEVINE et prévu que cette dernière devait rembourser toutes les créances admises au jour du jugement, à l'exclusion des créances au titre du prêt de refinancement et des créances intragroupes, d'où il résultait que la modification du plan n'affectait pas que le FCT, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-20 du code de commerce, ensemble les articles L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile ;

Alors, enfin, que le mandataire judiciaire désigné par le tribunal a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers ; qu'un créancier n'est recevable à agir à titre individuel qu'à la condition de démontrer un intérêt personnel et distinct de la procédure ; qu'en énonçant que le FCT était recevable à former une tierce opposition contre la décision modifiant le plan de redressement en ce qu'une telle décision avait reporté à N+6 le règlement de la créance due au titre du prêt de refinancement, quand une telle créance avait été également déclaré par la société FIRE, ainsi que par les sociétés CITIBANK et FINDI au titre du nantissement de la créance du prêt de refinancement, d'où il s'évinçait que le FCT ne pouvait pas se prévaloir d'un moyen propre au titre de cette créance, la Cour d'appel a violé l'article L. 622-20 du code de commerce, ensemble les articles L. 661-3 du code de commerce et 583 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rétracté le jugement du 28 mai 2015 qui a fait droit à la demande de modification du plan de redressement de la SCI LE SEVINE, et d'avoir rejeté la requête en modification du plan en ce qui concerne la créance du FCT ;

Aux motifs que « le FCT soutient que le tribunal de grande instance a commis un excès de pouvoir en lui imposant de nouveaux délais sans son accord ; qu'en l'absence de comités de créanciers les dispositions de l'article L. 626-30 ne sont pas applicables ; qu'au surplus cette modification du plan porte atteinte au principe d'égalité des créanciers ; qu'enfin ce plan n'est pas viable, que les travaux envisagés ne sont pas justifiés, aucun devis n'étant versé aux débats ; que la stratégie du gestionnaire qui prétend remplir à nouveau l'immeuble en 3 ans alors qu'il n'a augmenté que de 4 % le taux d'occupation en 11 mois, n'offre aucune garantie ;

Considérant que la SCI réplique que la loi n'interdit pas au tribunal dans le cadre d'une modification du plan d'imposer des délais aux créanciers récalcitrants ; que la consultation du professeur C... est particulièrement éclairante sur cette question ; que l'article L. 626-30-2 du code de commerce permet un traitement différencié des créanciers si les différences de situations le justifient ;

Considérant que le plan de redressement de la SCI a été élaboré en considération des créances existantes au titre du prêt de refinancement, des créances intergroupes et des créances de tiers, en l'espèce le service des impôts des entreprises, le cabinet Ernst and Young, la société Norton rose et les créances au titre de la restitution des dépôts de garantie et de régularisation des loyers déclarées par les locataires ;

Considérant que le jugement du 28 mai 2015 modifiant le plan est ainsi rédigé : "- la durée du plan est prolongée de 3 années, soit jusqu'au 5 juin 2018,

- la SCI le Sevine doit rembourser toutes les créances admises au jour du présent jugement (soit les créances autres que la créance au titre du prêt de refinancement et des créances intragroupe), - le règlement de 100% de la créance au titre du prêt de refinancement est reportée à N+6,";

Considérant que les dispositions de l'article L. 626-30-2 du code de commerce ne sont pas applicables en l'espèce, qu'aucun comité de créanciers n'a été constitué ;

Considérant que lors de l'arrêté du plan, le tribunal donne acte aux créanciers ayant accepté les propositions qui leur ont été transmises, des délais et remises acceptés ; que pour les autres créanciers le tribunal impose des délais uniformes de paiement ; qu'en application de l'article L. 626-18 du code de commerce, le tribunal ne peut donc imposer à un créancier des délais plus longs que ceux imposés aux autres créanciers ; que la modification du plan répond aux mêmes règles ;

Considérant qu'en l'espèce, dans le cadre du premier plan, le FCT avait donné son accord aux délais fixés pour le remboursement de sa créance, alors qu'il conteste le nouveau délai qui lui est imposé ; qu'il ne saurait lui être imposé de délai plus long lors de la modification du plan, pas plus qu'il ne saurait lui être imposé de maintenir les concessions faites lors du plan initial dans le cadre d'une modification de ce plan ; que le refus de consentir de nouveaux délais ne caractérise pas de fraude à la loi ;

Considérant en outre que ces délais n'ont pas été imposés à tous les créanciers ; que le plan prévoit en effet que les créanciers autres que les créanciers au titre du prêt de refinancement et les titulaires des créances intragroupe doivent être remboursés au jour du jugement de modification, seul le règlement de la créance due au titre du prêt de refinancement étant reporté au 5 juin 2018 ;

Considérant qu'en imposant de nouveaux délais à certains des créanciers seulement, le tribunal de grande instance a commis un excès de pouvoir qui rend bien fondée la tierceopposition sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur l'opportunité d'attendre trois années supplémentaires la réalisation de travaux d'amélioration permettant d'atteindre un meilleur taux d'occupation de l'immeuble, passé de 72 % lors de la présentation du plan initial en 2011 à 55% en 2015 et une valeur suffisante pour rembourser la dette financière ;

Considérant qu'il sera donc fait droit à la tierce-opposition et que le jugement du 28 mai 2015 sera infirmé en ce qu'il a fait droit à la modification du plan de redressement de la SCI le Sevine en ce qui concerne la créance du FCT » ;

Alors qu'à l'occasion de la modification du plan, le tribunal peut prévoir, à l'égard de certains créanciers placés dans une situation différente, un report de l'exigibilité de la dette ; qu'en énonçant que le tribunal avait commis un excès de pouvoir en imposant de nouveaux délais à certains des créanciers seulement, la Cour d'appel a violé les articles L. 626-18, L. 626-26 et L. 626-30-2 du code de commerce, ensemble l'article R. 626-45 du même code.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 16-20151
Date de la décision : 22/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 26 mai 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 jan. 2020, pourvoi n°16-20151


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:16.20151
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