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16/01/2020 | FRANCE | N°18-22091

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 18-22091


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 45 F-D

Pourvoi n° J 18-22.091

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

La société Maaf assurances, dont le siège est [...] , a

formé le pourvoi n° J 18-22.091 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 45 F-D

Pourvoi n° J 18-22.091

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

La société Maaf assurances, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° J 18-22.091 contre l'arrêt rendu le 26 mars 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. L... T...,

2°/ à Mme R... T...,

domiciliés tous deux [...],

3°/ à M. V... T..., domicilié [...] ,

4°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, dont le siège est [...] ,

5°/ à la société Toro assicurazioni AL français, société de droit étranger, dont le siège est [...] (Italie),

6°/ à la société MSA des Portes de Bretagne, dont le siège est [...] ,

7°/ à la société Generali business solutions, société de droit étranger, dont le siège est [...] ),

défendeurs à la cassation.

La société Toro Assicurazioni a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guého, conseiller référendaire, les observations de Me Le Prado, avocat de la société Maaf assurances, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de MM. L... et V... T... et Mme R... T..., de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Toro assicurazioni, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Guého, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 31 août 1998, M. L... T..., alors âgé de 11 ans, a été victime en Italie d'un accident corporel de la circulation alors qu'il était passager d'une automobile immatriculée en France, conduite par M. Q... et assurée auprès de la société Maaf assurances ; que ce véhicule a été percuté à l'arrière par un poids lourd immatriculé en Italie et assuré auprès de la société Toro assicurazioni ; qu'après la réalisation d'expertises, M. L... T..., sa mère Mme R... T... et son frère M. V... T... (les consorts T...) ont assigné la société Toro assicurazioni et la société Maaf assurances en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurances maladie du Morbihan (la caisse), de la société Generali business solutions et de la MSA du Morbihan ;

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen unique du pourvoi incident éventuel, annexé, qui est irrecevable ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;

Attendu que pour déclarer recevable l'action indemnitaire formée par M. L... T... à l'encontre de la société Maaf assurances, condamner celle-ci, in solidum avec les sociétés Toro assicurazioni et Generali business solutions, à payer certaines sommes aux consorts T... et à la caisse, et dire que la contribution à l'ensemble des condamnations incombera à la société Maaf assurances dans la proportion de 30%, l'arrêt, après avoir relevé que l'action indemnitaire était régie par le délai biennal de prescription édicté par l'article 2947, alinéa 2, du code civil italien, énonce que la société Toro assicurazioni et les consorts T... n'ont pas évoqué dans leurs conclusions la question du point de départ du délai de prescription et que la société Maaf assurances n'invoque aucune disposition législative ni aucun élément de droit italien au soutien de son affirmation selon laquelle ce point de départ se situerait au jour de l'accident ; qu'il retient que cette dernière proposition contrevient au principe posé par l'article 2935 du code civil italien invoqué par la société Toro assicurazioni selon lequel la prescription « commence à courir du jour à compter duquel le droit peut être affirmé et exécuté » ; que la victime n'a pu affirmer et exécuter son droit à indemnisation, au sens de ce texte, qu'à partir du jour où elle a été en mesure de quantifier ses demandes indemnitaires et donc, s'agissant d'un dommage corporel, qu'à compter du jour où elle a eu connaissance de sa consolidation ;

Qu'en statuant ainsi, sans avoir invité au préalable les parties à présenter leurs observations sur le moyen, qu'elle relevait d'office, tiré de l'application d'une disposition de droit étranger qui n'était invoquée par aucune des parties pour fixer le point de départ du délai de prescription de l'action en indemnisation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- déclare recevable l'action indemnitaire formée par M. L... T... à l'encontre de la société Maaf assurances,
- dit les sociétés Toro assicurazioni, Generali business solutions et Maaf assurances obligées in solidum à la réparation des préjudices subis par M. L..., Mme R... et M. V... T..., et à régler la créance de la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan,
- dit que la société Maaf est obligée in solidum avec les sociétés Toro assicurazioni et Generali business solutions aux condamnations à payer à Mme R... T... 30 000 euros au titre de son préjudice moral, à M. V... T... 10 000 euros au titre de son préjudice moral, à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan 75 013,42 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande, et aux condamnations à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 6 000 euros aux consorts T... et 1 000 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan,
- condamne les sociétés Toro assicurazioni, Generali Business solutions et Maaf assurances in solidum à payer à M. L... T... une somme de 756 360 euros en réparation de son préjudice corporel causé par l'accident à l'exception de l'assistance par tierce personne après consolidation et postérieure au 31 décembre 2017 et de la perte de gains professionnels futurs,
- condamne les sociétés Toro assicurazioni, Generali business solutions et Maaf assurances in solidum à payer à Mme R... T... une somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice matériel par ricochet,
- condamne les mêmes sociétés in solidum à payer en cause d'appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à M. L..., Mme R... et M. V... T..., créanciers solidaires, 14 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie du Morbihan, 1 000 euros,
- dit que la contribution à l'ensemble des condamnations qui précèdent incombe à la société Maaf assurances dans la proportion de 30 % et aux sociétés Toro assicurazioni et Generali business solutions in solidum dans la proportion de 70 %,
l'arrêt rendu le 26 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, en conséquence, sur ces seuls points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. L... T..., Mme R... T... et M. V... T... ;

Condamne MM. L..., V... T..., Mme R... T..., la société Toro assicurazioni et la société Generali business solutions aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes de la société Toro assicurazioni ; rejette la demande formée par MM. L..., V... T..., Mme R... T... contre la société Maaf assurances ; condamne MM. L..., V... T..., Mme R... T... à payer à la société Maaf assurances la somme globale de 1 500 euros et la société Toro assicurazioni à payer à la société Maaf assurances la somme de 1 500 euros ; condamne la société Toro assicurazioni à payer à MM. L..., V... T..., Mme R... T... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société MAAF assurances

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR déclaré recevable l'action indemnitaire formée par M. L... T... à l'encontre de la MAAF assurances et de l'AVOIR en conséquence condamnée à régler, in solidum avec les sociétés Toro assicurazioni et Generali business solutions, les sommes de 30 000 euros et de 20 000 euros à Mme R... T... au titre d'un préjudice moral et d'un préjudice matériel par ricochet, la somme de 75 013,42 euros à la CPAM du Morbihan, la somme de 756 360 euros à M. L... T... au titre d'un préjudice corporel et d'AVOIR dit que la contribution à l'ensemble de ces condamnations lui incomberait dans la proportion de 30 % ;

AUX MOTIFS QUE « concernant le point de départ du délai de prescription : la société MAAF a affirmé qu'il se situe au jour de l'accident, sans invoquer aucune disposition législative de droit italien, ni aucun élément de droit positif italien ; que ni la société TORO ni les consorts T... n'ont évoqué la question - pourtant juridiquement déterminante - du point de départ du délai de prescription dans leurs conclusions ; que le point de départ du délai de prescription affirmé (sans fondement invoqué) par la société MAAF contrevient au principe posé par l'article 2935 du code civil italien, invoqué par la société TORO (conclusions page 13) en vertu duquel la prescription "commence à courir du jour à compter duquel le droit peut être affirmé et exécuté" ; qu'en outre, la position de la société MAAF aurait pour effet absurde de rendre prescrite l'action indemnitaire de L... T... le 31/08/2000 (deux après la survenance de l'accident), soit plus de 9 ans avant que l'intéressé ait été en mesure de présenter sa demande indemnitaire, à partir de sa connaissance de la date de sa consolidation (6/05/2010 - cf. infra) ; qu'en réalité, la victime L... T... n'a pu affirmer et exécuter son droit à indemnisation, au sens du texte précité, qu'à partir du jour où elle a été en mesure de quantifier ses demandes indemnitaires, et donc, s'agissant d'un dommage corporel, qu'à compter du jour où elle a eu connaissance de sa consolidation ; que le point de départ du délai de prescription ne peut être fixé au jour de la date de la consolidation elle-même, puisqu'une telle solution aurait pour effet : - d'amputer le délai biennal de prescription de plus de 19 mois, délai s'étant écoulé entre la date de consolidation fixée par les experts (26/09/2008) et la date de communication de leurs conclusions (comportant la date de fixation de la consolidation) à la victime (6/05/2010, date de la correspondance adressée par le Docteur K... à L... T... et à sa curatrice - pièce n° 9 de ce dernier), - et donc de réduire à environ 5 mois le délai effectivement disponible, pour la victime, pour agir, en violation du droit d'accès au juge et à un procès équitable garanti par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ratifiée par l'état italien ; qu'il résulte des motifs qui précèdent et de l'article 2935 du code civil italien que le délai biennal de prescription de l'action indemnitaire de L... T... à l'encontre de la société MAAF a couru à compter du 6/05/2010, date de sa connaissance de la date de sa consolidation fixée par les experts ; que son action indemnitaire engagée à l'encontre de la société MAAF par assignation délivrée en août 2011, avant l'expiration dudit délai de prescription, est donc recevable » ;

1) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'invoquait, au titre du point de départ de la prescription de l'action engagée par les consorts T... à l'encontre de la MAAF assurances, l'application de l'article 2935 du code civil italien ; qu'en procédant d'office à l'application de ce texte pour retenir que le point de départ de la prescription était le 6 mai 2010, de sorte que cette action n'était pas prescrite, sans inviter les parties à s'expliquer à cet égard, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer la loi étrangère ; que l'article 2935 du code civil italien dispose que la prescription commence à courir du jour à compter duquel le droit peut être affirmé et exécuté ; qu'en retenant qu'en vertu de ce texte, le point de départ de la prescription n'était pas le 31 août 1998, jour de l'accident, mais le 6 mai 2010, jour auquel M. L... T... avait eu connaissance de la consolidation de son état, la cour d'appel a dénaturé la loi étrangère en violation de l'article 3 du code civil et de l'article 2935 du code civil italien.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué,

D'AVOIR condamné la MAAF assurances à régler, in solidum avec les sociétés Toro assicurazioni et Generali business solutions, les sommes de 30 000 euros et de 20 000 euros à Mme R... T... au titre d'un préjudice moral et d'un préjudice matériel par ricochet, la somme de 10 000 euros à M. V... T... au titre d'un préjudice moral, la somme de 75 013,42 euros à la CPAM du Morbihan, la somme de 756 360 euros à M. L... T... au titre d'un préjudice corporel et d'AVOIR dit que la contribution à l'ensemble de ces condamnations lui incomberait dans la proportion de 30 % ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur l'action des consorts T... engagée à l'encontre de la société MAAF : (
) en premier lieu, la société MAAF invoque vainement "la loi 999/1969" dont elle s'est abstenue de produire le texte et subsidiairement la traduction, et dont elle ne prouve pas qu'elle était en vigueur à la date de l'accident Au surplus, la consultation juridique du 4/06/2013 qu'elle a produite en pièce n° 7 ne fait aucune référence à cette loi ; qu'en deuxième lieu, la société MAAF invoque de manière inopérante une prétendue reconnaissance de responsabilité de la société TORO qui n'aurait d'intérêt qu'au regard d'une action récursoire de cette dernière à l'encontre de la société MAAF, action jugée irrecevable (cf. supra § 2.2), mais qui est inopposable aux victimes T... ; qu'en troisième lieu, il est sans intérêt que la société TORO ait remboursé à la société MAAF l'intégralité du dommage matériel causé au véhicule de son assuré Q..., alors que le litige concerne, de manière totalement distincte, l'indemnisation du préjudice corporel du passager L... T... et des préjudices par ricochet des membres de sa famille ; qu'en quatrième lieu, un rapport d'expertise extra-judiciaire des Docteurs J... et M... clos le 12/03/2002 (pièce n° 4 des consorts T...) comporte en première page l'énoncé des faits suivant : "le 31 août 1998 vers 14 heures 30 en Italie, en rentrant d'un séjour chez son père, se dirigeant vers Paris, L... était passager allongé sur la banque arrière d'une automobile qui a été percutée par l'arrière par un camion. L... était endormi au moment des faits, n'avait pas de ceinture de sécurité" ; que cette version des faits n'a pas été contestée par la société MAAF, qui, au contraire, l'a entérinée par la teneur suivante de l'assignation en garantie qu'elle a fait délivrer le 14/12/2011 à la société TORO (sa pièce n° 1) : "le 31 août 1998, Monsieur L... T... âgé de 11 ans, était allongé sur la banquette arrière d'un véhicule conduit par Monsieur Q... (...) lorsque le véhicule de ce dernier a été percuté à l'arrière par un camion, lequel était assuré par la compagnie italienne TORO" ; que d'une part, la position de l'enfant L... T... allongé sur la banquette arrière du véhicule, incompatible avec le port d'une ceinture de sécurité dont le point de fixation est positionné pour le maintien d'un passager en position assise, et d'autre part, la nature des blessures subies par L... T... (fracture temporale droite et gauche et petites fractures des sinus sphénoïdaux avec fracture de la base du crâne avec inondation de l'oreille interne gauche - cf. rapport précité J...-M...), évocatrices d'une projection du corps de l'enfant contre une paroi rigide ou le dossier d'un siège avant du véhicule, incompatible avec la rétention de son corps qu'aurait provoquée une ceinture de sécurité bouclée, font présumer, de manière suffisamment grave précise et concordante, l'absence de port par L... T... d'une telle ceinture bouclée au moment de l'accident ; qu'en cinquième lieu, à supposer, pour les seuls besoins du raisonnement, qu'à la date de l'accident (31/08/1998), la réglementation italienne n'ait pas imposé le port de la ceinture de sécurité pour les passagers arrières des automobiles âgés de moins de 12 ans, il n'en demeure pas moins que le fait, pour le conducteur d'une automobile, de circuler en transportant à l'arrière un enfant âgé de moins de 12 ans sans exiger que sa ceinture de sécurité soit attachée, constitue : d'une part, une faute générale d'imprudence et de négligence, d'autre part et cumulativement, une méconnaissance des dispositions particulières de l'article 172 alinéa 2 du code de la circulation italien en vertu duquel le conducteur du véhicule doit s'assurer et exiger que tous les passagers utilisent la ceinture de sécurité et, en cas de refus par une ou plusieurs personnes transportées, refuser le transport ou même s'arrêter (cf. pièce n° 5 page 3 de la société TORO : consultation juridique en date du 22/09/2015) ; qu'en sixième et dernier lieu, le conducteur Q... a commis une faute d'imprudence dans la conduite de son véhicule en ayant ralenti immédiatement après avoir effectué un dépassement et s'être rabattu devant le véhicule dépassé, faute qui a directement concouru à la percussion de son véhicule par le poids lourd dépassé et assuré par la société TORO, ainsi qu'il résulte sans équivoque de sa relation de l'accident et du croquis joint adressés le 8/09/1998 à son assureur (annexe de la pièce n° 1 des consorts T...) : "je roulais sur l'autoroute en direction de Turin. J'ai doublé un camion et me suis rabattu à droite. A ce moment, j'ai ralenti en réalisant que je n'avais plus le temps d'accéder à la bretelle de sortie, direction Aoste. Le camion que je venais de doubler m'a percuté à l'arrière gauche" ; que la double faute ainsi commise par le conducteur Q... a directement concouru à la réalisation du dommage corporel subi par son passager L... T... et, par voie de conséquence, des dommages par ricochet subis par R... et V... T... ; qu'il résulte des motifs qui précèdent qu'en application de l'article 2055 alinéa 1er précité du code civil italien, la société MAAF et la société TORO sont obligées in solidum à l'indemnisation des entiers préjudices subis par les consorts T... ; sur le recours en "garantie" formé par la société MAAF à l'encontre de la société TORO : si le conducteur du poids lourd assuré par la société TORO a commis une faute par défaut de maîtrise de son véhicule en percutant celui qui le précédait, il n'en demeure pas moins que le conducteur Q... de l'automobile assurée par la société TORO a commis une faute de gravité non négligeable en ralentissant immédiatement après avoir dépassé un poids lourd puis s'être rabattu devant lui, ce comportement ayant été peu prévisible pour le conducteur de l'ensemble routier et ayant rendu difficile un ralentissement instantané de son véhicule, d'une intensité suffisante, et/ou une tentative de contournement par la gauche, pour éviter l'automobile constituant un obstacle imprévu devant lui ; que la faute de conduite commise par le conducteur Q... est d'une gravité au moins égale à celle du conducteur du poids lourd ; qu'il s'y ajoute la faute de négligence et d'imprudence commise par le conducteur Q... envers son jeune passager L... T..., non porteur de sa ceinture de sécurité ; que dès lors que la société MAAF soutient que sa contribution aux dettes indemnitaires est nulle et que la société TORO demande qu'elle soit fixée à 30 %, il y a lieu, en application de l'article 5 du code de procédure civile, de fixer les parts contributives respectives de la société TORO à 70 % et de la société MAAF à 30 % » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « (le) défaut (de port de ceinture) n'est nullement contesté et il est incontestable que la jeune victime dormait sur la banquette arrière lors de l'accident, or, compte tenu de la gravité des blessures constatées au niveau crânien et pulmonaire il est évident que l'absence du port de la ceinture a contribué à la gravité des blessures constatées ; qu'en conséquence de quoi l'appel en garantie formée par la Cie TORO ASSICURAZIONI à l'égard de la MAAF ASSURANCES dans la proportion de 30 % sera déclarée bien fondée » ;

ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, aucune des parties ne faisait état, au titre d'une faute d'imprudence commise par M. Z... Q... dans la conduite de son véhicule, du fait qu'il aurait ralenti immédiatement après avoir dépassé le camion et s'être rabattu derrière ce camion ; qu'en relevant d'office un tel fait pour le qualifier de faute d'imprudence, sans avoir au préalable provoqué les observation des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile.
Moyen produit au pourvoi incident éventuel par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Toro assicurazioni

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a déclaré irrecevable le recours formé en cause d'appel par la société TORO ASSICURAZIONI à l'encontre de la société MAAF ASSURANCES ;

AUX MOTIFS QUE « Selon le dispositif de ses conclusions de première instance notifiées le 29/09/2015 qu'elle produit en pièce n° 8, la société TORO a demandé au Tribunal de : "dire et juger que le droit à indemnisation de Monsieur L... T... sera réduit de 30 %, ainsi que celui des consorts T... à l'égard de la société concluante ; dire et juger que la société MAAF devra être condamnée à régler 30 % des indemnités accordées aux victimes" ; que ces demandes sont sous-tendues et explicitées par la motivation suivante figurant en page 8 in fine desdites conclusions : "en l'espèce, le droit à indemnisation de la victime à l'égard de la société concluante doit être fixé à 70 % et 30 % doit être supporté par la société MAAF" ; que dès lors qu'elles visent les rapports des victimes créancières et des assureurs débiteurs au nom des tiers responsables, cette motivation et ces demandes tendent à voir fixer la quote-part des obligations d'indemnisation respectives (et donc conjointes) des deux assureurs concernés envers lesdites victimes, et non à voir fixer la quote-part contributive de chacun des co-obligés solidaires, dans les seuls rapports entre ces derniers ; qu'il s'en déduit : - que la société TORO n'a saisi le Tribunal d'aucune demande en "garantie" ni d'aucun recours en contribution à l'encontre de la société MAAF, - que sa demande, figurant dans ses conclusions d'appel sus-visées, tendant à "à titre subsidiaire, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a été dit et jugé que la société MAAF devrait garantir la société TORO Assicurazioni à hauteur de 30 % des indemnités accordées aux victimes, ainsi qu'à l'égard du tiers payeur" est nouvelle en cause d'appel, et donc irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile » ;

ALORS QU' est recevable la demande en garantie formée par une partie pour la première fois en cause d'appel dès lors qu'elle tend à faire écarter la prétention originaire, réciproque et identique en garantie dirigée contre elle ; qu'en déclarant irrecevable la demande en garantie de la société TORO ASSICURAZIONI contre la société MAAF ASSURANCES comme nouvelle après avoir constaté que cette dernière demandait la condamnation de la société TORO ASSICURAZIONI à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre, les juges d'appel ont violé l'article 564 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-22091
Date de la décision : 16/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 jan. 2020, pourvoi n°18-22091


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.22091
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