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16/01/2020 | FRANCE | N°18-21394

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 janvier 2020, 18-21394


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 juin 2018), M. U... et Mme X..., alors mariés, ont constitué la société civile immobilière Lethma (la SCI) propriétaire de plusieurs immeubles. Les deux époux, se partageant à égalité les parts sociales, ont été désignés co-gérants. Puis, M. U... et Mme X... ont fait donation à chacun de leurs trois enfants de 654 parts en nue-propriété, chaque époux conservant l'usufruit de ces parts outre 10 parts en pleine propriété.


2. Par jugement en date du 24 juillet 2013, le divorce des époux U...-X..., a été prono...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 juin 2018), M. U... et Mme X..., alors mariés, ont constitué la société civile immobilière Lethma (la SCI) propriétaire de plusieurs immeubles. Les deux époux, se partageant à égalité les parts sociales, ont été désignés co-gérants. Puis, M. U... et Mme X... ont fait donation à chacun de leurs trois enfants de 654 parts en nue-propriété, chaque époux conservant l'usufruit de ces parts outre 10 parts en pleine propriété.

2. Par jugement en date du 24 juillet 2013, le divorce des époux U...-X..., a été prononcé.

3. Lors d'une assemblée générale du 19 février 2016, Mme X... a été révoquée de ses fonctions de gérante et il a été décidé de mettre à sa charge une indemnité d'occupation mensuelle et d'engager une procédure judiciaire pour recouvrer cette indemnité.

4. Par acte du 23 mars 2016, Mme X... a assigné la SCI et M. F... U... ainsi que V..., Q... et Y... U... (les consorts U...) en nullité de l'assemblée générale du 19 février 2016. Par acte du 24 mars 2016, la SCI, représentée par M. U..., a assigné Mme X... aux fins d'obtenir sa condamnation à payer une somme à titre d'indemnité mensuelle d'occupation.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La SCI et les consorts U... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant au paiement, par Mme X..., d'une indemnité d'occupation au profit de la SCI, alors que "l'action en fixation et paiement d'une indemnité d'occupation par toute personne, fût-elle associée, qui occupe privativement un immeuble propriété d'une société civile immobilière constitue un acte de conservation et d'administration que le gérant de cette société peut exercer seul, sans autorisation ni de l'assemblée générale ni de son cogérant ; qu'en retenant que M. F... U... ne pouvait, en tant que cogérant, « pas agir à ce titre pour faire fixer une indemnité d'occupation contre un autre cogérant statutaire » car « cette décision ne peut ressortir que de la décision de l'assemblée générale », la cour d'appel a violé les articles 544 et 1848 du code civil."

Réponse de la Cour

Vu l'article 1848 du code civil :

6. Pour rejeter la demande en fixation d'une indemnité d'occupation, l'arrêt retient que cette demande est formée par la SCI, représentée par un de ses co-gérants, en l'espèce M. F... U..., et que celui-ci ne peut pas agir à ce titre pour faire fixer une indemnité d'occupation contre un autre co-gérant statuaire, cette décision ne pouvant être prise que par l'assemblée générale.

7. En se déterminant ainsi, sans constater que les statuts faisaient obstacle à la décision du co-gérant d'engager une procédure en paiement d'une indemnité d'occupation ou que le co-gérant s'était opposé à cette décision conformément aux dispositions de l'article 1848, alinéa 2, du code civil, alors qu'il résulte du premier alinéa de ce texte que, dans les rapports entre associés, le gérant peut accomplir tous les actes de gestion que demande l'intérêt de la société, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande tendant à la condamnation de Mme X... au paiement d'une indemnité d'occupation à la SCI Lethma, l'arrêt rendu le 19 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Rejette la demande formée par Mme X... en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X... à payer à la SCI Lethma, M. F... U..., Mme V... U..., M. Q... U..., Mme Y... U..., la somme globale de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Lethma, M. F... U..., Mme V... U..., M. Q... U... et Mme Y... U...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Lethma de sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation par Mme X..., coassociée occupant privativement les immeubles appartenant à cette SCI depuis une ordonnance de non-conciliation du 22 juillet 2009 lui en donnant la jouissance à titre onéreux, occupation poursuivie après le prononcé du divorce en 2014 ;

AUX MOTIFS QUE « l'ordonnance de non-conciliation a prévu au paragraphe attribution du logement familial :
« Attribue à la femme pour y fixer sa résidence provisoire la jouissance onéreuse du logement familial étant précisé qu'aux termes de l'article 815-9 du Code civil, l'indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité d'occupation » ;
Que cependant, il sera relevé que les statuts de la SCI Lethma n'ont prévu quant à eux aucune disposition concernant l'indemnité d'occupation qui serait due par un des associés en cas de jouissance privative
Qu'en l'espèce, l'immeuble appartenant à la SCI constituait le logement familial jusqu'à la séparation du couple, à cette date aucune disposition n'a été prise entre les associés de la SCI pour prévoir une indemnité d'occupation, la formule générale contenue dans l'ordonnance de non-conciliation étant insuffisante en ce qu'elle ne vise pas la situation particulière de l'immeuble appartenant à une SCI dont les époux en instance de divorce sont les associés majoritaires et les cogérants ;
Qu'en outre, il sera observé que depuis 9 ans, alors que les deux époux et ex-époux sont encore associés et cogérants de la SCI et que les opérations de liquidation de la communauté ayant existé entre eux sont en cours, rien n'a été prévu concernant l'indemnité d'occupation qui serait due par Mme X... suite à l'attribution privative de la jouissance de l'immeuble de la SCI qui constituait jusqu'à la séparation du couple le logement familial ;
Qu'il convient de constater donc qu'aucune disposition statutaire ou convention n'a prévu le principe, et encore moins le montant, de l'indemnité d'occupation ;
Que, par ailleurs, ainsi que le soutient justement Mme X..., il sera relevé que cette demande est formée par la SCI Lethma représentée par un de ses cogérants, en l'espèce M. F... U..., celui-ci ne pouvant pas agir à ce titre pour faire fixer une indemnité d'occupation contre un autre cogérant statutaire, cette décision ne peut ressortir que de la décision de l'assemblée générale ; que c'est d'ailleurs ce qu'a tenté de faire M. F... U... en convoquant l'assemblée générale de la SCI notamment à cette fin » ;

1°/ ALORS QUE l'action en fixation et paiement d'une indemnité d'occupation par toute personne, fût-elle associée, qui occupe privativement un immeuble propriété d'une société civile immobilière constitue un acte de conservation et d'administration que le gérant de cette société peut exercer seul, sans autorisation ni de l'assemblée générale ni de son cogérant ; qu'en retenant que M. F... U... ne pouvait, en tant que cogérant, « pas agir à ce titre pour faire fixer une indemnité d'occupation contre un autre cogérant statutaire » car « cette décision ne peut ressortir que de la décision de l'assemblée générale », la cour d'appel a violé les articles 544 et 1848 du Code civil ;

2°/ ALORS QUE toute personne occupant sans titre un immeuble appartenant à autrui est redevable d'une indemnité d'occupation ; qu'en retenant « qu'aucune disposition statutaire ou convention n'a prévu le principe, et encore moins le montant, de l'indemnité d'occupation », la cour d'appel a statué par un motif inopérant au regard de l'article 544 du Code civil ;

3°/ ALORS QU'en retenant qu' « en l'espèce, l'immeuble appartenant à la SCI constituait le logement familial jusqu'à la séparation du couple, à cette date aucune disposition n'a été prise entre les associés de la SCI pour prévoir une indemnité d'occupation, la formule générale contenue dans l'ordonnance de non-conciliation étant insuffisante en ce qu'elle ne vise pas la situation particulière de l'immeuble appartenant à une SCI dont les époux en instance de divorce sont les associés majoritaires et les cogérants », cependant que l'ordonnance de non-conciliation du 22 juillet 2009 disposait expressément qu'elle « attribue à la femme, pour y fixer sa résidence provisoire, la jouissance onéreuse du logement familial, étant précisé qu'aux termes de l'article 815-9 du Code civil, l'indivisaire qui use et jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité » et « constate le désaccord des parties sur le montant de l'indemnité d'occupation », la cour d'appel a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision en violation de l'article 1351 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-21394
Date de la décision : 16/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 19 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 jan. 2020, pourvoi n°18-21394


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Richard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.21394
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