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16/01/2020 | FRANCE | N°18-19365

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 16 janvier 2020, 18-19365


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 4 F-D

Pourvoi n° W 18-19.365

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

La société Lingenheld, société par actions simplifiée, dont le siÃ

¨ge est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-19.365 contre l'arrêt rendu le 14 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 4 F-D

Pourvoi n° W 18-19.365

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

La société Lingenheld, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° W 18-19.365 contre l'arrêt rendu le 14 février 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société PV CP immobilier holding, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société du Bois des Harcholins équipements, défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Bech, conseiller, les observations de la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat de la société Lingenheld, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société PV CP immobilier holding, après débats en l'audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Bech, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 février 2018), que, dans la perspective de la construction d'un centre de vacances, la société du Bois des Harcholins équipements, aux droits de laquelle se trouve la société PV CP immobilier holding, a confié à la société Lingenheld la réalisation des travaux se rapportant aux terrassements, voiries, assainissement, aménagements et réseaux divers ; qu'un désaccord entre les parties sur les décomptes généraux définitifs a donné lieu à la conclusion de deux protocoles transactionnels ; que la société Lingenheld a assigné la société PV CP immobilier holding en paiement de la retenue de garantie ;

Attendu que la société Lingenheld fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que la retenue de garantie est une partie du prix du marché dont le paiement est différé et conditionné à la levée des éventuelles réserves, et relevé, par motifs propres et adoptés, que le second protocole transactionnel stipulait que l'entreprise renonçait « expressément et irrévocablement [...] de manière générale à toute autre demande de nature indemnitaire ou autre ayant pour objet ou pour cause l'exécution de travaux réalisés pour le compte de la SNC Bois des Harcholins équipements au titre des marchés [...] et plus généralement au titre de toutes prestations exécutées par l'entreprise pour le compte du maître d'ouvrage » et qu'elle donnait « bonne et valable quittance définitive du paiement du solde définitif de son marché et [...] reçu pour solde de tout compte de toutes sommes dues par le maître d'ouvrage à l'entreprise au titre de l'exécution de toutes les prestations réalisées par elle pour le compte du maître d'ouvrage dans le cadre de l'opération litigieuse... », la cour d'appel en a souverainement déduit que la retenue de garantie entrait dans l'objet du protocole transactionnel et que les demandes en paiement de la société Lingenheld devaient être rejetées ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Lingenheld aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Lingenheld et la condamne à payer à la société PV CP immobilier holding la somme de 3 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour la société Lingenheld

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Lingenheld de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ; ce contrat doit être rédigé par écrit (Article 2044) ; que les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu ; (Article 2048) les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé (Article 2049) ; la transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet (Article 2052) ; qu'il incombe en conséquence à l'appelante de démontrer que le protocole du 20 septembre 2013, seul concerné par le litige, n'a pas le même objet que la présente instance, faute de quoi il s'agit d'un obstacle à celle-ci ; qu'en l'espèce le procès-verbal de réception des travaux des lots 31 A et B (terrassement-assainissement) confiés à la société Lingenheld, a été établi le 1er juillet 2010 et une liste de réserves (pièce 2) y a été annexée auxquelles l'entreprise s'est engagée dans ce procès-verbal à remédier ; que l'expiration du délai de parfait achèvement a eu lieu le 1er juillet 2011 et il ressort du courrier de Me Deleau, conseil de l'appelante, en date du 9 avril 2014 (pièce 4) qu'un procès-verbal de levée de réserves a été établi, qu'il a été annexé au protocole du 20 septembre 2013, étant cependant observé qu'il n'a curieusement pas été communiqué à la société Lingenfeld avant cette date, et qu'il a même été considéré dans le protocole que cette communication constituait « une renonciation » ; que le préambule du protocole lui-même : - fait référence à cette levée de réserves depuis le 18 mars 2011 ; - rappelle qu'une première demande de rémunération complémentaire a été présentée au maître d'ouvrage le 5 mars 2010, basée sur l'augmentation du délai d'exécution et les mesures prises par l'entreprise pour l'accélération des travaux (I), et sur les préjudices allégués liés à un retard général de la construction (II) ; que cette première demande s'est composée de deux parties l'une d'un montant de 718 884 € HT, la seconde d'un montant de 1 071 479 € HT ; qu'un premier protocole, du 9 avril 2010, a mis fin au litige portant sur la première partie sur la base d'un paiement transactionnel de 350 000 €, - indique que la réitération par l'entreprise de sa réclamation le 20 mai 2011 pour règlement d'une indemnité complémentaire de 943 952,85 € HT a donné lieu à une réunion entre la maîtrise d'oeuvre, le maître d'ouvrage et l'entreprise, ayant abouti à ce second protocole ; que selon ce second protocole (page 4) : ... « sous réserve du règlement de la somme de 150 000 € HT l'Entreprise donne par les présentes au Maître d'Ouvrage, bonne et valable quittance définitive du paiement du solde définitif de son marché et donne reçu de tout compte de toutes sommes dues par le maître d'ouvrage à l'Entreprise au titre de l'exécution de toutes les prestations réalisées par elle pour le compte du Maître d'Ouvrage dans le cadre de l'opération litigieuse, et par ailleurs relève et garantit indemne le Maître d'Ouvrage de toute réclamation et/ou action qui pourrait lui être faite par un sous-traitant de l'Entreprise, ou l'un de ses sous-traitants dans l'hypothèse d'une sous-traitance en cascade ». ; que cette formulation a sans équivoque défini son objet comme mettant fin aux relations contractuelles et financières liées à l'exécution du marché ; que l'argumentation de l'entreprise appelante ci-rappelée, relative au régime juridique spécifique de la retenue de garantie est inopérant dès lors, comme il a été exactement rappelé dans le jugement entrepris, que cette retenue n'est qu'une partie du prix du marché dont le paiement est différé et conditionné à la levée des éventuelles réserves incombant à l'entreprise, de sorte que son paiement ne relève pas d'un régime autonome échappant au DGD, lequel , comme il a été dit a donné lieu au protocole du 20 septembre 2013 ; que c'est ainsi en connaissance de cause puisque son DGD du 30 avril 2011 (pièce 8) comportait une réclamation au titre du remboursement de la retenue de garantie pour le montant de 45 231,49 € visant l'expiration du délai de garantie, que l'Entreprise a, renoncé (Article 3 du protocole) « irrévocablement, définitivement et sans aucune réserve à toute action, instance ou demande (à caractère judiciaire ou autre) à l'encontre du Maître d'Ouvrage, ayant pour objet une rémunération ou indemnisation complémentaire au titre de l'exécution de son Marché (...) » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la société Lingenheld soutient que la retenue de garantie dont le remboursement est sollicité n'était pas incluse aux protocoles transactionnels conclus entre les parties les 9 avril 2010 et 20 septembre 2013 ; que cependant, il ressort du protocole transactionnel du 20 septembre 2013 que les parties ont entendu régler un « désaccord (...) intervenu entre les parties portant sur l'établissement des décomptes généraux définitifs », sans restriction relative à la retenue de garantie ; que par ailleurs, le DGD à l'origine du mémoire en réclamation et conséquemment de la seconde transaction est celui du 30 avril 2011 qui comprend la somme de 45.231,49 euros HT au titre de la « Demande de remboursement de la retenue de garantie » ; que par ailleurs, le protocole du 20 septembre 2013 stipule que le maître de l'ouvrage s'engage à verser à l'entreprise « la somme de 150.000 euros HT à titre forfaitaire et définitif correspondant (i) aux préjudices invoqués par l'entreprise LINGENHELD, tels que décrits et allégués dans son mémoire de réclamation du 20 mai 2011 annexé aux présentes, ainsi qu' (ii) au solde de tout compte valant décompte général définitif » ; qu'il se déduit de ces stipulations que le protocole transactionnel a pour objet de trancher la réclamation financière de l'entreprise et de solder les comptes entre les parties ; que cette analyse est confortée par les clauses de l'acte relatives aux concessions de la société Lingenheld ; qu'en effet, la clause de concession figurant en page 4 du protocole précise que l'entreprise renonce « expressément et irrévocablement à toute demande ayant pour objet des faits et/ou réclamations portés au titre de ses mémoires en réclamation datés des 5 mars 2010 et 20 mai 2011 (...) et de manière générale à toute autre demande de nature indemnitaire ou autre ayant pour objet ou pour cause l'exécution de travaux réalisés pour le compte de la SNC Bois Des Harcholins Equipements au titre des marchés visés en exposé préalable et de leurs éventuels avenants et plus généralement au titre de toutes prestations exécutées par l'entreprise pour le maître de l'ouvrage dans le cadre de l'opération concernant la construction du [...] ; que l'objet de la concession, rédigé en termes très généraux, exclut toute autre réclamation financière de la société Lingenheld au titre de l'exécution des marchés, étant observé qu'à la date de la signature du protocole, soit plus d'un an après la réception, la restitution de la retenue de garantie était exigible ; que de même la clause de renonciation précise que « l'Entreprise reconnaît être parfaitement remplie de tous ses droits au titre des marchés vis-à-vis du maître de l'ouvrage et renonce irrévocablement, définitivement et sans aucune réserve à toute action, instance ou demande (à caractère judiciaire ou autre) à l'encontre du maître de l'ouvrage, ayant pour objet une rémunération ou indemnisation complémentaire au titre de l'exécution de son marché, et plus généralement au titre de toutes les prestations accomplies par elle pour le compte du maître de l'ouvrage au titre de l'opération litigieuse et ce à quelque titre que ce soit et plus particulièrement à raison d'un quelconque décalage de planning contractuel et/ou des conséquences de ce décalage » ; que compte tenu des termes particulièrement clairs et précis de cette clause, la société Lingenheld n'a pu se méprendre sur la portée de la renonciation qui y est expressément évoquée, ce d'autant que le paragraphe relatif aux « effets du protocole entre les parties » conclut qu' « il vaut arrêté de compte définitif entre les parties qui déclarent expressément et irrévocablement renoncer à toute prétention y relative » ; que si la société Lingenheld soutient que sa demande ne concerne pas « une rémunération ou indemnisation complémentaire au titre de l'exécution de son marché », il doit être rappelé, comme le souligne pertinemment la défenderesse, que la retenue de garantie n'est qu'une partie du prix du marché, dont le paiement est différé et conditionné à la levée des éventuelles réserves incombant à l'entreprise (article 1 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 : « Les paiements des acomptes sur la valeur définitive des marchés de travaux privés visés à l'article 1779-3° du code civil peuvent être amputés d'une retenue égale au plus à 5 p. 100 de leur montant et garantissant contractuellement l'exécution des travaux, pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves faites à la réception par le maître de l'ouvrage ») ; que dans ces conditions, la société Lingenheld sera déboutée de sa demande de remboursement de la retenue de garantie et conséquemment de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

1./ ALORS QUE le mécanisme légal de la retenue de garantie, qui a pour fonction de garantir la levée des réserves et ne constitue pas une modalité de paiement du prix, ne permet pas au maître de l'ouvrage de conserver une partie du prix mais seulement de le consigner entre les mains d'un consignataire, et, à l'expiration du délai d'un an à compter de la date de réception des travaux, en l'absence d'opposition motivée du maître de l'ouvrage, les sommes consignées doivent être remises à l'entrepreneur ; que dès lors, en retenant, pour considérer que les sommes dues au titre de la retenue de garantie avaient été incluses dans le champ de la transaction, que la société Lingenheld y avait renoncé à toute demande ayant pour objet ou pour cause l'exécution des travaux réalisés pour le compte de la SNC Bois des Harcholins Equipements au titre des marchés litigieux, et que la transaction valait quittance du paiement du solde définitif du marché et donnait reçu de toutes sommes dues par le maître de l'ouvrage à l'entreprise, quand la libération de la retenue de garantie consignée entre les mains d'un tiers ne correspondait pas au paiement d'une somme due par le maître de l'ouvrage, mais seulement à la restitution à l'entrepreneur des sommes consignées, de sorte qu'elle ne pouvait pas être incluse dans le champ de la transaction, la cour d'appel a violé, ensemble, l'article 2 de la loi du 16 juillet 1971 et l'article 2044 du code civil ;

2./ ALORS, en tout état de cause, QUE la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation de volonté claire et non équivoque de renoncer ; qu'en retenant, pour considérer que la société Lingenheld avait renoncé à demander le paiement de la retenue de garantie, d'une part que le DGD à l'origine du mémoire en réclamation du 20 mai 2011 et donc de la transaction, était celui du 30 avril 2011, qui comportait une demande de remboursement de cette retenue, et d'autre part que cette société n'avait pu se méprendre sur la portée de la renonciation, exprimée dans l'acte de transaction, à toute demande au titre de toutes les prestations accomplies par elle pour le compte du maître de l'ouvrage au titre de l'opération litigieuse et ce à quelque titre que ce soit, cependant que tant l'absence de toute mention de la retenue de garantie ou même du DGD du 30 avril 2011 dans le protocole transactionnel ou dans le mémoire en réclamation du 20 mai 2011que l'objet de la transaction par laquelle les parties avaient entendu régler le différend né des réclamations de l'entreprise relatives aux préjudices causés par les conditions d'exécution du marché, rendaient équivoque la volonté de celle-ci de renoncer au paiement de la restitution réclamée, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1134, 2048 et 2049 du code civil, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-19365
Date de la décision : 16/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 16 jan. 2020, pourvoi n°18-19365


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.19365
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