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16/01/2020 | FRANCE | N°18-18779

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 16 janvier 2020, 18-18779


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Cassation partielle sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 36 F-D

Pourvoi n° J 18-18.779

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

La société d'assurances Groupama Méditerran

ée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Groupama Sud, a formé le pourvoi n° J 18-18.779 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2018 par la ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 janvier 2020

Cassation partielle sans renvoi

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 36 F-D

Pourvoi n° J 18-18.779

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 JANVIER 2020

La société d'assurances Groupama Méditerranée, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Groupama Sud, a formé le pourvoi n° J 18-18.779 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2018 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. S... U..., domicilié [...] ,

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie de Nantes, dont le siège est [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Touati, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société d'assurances Groupama Méditerranée, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. U..., et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 décembre 2019 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Touati, conseiller référendaire rapporteur, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller doyen, et Mme Rosette, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ., 19 mai 2016, pourvoi n° 15-18.784), que M. U... a été victime le 18 juin 2008, lors d'un déplacement professionnel, d'un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société Groupama Sud, aux droits de laquelle se trouve la société Groupama Méditerranée (l'assureur) ; qu'après expertise, M. U... a assigné l'assureur en indemnisation de ses préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) ;

Attendu qu'il n'y a pas de lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de fixer le poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs (PGPF) à la somme de 658 753,95 euros et de le condamner à payer à M. U... la somme de 472 813,47 euros au titre de l'indemnisation de ce poste de préjudice, après déduction de la créance subsistante de la caisse et de la créance de la mutuelle Pro BTP, alors, selon le moyen :

1°/ que l'incidence professionnelle, qui répare la dévalorisation sur le marché du travail, vient compléter celle déjà obtenue par la victime au titre du poste « pertes de gains professionnels futurs », sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice ; qu'en constatant que, par l'arrêt du 25 mars 2015 en ses dispositions devenues irrévocables, M. U... avait été indemnisé au titre de l'incidence professionnelle, tout en allouant à ce dernier au titre de la perte de gains professionnels futurs, le montant exact de la rémunération qu'il touchait avant l'accident jusqu'à la date de sa retraite, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice et, partant, violé le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

2°/ que le principe de la réparation intégrale exclut que la victime puisse obtenir un gain par suite de l'accident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée, s'agissant de la perte de gains professionnels futurs, sur « le revenu de référence (
) constitué de la moyenne annuelle des revenus nets pour les années 2006 et 2007 », tout en constatant que la victime avait été licenciée pour motif économique, sans lien avec l'accident, le 12 novembre 2012, par le même employeur que celui pour lequel il travaillait avant novembre 2007 ; qu'en allouant à M. U... une somme compensant intégralement la perte de ce revenu de référence à compter de la date de l'accident jusqu'à la date de sa retraite, tout en constatant que la perte de gains professionnels futurs n'avait pas un caractère certain, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. U..., cadre commercial auprès de la société Atlantiques demeures, avait été recruté en novembre 2007 par la société Design habitat, que sa rémunération annuelle, avantages inclus, s'élevait en 2006 et 2007 à la somme de 99 157,50 euros, qu'il avait été licencié pour inaptitude à la suite de l'accident et conservait une capacité de travail avec des restrictions importantes, qu'il avait retrouvé le 1er juin 2011 un emploi de responsable des ventes auprès de la société Atlantiques demeures pour un salaire annuel de 32 495,16 euros, dont il avait été licencié pour motif économique le 12 novembre 2012, c'est sans méconnaître le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime que la cour d'appel a retenu l'existence d'une perte de gains professionnels futurs certaine correspondant à la différence entre la rémunération qu'il aurait dû percevoir au titre de l'emploi pour lequel il avait été licencié pour inaptitude et celle qu'il pouvait percevoir au titre d'un emploi adapté à son état ;

Et attendu qu'en indemnisant la perte de gains professionnels futurs résultant de la baisse de revenus générée par l'accident, la cour d'appel a réparé un préjudice distinct de l'incidence professionnelle liée à la dévalorisation de la victime sur le marché du travail ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de fixer le poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs à la somme de 658 753,95 euros, tel que reproduit en annexe :

Attendu qu'il n'existe aucune corrélation entre le chef de dispositif de l'arrêt qui fixe à une certaine somme la perte de gains professionnels futurs de M. U... avant imputation de la créance des tiers payeurs et la critique du moyen qui reproche à la cour d'appel de ne pas avoir étendu la cassation prononcée aux dispositions de l'arrêt censuré relatives à l'imputation de la créance de la caisse sur les postes de préjudice professionnels ;

D'où il suit que le moyen est irrecevable ;

Mais sur le second moyen, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de condamner l'assureur à payer à M. U... la somme de 472 813,47 euros au titre de l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs, après déduction de la créance subsistante de la caisse et de la mutuelle pro BTP :

Vu l'article 624 du code de procédure civile ;

Attendu que pour condamner l'assureur à payer à M. U... la somme de 472 813,47 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs, après déduction de la créance des tiers payeurs, l'arrêt retient que s'agissant de la rente accident du travail, la cour d'appel de Poitiers a indiqué dans son dispositif : « Dit que la somme de 29 799,96 euros versée par l'assurance maladie de la Loire-Atlantique viendra en déduction de la condamnation au paiement de la somme totale de 100 000 euros allouée au titre des préjudices professionnels » ; que, dans la mesure où le poste incidence professionnelle n'a pas fait l'objet de cassation et où le dispositif susmentionné relatif à l'imputation n'a pas été cassé, il sera considéré que la rente accident du travail a été imputée sur le poste incidence professionnelle ;

Qu'en statuant ainsi alors que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers en ses dispositions relatives à la perte de gains professionnels futurs avait entraîné la cassation par voie de conséquence du chef de dispositif concernant l'imputation de la rente d'accident du travail servie par la caisse sur la somme de 100 000 euros allouée au titre des postes de préjudice professionnels, incluant la perte de gains de professionnels futurs, qui s'y rattachait par un lien de dépendance nécessaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application des articles L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, la Cour de cassation est en mesure, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée dès lors qu'il résulte des articles L. 434-1 et L. 434-2 du code de la sécurité sociale que la rente versée à la victime d'un accident du travail, indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a constaté que la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Altlantique au titre de la rente accident du travail versée pour un montant de 29 799,96 euros avait été déduite du poste incidence professionnelle et condamné la société Groupama Méditerranée à payer à M. U... la somme de 472 813,47 euros au titre de l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs, après déduction de la créance subsistante de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique et de la caisse de la Pro BTP, l'arrêt rendu le 24 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DIT que la créance de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique au titre de la rente accident du travail versée pour un montant de 29 799,96 euros s'imputera sur le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs ;

Condamne la société Groupama Méditerranée à payer à M. U... la somme de 443 013,51 euros, après imputation de la créance des tiers payeurs ;

Condamne la société Groupama Méditerranée aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Groupama Méditerranée et la condamne à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour la société d'assurances Groupama Méditerranée

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé le poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs (PGPF) à la somme de 658.753,95 € et d'AVOIR condamné la société Groupama Méditerranée à payer à M. U... la somme de 472.813,47 € au titre de l'indemnisation de sa perte de perte de gains professionnels futurs, après déduction de la créance subsistante de la CPAM de Loire Atlantique et de la créance de la mutuelle Pro BTP imputables sur ce chef de préjudice ;

AUX MOTIFS QUE, suite à l'arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel de Bordeaux n'est saisie que de la fixation de l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs revenant à M. S... U... ;
Que, sur la détermination de l'indemnité réparant le poste de préjudice de la perte de gains professionnels futurs, l'expert agissant dans le cadre d'une mission d'arbitrage a indiqué que l'état de santé de M. U... « ne contre-indique pas de façon définitive la reprise d'activité professionnelle » ;
Que, néanmoins, M. U... a ultérieurement été licencié pour inaptitude ; que, dans une « fiche d'aptitude médicale » datée du 5 janvier 2011 (pièce 16), le médecin du travail l'ayant examiné conclut à une « inaptitude temporaire » et précise que M. U... « ne peut reprendre son poste ce jour » ; que ce même médecin conclura dans une fiche similaire datée du 18 février 2011 que M. U... est « inapte à son poste de technico-commercial » et il note que celui-ci n'est pas apte à la conduite automobile, au travail isolé et au contact avec la clientèle ; que, néanmoins, peut lui être confié un travail administratif, à domicile, sans contrainte organisationnelle et à temps partiel ; qu'en conséquence, son employeur lui notifiera par un courrier du 12 avril 2011 son licenciement pour inaptitude ;
Que l'ensemble de ces éléments permettent de constater que si M. U... a été jugé apte à reprendre son activité professionnelle, cette aptitude a été notablement diminuée ; que, néanmoins, elle n'a pas pour autant été abolie ;
Qu'en conséquence, M. U... a retrouvé le 1er juin 2011 (soit 3 mois après son licenciement) un emploi de « responsable des ventes » consistant à « gérer une équipe de commerciaux » auprès de la SARL Atlantique Demeures ; que ce travail était rémunéré à hauteur de 3.800 € bruts, soit 3.124,24 € nets ;
Que M. U... conservait une capacité de travailler avec des restrictions importantes et il peut percevoir un tel salaire mensuel ;
Que M. U... a ensuite bénéficié d'arrêts maladie imputables à des cervicalgies et à des douleurs au poignet ; que ces arrêts maladie (pièce 17) couvrent la période du 27 septembre 2012 au 8 mars 2013 ; qu'à cette date, M. U... avait recouvré l'aptitude au travail ;
Qu'il a été licencié pour motif économique le 12 novembre 2012 ;
Qu'ainsi, malgré le licenciement économique, M. U... était apte à retrouver un travail répondant aux contraintes évoquées par le médecin dans les fiches d'aptitude médicales mentionnées ci-dessus, ce qui correspondait au travail pour lequel il a été licencié pour motif économique ; que le bénéfice de l'aide au retour à l'emploi servi par l'organisme Pôle Emploi témoigne de cette aptitude ;
Qu'en conséquence, son préjudice résultant des conséquences dommageables de l'accident et portant sur la perte de gains professionnels futurs correspond à la rémunération qu'il aurait dû percevoir au titre de l'emploi pour lequel il a été licencié pour inaptitude, diminuée de la rémunération qu'il peut percevoir au titre d'un emploi adapté à son état de santé, cette rémunération correspondant à celle dont il bénéficiait au titre de l'emploi pour lequel il a été licencié pour motif économique ;
Qu'aucun élément ne justifie de considérer son licenciement pour motif économique comme étant lié aux séquelles de l'accident en cause ;
Que la liquidation de la somme à allouer à M. U... pour indemniser la perte de gains professionnels futurs nécessite donc de calculer d'abord la rémunération à laquelle il aurait eu le droit dans son premier emploi puis celle dont il bénéficiait dans son second emploi, afin de connaître la perte de revenus subie ;
Que, quant à la détermination des revenus dont bénéficiait M. U... au titre de son contrat avec la société Design Habitat, M. U... était cadre commercial et bénéficiait d'une rémunération fixe à hauteur de 1.500 € bruts ; qu'il bénéficiait par ailleurs d'une rémunération variable constituée de commissions à hauteur de 2,5% sur les opérations commerciales dont il était le vecteur (pièce 36) ; que ces commissions étaient versées en deux temps, la moitié à la signature de la commande, l'autre à l'ouverture du chantier ;
Que M. U... était commercial pour la société Atlantique Demeures et avait été recruté en novembre 2007 par la société Design Habitat ; que les entreprises Design Habitat et Atlantiques Demeures sont des entreprises commercialisant la construction de maisons ; que ces opérations de vente sont des opérations nécessitant un travail de prospection et de relations s'incluant dans des cycles longs ;
Qu'au titre de son contrat de travail, M. U... percevait la partie variable de sa rémunération en deux temps, la première moitié à la signature du bon de commande, la seconde au début des travaux ; que dès lors la partie variable de sa rémunération en tant que commercial s'acquérait dans le temps du fait du délai pouvant s'écouler entre la commande et le début des travaux ; qu'il n'est pas possible de considérer que les rémunérations dont a bénéficié M. U... entre novembre 2007 et la date de l'accident (7 mois) sont représentatives de ses revenus du fait qu'il n'a pas pu percevoir la totalité des sommes relatives aux chantiers obtenus mais non encore commencés ; qu'en conséquence, et en considérant la similitude d'activité avant et après novembre 2007, le revenu de référence sera constitué de la moyenne annuelle des revenus nets pour les années 2006 et 2007 ; que les avis d'imposition (pièce 14) produits par M. U... font état de revenus annuels nets de 86.137 € pour 2006 et 72.178 € pour 2007 soit une moyenne annuelle de 79.157,50 € ;
Que, dans tous les cas M. U... ne bénéficie plus d'une voiture de fonction du fait qu'il ne peut se consacrer qu'à des activités sédentaires ;
Qu'il ne bénéficie ainsi plus de l'avantage en nature que constitue la jouissance d'une voiture de fonction y compris l'assurance auto ; que ce préjudice est estimé à 20.000 € annuels ;
Que cela porte la rémunération annuelle à laquelle il pouvait prétendre, avantages inclus, à 99.157,50 € ;
Que, dans le cadre du travail repris après l'accident, M. U... a perçu au titre de son contrat avec la société Atlantique Demeures une rémunération de 2.707,93 € mensuels nets (pièce 42 : 18.955,56 € sur 7 mois) soit un salaire annuel de 32.495,16 € annuels nets ;
Que, quant au calcul de l'indemnité réparant la baisse de salaire :
Qu'en conséquence, la perte annuelle subie par M. U... est de 99.157,50 € - 32.495,16 € soit 66.662,34 €.
Que M. U... sollicite, dans le cadre de son calcul subsidiaire, qui est proche de celui que la cour adopte, que le point s'établisse à 7,4544 à compter des pertes de 2013, après évaluation des pertes antérieures ;
Que, néanmoins, dans la mesure où l'indemnisation du préjudice doit être évaluée au jour où elle statue, la cour distinguera les pertes échues et les pertes à échoir, l'imputation des indemnités, pension ou rente perçues par M. U... étant effectuée ultérieurement ;
Qu'au titre des pertes échues, il s'est écoulé, entre la consolidation intervenue au 3 janvier 2011 et la date de la présente décision du 24 avril 2018, un total de 2.668 jours ; qu'en considérant que le revenu de référence est de 66.662,34 € annuels, soit 182,64 € journaliers, le préjudice échu s'établit à 487.283,52 € ;
Qu'au titre des préjudices à échoir, la capitalisation doit être effectuée sur la base de la méthode et du calcul qui apparaissent les mieux appropriés, la cour ne faisant ainsi qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement les modalités de réparation des préjudices ; qu'en l'espèce, il convient de se fonder sur le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais de 2018, qui tient compte de l'évolution de l'espérance de vie, ainsi que des données financières, monétaires et économiques les plus proches de la réalité ; que M. U... a aujourd'hui 60 ans et il y a lieu de retenir un euro de rente pour un homme de 60 ans et jusqu'à 62 ans, soit 1,954, ce qui porte l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs à échoir à 130.258,21 € ;
Qu'au total, la perte de revenus issue de la perte de salaires futurs s'élève à 617 541,73 € ;
Que, quant à l'indemnisation de la perte de droits à la retraite, lors de l'accident, M. U... était à 12 ans de la retraite ; qu'en n'ayant pas pu poursuivre sa carrière, ses droits à la retraite seront minorés ;
Que, même s'il en avait fait la demande, la cour d'appel de Poitiers, dans son arrêt du 25 mars 2015, n'a pas indemnisé ce préjudice au titre de l'incidence professionnelle, puisqu'elle a limité l'indemnisation de ce poste à l'indemnisation de la dévalorisation sur le marché du travail, étant précisé qu'elle n'a néanmoins pas rejeté la perte de droits à la dans la cadre du calcul de l'incidence professionnelle ;
Que, dans la mesure où la perte de droits à la retraite n'a pas été indemnisée et où elle traduit une perte de gains consécutifs à la réduction de l'activité professionnelle, elle sera indemnisée dans le cadre de l'indemnisation de la perte gains professionnels futurs, en étant rajoutée à la perte de revenus ;
Que cette demande n'est en toute hypothèse pas une demande nouvelle en ce qu'elle est intégrée au poste perte de gains professionnels futurs ;
Que, du fait qu'il est possible pour M. U... de continuer à travailler, il est nécessaire d'estimer ses droits à la retraite avec un revenu de 32.495,16 € annuels nets pour les comparer avec le montant de la retraite dont il aurait bénéficié s'il avait continué de percevoir un revenu annuel de 79.157,50 € ;
Que M. U... verse deux décomptes de l'assurance retraite ; que le premier (pièce 89) liquide la retraite qu'il va percevoir en prenant en compte l'activité qu'il a eue depuis 2008 et en supposant qu'à compter de 2007 celui-ci ne travaillera pas ; que le second (pièce 90) liquide la retraite en simulant une poursuite de carrière au sein de la société pour laquelle il a été licencié pour inaptitude ;
Qu'il est ainsi établi qu'il bénéficiera d'une retraite à hauteur de 1.245,09 € mensuels (soit 14.941,08 € annuels) alors qu'il aurait pu bénéficier d'une retraite à 1.547,45 € mensuels (soit 18 ;569,40 € annuels) ;
Qu'il est établi que M. U... peut travailler et bénéficier d'un revenu mensuel égal à 2.707,93 €, soit 32.495,16 € annuels ; que le premier décompte produit par M. U... n'inclut pas le bénéfice de tels revenus, mis à part ceux effectivement perçus alors qu'il était employé avant d'être licencié pour motif économique ; que, dès lors, cette aptitude en ce qu'elle aurait permis à M. U... de percevoir des revenus et donc d'augmenter le montant de sa retraite, doit être prise en compte ;
Que la perte de droits à la retraite sera égale dès lors au pourcentage (soit 58,95 %) que représente la perte de revenus calculée sur la base des revenus dont il peut bénéficier (32.495,16 €) par rapport au revenu dont il aurait pu bénéficier sans l'accident (79.157,5€), appliqué à la différence entre la retraite dont il aurait pu bénéficier (14.941,08 € annuels) et celle dont il bénéficiera (18.569,4 € annuels).
Que, dès lors, la perte annuelle de retraite imputable à l'accident s'élève à 0,5895 x (18.569,4 - 14 941,08) soit 2.138,89 € ;
Que cette perte doit être capitalisée dans les mêmes conditions que précédemment ; que, néanmoins, eu égard à la nature de la perte, il y a lieu de la capitaliser en se fondant sur un euro de rente viager pour une personne de 62 ans au moment de la retraite, soit en affectant l'euro de rente d'un coefficient de 19,268 ; que cela porte l'indemnisation à 41.212,22 € ;
Qu'au total le poste de perte de gains professionnels futurs est fixé à 658.753,95 € ;

1°) ALORS QUE l'incidence professionnelle, qui répare la dévalorisation sur le marché du travail, vient compléter celle déjà obtenue par la victime au titre du poste « pertes de gains professionnels futurs », sans pour autant aboutir à une double indemnisation du même préjudice ; qu'en constatant que, par l'arrêt du 25 mars 2015 en ses dispositions devenues irrévocables, M. U... avait été indemnisé au titre de l'incidence professionnelle, tout en allouant à ce dernier au titre de la perte de gains professionnels futurs, le montant exact de la rémunération qu'il touchait avant l'accident jusqu'à la date de sa retraite, la cour d'appel a indemnisé deux fois le même préjudice et, partant, violé le principe de réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

2°) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale exclut que la victime puisse obtenir un gain par suite de l'accident ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée, s'agissant de la perte de gains professionnels futurs, sur « le revenu de référence (
) constitué de la moyenne annuelle des revenus nets pour les années 2006 et 2007 », tout en constatant que la victime avait été licenciée pour motif économique, sans lien avec l'accident, le 12 novembre 2012, par le même employeur que celui pour lequel il travaillait avant novembre 2007 ; qu'en allouant à M. U... une somme compensant intégralement la perte de ce revenu de référence à compter de la date de l'accident jusqu'à la date de sa retraite, tout en constatant la perte de gains professionnels futurs n'avait pas un caractère certain, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

3°) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale exclut que la victime puisse obtenir un gain par suite de l'accident ; qu'en se bornant à retenir, « dans le cadre du travail repris après l'accident », un salaire annuel de 32.495,16 €, en se fondant sur les seules sept fiches de paie versées par M. U... aux débats, sans rechercher comme elle y était invitée, quelle avait été sa rémunération du mois de décembre 2011 à la date de son licenciement économique, soit le 12 novembre 2012, dès lors que l'avis d'imposition pour l'année 2012 faisait apparaître à la rubrique des salaires et autres revenus salariaux, une somme totale de 58.067 €, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard du principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime ;

4°) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale exclut que la victime puisse obtenir un gain par suite de l'accident ; que le bénéfice d'une voiture de fonction est un avantage en nature mentionné dans la déclaration fiscale ; qu'en se fondant, pour retenir un revenu de référence 99.157,50 €, sur les avis d'imposition 2006 et 2007, soit une moyenne annuelle de 79.157,50 € et en ajoutant à cette moyenne l'avantage en nature que constitue la jouissance d'une voiture de fonction y compris l'assurance auto », qu'elle a évalué à 20.000 €, quand cet avantage était déjà compris dans la déclaration des revenus 2006 et 2007, la cour a indemnisé deux fois le même préjudice et violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, sans perte ni profit pour la victime.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR fixé le poste de préjudice de perte de gains professionnels futurs (PGPF) à la somme de 658.753,95 € et, d'AVOIR condamné la société Groupama Méditerranée à payer à M. U... la somme de 472.813,47 € au titre de l'indemnisation de sa perte de perte de gains professionnels futurs, après déduction de la créance subsistante de la CPAM de Loire Atlantique et de la créance de la mutuelle Pro BTP imputables sur ce chef de préjudice.

AUX MOTIFS QUE, sur l'imputation des créances des tiers payeurs et détermination de l'indemnité complémentaire : la créance de la CPAM de la Gironde ressortant des pièces 86 et 87 de M. U... comporte les sommes de :
- 138.041,94 € au titre des indemnités journalières versées entre le 19 juin 2008 et le 3 novembre 2011, ·
- 854,99 € (arrérages échus du 4 janvier 2011 au 15 mai 2011) et 28.944,97 € (capital de la rente) au titre d'une rente accident du travail, soit un total de 29.799,96 € ;
- 128.830,80 € au titre d'une pension d'invalidité dont 64.078,53 d'arrérages échus du 1er décembre 2013 au 31 août 2017 et 64.752,27 € de capital ;
Que les indemnités journalières n'ont pas lieu d'être déduites du poste de préjudice PGPF car il s'agit d'indemnités versées pour une période antérieure à la consolidation ;
Que si la seconde notification de débours (pièce 87 U...) est intitulée « notification des débours relative à la pension d'invalidité non en rapport avec le RCT », intitulé pouvant faire penser qu'elle n'est pas en lien avec les conséquences dommageables de l'accident, cette pension vise à compenser l'invalidité liée à l'accident de la circulation dont a été victime M. U... et ce dernier a lui-même déduit cette pension des sommes devant lui revenir dans ses conclusions ;
Que la pension d'invalidité sera déduite pour 128.830,80 € des sommes devant revenir à M. U... sur le poste « perte de gains professionnels futurs » ;
Que, s'agissant de la rente accident du travail, la cour d'appel de Poitiers a indiqué dans son dispositif :
« Dit que la somme de 29.799,96 € versée par l'assurance maladie de la Loire Atlantique viendra en déduction de la condamnation au paiement de la somme totale de 100.000 € allouée au titre des préjudices professionnels » ;
Qu'elle a alloué 50.000 € au titre de l'incidence professionnelle et 50.000 € au titre de la perte de gains professionnels futurs ;
Que, dans la mesure où le poste incidence professionnelle n'a pas fait l'objet de cassation et où le dispositif susmentionné relatif à l'imputation n'est pas cassé, il sera considéré que la rente accident du travail a été imputée sur le poste incidence professionnelle ;
Qu'il n'y a dès lors pas lieu de l'imputer à nouveau sur le poste « PGPF » ;
Qu'au total, la créance de la CPAM de Loire Atlantique à imputer sur ce poste s'élève à 128.830,80 € ;
Que M. U... a bénéficié d'indemnités servies par la société PRO Btp/prévoyance ; que cette indemnité vise à compenser son invalidité ;
qu'il a ainsi perçu en 2014 : 8.022,01 €, en 2015 : 8.076,12 €, en 2016 : 8.099,64 € et en 2017, jusqu'au 2 octobre 2017 : 7297,86 € ; que, de plus, Pro Btp précise dans son courrier du 4 octobre 2017 (pièce 88 de M. U...) que le capital représentatif de la rente invalidité à échoir est de 25.614,05 euros, ce qui porte sa créance à 57.109,68 € ;
Que cette somme versée après consolidation s'imputera en totalité sur le poste PGPF ;
Que les indemnités versées au titre de l'assurance chômage, qui n'ont pas de caractère indemnitaire, n'ont pas lieu d'être imputées sur la créance d'indemnisation à devoir à M. U... ;
Que la créance des organismes sociaux s'élève à 185.940,48 € ;
Que, dès lors, déduction faite de la créance des organismes sociaux, la société Groupama Méditerranée sera condamnée à payer à M. U... au titre de la perte des gains professionnels actuels la somme de 472.813,47 € ;

ALORS QUE par application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée du chef des dispositions de l'arrêt relatives à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs entraîne l'annulation, par voie de conséquence, du chef de dispositif concernant la condamnation prononcée au profit du tiers payeur au titre des prestations indemnisant ce poste de préjudice, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cour de renvoi a affirmé que le chef du dispositif relatif à l'imputation, selon lequel « la somme de 29.799,96 € versée par l'assurance maladie de la Loire Atlantique viendra en déduction de la condamnation au paiement de la somme de 100.000 € allouée au titre des préjudices professionnels » n'avait pas été cassé, de même que le poste incidence professionnelle, pour retenir que « la rente accident du travail a été imputée sur le poste incidence professionnelle », quand l'imputation de la créance de la caisse d'assurance maladie de la rente accident du travail sur les postes de préjudices professionnels, comprenant le poste incidence professionnelle et le poste perte de gains professionnels futurs, avait nécessairement été cassé par voie de conséquence de la censure prononcée du chef de dispositif relatif au poste perte de gains professionnels futurs ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour a violé l'article 624 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-18779
Date de la décision : 16/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 24 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 16 jan. 2020, pourvoi n°18-18779


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.18779
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