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15/01/2020 | FRANCE | N°19-12348

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 janvier 2020, 19-12348


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 44 F-P+B+I

Pourvoi n° Q 19-12.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2020

Mme N... R... O..., épouse S..., domiciliée [...], a formé le pour

voi n° Q 19-12.348 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 15 janvier 2020

Rejet

Mme BATUT, président

Arrêt n° 44 F-P+B+I

Pourvoi n° Q 19-12.348

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JANVIER 2020

Mme N... R... O..., épouse S..., domiciliée [...], a formé le pourvoi n° Q 19-12.348 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2018 par la cour d'appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme X... S..., domiciliée [...],

2°/ à M. M... S..., domicilié [...],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [...],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de Mme O..., de la SARL Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, avocat de Mme X... S..., de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de M. M... S..., après débats en l'audience publique du 3 décembre 2019 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre.

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 2018), les 2 juillet et 28 août 2015, Mme O... a assigné Mme X... S..., née le [...] à Adzopé (Côte d'Ivoire), et M. M... S..., né le [...] à Adzopé (les consorts S...) devant le tribunal de grande instance de Paris pour voir juger qu'elle n'est pas leur mère et, avant dire droit, ordonner une expertise biologique afin d'établir l'absence de lien de filiation.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

3. Mme O... fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action en contestation de maternité alors :

« 1°/ que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'action en contestation de maternité ne peut être opposée que si celui qui l'exerce avait connaissance du titre dont se prévalaient ses adversaires pour prétendre être ses enfants ; que, pour déclarer Mme O... irrecevable en sa contestation de la maternité des consorts S..., la cour d'appel énonce que le délai de cinq ans prévu par l'article 333 du code civil était expiré lorsqu'elle avait engagé son action par actes délivrés les 2 juillet et 28 août 2015, dès lors que les consorts S... justifiaient d'une possession d'état conforme aux actes de naissance qu'ils produisaient ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitait Mme O..., la date à laquelle elle avait eu connaissance des titres dont se prévalaient les consorts S..., et à laquelle elle pouvait ainsi agir en contestation du lien de filiation que ces actes établissaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 333 du code civil, ensemble l'article 2234 du code civil et la règle « contra non valentem agere non currit praescriptio » ;

2°/ qu'en toute hypothèse, Mme O... soutenait, dans ses conclusions, que le jugement de divorce du 10 décembre 1982, dont se prévalaient les consorts S..., était un faux et elle mettait en exergue les nombreuses erreurs et incohérences contenues dans ce jugement, telles l'erreur sur sa date et son lieu de naissance, l'erreur sur le régime matrimonial des époux, la mention erronée de ce que J... S..., née en 1961, serait sa fille, quand elle-même n'avait que 12 ans à cette date ; que, pour retenir une possession d'état des consorts S... conforme à leurs titres et déclarer Mme O... irrecevable en sa contestation de la maternité des consorts S..., la cour d'appel se fonde sur les énonciations de ce jugement, après avoir considéré que Mme O... soutenait que le jugement de divorce du 10 décembre 1982 serait un faux, que celui-ci se référait pourtant à un jugement avant dire droit du 17 mars 1980 qui avait constaté la non-conciliation des époux, ordonné la résidence séparée et la remise des effets personnels, que les intimés produisaient également, et que l'appelante ne produisait de son côté aucun jugement de divorce ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur les nombreuses erreurs et incohérences contenues dans ce jugement, qui étaient de nature à établir que ce jugement était un faux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 333 du code civil ;

3°/ que, très subsidiairement, l'aveu fait au cours d'une instance précédente, même opposant les mêmes parties, n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit pas les effets ; que, pour déclarer Mme O... irrecevable en sa contestation de la maternité des consorts S..., la cour d'appel énonce que les consorts S... justifient d'une possession d'état d'enfant de Mme O... d'au moins cinq années par la production d'une expédition certifiée conforme datée du 12 septembre 2018, du jugement de divorce de Mme N... R... O... et de M. G... K... S..., rendu le 10 décembre 1982 par le tribunal de première instance d'Abidjan et que, selon les termes de ce jugement, Mme O... a exposé que de son union avec M. G... K... S... sont nés trois enfants J..., X... et M... S..., faisant ainsi l'aveu en justice d'être la mère des enfants, et a demandé la garde des deux derniers, X... et M..., qui lui a été accordée ; qu'en statuant ainsi, quand les déclarations faites au cours d'une instance précédente en divorce portée devant le juge ivoirien n'avaient pas le caractère d'un aveu judiciaire et ne pouvaient en produire les effets, la cour d'appel a violé l'article 1356, devenu 1383-2 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. En premier lieu, selon l'article 333, alinéa 2, du code civil, nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement.

5. Selon l'article 2234 du même code, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

6. Le premier de ces textes édicte un délai de forclusion (1re Civ., 1er février 2017, pourvoi n° 15-27.245, Bull. 2017, I, n° 35), qui n'est pas susceptible de suspension en application du second, lequel ne vise que les délais de prescription. Il résulte en effet de l'article 2220 du code civil que les délais de forclusion ne sont pas régis par le titre XXe du livre III du code civil sur la prescription extinctive, sauf dispositions légales contraires.

7. La cour d'appel, qui a fait application de l'article 333, alinéa 2, n'était donc pas tenue de s'interroger sur une éventuelle impossibilité d'agir de Mme O..., par suite d'un empêchement.

8. En second lieu, la cour d'appel, après avoir relevé que Mme O... ne rapportait pas la preuve que le jugement de divorce du 10 décembre 1982 était faux, a souverainement estimé, sans être tenue de suivre celle-ci dans le détail de son argumentation, qu'il résultait de l'ensemble des éléments soumis à son examen que l'intéressée avait traité les consorts S... comme ses enfants et qu'ils s'étaient comportés comme tels, qu'elle avait pourvu à leur éducation et à leur entretien, qu'ils étaient reconnus par la société et par la famille comme ses enfants, qu'ils étaient considérés comme tels par l'autorité publique, caractérisant ainsi une possession d'état publique, paisible et non équivoque, conforme à leurs titres, d'une durée d'au moins cinq ans.

9. Elle en a exactement déduit que Mme O... était irrecevable en son action en contestation de maternité.

10. Le moyen qui, en sa troisième branche, critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme O... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 2 500 euros à Mme X... S... et celle de 500 euros à M. M... S... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour Mme O...

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré Madame N... O... irrecevable en son action en contestation de maternité ;

AUX MOTIFS QUE « Madame X... S... produit aux débats une copie intégrale de l'acte de naissance n° [...] dressé le 1er décembre 1977, certifiée conforme le 21 août 2014, dont il résulte que le 17 mai 1966 est née à ADZOPE, l'enfant D... X... Z..., de sexe féminin, ayant pour père D... W... G... K... et pour mère O... N... R... ; que Monsieur M... S... produit une copie intégrale d'un acte de naissance n° [...] du 17/12/2010 du registre des actes de l'état civil pour l'année 2010, certifiée conforme le 1er septembre 2015, dont il résulte qu'est né le [...] à ADZOPE, M..., I... S... de sexe masculin ayant pour père D... G... K... et pour mère O... N... R... né en 1949, avec la précision que l'acte de naissance n° [...] du 1er décembre 1977 a été retranscrit sur les registres de l'année 2010 en cours, suivant ordonnance rendue le 17 février 2010 par le président du tribunal d'ADZOPE, qui a constaté que la preuve était apportée que la déclaration de naissance avait été faite mais que la transcription de l'acte avait été omise ; [
] que Madame X... S... et Monsieur M... S... opposent alors à la demande de Madame O... l'irrecevabilité de sa demande, en premier lieu à raison des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 333, à tout le moins au titre de la prescription de l'action résultant de l'alinéa 1er du même article, créé par l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 et entré en vigueur le 1er juillet 2006, qui dispose que « Lorsque la possession d'état est conforme au titre, seuls peuvent agir l'enfant, l'un de ses père et mère ou celui qui se prétend le parent véritable. L'action se prescrit par cinq ans à compter du jour où la possession d'état a cessé ou du décès du parent dont le lien de filiation est contesté. / Nul, à l'exception du ministère public, ne peut contester la filiation lorsque la possession d'état conforme au titre a duré au moins cinq ans depuis la naissance ou la reconnaissance, si elle a été faite ultérieurement » ; que sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, les dispositions de l'article 333 du code civil sont applicables aux enfants nés avant le 1er juillet 2006 en application de l'article 20 de l'ordonnance du 4 juillet 2005 ; que le délai de cinq ans de l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil court à compter du 1er juillet 2006 ; qu'il appartient aux intimés qui invoquent la fin de non-recevoir de l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil d'établir qu'ils bénéficient d'une possession d'état conforme au titre, qui a duré au moins cinq ans depuis leur naissance ; que la filiation maternelle se prouve, à l'égard de la mère, par désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant en application de l'article 311-25 du code civil ; que Madame O... est désignée comme la mère de Madame X... S... née le [...] , tant par la copie intégrale de l'acte de naissance n° [...] du 1er décembre 1977 que dans l'acte de naissance établi le 4 août 1995 par le service central de l'état civil de NANTES à la suite de la naturalisation de cette dernière par décret le 4 juillet 1995 ; que l'appelante est également désignée comme la mère de Monsieur M... S..., né le [...] , dans l'acte de naissance n° [...] du 17 décembre 2010 ; que les intimés justifient par ailleurs d'une possession d'état d'enfant de Madame O... d'au moins cinq années par la production d'une expédition certifiée conforme datée du 12 septembre 2018, du jugement de divorce de Madame N... R... O... et de Monsieur G... K... S..., rendu le 10 décembre 1982 par le tribunal de première instance d'ABIDJAN, qu'en effet, selon les termes de ce jugement, la demanderesse a exposé que de son union avec D... G... K... sont nés trois enfants J..., X... et M... S..., faisant ainsi l'aveu en justice d'être la mère des enfants, et a demandé la garde des deux derniers, X... et M..., qui lui a été accordée ; que pour conforter cette possession d'état conforme aux titres dont ils se prévalent, les intimés versent aux débats les attestations de Monsieur P... S... né en 1954 et de Madame H... S... épouse A..., née en 1956, enfants nés d'une précédente union de Monsieur S... G... K... qui témoignent de ce qu'à compter de 1972 ou 1973 et jusqu'au divorce de leur père d'avec Madame O..., celle-ci a élevé Madame X... S... et Monsieur M... S... en se comportant à leur égard comme leur mère, ainsi que l'attestation de Madame B..., née en 1960, dont Madame O... était la tutrice qui précise que celle-ci vivait avec son époux et ses enfants J..., X... et M... à ADZOPE, dans les années 1976-1978 ; que Madame X... S... produit également les messages courts adressés à Madame O... dans lesquels elle l'appelle "maman" et de nombreux courriers qui témoignent de ce qu'elle est considérée comme la fille de l'appelante par ses correspondants ; que Monsieur M... S... produit une attestation d'identité émanant de l'Ambassade de CÔTE D'IVOIRE en FRANCE datée du 22 février 2010 dans lequel figure sa filiation à l'égard de Madame O... ainsi que le récépissé de sa demande de carte de séjour daté du 30 mars 2010, sur lequel est mentionné une entrée en FRANCE en juillet 1985 et une demande de renouvellement de son titre de séjour, délivré par le sous-préfet de BOULOGNE-BILLANCOURT, sur lequel figure également sa filiation maternelle ; qu'il est établi que le 2 août 2012, il a adressé un courrier à Madame O... commençant par "Ma chère maman" ; que Madame O... soutient que le jugement de divorce du 10 décembre 1982 serait un faux ; que celui-ci se réfère pourtant à un jugement avant dire droit du 17 mars 1980 qui a constaté la non-conciliation des époux, ordonné la résidence séparée et la remise des effets personnels, que les intimés produisent également ; que l'appelante ne produit de son côté aucun jugement de divorce et que se prévalant d'une expédition d'un jugement avant dire droit du 23 juin 1980, portant le n° [...], supposé être afférent à la non-conciliation des époux O... S..., les intimés versent aux débats une attestation délivrée le 7 juin 2018 par le greffier du tribunal dont il ressort que le jugement portant le n° [...] du 23 juin 1980 concerne en réalité d'autres époux ; qu'en outre, est produit aux débats un courrier émanant de Madame O..., daté du 15 mai 1994, envoyé à Madame J... S..., signé "ta maman" et adressé à "ma chère fille J..." qui vient confirmer que l'appelante à cette date reconnaissait comme sa fille, J..., figurant dans le jugement de divorce du 10 décembre 1982, comme les intimés, alors qu'elle affirme désormais le contraire ; que Madame O..., qui ne peut sérieusement contester avoir eu connaissance de la possession d'état des intimés à son égard, compte tenu des termes du jugement de divorce, ne produit aucune pièce qui viendrait démontrer qu'elle a, antérieurement à l'introduction de la présente instance, combattu cette possession d'état en informant les intimés qu'elle n'était pas leur mère, que ce n'est que dans le cadre de la présente instance qu'elle a produit le certificat médical daté du 10 novembre 2016 qui précise qu'elle n'a jamais eu d'enfant ainsi que les actes de naissance établis au BENIN supposés démontrer la réalité d'une filiation établie à l'égard d'une autre mère ; que dès lors Madame X... S... et Monsieur M... S... justifient que Madame O... les a traités comme ses enfants et qu'ils se sont comportés comme tels, qu'elle a pourvu à leur éducation et à leur entretien, qu'ils sont reconnus par la société et par la famille comme ses enfants, qu'ils sont considérés comme tels par l'autorité publique, caractérisant ainsi une possession d'état d'enfant de Madame O..., publique, paisible et non équivoque, conforme à leurs titres, d'une durée d'au moins cinq ans depuis leur naissance ; que le délai de cinq ans prévu par l'alinéa 2 de l'article 333 du code civil était expiré lorsque Madame O... a engagé son action par actes délivrés les 2 juillet et 28 août 2015 ; que cette fin de non-recevoir à toute demande en contestation est opposable "erga omnes" à l'exception du ministère public et que l'appelante doit en conséquence être déclarée irrecevable en toutes ses demandes à l'encontre de Madame X... S... et Monsieur M... S... » (arrêt pp. 4 à 7) ;

ALORS QUE 1°), la filiation est établie, à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance de l'enfant ; que, tant qu'elle n'a pas été contestée en justice, la filiation légalement établie fait obstacle à l'établissement d'une autre filiation qui la contredirait ; que Madame O... produisait régulièrement aux débats les actes de naissance de Madame X... S..., daté du 18 mai 1966 (pièce produite en appel n° 12), et de Monsieur M... S..., daté du 27 mai 1968 (pièce produite en appel n° 13), établis chacun le lendemain de leur naissance par les autorités de COTONOU au BENIN, et mentionnant leur filiation avec Madame C... F... ; que, pour déclarer Madame O... irrecevable en sa contestation de la maternité des consorts S..., la cour d'appel se borne à affirmer que ceux-ci justifiaient d'une possession d'état conforme aux actes de naissance qu'ils produisaient, et que ce n'était que dans le cadre de la présente instance que Madame O... avait produit les actes de naissance établis au BENIN supposés démontrer la réalité d'une filiation établie à l'égard d'une autre mère ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, en l'état des actes de naissance originels de 1966 et 1968 produits par Madame O..., qui étaient antérieurs aux actes de naissance produits par les consorts S..., la filiation de ceux-ci avec Madame C... F... était légalement établie, de sorte qu'ils ne justifiaient pas d'une possession d'état conforme à leur titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 311-25 et 320 du code civil, ensemble l'article 333 du code civil ;

ALORS QUE 2°), subsidiairement, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'action en contestation de maternité ne peut être opposée que si celui qui l'exerce avait connaissance du titre dont se prévalaient ses adversaires pour prétendre être ses enfants ; que, pour déclarer Madame O... irrecevable en sa contestation de la maternité des consorts S..., la cour d'appel énonce que le délai de cinq ans prévu par l'article 333 du code civil était expiré lorsqu'elle avait engagé son action par actes délivrés les 2 juillet et 28 août 2015, dès lors que les consorts S... justifiaient d'une possession d'état conforme aux actes de naissance qu'ils produisaient ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, ainsi que l'y invitait Madame O... (conclusions, p. 10), la date à laquelle elle avait eu connaissance des titres dont se prévalaient les consorts S..., et à laquelle elle pouvait ainsi agir en contestation du lien de filiation que ces actes établissaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 333 du code civil, ensemble l'article 2234 du code civil et la règle « contra non valentem agere non currit praescriptio » ;

ALORS QUE 3°), en toute hypothèse, Madame O... soutenait, dans ses conclusions (p. 5), que le jugement de divorce du 10 décembre 1982, dont se prévalaient les consorts S..., était un faux et elle mettait en exergue les nombreuses erreurs et incohérences contenues dans ce jugement, telles l'erreur sur sa date et son lieu de naissance, l'erreur sur le régime matrimonial des époux, la mention erronée de ce que J... S..., née en 1961, serait sa fille, quand elle-même n'avait que 12 ans à cette date ; que, pour retenir une possession d'état des consorts S... conforme à leurs titres et déclarer Madame O... irrecevable en sa contestation de la maternité des consorts S..., la cour d'appel se fonde sur les énonciations de ce jugement, après avoir considéré que Madame O... soutenait que le jugement de divorce du 10 décembre 1982 serait un faux, que celui-ci se référait pourtant à un jugement avant dire droit du 17 mars 1980 qui avait constaté la non-conciliation des époux, ordonné la résidence séparée et la remise des effets personnels, que les intimés produisaient également, et que l'appelante ne produisait de son côté aucun jugement de divorce ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur les nombreuses erreurs et incohérences contenues dans ce jugement, qui étaient de nature à établir que ce jugement était un faux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 333 du code civil ;

ALORS QUE 4°), très subsidiairement, l'aveu fait au cours d'une instance précédente, même opposant les mêmes parties, n'a pas le caractère d'un aveu judiciaire et n'en produit pas les effets ; que, pour déclarer Madame O... irrecevable en sa contestation de la maternité des consorts S..., la cour d'appel énonce que les consorts S... justifient d'une possession d'état d'enfant de Madame O... d'au moins cinq années par la production d'une expédition certifiée conforme datée du 12 septembre 2018, du jugement de divorce de Madame N... R... O... et de Monsieur G... K... S..., rendu le 10 décembre 1982 par le tribunal de première instance d'ABIDJAN et que, selon les termes de ce jugement, Madame O... a exposé que de son union avec D... G... K... sont nés trois enfants J..., X... et M... S..., faisant ainsi l'aveu en justice d'être la mère des enfants, et a demandé la garde des deux derniers, X... et M..., qui lui a été accordée ; qu'en statuant ainsi, quand les déclarations faites au cours d'une instance précédente en divorce portée devant le juge ivoirien n'avaient pas le caractère d'un aveu judiciaire et ne pouvaient en produire les effets, la cour d'appel a violé l'article 1356, devenu 1383-2 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-12348
Date de la décision : 15/01/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

FILIATION - Actions relatives à la filiation - Actions en contestation de la filiation - Délai de forclusion - Interruption ou suspension - Suspension en raison d'une impossibilité d'agir - Possibilité (non)

L'article 333, alinéa 2, du code civil édicte un délai de forclusion, qui n'est pas susceptible de suspension en application de l'article 2234 du même code, lequel ne vise que les délais de prescription


Références :

articles 333, alinéa 2, et 2234 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 18 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 jan. 2020, pourvoi n°19-12348, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Marlange et de La Burgade, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.12348
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