LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Créteil, 27 mars 2018), prononcé en dernier ressort, que la société Maintenance véhicules industriels (la société MVI), comme d'autres filiales du groupe auquel elle appartient, a recouru aux services de la société In Extenso Secag (la société In Extenso), qui exerce l'activité d'expert-comptable ; qu'elle lui a, par lettre de mission du 19 septembre 2008, confié la mission de tenue et de révision des comptes annuels pour une durée d'un an, renouvelable chaque année par tacite reconduction, sauf dénonciation trois mois avant la date de clôture de l'exercice, toute interruption de mission en cours devant, sauf dans le cas de faute grave de la société In Extenso, être précédée d'une notification un mois avant la date de cessation et être assortie du paiement des honoraires dus pour le travail déjà effectué, augmentés d'une indemnité égale à 25 % des honoraires convenus pour l'exercice en cours ; que par une lettre du 10 septembre 2015, le groupe auquel appartient la société MVI a informé la société In Extenso que, pour l'ensemble de ses filiales, sa mission prendrait fin après la réalisation des travaux à effectuer sur les comptes de l'exercice 2014 ; que la société MVI ayant refusé de payer l'indemnité de rupture que lui demandait la société In Extenso, celle-ci a obtenu une ordonnance d'injonction de payer cette somme ; que la société MVI a formé opposition à cette ordonnance et demandé, à titre reconventionnel, le remboursement des frais de déplacement et de débours qu'elle avait réglés à la société In Extenso ;
Attendu que la société In Extenso fait grief au jugement attaqué de dire recevable et bien fondée en son opposition la société MVI et de rejeter sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle de résiliation anticipée alors, selon le moyen :
1°/ que le contrat prévoyait sa reconduction à l'issue de la période initiale sauf dénonciation trois mois avant la clôture de l'exercice commençant le 1er janvier et se terminant le 31 décembre de chaque année (article 3, alinéa 1er des conditions spécifiques) ; qu'en affirmant que la lettre du 10 septembre 2015, par laquelle la société MVI avait procédé à la résiliation de la mission comptable de la société In Extenso « à compter de l'exercice commençant le 1er janvier 2015 », avait fait obstacle au renouvellement pour l'année 2015, quand cette lettre adressée en 2015 ne pouvait qu'empêcher le renouvellement du contrat pour l'année 2016, et non le renouvellement du contrat pour l'année 2015 qui s'était déjà produit, le tribunal a violé l'article 1134, devenu 1192 du code civil ;
2°/ que la résiliation d'un contrat met fin à un contrat en cours et le refus de renouvellement fait obstacle à la conclusion d'un nouveau contrat lors du terme d'un précédent contrat ; qu'en affirmant que par leur lettre du 10 septembre 2015, la société MVI avait résilié le contrat qui la liait à la société In Extenso pour l'année 2015 et avait respecté le délai de préavis dans lequel elle pouvait faire obstacle au renouvellement du contrat pour l'année 2015, le tribunal a confondu la résiliation du contrat et l'obstacle au renouvellement du contrat et a violé l'article 1134, devenu 1192 du code civil ;
3°/ que le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en affirmant que la lettre de résiliation du 10 septembre 2015 avait fait obstacle au renouvellement du contrat, quand il lui était demandé de déterminer si l'indemnité contractuelle en cas de rupture anticipée était due, dès lors que par lettre du 10 septembre 2015, la société MVI avait procédé à « la résiliation de la mission comptable » de la société In Extenso « à compter de l'exercice commençant le 1er janvier 2015 » et avait mis fin à la mission de l'expert-comptable en cours durant l'année 2015, et non de déterminer si cette lettre avait fait obstacle au renouvellement du contrat pour l'année suivante, le tribunal a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°/ que le contrat prévoyait qu'en cas de rupture anticipée de la mission de l'expert, le client doit verser « une indemnité de 25 % des honoraires convenus pour l'exercice en cours » ; qu'en rejetant la demande en paiement de l'indemnité formée par la société In Extenso sur le fondement de cette clause, au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve qu'elle avait effectué des travaux portant sur l'exercice 2015, le tribunal a refusé d'appliquer le contrat et a violé l'article 1134, devenu 1192 du code civil ;
5°/ que le contrat prévoyait que la mission de l'expert-comptable comprenait, outre l'établissement des comptes annuels, la gestion du fichier client et le calcul des amortissements, la révision de la comptabilité et la passation d'écritures d'inventaire, l'analyse des marges d'activité et de la formation des résultats, la mise à jour des livres légaux, une mission d'assistance en matière fiscale et une mission de secrétariat juridique ; qu'en affirmant que la mission de l'expert-comptable se limitait à établir les comptes annuels et que sa mission portant sur l'exercice comptable 2015 n'aurait dû être exécutée qu'à compter de l'année 2016, quand il s'évinçait des termes clairs du contrat et de ses propres constatations que l'expert-comptable exerçait une mission continue de tenue et de révision de la comptabilité et d'assistance juridique et fiscale qui ne se limitait donc pas à établir les comptes annuels l'année suivant la clôture de l'exercice, le tribunal a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de mission, en violation de l'article 1134 devenu 1192 du code civil ;
6°/ que l'expert-comptable avait notamment pour mission l'établissement des comptes annuels ; qu'en l'espèce, le tribunal a relevé que l'établissement des comptes annuels d'un exercice s'effectuait au début de l'année suivante ; qu'en déboutant néanmoins la société In Extenso de sa demande de paiement de l'indemnité de résiliation en cas de rupture anticipée de la mission qui lui avait été confiée pour l'année 2015, bien qu'il s'évinçât de ses propres constatations que l'expert-comptable avait effectué sa mission afférente aux comptes annuels de l'exercice 2014 au cours de l'année 2015 et qu'une mission de l'expert-comptable afférente aux comptes annuels 2014 était en cours le 10 septembre 2015, le tribunal a violé l'article 1134, devenu 1192 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la lettre de mission du 19 septembre 2008, que l'ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que le tribunal, sans modifier l'objet du litige, a retenu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la quatrième branche, que la mission de l'expert-comptable, qu'il a qualifiée de mission d'arrêté des comptes annuels, s'était renouvelée d'année en année jusqu'au 31 décembre 2014, que celle qui portait sur l'exercice comptable 2015 aurait dû être exécutée début 2016, ce que démontrent les modalités de paiement des prestations par un acompte en décembre de l'exercice considéré et le solde à la remise des comptes l'année suivante, et que la société MVI, respectant le préavis de trois mois requis pour faire obstacle au renouvellement du contrat par tacite reconduction au titre de l'exercice 2015, n'avait donc pas interrompu l'exécution d'une mission en cours en dénonçant le contrat, à compter de l'exercice commençant le 1er janvier 2015, par lettre du 10 septembre 2015 ; que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société In Extenso Secag aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Maintenance véhicules industriels la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour la société In Extenso Secag
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR dit recevable et bien fondée en son opposition la société Maintenance Véhicules Industriels et d'AVOIR débouté la société In Extenso Secag de sa demande en paiement de l'indemnité contractuelle pour résiliation anticipée dirigée à l'encontre de la société MVI ;
AUX MOTIFS QUE la société IN EXTENSO demande au tribunal de condamner la société MVI à lui payer la somme de 1 031,40 € correspondent à 25% des honoraires prévus pour l'exercice en cours à titre d'indemnité de rupture, suite à la résiliation de sa mission par la société MVI ; qu'il appartient au professionnel de l'expertise comptable d'établir une lettre de mission dans laquelle il définit les termes, les conditions de la mission et les obligations réciproques des parties ; qu'en l'espèce, il ressort de la lettre de mission établie par IN EXTENSO en date du 19 septembre 2008 et invoquée par cette dernière, que celle-ci portait sur les comptes de l'exercice de l'année en cours, commençant le 1er janvier 2008 et se terminant le 31 décembre 2008 ; que selon les conditions spécifiques à la mission annexées à la lettre de mission du 19 septembre 2008, la mission était confiée pour une durée d'un an et renouvelable chaque année par tacite reconduction, sauf dénonciation par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par acte extrajudiciaire, trois mois avant la date de clôture de l'exercice ; qu'il est également prévu que, sauf faute grave, le client ne peut interrompre la mission en cours qu'après avoir informé par LRAR l'expert-comptable un mois avant la date de cessation et sous réserve de lui régler les honoraires dus pour le travail déjà effectué, augmentés d'une indemnité égale à 25% des honoraires convenus pour l'exercice en cours ; qu'il est constant que la lettre de mission du 19 septembre 2008 s'est renouvelée d'année en année jusqu'au 31 décembre 2014 ; que le 10 septembre 2015, soit 3 mois avant la date de clôture de l'exercice comptable 2015, la société MVI a résilié le contrat qui la liait à la société IN EXTENSO ; que la société MVI a donc respecté le préavis prévu dans la lettre de mission et n'a pas renouvelé son engagement au titre de l'exercice 2015 ; que les prestations de la société IN EXTENSO telles que figurant dans sa lettre de mission sont : gestion du fichier client et calcul des amortissements, révision de votre comptabilité et écriture d'inventaire, établissement des comptes annuels, analyse des marges d'activité et de la formation des résultats et mise à jour des livres légaux ainsi qu'une assistance en matière fiscale et le secrétariat juridique ; qu'il en résulte que, compte tenu de sa nature, la mission est une mission d'arrêté des comptes annuels ; que la mission portant sur l'exercice comptable 2015 aurait dû être exécutée début 2016, ce que démontrent les modalités de paiement des prestations, à savoir : acompte en décembre de l'exercice considéré et solde à la remise des comptes, l'année suivante ; que la société IN EXTENSO ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait exécuté des travaux portant sur l'exercice 2015 ; que dès lors, la société IN EXTENSO ne peut valablement soutenir que son client a interrompu l'exécution d'une mission en cours portant sur l'exercice 2015 ; qu'en conséquence, au regard de ce qui précède, le tribunal déboutera la société IN EXTENSO de sa demande en paiement d'une indemnité de résiliation ;
1°) ALORS QUE le contrat prévoyait sa reconduction à l'issue de la période initiale sauf dénonciation trois mois avant la clôture de l'exercice commençant le 1er janvier et se terminant le 31 décembre de chaque année (art. 3, al. 1er des conditions spécifiques) ; qu'en affirmant que la lettre du 10 septembre 2015 par laquelle la société MVI avait procédé à la « résiliation de la mission comptable » de la société In Extenso Secag « à compter de l'exercice commençant le 01/01/2015 » (production n° 3, nous soulignons) avait fait obstacle au renouvellement pour l'année 2015, quand cette lettre adressée en 2015, ne pouvait qu'empêcher le renouvellement du contrat pour l'année 2016, et non le renouvellement du contrat pour l'année 2015 qui s'était déjà produit, le tribunal a violé l'article 1134 du code civil, devenu 1192 du code civil ;
2°) ALORS QU'en toute hypothèse la résiliation d'un contrat met fin à un contrat en cours et le refus de renouvellement fait obstacle à la conclusion d'un nouveau contrat lors du terme d'un précédent contrat ; qu'en affirmant que par sa lettre du 10 septembre 2015 « la société MVI a[vait] résilié le contrat qui la liait à la société In Extenso » pour l'année 2015 et avait respecté le délai de préavis dans lequel elle pouvait faire obstacle au renouvellement du contrat pour l'année 2015 (jugement, p. 7, al. 10), le tribunal a confondu la résiliation du contrat et l'obstacle au renouvellement du contrat et a violé l'article 1134 du code civil, devenu 1192 du code civil ;
3°) ALORS QU'en toute hypothèse le juge ne peut modifier l'objet du litige ; qu'en affirmant que la lettre de résiliation du 10 septembre 2015 avait fait obstacle au renouvellement du contrat, quand il lui était demandé de déterminer si l'indemnité contractuelle en cas de rupture anticipée était due, dès lors que par lettre du 10 septembre 2015 la société MVI avait procédé à « la résiliation de la mission comptable » de la société In Extenso Secag « à compter de l'exercice commençant le 01/01/2015 » (production n° 3, nous soulignons) et avait mis fin à la mission de l'expert-comptable en cours durant l'année 2015, et non de déterminer si cette lettre avait fait obstacle au renouvellement du contrat pour l'année suivante, le tribunal a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE le contrat prévoyait qu'en cas de rupture anticipée de la mission de l'expert le client doit verser « une indemnité de 25 % des honoraires convenus pour l'exercice en cours » (lettre de mission, p. 4, art. 3, al. 2 et 3) ; qu'en rejetant la demande en paiement de l'indemnité formée par la société In Extenso Secag sur le fondement de cette clause, au motif qu'elle ne rapporterait pas la preuve qu'elle aurait effectué des travaux portant sur l'exercice 2015, le tribunal a refusé d'appliquer le contrat et a violé l'article 1134 du code civil, devenu 1192 du même code ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse le contrat prévoyait que la mission de l'expert-comptable comprenait, outre l'établissement des comptes annuels, la gestion du fichier client et le calcul des amortissements, la révision de la comptabilité et la passation d'écritures d'inventaire, l'analyse des marges d'activité et de la formation des résultats, la mise à jour des livres légaux, une mission d'assistance en matière fiscale et une mission de secrétariat juridique (production n° 1, p. 2 et jugement, p. 7, al. 11) ; qu'en affirmant que la mission de l'expert-comptable se limiterait à établir les comptes annuels et que sa mission portant sur l'exercice comptable 2015 n'aurait dû être exécutée qu'à compter de l'année 2016, quand il s'évinçait des termes clairs du contrat et de ses propres constatations (jugement, p. 7, al. 11) que l'expert-comptable exerçait une mission continue de tenue et de révision de la comptabilité et d'assistance juridique et fiscale qui ne se limitait donc pas à établir, l'année suivant la clôture de l'exercice, les comptes annuels, le tribunal a dénaturé les termes clairs et précis de la lettre de mission, en violation de l'article 1134 du code civil, devenu 1192 du même code ;
6°) ALORS QU'en toute hypothèse, l'expert-comptable avait notamment pour mission l'établissement des comptes annuels ; qu'en l'espèce le tribunal a relevé que l'établissement des comptes annuels d'un exercice s'effectuait au début de l'année suivante (jugement, p. 7, al. 12) ; qu'en déboutant néanmoins la société In Extenso Secag de sa demande de paiement de l'indemnité de résiliation en cas de rupture anticipée de sa mission qui lui avait été confiée pour l'année 2015, bien qu'il s'évinçât de ses propres constatations que l'expert-comptable avait effectué sa mission afférente aux comptes annuels de l'exercice 2014 au cours de l'année 2015 et qu'une mission de l'expert-comptable afférente aux comptes annuels 2014 était en cours le 10 septembre 2015, le tribunal a violé l'article 1134 du code civil, devenu 1192 du même code.