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15/01/2020 | FRANCE | N°17-22295

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 janvier 2020, 17-22295


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I. Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mai 2017), la société de droit français Goyard Saint-Honoré (la société Goyard) a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de malles, d'articles de voyage et d'articles de maroquinerie.

2. Sa filiale, la société Goyard Asie-Pacifique, établie à Hong Kong, a, le 1er juillet 2012, conclu avec la société de droit japonais Hankyu Hanshin Department Store (la société Hankyu) un contrat ayant pour objet la d

istribution de ses produits dans un comptoir dédié du grand magasin de cette dernièr...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I. Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 mai 2017), la société de droit français Goyard Saint-Honoré (la société Goyard) a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation de malles, d'articles de voyage et d'articles de maroquinerie.

2. Sa filiale, la société Goyard Asie-Pacifique, établie à Hong Kong, a, le 1er juillet 2012, conclu avec la société de droit japonais Hankyu Hanshin Department Store (la société Hankyu) un contrat ayant pour objet la distribution de ses produits dans un comptoir dédié du grand magasin de cette dernière à Osaka.

3.Les sociétés de droit français Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page Maroquinerie (les sociétés FLP), qui exercent également une activité dans le domaine de la maroquinerie, sous la marque Fauré Le Page, et qui disposent de points de vente à Paris et à Osaka , ont, le 3 septembre 2014, en accord avec la société Hankyu, ouvert dans le même magasin, un comptoir de vente sous l'enseigne Fauré Le Page, situé à proximité de celui de la société Goyard à l'étage des maroquineries de marques prestigieuses.

4. Le 30 septembre 2014, la société Hankyu a informé les sociétés FLP de sa décision de déplacer leur comptoir au rez-de-chaussée du magasin.

5. Reprochant à la société Goyard de s'être rendue coupable d'actes de dénigrement et d'avoir exercé sur la société Hankyu un chantage économique pour obtenir des conditions commerciales manifestement abusives, les sociétés FLP l'ont assignée en réparation de leur préjudice.

II. Examen des moyens

Sur le premier moyen , pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé :

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur ce moyen, pris en sa troisième branche :

Enoncé du moyen

7. La société Goyard Saint-Honoré fait grief à l'arrêt de dire que la loi française doit s'appliquer au litige, de dire, en conséquence, qu'elle s'est rendue coupable de pratique restrictive de concurrence à l'encontre des sociétés FLP, de dire qu'elle a créé un trouble commercial et d'image et s'est rendue coupable de dénigrement à l'encontre des sociétés FLP et de la condamner à leur verser la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral et celle de 250 000 euros au titre du préjudice commercial alors que « dans ses conclusions d'appel, la société Goyard St-Honoré faisait, en particulier, valoir que c'est le marché japonais qui est susceptible d'être affecté par le dénigrement allégué" et que le marché affecté" ou susceptible d'être affecté" par l'acte restrictif de concurrence allégué, lequel aurait abouti au déménagement du point de vente à l'enseigne FLP appartenant au distributeur Hankyu Hanshin à l'intérieur de son propre centre commercial Umeda Hankyu d'Osaka, est bel et bien le marché japonais" ; qu'en affirmant qu'il n'aurait pas été allégué que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les sociétés FLP, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Goyard St-Honoré, en violation de l'article 4 du code de procédure civile.»

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

8. Pour dire que, conformément à l'article 4.2. du règlement CE n° 854/2007 du parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, dit Rome II, relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles, la loi française doit s'appliquer au litige, l'arrêt retient qu'il n'est nullement allégué que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les sociétés FLP, qui n'étaient susceptibles de préjudicier qu'à leurs intérêts.

9. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appel, la société Goyard faisait valoir que c'était le marché japonais qui était susceptible d'être affecté par l'acte restrictif de concurrence et le dénigrement allégués, la cour d‘appel, qui a dénaturé ces écritures, a violé le principe susvisé.

Et sur le même moyen, pris en sa quatrième branche :

Enoncé du moyen

10. La société Goyard fait le même grief à l'arrêt alors que « selon l'article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit Rome II", la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être, c'est-à-dire la loi du marché qui est affecté ou qui est susceptible d'être affecté par les actes incriminés ; que si le principe selon lequel la loi applicable à l'action en concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être connaît une exception lorsque ce comportement affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, c'est précisément à la condition que ces actes ne soient pas susceptibles d'affecter le marché ; qu'en affirmant qu'il ne serait pas établi que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les intimées lesquelles sollicitent la réparation d'un préjudice les affectant personnellement et exclusivement", sans rechercher si les agissements litigieux n'étaient pas susceptibles d'affecter le marché japonais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit Rome II".»

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 :

11. Si le principe selon lequel la loi applicable à l'action en concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou sont susceptibles de l'être connaît une exception lorsque ce comportement affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, c'est à la condition que ces actes n'aient pas d'effet sur le marché.

12. Après avoir constaté que la société Goyard, qui entretenait des relations avec la société Hankyu, avait obtenu de celle-ci, sous la menace d'une rupture de partenariat, le déplacement du point de vente de ses concurrents, les sociétés FLP, dans son magasin d'Osaka, et que le dénigrement était caractérisé par la lettre du 15 septembre 2014 adressée par la société Goyard à la société Hankyun, l'arrêt retient que, dans la mesure où il n'est nullement établi que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les sociétés FLP, les actes de concurrence invoqués sont susceptibles d'affecter exclusivement les intérêts de ces dernières.

13. Relevant ensuite que les sociétés FLP demandent la réparation d'un préjudice les affectant personnellement et exclusivement et que les parties ont chacune leur siège en France, il en déduit que, conformément à l'article 4.2 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, la loi française s'applique.

14. En se déterminant ainsi, par voie de simple affirmation, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les agissements litigieux n'étaient pas susceptibles d'affecter le marché japonais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il admet la pièce n° 8 aux débats, l'arrêt rendu, le 10 mai 2017, entre les parties, par la cour d‘appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page maroquinier aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page maroquinier et les condamne à payer à la société Goyard Saint-Honoré la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Goyard Saint-Honoré

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la loi française doit s'appliquer au présent litige et d'avoir, en conséquence, dit que la société Goyard St-Honoré s'est rendue coupable de pratique restrictive de concurrence à l'encontre des sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page maroquinier, dit que la société Goyard St-Honoré crée un trouble commercial et d'image et s'est rendue coupable de dénigrement à l'encontre des sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page maroquinier et condamné la société Goyard St-Honoré à verser aux sociétés Fauré Le Page la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral et celle de 250 000 euros au titre du préjudice commercial ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société Goyard soutient que la loi japonaise est applicable au litige, à l'exclusion de la loi française en application du règlement Rome II ; qu'elle ajoute que l'application de la loi française serait artificielle en ce que le prétendu dénigrement figurant dans une lettre reçue au Japon, s'est effectivement produit sur le territoire japonais. ; qu'elle ajoute que c'est le marché japonais qui est susceptible d'être affecté tant par le dénigrement que par la pratique restrictive de concurrence allégués ; que les sociétés FLP Paris et Maroquinier répliquent que la loi française est applicable dès lors que les actes, objets du litige, sont des actes de concurrence déloyale, et non des actes restreignant la concurrence, qui relèvent des articles 6.1 et 6.2 du règlement Rome II, lesquels renvoient à l'article 4 qui prévoit que la loi applicable est celle du pays où le dommage survient sauf lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage ; qu'elles considèrent, en tout état de cause, que l'article L. 442-6 du code de commerce est une loi de police ; que les sociétés FLP n'agissent pas sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce mais de l'article 1382 du code civil pour des faits de concurrence déloyale leur ayant causé un préjudice commercial, d'image et moral ; qu'il y a lieu de se référer au règlement CE n° 854/2007 du parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007, dit Rome II, relatif à la loi applicable aux obligations non contractuelles et qui prévoit à l'article 4 (Règle générale), que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent (article 4 1.) mais que toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique (article 4.2). L'article 6 1. précise qu'en matière de concurrence déloyale, comme tel est le cas en l'espèce, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être mais que lorsqu'un acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable ; or, que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que les actes de concurrence invoqués étaient susceptibles d'affecter exclusivement les intérêts des sociétés FLP ; qu'en effet, il n'est nullement établi ni même allégué que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les intimées lesquelles sollicitent la réparation d'un préjudice les affectant personnellement et exclusivement ; que dès lors, les parties ayant chacune leur siège social en France, il y a lieu à application de l'article 4.2 ; que par suite, la loi française est applicable et le jugement entrepris sera confirmé sur ce point » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la pièce n° 10 de FLP fournie aux débats montre que les actes de concurrence évoqués sont susceptibles d'affecter exclusivement les intérêts de FLP et qu'en conséquence, en vertu de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007 (« Rome II »), l'article 4 de ce règlement est applicable ; que GSH et FLP ont leur résidence habituelle en France et que, en conséquence, l'article 4-2 stipule que la loi française doit s'appliquer au présent litige » ;

1°) ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les sociétés Fauré Le Page invoquaient expressément l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce parmi les « dispositions légales » fondant leur action (pp. 9 et 10), soutenaient que « conformément à l'article L. 442-6 du code de commerce, ou plus généralement en application de l'article 1382 du code civil, la société Goyard St-Honoré ne peut, sans être sanctionnée, obtenir l'éviction des sociétés Fauré Le Page du grand magasin Hankyu par la formulation de menaces de rupture de toute relation commerciale avec la société Hankyu Hanshin Department Store Inc. » (p. 13) et répondaient à l'argumentation de la société Goyard St-Honoré qui contestait l'application de cette disposition (pp. 21 à 23) ; qu'en affirmant, au contraire, que « les sociétés FLP n'agissent pas sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce », la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE relève de la catégorie des « actes restreignant la concurrence », au sens de l'article 6, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II », la pratique consistant à obtenir d'un partenaire commercial des « conditions manifestement abusives », sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales ; qu'en l'espèce, les sociétés Fauré Le Page reprochaient précisément à la société Goyard St-Honoré d'avoir obtenu de la société Hankyu Hanshin, sous la menace d'une rupture de leur relation commerciale, des conditions commerciales manifestement abusives consistant en leur éviction du magasin Hankyu d'Osaka ; qu'en qualifiant d'actes de concurrence déloyale l'ensemble des agissements invoqués par les sociétés Fauré Le Page, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 6, paragraphe 3, et, par fausse application l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II » ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE dans ses conclusions d'appel (pp. 27 et 28), la société Goyard St-Honoré faisait, en particulier, valoir que « c'est le marché japonais qui est susceptible d'être affecté par le dénigrement allégué » et que « le marché « affecté » ou « susceptible d'être affecté » par l'acte restrictif de concurrence allégué, lequel aurait abouti au déménagement du point de vente à l'enseigne FLP appartenant au distributeur Hankyu Hanshin à l'intérieur de son propre centre commercial Umeda Hankyu d'Osaka, est bel et bien le marché japonais » ; qu'en affirmant qu'il n'aurait pas été allégué que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les sociétés Fauré Le Page, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société Goyard St-Honoré, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE, selon l'article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II », la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être, c'est-à-dire la loi du marché qui est affecté ou qui est susceptible d'être affecté par les actes incriminés ; que si le principe selon lequel la loi applicable à l'action en concurrence déloyale est celle du pays sur le territoire duquel les relations de concurrence ou les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés ou susceptibles de l'être connaît une exception lorsque ce comportement affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, c'est précisément à la condition que ces actes ne soient pas susceptibles d'affecter le marché ; qu'en affirmant qu'il ne serait pas établi « que le marché japonais ait été affecté par les agissements dénoncés par les intimées lesquelles sollicitent la réparation d'un préjudice les affectant personnellement et exclusivement », sans rechercher si les agissements litigieux n'étaient pas susceptibles d'affecter le marché japonais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II » ;

5°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en affirmant, par motif adopté, que la pièce n° 10 des sociétés Fauré Le Page, c'est-à-dire la lettre du 15 septembre 2014, « montre que les actes de concurrence évoqués sont susceptibles d'affecter exclusivement les intérêts de FLP », sans donner aucun motif de nature à justifier cette appréciation et sans caractériser en quoi, contrairement à ce que faisait valoir la société Goyard St-Honoré, les agissements litigieux n'auraient pas été susceptibles d'affecter également les intérêts des sociétés Hankyu Hanshin et Hankyu Trading, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

6°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE selon l'article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II », lorsque l'acte de concurrence déloyale affecte exclusivement les intérêts d'un concurrent déterminé, l'article 4 est applicable ; que selon l'article 4, paragraphe 3, de ce règlement, s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 (pays où le dommage survient) ou 2 (pays où le demandeur et le défendeur ont tous les deux leur résidence habituelle), la loi de cet autre pays s'applique ; qu'en se contentant de relever, après avoir retenu que les actes de concurrence invoqués étaient susceptibles d'affecter exclusivement les intérêts des sociétés Fauré Le Page, que, « les parties ayant chacune leur siège social en France », il y a lieu à application de l'article 4, paragraphe 2, du règlement « Rome II » et que « par suite, la loi française est applicable », sans rechercher, comme elle y était invitée, si les actes de concurrence incriminés par les sociétés Fauré Le Page ne présentait pas des liens manifestement plus étroits avec le Japon, et si, en conséquence, ce n'était pas la loi japonaise qui devait s'appliquer, par application de l'article 4, paragraphe 3, du règlement « Rome II », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 4 et 6 du règlement (CE) n° 864/2007 du 11 juillet 2007, dit « Rome II ».

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la société Goyard St-Honoré s'est rendue coupable de pratique restrictive de concurrence à l'encontre des sociétés Fauré Le Page Paris et Fauré Le Page maroquinier et d'avoir, en conséquence, condamné la société Goyard St-Honoré à verser aux sociétés Fauré Le Page la somme de 50 000 euros au titre du préjudice moral et celle de 250 000 euros au titre du préjudice commercial ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « les sociétés FLP Paris et Maroquinier soutiennent que la société Goyard a obtenu de la société Hankyu Hanshin par chantage économique des conditions commerciales manifestement abusives, au mépris de leurs intérêts ; qu'elles font valoir que la mise en oeuvre de l'article L. 442-6, I, 4° n'est liée qu'à la présence de relations commerciales et non à l'existence effective d'un contrat ou de relations commerciales établies ; que la société Goyard réplique que les sociétés FLP Paris et Maroquinier ne peuvent se prévaloir de l'article L. 442-6 du code de commerce, cette disposition étant inapplicable au litige, qui ne présente aucun lien avec le système juridique français ; qu'elle ajoute que la pratique restrictive de concurrence n'est pas prouvée en ce que les sociétés FLP Paris et Maroquinier ne démontrent ni la menace d'une rupture brutale des relations commerciales établies, ni le fait pour la société Goyard Asie-Pacifique d'avoir tenté d'obtenir des conditions manifestement abusives de la part de la société Hankyu ; que l'action en concurrence déloyale qui repose sur les articles 1382 et 1383 du code civil suppose l'existence d'une faute d'un concurrent, c'est-à-dire d'un comportement contraire à la loyauté du commerce ; qu'aux termes de l'article 442-6, I, 4° du code de commerce, « constitue une faute civile engageant la responsabilité de son auteur et l'obligeant à réparer le préjudice causé, le fait pour tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers « d'obtenir ou de tenter d'obtenir sous le menace d'une rupture totale ou partielle de leurs relations commerciales des conditions manifestement abusives concernant.... les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente. » ; qu'il appartient aux sociétés FLP de rapporter la preuve que leur concurrent, la société Goyard St-Honoré, a obtenu de la société Hankyu Hanshin sous la menace d'une rupture totale ou partielle de leurs relations commerciales, le déplacement de son comptoir de vente ; qu'il ressort de l'instruction du dossier les éléments suivants :

- par lettre (pièce n° 10 intimée) rédigée sur papier à en-tête de la société Goyard St-Honoré et à « Paris, le 15 septembre 2014 », M. I... B... « Chairman » de cette dernière a écrit à M. V..., président de la société Hankyu Hanshin, dans les termes suivants: « Goyard étant une entreprise détenue et gérée de manière familiale, je suis toujours très fier de tous nos partenariats tant en France qu'à l'étranger que j'envisage sur le long terme. Nous possédons actuellement deux magasins à Hankyu...plus récemment, dans le cadre d'une réorganisation interne, il nous a fallu signer un nouveau contrat avec Hankyu pour lui permettre d'exploiter les deux magasins... M. J... a autorisé l'ouverture de magasins de nos concurrents directs à proximité du notre, comme Valextra, et plus récemment Fauré Le page (une nouvelle marque se réclamant d'un héritage ancien et qui copie nos produits et nos stratégies). Nous avons à ce jour décliné toutes les offres que nous avions reçues d'autres grands magasins à Osaka. Au vu du traitement que nous a réservé M. J..., nous allons revoir notre position. C'est également avec regret que nous vous annonçons que nous avons pris la décision de mettre un terme à notre partenariat avec Hankyu et de fermer les deux magasins d'Umeda et d'Hankyu Men. »

- l'affirmation de la société Goyard St-Honoré selon laquelle M. B... aurait par erreur utilisé du papier à en-tête de la société Goyard St-Honoré au lieu de celui de la société Goyard Asie-Pacifique qui n'est étayée par aucun élément et est largement contredite par les mentions portées sur la lettre, n'est aucunement crédible,
- le 18 septembre 2014, M. V... a répondu à M. B... « Président Goyard St-Honoré, [...] » (pièce appelante n°15) que « Concernant votre lettre du 15 septembre 2014, en premier lieu, je dois préciser que j'attache une grande fierté à notre partenariat.. cependant, je crains qu'il n'y ait de l'incompréhension entre nous et votre soudaine décision nous a rendu perplexes. Pour une meilleure compréhension mutuelle, j'ai donné instruction à M. Q... J... de vous rendre visite... »,

- il n'est pas contesté que le 30 septembre 2014, M. M... A..., General Manager Asia Pacific de la société Goyard a confirmé « notre retrait des deux centres commerciaux Hankyu. Ceci à moins que nous recevions avant le 6 octobre la confirmation selon laquelle les marques directement concurrentes ne seront plus commercialisées dans les centres commerciaux Hankyu. »,

- par lettre du 6 octobre 2014 non contestée par l'appelante, M. M... A... a écrit que « pour maintenir nos points de vente chez Hankyu nous exigeons que les marques concurrentes soient déménagées de l'étage de nos boutiques pour la fin du mois d'Octobre et qu'elles soient totalement exclues d'Hankyu, comme proposé, pour la fin du mois de janvier 2015. » ;
qu'il n'est pas discuté et il est justifié que le point de vente Fauré Le Page a été déplacé de l'étage 4F du magasin d'Osaka réservé aux marques de maroquinerie de prestige à l'étage 3F le 1er novembre 2014 où il a été remplacé par celui de la marque Delvaux, puis à l'étage 5F du 22 au 30 novembre 2014 et enfin au rez-dechaussée à côté de la zone des sacs à mains à compter du 1er décembre 2014 (pièces intimée n°13,14,15 et 16) ; qu'il résulte clairement de ces éléments que la société Goyard St-Honoré qui entretenait avec la société Hankyu Hanshin, selon les dires de leur propre dirigeant respectif, un partenariat et donc des relations commerciales, a obtenu de la société Hankyu Hanshin sous la menace d'une rupture de ce partenariat, le déplacement du point de vente de ses concurrents, les sociétés FLP ; qu'elle a donc commis une faute au sens de l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce à l'encontre de la société Hankyu Hanshin, qui est constitutive, en l'espèce, d'un acte de concurrence déloyale à l'égard des sociétés FLP leur ayant causé un préjudice commercial et d'image dont elle doit réparation » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « la pièce 10 de FLP fournie aux débats (lettre de GSH à HH du 15 septembre 2014) n'est pas contestée et que la copie de cette lettre a été remise librement par HH à FLP pour justifier du changement d'emplacement de FLP dans le magasin d'Osaka ; que les pièces 12.1 et 12.3 fournies aux débats (échanges de courriels entre Goyard Asie-Pacifique et HH du 30 septembre 2014 et du 6 octobre 2014) confirment que Goyard Asie-Pacifique menace de fermer ses emplacements chez HH si les concurrents de GSH continuent à disposer d'emplacements chez HH ; qu'en conséquence, au vu de ces pièces 10, 12.1 et 12.3, le but poursuivi par GSH n'était pas de faire appliquer son contrat avec HH mais essentiellement de faire en sorte d'éliminer la présence du seul FLP du magasin de Osaka avant la fin janvier 2015 ; que cette manoeuvre relève manifestement des dispositions mentionnées à l'article L. 442-6 I-4 du code de commerce ; que le tribunal dira que GSH s'est rendue coupable de pratique restrictive de concurrence à l'encontre de FLP » ;

1°) ALORS QU'en retenant, d'une part, que « les sociétés FLP n'agissent pas sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce » et en relevant, d'autre part, que ces sociétés entendent rechercher la responsabilité délictuelle de leur concurrent, la société Goyard St-Honoré pour des faits de concurrence déloyale constitués, en particulier, « par une pratique commerciale visée à l'article L. 442-6, I, 4° du code de commerce », avant de faire application de cette disposition pour apprécier la faute reprochée à cette dernière société, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'engage sa responsabilité l'entreprise qui obtient ou tente d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ; qu'en défense à l'argumentation des sociétés Fauré Le Page qui soutenaient qu'elle aurait obtenu ou tenté d'obtenir de la part de la société Hankyu Hanshin des « conditions manifestement abusives », la société exposante faisait valoir que, conformément aux articles 7.2 et 17.1 (f) du contrat de concession conclu avec cette dernière société, la société Goyard Asie-Pacifique disposait d'une faculté de résilier unilatéralement ce contrat, en particulier, lorsqu'« un événement quel qu'il soit (
) pour lequel le Concessionnaire est directement ou indirectement responsable et lequel est susceptible, selon l'opinion du Concédant, d'avoir un effet négatif important sur sa réputation ou sur la réputation des Produits Licenciés » et qu'elle sollicitait, de manière légitime, l'application de ces dispositions ; que pour retenir que la société Goyard St-Honoré a commis une faute, au sens de l'article L. 442-6, I, 4°, du code de commerce à l'égard de la société Hankyu Hanshin, qui serait constitutive d'un acte de concurrence déloyale à l'égard des sociétés Fauré Le Page, la cour d'appel a relevé que la société Goyard St-Honoré a obtenu de la société Hankyu Hanshin, sous la menace d'une rupture de leur partenariat, le déplacement du point de vente des sociétés Fauré Le Page, qu'elle a menacé de fermer ses emplacements chez la société Hankyu Hanshin si ses concurrents continuaient à disposer d'emplacements chez cette dernière société et qu'en conséquence, « le but poursuivi par GSH n'était pas de faire appliquer son contrat avec HH mais essentiellement de faire en sorte d'éliminer la présence du seul FLP du magasin de Osaka avant fin janvier 2015 » ; qu'en statuant ainsi, sans analyser, même brièvement, les stipulations du contrat de concession invoquées par la société Goyard St-Honoré ni rechercher si, au regard de ces stipulations, cette dernière n'était pas légitime à agir comme elle l'a fait, la cour d'appel, a entaché sa décision d'une insuffisance de motivation, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-22295
Date de la décision : 15/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 jan. 2020, pourvoi n°17-22295


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Bertrand, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.22295
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