LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par un acte du 2 février 2012, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Picardie, devenue la société Caisse d'épargne des Hauts-de-France (la banque), a consenti à la société LFTC (la société) un prêt d'un montant de 50 000 euros ; que par le même acte, M. R..., gérant associé de cette société, s'est rendu caution solidaire, dans la limite de 65 000 euros et pour une durée de 66 mois, de l'engagement pris par la société ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné M. R... en paiement ;
Attendu que pour condamner M. R... à payer à la banque la somme de 33 549,02 euros, après avoir relevé qu'il produisait des contrats de prêts souscrits les 13 août et 21 août 2008, le 1er juillet 2009, le 1er septembre 2010 et le 17 juillet 2012 et qu'ainsi, à la date du cautionnement litigieux du 2 février 2012, il devait rembourser quatre prêts professionnels, l'arrêt retient qu'au moment de l'établissement de la fiche patrimoniale et de la conclusion du contrat de cautionnement litigieux, M. R... avait omis de déclarer ces prêts et que la banque n'avait pas l'obligation de procéder à des investigations sur la situation de la caution, les informations données étant déclaratives et M. R... ayant manqué à son obligation de loyauté ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas nécessairement connaissance des prêts que M. R... soutenait avoir conclu avec elle et qu'il invoquait pour démontrer que son cautionnement du 2 février 2019 était manifestement disproportionné lors de sa conclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Caisse d'épargne des Hauts-de-France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la SCP Boutet et Hourdeaux ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. R...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il avait condamné Monsieur J... R..., en sa qualité de caution solidaire de la société LFTC, en liquidation judiciaire, dont il était le gérant, à payer à la Caisse d'Epargne de Picardie la somme de 33 549,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 mai 2013, au titre d'un prêt consenti en 2012 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation « un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation » ; que ce texte n'édicte pas la nullité du cautionnement mais l'impossibilité pour le prêteur de s'en prévaloir dans l'hypothèse où la disproportion est retenue ; que les dispositions de ce texte sont applicables au dirigeant caution ; que le caractère disproportionné de l'engagement de caution doit s'apprécier au regard des éléments déclarés par cette caution dont la banque n'a pas à vérifier l'exactitude ; qu'au stade de la conclusion du contrat, le législateur n'a pas imposé aux banques un formalisme précis imposant de remplir un questionnaire sur les éléments de patrimoine de la caution ; qu'en l'espèce, toutefois, la banque produit une fiche de renseignements et au stade du débat judiciaire, il appartient à la caution d'établir que ses biens et revenus à la date de conclusion de la convention de cautionnement ne lui permettaient pas de faire face à ses engagements ; que la charge de la preuve est inversée dans l'hypothèse où la disproportion à la signature du contrat est retenue, lorsque la situation patrimoniale de la caution doit être examinée au stade des poursuites et il appartient à la caution de démontrer que les revenus et patrimoine de la caution permettent de le désintéresser ; qu'en l'espèce, la fiche de renseignement sur la situation de la caution établie le 6 janvier 2012 ne comporte que les indications relatives à l'état civil du demandeur et à ses revenus (26 000 euros annuels) ainsi que ceux de son épouse (1500 euros annuels) à l'exclusion de toute information sur le régime matrimonial, la situation d'endettement et d'éléments sur la situation patrimoniale de l'intéressé ; que ceci étant, dans le cadre de la présente instance, l'appelant produit aux débats les différents contrats de prêts souscrits aux dates suivantes :
- prêt personnel le 13 août 2008 : 50 000 €, remboursables en 121 mois ;
- prêt professionnel le 21 août 2008 : 100 000 €, répartis en deux prêts de 64 000 € et 36 000 € d'une durée de 84 mois ;
- prêt professionnel le 1er juillet 2009 : 4 000 €, remboursables en 60 mois ;
-prêt pour l'acquisition d'un véhicule le 1er septembre 2010 : 10 000 €, remboursables en 60 mois ;
- prêt professionnel le 17 juillet 2012 : 40 000 €, remboursables en 60 mois ;
- prêt immobilier souscrit en deux tranches auprès de la Société générale pour l'acquisition de la résidence principale de 395 000 €, remboursables en 204 mois, bien acquis par la SCI « maison carrée » dont M. et Mme R... détiennent les parts à hauteur de 51% et 49 % ;
qu'ainsi à la date de l'engagement en qualité de caution le 2 février 2012, à hauteur de 65 000 euros pour une durée de 60 mois, Monsieur R... était engagé à rembourser quatre prêts professionnels ;
que des pièces soumises aux débats dans le cadre de la présente instance, il ressort qu'un fonds de commerce a été acquis à l'aide du prêt souscrit par le couple le 21 août 2008 dont la valeur et le cout d'acquisition ne sont pas précisés par l'appelant mais qui a été mis en vente le 21 août 2013 pour un montant de 75 000 € ; que l'appelant ne disposait pas encore d'un patrimoine immobilier, l'existence d'une épargne mobilière n'étant pas alléguée ; que les revenus de l'appelant pour l'année 2012 se sont élevés à la somme de 36 173 € selon avis d'imposition produit, les revenus de son épouse à envisager sous l'angle de la participation aux charges de vie courante quant à l'appréciation de proportionnalité pour la caution se sont élevés à 6578 € ; que de ces pièces, il s'évince qu'à la date d'établissement de la fiche patrimoniale et de la conclusion du contrat de cautionnement, Monsieur R... avait omis de déclarer les divers prêts souscrits et les remboursements annuels y afférents ; que la banque n'a pas l'obligation de procéder à des investigations sur la situation de la caution, les informations données sont déclaratives ; qu'il apparait donc établi que Monsieur R... a fait auprès de la banque une présentation inexacte et incomplète de ses charges, étant relevé qu'il n'a pas mentionné les divers prêts souscrits antérieurement et donc il avait la charge de remboursement ; qu'en apposant sa signature sur cette fiche et en mentionnant de façon manuscrite « exacts, complets et vérifiables les renseignements portés sur la fiche », Monsieur R... a failli à l'égard de la banque à l'obligation de loyauté et de bonne foi qui doit présider dans toutes les relations contractuelles et ne peut donc utilement lui faire grief d'avoir recueilli son engagement en qualité de caution de la société LFTC ; qu'au regard de l'ensemble des revenus déclarés à la date de souscription des engagements en qualité de caution, le cautionnement en cause dans le présent litige ne peut être considéré comme manifestement disproportionné aux biens et revenus de Monsieur R... ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE la Caisse d'Epargne de Picardie justifie des engagements et de la créance de Monsieur R... et qu'elle n'est pas contestée ; que le prêt cautionné par les époux R... a bien été accordé à la société LFTC qui est une société commerciale ; qu'au vu des pièces produites, il n'apparait pas de disproportion selon les termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
ALORS QUE l'engagement de caution conclu par une personne physique au profit d'un créancier professionnel ne doit pas être manifestement disproportionné aux biens et revenus tels qu'ils sont indiqués dans la déclaration de la caution ; que pour écarter le moyen régulièrement soulevé par Monsieur R... et tiré du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution au regard de ses biens et revenus, la cour d'appel a considéré qu'il avait omis de porter sur la fiche de renseignement sur son patrimoine les autres emprunts personnels et professionnels en cours et qu'il avait apposé sa signature sur cette fiche en mentionnant de façon manuscrite « exacts, complets et vérifiables les renseignements portés sur la fiche », autant d'indications insuffisantes ou erronées constitutives de manquements à son obligation générale de loyauté et de bonne foi contractuelle ce qui le privait de tout droit de faire utilement grief à la Caisse d'Epargne de Picardie d'avoir recueilli son engagement en qualité de caution de la société LFTC ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la Caisse d'Epargne de Picardie n'avait pas nécessairement connaissance des prêts prétendument omis par Monsieur Chennoufi et qu'il invoquait pour démontrer que son cautionnement du 2 février 2012 était manifestement disproportionné lors de sa conclusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation.