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08/01/2020 | FRANCE | N°18-17895

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 janvier 2020, 18-17895


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Pellenc et Baehrel Agri que sur le pourvoi incident relevé par Mme Q... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par l'intermédiaire de la société Baehrel Agri, distributrice, la société Pellenc a vendu à Mme Q... une machine à vendanger pour un prix de 124 982 euros TTC ; qu'alléguant des dysfonctionnements de l'engin, Mme Q... a assigné en résolution de la vente et indemnisation les sociétés Baehrel Agri et Pellenc et celle-ci a app

elé en garantie la société Poclain Hydraulics Industrie, fournisseur des moteu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les sociétés Pellenc et Baehrel Agri que sur le pourvoi incident relevé par Mme Q... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par l'intermédiaire de la société Baehrel Agri, distributrice, la société Pellenc a vendu à Mme Q... une machine à vendanger pour un prix de 124 982 euros TTC ; qu'alléguant des dysfonctionnements de l'engin, Mme Q... a assigné en résolution de la vente et indemnisation les sociétés Baehrel Agri et Pellenc et celle-ci a appelé en garantie la société Poclain Hydraulics Industrie, fournisseur des moteurs hydrauliques de l'engin ;

Sur les trois moyens du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche, du pourvoi incident :

Vu l'article 1184, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, du code civil ;

Attendu que pour condamner solidairement, par confirmation du jugement, les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à ne payer à Mme Q... que la somme de 104 500 euros HT au titre de la restitution du prix, l'arrêt retient que, si celle-ci indique avoir été l'objet d'un redressement fiscal sur le montant perçu au titre de la résolution de la vente ordonnée par le premier juge avec exécution provisoire et si elle produit une proposition de rectification émanant de l'administration fiscale, elle n'allègue néanmoins ni ne démontre l'avoir utilement contestée et n'apporte pas la preuve, pourtant simple à produire en la forme d'une attestation de paiement ou d'un extrait bancaire, qu'elle a effectué ce paiement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la résolution d'un contrat synallagmatique emporte la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement, principe dont elle aurait dû déduire que la restitution du prix devait aussi porter sur le montant antérieurement récupéré de la TVA, mais dont l'administration fiscale avait réclamé justement le remboursement du fait de la résolution de la vente, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article 627 du code de procédure civile, dont l'application est proposée par Mme Q... ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement entrepris, il condamne les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à payer à Mme Q... la somme de 104 500 euros HT au titre de la restitution du prix et rejette le surplus de sa demande à ce titre, l'arrêt rendu le 7 février 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne solidairement les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à payer à Mme Q... la somme de 124 982 euros TTC au titre de la restitution du prix ;

Condamne les sociétés Pellenc et Baehrel Agri aux dépens, incluant ceux exposés devant les juges du fond ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à Mme Q... la somme globale de
3 000 euros et à la société Poclain Hydraulics Industrie la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour les sociétés Pellenc et Baehrel Agri, demanderesses au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme étant nouvelles à hauteur de cour, les demandes formées par les sociétés Pellenc et Baehrel tendant à voir ordonnée une nouvelle expertise judiciaire et d'avoir ordonné la résolution de la vente de la machine à vendanger de marque Pellenc modèle 3125 Smart commercialisée par la société Baehrel Agri, condamné solidairement les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à payer à Mme Q... les sommes de 104.500 euros HT au titre de la restitution du prix, 65.299,50 euros HT au titre du préjudice matériel, 6530 euros au titre du préjudice moral, 12.520 euros au titre du préjudice matériel subi suite à l'achat d'accessoires et équipements non réutilisables, ainsi que les intérêts sur les sommes au paiement desquelles elles ont été condamnées ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de nouvelle expertise judiciaire, les sociétés Pellenc et Baehrel demandent que soit ordonnée une nouvelle expertise sur la machine litigieuse. Ils contestent les conclusions du rapport d'expertise judiciaire de M. V..., estimant notamment qu'il est partial, en particulier le rapport de son sapiteur, et par ailleurs qu'il n'a pas réalisé l'intégralité de sa mission, ni fourni de conclusions probantes. À ce sujet, il est d'abord relevé que les appelantes ne forment, dans le dispositif de leurs conclusions, aucune demande en nullité du rapport d'expertise. Ensuite, comme le souligne Mme Q..., il ressort des conclusions de première instance des appelantes, ainsi que du jugement, que cette demande de nouvelle expertise n'a pas été formée devant le tribunal de grande instance de Saverne. Elle est donc nouvelle à hauteur de Cour, et doit ainsi être déclarée irrecevable en vertu des dispositions de l'article 564 du Code de Procédure Civile.

ALORS QUE la demande tendant à voir organiser une nouvelle expertise de la machine vendue, destinée à démontrer que cette machine ne présentait aucune déficience et était conforme à l'utilisation qui en était prévue, tendait aux mêmes fins que la défense soumise au premier juge et avait pour objet de faire écarter les prétentions de Mme Q... selon lesquelles la société Pellenc aurait manqué à son obligation de délivrance et à son obligation d'information et de conseil ; que cette demande était ainsi parfaitement recevable pour la première fois devant la Cour d'appel ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables comme étant nouvelles à hauteur de cour, les demandes formées par les sociétés Pellenc et Baehrel tendant à voir Mme Q... condamnée reconventionnellement à leur verser une indemnité au titre de la dépréciation de la chose litigieuse et de son utilisation ;

AUX MOTIFS QUE les sociétés Pellenc et Baehrel demandent, dans l'hypothèse où la résolution de la vente serait ordonnée par la Cour, que Mme Q... soit condamnée à leur verser une indemnité de 10.000 euros par mois, correspondant à l'utilisation de la machine depuis sa livraison en septembre 2003, pour une somme globale de 1 320 000 euros. Cependant, comme le relève Mme Q..., il apparaît que les appelantes n'avaient pas formé cette demande en première instance, ce qu'elles ne contestent pas d'ailleurs. En s'en déduit que cette demande, nouvelle à hauteur de Cour, est irrecevable en vertu des dispositions de l'article 564 du Code de Procédure Civile.

ALORS QUE les demandes reconventionnelles qui tendent à opposer une compensation sont recevables pour la première fois devant la Cour d'appel ; qu'en déclarant irrecevable la demande reconventionnelle des société Pellenc et Baehrel tendant à voir condamner Mme Q... à verser une indemnité au titre de l'utilisation et de la dépréciation de la machine depuis sa livraison par compensation avec le prix de vente de la machine pour le cas où la résolution de la vente était prononcée, la Cour d'appel a violé les articles 564 et 565 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'action en garantie exercée à l'encontre de la société Poclain Hydraulics Industrie et d'avoir mis cette société hors de cause ;

AUX MOTIFS adoptés du jugement QUE l'article L 110-4 du code de commerce dans sa version antérieure à la loi du 16 juillet 2013 dispose que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions plus courtes. La société Poclain Hydraulique Industrie soutient que les roues hydrauliques équipées de freins dynamiques ayant servi à fabriquer la machine à vendanger vendue à Mme Q... ont été livrés à la société Pellenc très en amont de la fabrication de la machine. Or sachant que la machine à vendanger litigieuse a été livrée à Mme Q... en septembre 2003, il n'est pas contesté que la fourniture a eu lieu avant le 28 septembre 2002, soit 10 ans avant l'introduction de l'action en garantie. Par conséquent il y a lieu de constater la prescription de l'action en garantie exercée par la société Pellenc à l'encontre de la société Poclain et de la déclarer irrecevable ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Poclain, conceptrice des freins ayant équipé la machine litigieuse, avait été appelée en garantie par la société Pellenc, des défectuosités ayant été relevées sur ces freins lors des opérations d'expertise judiciaire. La décision de première instance avait jugé cet appel en garantie prescrit. En cause d'appel, la société Pellenc apparaît avoir abandonné ses demandes principales à l'encontre de la société Poclain. Elle ne forme plus qu'une demande visant à ce que la nouvelle expertise qu'elle sollicite soit déclarée commune à la société Poclain. Cependant, la demande de nouvelle expertise ayant été déclarée irrecevable par la Cour, il n'y a pas lieu de statuer sur la présente demande. En conséquence, aucune demande à l'encontre de la société Poclain n'ayant pas ailleurs été faite par Mme Q..., il convient de la mettre hors de cause ;

1°- ALORS QUE le délai de prescription de l'action en garantie du vendeur contre le fabricant ne court pas tant que le vendeur n'a pas été assigné par l'acquéreur ; qu'en fixant le point de départ de l'action en garantie exercée par la société Pellenc à l'encontre de la société Poclain conceptrice des freins ayant équipé la machine vendue à Mme Q..., à la date de la livraison de ces freins par la société Poclain à la société Pellenc, la Cour d'appel a violé l'article L 110-4 du code de commerce ;

2°- ALORS QUE la cassation de l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la demande d'expertise de la société Pellenc irrecevable, entrainera par application de l'article 625 alinéa 2 du code de procédure civile, l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt attaqué qui s'est fondé sur l'irrecevabilité de la demande d'expertise pour mettre la société Poclain hors de cause.
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour Mme Q..., demanderesse au pourvoi incident.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué de n'AVOIR condamné les sociétés Pellenc et Baehrel Agri à payer à Mme Q... que la somme de 104.500 euros HT au titre de la restitution du prix et de l'AVOIR déboutée du surplus de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE si Mme Q... produit une proposition de rectification émanant de l'administration fiscale, elle n'allègue ni ne démontre l'avoir utilement contestée, comme elle pouvait le faire ainsi que le rappelle ledit document ; qu'au surplus, Mme Q... n'apporte pas la preuve, pourtant simple à produire en la forme d'une attestation de paiement ou d'un extrait bancaire, qu'elle a effectué le versement allégué ; qu'il en résulte que cette prétention, insuffisamment prouvée, ne peut être accueillie ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE lorsqu'un contrat synallagmatique est résolu pour inexécution par l'une des parties de ses obligations, les choses doivent être remises au même état que si les obligations nées du contrat n'avaient jamais existé ; que comme le note l'expert en page 55 de son rapport, la machine litigieuse a fait l'objet d'une facture de la société Baehrel, concessionnaire Pellenc, du 01/10/2003, d'un montant hors taxe de 104.500 € ; qu'au vu de ces éléments, il y a lieu de condamner in solidum la société Baehrel et la société Pellenc au paiement de la somme de 104.500 € au titre de la résolution du contrat de vente du 1er octobre 2003, moyennant la restitution de la machine à vendanger au fabricant ;

1) ALORS QUE la résolution d'un contrat synallagmatique emporte la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement ; qu'à ce titre, la résolution d'un contrat de vente donne lieu à la restitution de l'intégralité du prix de vente versé par l'acheteur, toute taxe comprise, indépendamment du point de savoir si l'acquéreur est assujetti ou non à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en décidant, en l'espèce, qu'en dépit de la résolution de la vente, Mme Q... n'avait pas droit à obtenir la restitution par le vendeur du montant du prix de vente correspondant à la TVA, la cour d'appel a violé l'article 1184 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige ;

2) ALORS QUE la résolution d'un contrat synallagmatique emporte la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement ; qu'à ce titre, la résolution d'un contrat de vente donne lieu à la restitution de l'intégralité du prix de vente versé par l'acheteur, toute taxe comprise, indépendamment du point de savoir si l'acquéreur est assujetti ou non à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en décidant, en l'espèce, qu'en dépit de la résolution de la vente, Mme Q... n'avait pas droit à obtenir la restitution par le vendeur du montant du prix de vente correspondant à la TVA au motif en réalité inopérant que Mme Q... ne démontrait pas avoir reversé cette TVA ni émis une contestation à ce titre auprès de l'administration fiscale, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1184 ancien du code civil dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 18-17895
Date de la décision : 08/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Contrat synallagmatique - Résolution - Effets - Anéantissement du contrat

VENTE - Résolution - Effets - Restitution du prix - Prix - Détermination IMPOTS ET TAXES - Taxe sur la valeur ajoutée - Vente - Résolution - Effets - Restitution - Portée

Dès lors que la résolution d'un contrat synallagmatique emporte la remise des parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement, il s'en déduit que la restitution du prix doit aussi porter sur le montant de la TVA antérieurement récupéré par l'acquéreur, l'administration fiscale ayant réclamé justement le remboursement de ce montant du fait de la résolution de la vente


Références :

article 1184, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 07 février 2018

A rapprocher :Com., 26 juin 1990, pourvoi n° 88-17892, Bull. 1990, IV, n° 190 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 jan. 2020, pourvoi n°18-17895, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 24/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:18.17895
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