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08/01/2020 | FRANCE | N°17-13162

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 janvier 2020, 17-13162


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant que Mme N..., avocat, ne lui avait pas rétrocédé les honoraires qu'elle estimait lui être dus au titre de prestations effectuées en vue de la vente d'un fonds de commerce, la société [...] (la société) l'a assignée en paiement de ceux-ci et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme N... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en paiement d'honoraires, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il doit être passé a

cte par écrit de toute chose excédant la somme de 1 500 euros ; que cette règle reçoit excep...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, soutenant que Mme N..., avocat, ne lui avait pas rétrocédé les honoraires qu'elle estimait lui être dus au titre de prestations effectuées en vue de la vente d'un fonds de commerce, la société [...] (la société) l'a assignée en paiement de ceux-ci et de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme N... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en paiement d'honoraires, alors, selon le moyen :

1°/ qu'il doit être passé acte par écrit de toute chose excédant la somme de 1 500 euros ; que cette règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par l'écrit, rendant vraisemblable le fait allégué ; qu'en retenant, à titre de commencement de preuve par écrit, un courriel du 6 décembre 2010 émanant de Mme N... qui ne contredisait pas que le montant des honoraires dus par M. E... à elle-même ainsi qu'à la société s'élevait à 20 000 euros, sans préciser en quoi un tel élément rendait vraisemblable l'existence d'un accord d'intervention commune entre les parties au terme duquel l'intégralité des honoraires résultant de la vente du fonds de M. E... seraient versés à Mme N..., à charge pour elle d'en rétrocéder une partie à la société, en l'absence de toute lettre de mission conforme aux exigences du code de déontologie des experts-comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1341 et 1347 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que les éléments susceptibles de compléter un commencement de preuve par écrit doivent être extérieurs à celui-ci ; qu'en énonçant que le courriel de Mme N... était constitutif d'un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par une reconnaissance de dette résultant de ce même courriel, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que, dans ses conclusions, Mme N... soutenait que l'attestation de M. E... selon laquelle il n'aurait rien payé à la société, était contredite par la pièce adverse n° 2 qui indiquait qu'il lui avait réglé la somme de 2 188,68 euros, ce qui justifiait de l'écarter, et avec elle, la preuve de l'accord contesté ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que, sous le couvert d'un grief non fondé de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, l'appréciation souveraine des juges du fond, qui ont estimé que le courriel du 6 décembre 2010 émanant de Mme N... rendait vraisemblable le fait allégué ;

Attendu, ensuite, que la cour d'appel n'était pas tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche qui s'attaque à des motifs erronés mais surabondants, ne peut être accueilli en ses deux autres ;

Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil ;

Attendu que, pour condamner Mme N... à payer des dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt infirmatif retient qu'elle n'avait pas uniquement refusé de reverser à la société les honoraires qui lui revenaient, mais également déposé plainte à son encontre auprès du conseil régional de l'ordre des experts-comptables ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme N... n'était pas l'appelante et que, sauf circonstances particulières non caractérisées en l'espèce, sa résistance ne pouvait être considérée comme abusive dès lors que sa légitimité avait été reconnue par la juridiction du premier degré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du second moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme N... à payer la somme de 2 000 euros à la société [...] à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, l'arrêt rendu le 18 octobre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande d'indemnisation formée par la société [...] ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme N...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme N... à payer la somme de 5.980 €, outre les intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2012, au cabinet [...], celle de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, et de l'avoir déboutée de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE les conclusions des parties sont concordantes sur un seul point : elles ont travaillé en commun sur le dossier de cession du fonds libéral de X... E.... Au soutien de sa demande, la société [...] fait valoir qu'après lui avoir payé une première note d'honoraires du 23 juillet 2010, Maître J... N... s'est refusée de payer la seconde note en dépit de plusieurs relances. Maître J... N... réplique qu'aucune lettre de mission n'a été établie entre elle et la société [...] , que la société d'expertise comptable a adressé sa facturation à X... E... directement et que c'est par erreur qu'elle a payé la première note d'honoraires. Il sera rappelé sur ce dernier point que le 23 juillet 2010, la société [...] a adressé à Maître J... N... une facture de 5.980 € TTC intitulée « Dossier X... E...-Assistance transmission entreprise(s) premier acompte. Cette facture a été acquittée par Maître J... N.... Bien que les parties n'aient établi aucun écrit matérialisant leur accord, la société [...] a le 6 décembre 2010 à 12h43 écrit à Maître J... N... un courrier électronique mentionnant « concernant les honoraires 20.000 € ht / 25.000 € prévus ont été encaissés », Maître J... N... n'a pas contredit ce point dans la réponse qu'elle a immédiatement apportée à la société [...] le 6 décembre 2010 à 14h46 par un courrier électronique qui se termine ainsi : « Quoi qu'il en soit ce n'est pas le fait que je ne veuille pas, mais je ne peux pas. Je pense être claire. » La preuve est ainsi rapportée que les honoraires des deux professionnels étaient fixés à 20.000 € ht. L'obligation de Maître J... N... de devoir reverser à la société [...] les 5.000 euros ht correspondant à la part d'honoraires lui restant due résulte : de la reconnaissance de la dette exprimée sans ambiguïté dans le courrier électronique du 6 décembre 2010 de Maître J... N... ; de l'attestation du 17 avril 2014 par laquelle X... E..., client des deux professionnels indique qu'il n'a payé aucun honoraire à la société [...] pour les prestations réalisées et qu'il payait directement Maître J... N... ; du paiement spontané de la somme de 5.980 euros par Maître J... N... au mois de juillet 2010. L'affirmation de Maître J... N... selon laquelle ce paiement a été fait par erreur n'est pas crédible, alors surtout que cette erreur a été invoquée pour la première fois devant le juge. Quant à l'attestation de C... W..., salarié comptable de Maître J... N... qui dit avoir payé cette somme par erreur, le lien de subordination qu'il a avec son employeur lui ôte toute force probante. Le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions, et Maître J... N... sera condamnée à payer la somme de 5.980 € au taux légal à compter du 12 juillet 2012 date de la mise en demeure ;

1) ALORS QU'il doit être passé acte par écrit de toute chose excédant la somme de 1.500 euros ; que cette règle reçoit exception lorsqu'il existe un commencement de preuve par l'écrit, rendant vraisemblable le fait allégué ; qu'en retenant, à titre de commencement de preuve par écrit, un courriel du 6 décembre 2010 émanant de Mme N... qui ne contredisait pas que le montant des honoraires dus par M. E... à elle-même ainsi qu'au cabinet [...] s'élevait à 20.000 €, sans préciser en quoi un tel élément rendait vraisemblable l'existence d'un accord d'intervention commune entre les parties au terme duquel l'intégralité des honoraires résultant de la vente du fonds de M. E... seraient versés à Mme N..., à charge pour elle d'en rétrocéder une partie au cabinet [...], en l'absence de toute lettre de mission conforme aux exigences du code de déontologie des experts comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1341 et 1347 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février2016 ;

2) ALORS QUE, subsidiairement, les éléments susceptibles de compléter un commencement de preuve par écrit doivent être extérieurs à celui-ci ; qu'en énonçant que le courriel de Mme N... était constitutif d'un commencement de preuve par écrit pouvant être complété par une reconnaissance de dette résultant de ce même courriel, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3) ALORS QUE, subsidiairement encore, dans ses conclusions, Mme N... soutenait que l'attestation de M. E... selon laquelle il n'aurait rien payé au cabinet [...], était contredite par la pièce adverse n° 2 qui indiquait qu'il lui avait réglé la somme de 2.188,68 €, ce qui justifiait de l'écarter, et avec elle, la preuve de l'accord contesté ; qu'en ne répondant pas à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné Mme J... N... à payer à la société [...] la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive.

AUX MOTIFS QUE Maître J... N... n'a pas uniquement refusé de reverser à la société [...] les honoraires qui lui revenaient. Elle a également déposé plainte à son encontre au conseil régional de l'ordre des experts comptables à Marseille. Elle a ce faisant fait preuve d'une résistance abusive qui cause à la société [...] un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

ALORS QUE, l'appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas de nature à faire dégénérer en abus son droit d'ester en justice ; que, pour condamner Mme N... à payer au cabinet [...] la somme de 2.000 € au titre de résistance abusive, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'elle avait refusé de reverser au cabinet [...] les honoraires qu'il réclamait et qu'elle avait déposé plainte à son encontre devant le conseil régional de l'ordre des experts comptables ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute de Mme N... faisant dégénérer en abus l'exercice de son droit d'agir en justice dès lors que, défenderesse tout au long de l'instance, son argumentation avait emporté la conviction du premier juge, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS QUE, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, l'action du défendeur ne peut constituer un abus de droit d'agir en justice dès lors que sa légitimité a été reconnue devant la juridiction du premier degré ; qu'en se bornant à relever, pour condamner Mme N... à payer au cabinet [...] la somme de 2.000 € au titre de résistance abusive, qu'elle avait refusé de reverser au cabinet [...] les honoraires qu'il réclamait et qu'elle avait déposé plainte à son encontre devant le conseil régional de l'ordre des experts comptables, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucune circonstance particulière propre à établir un abus de Mme N... dans l'exercice de son droit d'agir en justice, a violé l'article 1382 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 17-13162
Date de la décision : 08/01/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 18 octobre 2016


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 jan. 2020, pourvoi n°17-13162


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.13162
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