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19/12/2019 | FRANCE | N°18-24291

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 19 décembre 2019, 18-24291


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 243-6 et R. 243-6, I, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2007-707 du 4 mai 2007, applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées, prévue par le premier, do

it être adressée à l'organisme de recouvrement dont le cotisant relève à la date de...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu les articles L. 243-6 et R. 243-6, I, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2007-707 du 4 mai 2007, applicable au litige ;

Attendu qu'il résulte du second de ces textes que la demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales indûment versées, prévue par le premier, doit être adressée à l'organisme de recouvrement dont le cotisant relève à la date de sa demande, peu important la période à laquelle se rapporte le paiement indu ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que la société Cargill France, aux droits de laquelle vient la société Algaia (la société), a saisi la caisse primaire d'assurance maladie de Brest d'une contestation de la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, d'un accident subi, le 17 juillet 1995, par l'un de ses salariés dans son établissement situé à Lannilis, dans le Finistère ; que la décision de prise en charge ayant été déclarée inopposable à l'employeur, la caisse régionale d'assurance maladie de Bretagne a rectifié les taux de cotisations notifiés à la société au titre des années 2000 à 2011 pour l'établissement de Lannilis ; que l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Bretagne (l'URSSAF) ayant refusé de procéder au remboursement des cotisations indûment perçues sur la période considérée, correspondant à des versements effectués antérieurement auprès des URSSAF du Finistère, de Saint-Lô et du Nord, la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que pour condamner l'URSSAF à verser à la société une certaine somme au titre des cotisations indues afférentes aux années 2007, 2008 et 2009 et rejeter sa demande au titre des autres années, l'arrêt retient que la société ne peut voir son action en répétition prospérer contre l'URSSAF de Bretagne que dans la mesure où, d'une part, elle établit avoir payé les cotisations indues à celle-ci, et non auprès d'autres URSSAF ayant une personnalité juridique distincte, d'autre part, elle justifie du montant certain des cotisations indues ; que les pièces produites par la société n'établissent pas, au titre des années litigieuses, la réception d'un paiement de cotisations, dont partie serait devenue indue, par l'URSSAF de Bretagne ou du Finistère ou pour le compte de celle-ci ; qu'au surplus, seuls les tableaux récapitulatifs annuels émanant d'une URSSAF permettent en l'espèce d'établir de façon certaine les bases de calcul à retenir pour fixer le montant de cotisations indues à restituer, la société n'en produisant en l'espèce qu'un seul, à savoir celui de l'année 2006 émanant de l'URSSAF de Saint Lô et non de celle de Bretagne ou du Finistère ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à dénier à l'URSSAF de Bretagne le caractère d'organisme de recouvrement dont relevait la société à la date de sa demande de remboursement de l'indu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne l'URSSAF de Bretagne aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Algaia

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société CARGILL France, aux droits de laquelle vient désormais la société ALGAIA, de sa demande concernant les cotisations indues afférentes aux années 2000 à 2006 et 2010 et de sa demande au titre des intérêts moratoires ;

AUX MOTIFS QUE « Considérant que l'article 1302-I du code civil (article 1376 ancien) dispose que « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu » ; Que l'action en répétition de l'indu ne peut être engagée que contre celui qui a reçu le paiement, ou contre celui pour le compte duquel il a été reçu. Que c'est au demandeur en restitution des sommes indument payées de prouver, non seulement le caractère indu du paiement, mais aussi de l'existence d'un tel paiement entre les mains de la personne actionnée en remboursement. Qu'en l'espèce, l'Urssaf Bretagne a reconnu avoir reçu la somme de 135 492 € au titre des cotisations indues afférentes aux années 2007, 2008 et 2009 «pour lesquelles les éléments fournis et vérifiés sont corrects. ». Qu'elle conteste d'une part avoir reçu les cotisations afférentes aux années 2000 à 2006, 2010 et 2011, d'autre part les montants des sommes réclamées au titre desdites années en l'absence de production de bases de calcul probantes, et alors qu'elle n'est pas en possession de telles pièces. Que la société ne peut voir son action en répétition prospérer à l'encontre de l'Urssaf Bretagne qu'autant qu'elle établit d'une part avoir payé les cotisations indues à celle-ci, et non auprès d'autres Urssaf ayant une personnalité juridique distincte, d'autre part du montant certain des cotisations indues. Que la société verse à ce titre les pièces numérotées 12,13,14,17,18 et 20 correspondant respectivement pour les pièces 12, 13 et 20 aux Extraits DADS des années 2002, 2003 (société Degussa) et 2010 (société Cargill) de l'établissement de Lannilis, pour la pièce n°14 au Tableau récapitulatif de l'année 2006 de l'établissement de Lannilis, pour les pièces n° 17 et 18 aux Feuilles de calcul des taux accidents du travail délivrée par la CRAM de Bretagne en 2004 à la société Degussa pour les années 2000 à 2002 et par la CARSAT Bretagne en 2011 à la société Cargill pour les années 2003 à 2005. Que les extraits DADS 2002 et 2003 établis par la société Degussa n'établissent pas de paiement de cotisations auprès de l'Urssaf de Bretagne ou du Finistère ; que le tableau récapitulatif de 2006 est établi par l'Urssaf de Saint-Lo et que l'extrait DADS 201.0 établi par la société Cargill fait état d'une déclaration adressée à l'Urssaf du Nord ; qu'il ne résulte pas avec certitude des feuilles de calcul (compte triennal) des taux accidents du travail CRAM et CARSAT Bretagne pour les années 2000 à 2005 de paiement de cotisations auprès de l'Urssaf de Bretagne ou du Finistère ; que ces pièces n'établissent pas, au titre des années 2000 à 2006, 2010 et 2011, la réception d'un paiement de cotisations (dont partie deviendra indue) par l'Urssaf de Bretagne ou du Finistère ou pour le compte de celle-ci. Qu'au surplus, seuls les tableaux récapitulatifs annuels émanant d'une Urssaf permettent en l'espèce d'établir de façon certaine les bases de calcul à retenir pour fixer le montant de cotisations indues à restituer, la société n'en produisant en l'espèce qu'un seul, à savoir celui de l'année 2006 (émanant de l'Urssaf de Saint Lo et non de celle de Bretagne ou du Finistère), Que par ailleurs, si la société se prévaut du non-respect par l'Urssaf Bretagne des dispositions de la loi du 12 avril 2000 (depuis intégrées aux articles L 100-1 et L 100-3 du Code des Relations entre le Public et l'Administration ), un tel manquement, à le supposer établi, ne saurait en tout état de cause être sanctionné par, l'obligation pour l'Urssaf Bretagne de procéder à un remboursement d'un indu auquel elle n'est pas tenu au titre de l'article 1302-1 du code civil. Que dans ces conditions, le jugement ayant débouté la société de sa demande en restitution dirigée contre l'Urssaf Bretagne au titre des années 2000 à 2006, 2010 et 2011, sera confirmé. Considérant qu'alors que la bonne foi est présumée, la société n'établit pas par ses productions la mauvaise foi de l'Urssaf Bretagne, distincte des autres Urssaf, tout comme de la CPAM du Finistère. Qu'en effet, l'Urssaf Bretagne a légitimement pu penser pouvoir opposer à la société la prescription de sa demande au regard des incertitudes existant à l'époque quant au point de départ de la prescription triennale ; que par ailleurs le manquement par l'Urssaf Bretagne, allégué par la société, quant au respect des dispositions de la loi du 12 avril 2000, à le supposer établi, ne caractériserait nullement la mauvaise foi de l'intimée qui a d'emblée agi au titre de la fin de non-recevoir tirée de la prescription. Que le jugement ayant débouté la société de sa demande au titre des intérêts moratoires sera confirmé. Qu'il sera également confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles. Qu'il n'apparait pas inéquitable de laisser à la charge, tant de l'Urssaf Bretagne qu'à celle de la société, les frais irrépétibles qu'elles ont respectivement exposés en cause d'appel » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTES QUE « la demande de remboursement au titre de l'année 2010 doit être rejetée dès lors que la Société CARGILL n'est plus affiliée à l'Union pour le Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales (U.R.S.S.A.F.) de BRETAGNE depuis le 1er janvier 2010 ; Attendu qu'il appartient à celui qui se prévaut d'une créance d'en justifier ; Que la Société CARGILL ne fournit aucune pièce de nature à justifier du montant des cotisations qu'elle a indûment versées ; Que dès lors, seules les cotisations afférentes aux années 2007, 2008 et 2009, non contestées par l'U.R.S.S.A.F., pourront donner lieu à répétition, soit une somme de 135.492 euros ; Attendu qu'en application de l'article 1378 du Code Civil, en l'absence de caractérisation de la mauvaise foi de l'URSSAF, il n'y a pas lieu de condamner celle-ci au paiement d'intérêts moratoires ; Attendu qu'il paraît inéquitable de laisser à la charge de la Société CARGILL les sommes engagées par elle dans le cadre de la présente procédure » ;

1/ ALORS QUE les cotisations de sécurité sociale indûment versées sont susceptibles de remboursement ; qu'aux termes de l'article L. 213-1 du code de la sécurité sociale, les URSSAF se substituent aux caisses primaires d'assurance maladie et aux caisses d'allocations familiales pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale ; que le cotisant disposant d'une créance au titre d'un trop-versé de cotisations de sécurité sociale peut solliciter le remboursement de ses indus de cotisations de sécurité sociale auprès de l'URSSAF à laquelle il est territorialement rattaché ; qu'en l'espèce la société CARGILL France a adressé le 19 avril 2013 à l'URSSAF de Bretagne une demande de remboursement de l'indu de cotisations accident du travail relatif à son établissement de Lannilis (29870 - département du Finistère) découlant de la rectification par la CARSAT du taux de cotisations accident de travail de cet établissement pour les années 2000 à 2011 ; qu'ayant été adressée à l'URSSAF de rattachement territorial de cet établissement situé dans le Finistère, la demande en répétition de l'indu a été effectuée auprès de l'URSSAF compétente ; qu'en déboutant néanmoins la société de sa demande en remboursement de cotisations accident du travail pour les années 2000 à 2006 et 2010 au motif impropre qu'il n'était pas établi qu'elle avait payé les cotisations indues auprès de l'URSSAF du Finistère au cours des années litigieuses, la cour d'appel a violé les articles L.243-6, L. 213-1, D. 213-1 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige, ensemble les articles 1235 et 1376 du code civil devenus les articles 1302 et 1302-1 du code civil ;

2/ ALORS ET EN TOUTE HYPOTHESE QU'en sa qualité de mandataire légal des caisses de sécurité sociale, l'URSSAF leur est substituée pour la collecte et le remboursement des cotisations de sécurité sociale ; qu'en se fondant sur le motif impropre selon lequel la société CARGILL France n'établissait pas avoir payé les cotisations indues à l'URSSAF de Bretagne au cours des années litigieuses, cependant que cette circonstance n'était pas de nature à faire obstacle au remboursement par cette dernière des indus de cotisations demandé par courrier du 19 avril 2013 – dont le bien-fondé n'était pas contesté – la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 243-6, L. 213-1, D. 213-1 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige, ensemble les articles 1235 et 1376 du code civil devenus les articles 1302 et 1302-1 du code civil;

3/ ALORS QU‘il appartient au juge du contentieux de la sécurité sociale, au vu des éléments du dossier, d'apprécier si la situation du cotisant entre dans le champ de l'assujettissement aux cotisations de sécurité sociale et de vérifier l'exactitude du quantum des demandes de remboursement d'indus de cotisations sollicités par le cotisant ; que la cour d'appel n'a pas contesté l'existence d'une créance non-prescrite de la société CARGILL France - au titre de son établissement de Lannilis - découlant de la rectification par la CARSAT du taux des cotisations au titre du risque accident de travail de cet établissement pour les années 2000 à 2011 ; qu'en déboutant néanmoins la société de ses demandes de remboursement d'indus de cotisations sociales pour les années 2000 à 2006 et 2010 en raison, selon elle, de l'incertitude des montants de remboursement de cotisations sociales qui étaient dus, sans trancher le litige et apprécier par elle-même le montant des remboursements de cotisations auxquels la société cotisante avait droit, la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;

4/ ALORS ET A TITRE SUBSIDIAIRE QUE la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations s'impose aux organismes de sécurité sociale qui gèrent une mission de service public ; que selon l'article 20 de ladite loi « Lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé » ; que dès lors, tel que le faisait valoir la société CARGILL France dans ses écritures (conclusions p. 8), à supposer qu'elle ne soit pas compétente, il appartenait à l'URSSAF de Bretagne de faire application de ce texte et de transmettre à l'URSSAF compétente la demande de remboursement de l'indu qui lui avait été communiquée par courrier du 19 avril 2013 ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dans sa version applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-24291
Date de la décision : 19/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 19 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 19 déc. 2019, pourvoi n°18-24291


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.24291
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