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19/12/2019 | FRANCE | N°18-23183

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 décembre 2019, 18-23183


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 février 2018), que, par actes du 8 juin 1990, F... V... a consenti à M. et Mme X... un bail à ferme sur deux parcelles et un passage sur une troisième ; qu'en 2013, son fils, M. V..., a installé une chaînette sur le chemin ; que, le 10 février 2015, les preneurs ayant cessé de régler le fermage, M. V... leur a fait délivrer un commandement de payer les échéances de novembre 2013 et 2014, fait sommation d'en

tretenir le fonds donné à bail et dénoncé l'autorisation de passage ; que, pa...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 22 février 2018), que, par actes du 8 juin 1990, F... V... a consenti à M. et Mme X... un bail à ferme sur deux parcelles et un passage sur une troisième ; qu'en 2013, son fils, M. V..., a installé une chaînette sur le chemin ; que, le 10 février 2015, les preneurs ayant cessé de régler le fermage, M. V... leur a fait délivrer un commandement de payer les échéances de novembre 2013 et 2014, fait sommation d'entretenir le fonds donné à bail et dénoncé l'autorisation de passage ; que, par déclaration du 29 juin 2015, M. V... a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail, en expulsion et en paiement ;

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail et d'ordonner leur expulsion ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. et Mme X... s'étaient abstenus de payer deux échéances de fermage à l'expiration du délai de trois mois suivant le commandement et n'avaient proposé de les régler que le 18 avril 2017, et constaté que la modification des lieux imputée au bailleur n'engendrait aucun trouble de jouissance, la cour d'appel, qui a souverainement retenu qu'ils ne justifiaient pas d'une raison sérieuse et légitime au sens de l'article L. 411-31, I, du code rural et de la pêche maritime, en a exactement déduit que la résiliation du bail devait être prononcée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à M. V... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation du bail rural conclu le 8 juin 1990 entre M. F... V... et M. O... X... et Mme J... V... épouse X... et la résiliation du bail oral portant sur la parcelle [...] , et d'avoir ordonné en conséquence l'expulsion de M. et Mme X... et de tout occupant de leur chef, au besoin avec l'assistance de la force publique ;

AUX MOTIFS QUE

« - Sur la résiliation du bail:

Il est constant que M. D... V... a fait délivrer aux époux X..., le 10 février 2015, un commandement de payer la somme en principal de 410,61 euros correspondant aux deux échéances de fermage de novembre 2013 et novembre 2014 et qu'il les a informés, par ce même acte, de son intention de se prévaloir de la résiliation du bail pour deux défauts de paiement de fermage, conformément aux dispositions, par ailleurs intégralement reproduites, de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.

Les deux défauts de paiement du fermage pouvant être consécutifs à deux mises en demeure visant un même terme de fermage ou à une seule mise en demeure portant sur deux échéances, la résiliation du bail est donc légalement encourue en application de ce texte, sauf à ce que les époux X... démontrent l'existence d'un cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes les ayant mis dans l'impossibilité de s'acquitter du fermage.

En l'occurrence, les époux X... entendent se prévaloir, à titre de raisons sérieuses et légitimes, de l'exception d'inexécution justifiée par l'empêchement mis par le bailleur d'accéder aux parcelles louées, plus particulièrement à la parcelle [...] puisqu'il n'est pas contesté que les parcelles [...] et E 229 sont accessibles par une route communale ou un chemin, ainsi qu'il ressort au demeurant d'un constat d'huissier dressé le 3 décembre 2014.

La bonne foi des époux X... ne saurait cependant être retenue puisqu'ils n'ont pas craint, en réponse à la notification de ce constat d'huissier mettant en évidence un défaut d'entretien des parcelles [...] , 229 et 829a, d'affirmer que les parcelles citées, sans distinction aucune entre les deux premières et la troisième, n'étaient plus exploitées depuis le 16 décembre 2013 parce que le chemin d'accès avait été fermé par une chaîne par M. D... V.... Ils écrivaient par ailleurs « M. V... met mon exploitation et mes animaux en péril depuis plus d'un an. Pour que cela cesse rapidement et que le fermage soit réglé, M. V... doit enlever sa chaîne et me permettre de rentrer dans les terres. Le chemin est une obligation d'accès de mon exploitation à la voie publique sachant que mon exploitation est enclavée ». L'objectif affiché était ainsi de faire pression sur le bailleur pour obtenir le rétablissement d'un droit de passage établi de manière précaire, non pas pour permettre l'accès aux parcelles louées, mais seulement pour faciliter la desserte de son exploitation, problématique totalement étrangère au contrat de bail à ferme signé le 8 juin 1990 et portant sur deux parcelles parfaitement accessibles depuis la voie publique.

Le caractère légitime du refus de paiement, fondé sur une exception d'inexécution qui ne pourrait tout au plus que concerner la parcelle [...] , apparaît d'autant plus douteux que le preneur s'est abstenu pendant plus d'un an de toute démarche pour mettre fin à des agissements du bailleur qui, à ses dires, menaçaient de péril l'ensemble de son exploitation, y compris les parcelles et les bâtiments dont il était personnellement propriétaire. En outre, M. D... V... établit, au moyen d'un procès-verbal de constat dressé le 19 février 2016 et diverses photographies, que l'exploitation des époux X... est desservie par au moins deux autres chemins dont la largeur est largement suffisante pour permettre l'accès du matériel agricole habituel et notamment de grandes remorques à foin. Ces documents démontrent par ailleurs que la parcelle [...] , comprise entre deux parcelles appartenant au preneur, ne comporte, en dehors d'une clôture constituée d'un simple fil de fer sur piquets (genre clôture électrique), aucune délimitation physique avec la parcelle [...] et que ces deux parcelles faisaient partie d'un seul ensemble avant que les époux X... ne décident, lors de la pose de la chaîne fin 2013, de cesser d'exploiter la parcelle [...] .

Ainsi, il est manifeste que la pose d'une chaîne fin 2013 pour condamner l'accès au chemin cadastré [...] , puis la dénonciation le 10 février 2015 de l'autorisation de passer sur ledit chemin, au demeurant donnée à titre précaire pour la seule desserte des bâtiments d'exploitation, n'a nullement eu pour effet d'empêcher la jouissance paisible par les preneurs de la parcelle [...] qu'ils ont abandonnée par simple mesure de rétorsion, et non par suite d'une impossibilité physique ou juridique d'y accéder.

Les époux X... ne justifient donc pas d'une raison sérieuse et légitime qui les aurait empêchés de payer les deux échéances de fermage de novembre 2013 et novembre 2014.

Ainsi, alors qu'il n'est pas contesté qu'ils se sont abstenus de régler les deux échéances de fermage à l'expiration d'un délai de trois mois suivant le commandement de payer du 10 février 2015, ne proposant en effet de les régler que le 18 avril 2017 par remise au conseil de M. D... V... d'un chèque de paiement portant également sur les échéances postérieures, la résiliation du bail est encourue par application des dispositions de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime et le jugement doit également être confirmé de ce chef.

M. D... V... ayant indiqué qu'il n'avait pas encore mis à l'encaissement le chèque remis à son conseil le 18 avril 2017, il convient de condamner les époux X..., en deniers ou quittances, à payer les fermages à compter de l'échéance de novembre 2013 incluse jusqu'à la libération complète des lieux, une indemnité d'occupation, d'un égal montant, se substituant à ce fermage à compter de la résiliation du bail. » (arrêt, p. 6, dernier al. à p. 8, al. 5) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE

« Sur le non paiement des fermages

Aux termes de l'article 411-31 du code rural, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après une mise en demeure postérieure à l'échéance.

Les motifs mentionnés à cet article ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les époux X... n'ont pas payé leurs échéances de fermage depuis novembre 2013 et que la mise en demeure a été faite dans les formes requises par l'article L 411-31 du code rural mais ils invoquent l'existence d'une raison sérieuse et légitime : l'obstacle mis par le bailleur à l'accès sur les parcelles louées.

L'accès aux parcelles [...] et E229, objet du bail notarié n'est pas en cause.

En revanche, l'accès à la parcelle [...] à objet du bail oral est contesté.

Il est constant qu'en vertu de l'obligation de jouissance paisible, le bailleur doit permettre l'accès aux parcelles louées. Le seul accès possible à la parcelle [...] se fait par la parcelle [...].

Les parties s'accordent sur le fait qu'une chaîne a été posée à l'entrée de la parcelle [...] qui est un chemin entre les parcelles appartenant aux époux X... et le long de laquelle se trouve d'un côté la parcelle contenant la maison de Monsieur D... V... et de l'autre la parcelle [...].

Dans son constat dressé le 19 février 2016, l'huissier relève l'existence de cette chaîne « En travers de la voie du tacot je vois une chaîne en mailles plastiques en travers de la voie. Elle est positionnée au niveau de la limite entre les parcelles [...] et E715. »

Cependant il ressort des photographies prises intégrées dans les deux procès verbaux de constat dressés le 19 février 2016 et le 27 octobre 2015 que l'accès est entravé par une simple chaîne plastique non munie de cadenas et que rien n'empêche donc d'enlever cette chaîne pour permettre le passage.

Aucune atteinte au droit d'accès n'est donc constatée.

En conséquence, cet élément ne constitue pas un motif sérieux et légitime de ne pas payer le loyer et ce d'autant que le fermier reconnaît n'avoir payé aucun loyer alors même qu'il n'invoque qu'une entrave sur une partie minime des terres louées.

Il n'est pas contesté que Monsieur D... V... a envoyé une lettre de mise en demeure dans les formes requises par la loi et que les fermages sont restés impayés à l'issue d'un délai de trois mois. Le preneur n'invoque aucune difficulté financière susceptible de justifier cette absence de paiement.

En conséquence, il doit être constaté la résiliation du bail rural liant les époux X... à Monsieur D... V.... » (jugement, p. 4, al. 5, à p. 5, al. 3) ;

1°) ALORS QUE le bailleur est tenu d'assurer au preneur la jouissance paisible de la chose louée ; qu'en conséquence, il doit permettre au preneur d'accéder au bien loué ; qu'en l'espèce, les époux X... faisaient valoir que M. V... avait clôturé la parcelle [...] qui constituait le seul accès possible à la parcelle [...] louée par bail verbal ; qu'en retenant, pour considérer qu'ils ne justifiaient pas de raisons sérieuses et légitimes de non-paiement des fermages, d'une part, que la parcelle [...] était comprise entre deux parcelles leur appartenant, dont la parcelle [...] , qui ne comportait aucune délimitation physique avec la parcelle [...] et, d'autre part, que l'autorisation de passer sur la parcelle [...] avait été accordée par F... V... à titre précaire pour la seule desserte des bâtiments d'exploitation, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants et violé les articles 1719 du code civil et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) ALORS QUE le bailleur ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée ; qu'en conséquence, le bailleur ne peut modifier ni l'objet principal du bail ni ses accessoires, tel que le chemin d'accès au bien ; qu'en retenant par motifs adoptés, pour considérer que les époux X... ne justifiaient pas de raisons sérieuses et légitimes de non-paiement des fermages, que l'accès est entravé par une simple chaîne plastique non munie de cadenas et que rien n'empêche donc d'enlever cette chaîne pour permettre le passage, la cour d'appel, qui n' a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1723 du code civil et L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-23183
Date de la décision : 19/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 22 février 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 déc. 2019, pourvoi n°18-23183


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.23183
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