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19/12/2019 | FRANCE | N°18-22072

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 décembre 2019, 18-22072


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 11 juin 2018), que Mme E... a pris à bail des parcelles appartenant à MM. P... et Q... A... ; que, par acte du 11 août 2015, ceux-ci l'ont mise en demeure de payer quatre échéances de fermage des années 2014 et 2015 ; que, par déclaration du 4 février 2016, les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation, en expulsion et en paiement ;

Attendu que Mme E... fait grief à l'arrêt d'

accueillir la demande ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, à bon droit, q...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, ci-après annexé :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 11 juin 2018), que Mme E... a pris à bail des parcelles appartenant à MM. P... et Q... A... ; que, par acte du 11 août 2015, ceux-ci l'ont mise en demeure de payer quatre échéances de fermage des années 2014 et 2015 ; que, par déclaration du 4 février 2016, les bailleurs ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation, en expulsion et en paiement ;

Attendu que Mme E... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu, à bon droit, que les deux défauts de paiement du fermage exposant le preneur à une résiliation du bail peuvent être constitués par le défaut de paiement d'au moins deux échéances réclamées dans une seule mise en demeure régulière en la forme et relevé que la mise en demeure notifiée à Mme E... et demeurée infructueuse visait plus de deux échéances, la cour d'appel, qui a constaté que le paiement d'un acompte n'était intervenu que postérieurement à l'introduction de l'instance, en a exactement déduit que la défaillance du preneur était caractérisée ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que Mme E... était défaillante dans l'administration de la preuve, qui lui incombait, de l'existence des raisons sérieuses et légitimes qu'elle alléguait pour justifier du retard dans le paiement de ses loyers, la cour d'appel a pu en déduire que la résiliation du bail devait être prononcée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme E... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, signé par M. Echappé, conseiller doyen, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du conseiller empêché, et signé et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour Mme R...

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation du bail existant M. P... A... et M. Q... A... d'une part et Mme Y... R... épouse E... d'autre part, à effet du jugement à intervenir, pour défaut de paiement de fermages, ordonné l'expulsion de Mme Y... R... épouse E... ainsi que tous biens et occupants de son chef, avec au besoin l'assistance de la force publique et condamné Mme Y... R... épouse E... à payer à M. P... A... et M. Q... A... , une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer à compter de la résiliation du bail, jusqu'au jour de la libération complète et effective des lieux loués,

Aux motifs propres que « sur la résiliation du bail pour défaut de paiement des fermages, aux termes de l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime : " I.- Sauf dispositions législatives particulières, nonobstant toute clause contraire et sous réserve des dispositions des articles L. 411-32 et L. 411-34, le bailleur ne peut demander la résiliation du bail que s'il justifie de l'un des motifs suivants : 1° Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ; (...) Les motifs mentionnés ci-dessus ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes " ; que les deux défauts de paiement de fermage peuvent être constitués soit par le défaut de paiement d'une échéance malgré deux mises en demeure successives, soit par le défaut de paiement d'au moins deux échéances ; que les manquements du preneur doivent par ailleurs être appréciés au jour de la demande en résiliation ; qu'enfin il appartient au preneur de rapporter la preuve des raisons sérieuses et légitimes qu'il invoque ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté que par courrier recommandé avec avis de réception du 11 août 2015 les bailleurs ont mis en demeure Mme E... d'avoir à payer les échéances de fermage des mai 2014, 11 novembre 2014, 11 mai 2015 et du 11 novembre 2015 ; que cette mise en demeure faisait par ailleurs expressément référence à l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime, et en rappelait les termes, notamment le délai de trois mois accordé au fermier pour payer sa dette, et la résiliation du bail encourue à défaut de règlement ; qu'ainsi cette mise en demeure a été valablement adressée et nul ne conteste que les défauts de paiement allégués étaient caractérisés à la date de saisine du tribunal paritaire, nonobstant les règlements intervenus postérieurement ; que Mme E... invoque néanmoins des raisons sérieuses et légitimes ayant justifié ces défauts de paiement ; qu'elle soutient ainsi avoir connu des difficultés financières directement liées à la crise agricole affectant son exploitation en polyculture-élevage (bovins et ovins) et avoir été contrainte, pour assurer de nouvelles sources de revenus, de créer avec son époux une activité annexe de vente directe de viande avec atelier de découpe, laquelle assure aujourd'hui la pérennité de son exploitation ; qu'elle précise à ce titre avoir été contrainte d'autofinancer cette nouvelle activité à hauteur de 150 000 euros en raison du refus de tout concours bancaire, ce qui a été à l'origine des retards de paiement ; qu'elle expose qu'elle a finalement pu obtenir un prêt en mars 2017 lui permettant de verser au titre des arriérés le 18 décembre 2016 un premier acompte de 20 000 euros, puis le 29 mars 2017 un second de 18 234,19 euros soldant sa dette ; qu'elle indique que le retard dans l'octroi du prêt bancaire constitue une raison sérieuse et légitime dans la mesure où ce concours bancaire était pleinement justifié par la création mais aussi la rentabilité de l'activité complémentaire de découpe et de commercialisation de viande ; qu'il convient néanmoins de constater que Mme E... ne verse au soutien de ses prétentions que la lettre du 15 décembre 2015, les justificatifs des règlements opérés en cours de procédure et un courrier de son conseil ; qu'elle ne produit aucun document de nature à justifier de ses difficultés financières au cours des années 2014 et 2015, ni d'ailleurs de pièces (demande de prêt, lettre de refus...) de nature à caractériser les raisons sérieuses et légitimes qu'elle invoque ; qu'elle ne fournit par ailleurs aucun élément, notamment comptable, permettant d'établir que son exploitation aurait connu au cours des années litigieuses des difficultés de trésorerie ponctuelles justifiant les retards de paiement, et aurait aujourd'hui retrouvé une rentabilité grâce à l'activité annexe de vente directe de viande ; qu'elle précise par ailleurs avoir réalisé au cours de la période considérée un investissement de près de 150 000 euros sans en justifier ; qu'il se déduit de ce qui précède que Mme E... est défaillante dans l'administration de la preuve qui lui incombe de démontrer l'existence de raisons sérieuses et légitimes de nature à justifier l'absence de paiement des fermages pendant les années 2014/2015 ; qu'en considération de ce qui précède c'est par une juste appréciation des éléments qui leur étaient soumis que les premiers juges, constatant la réunion des conditions légales ont prononcé la résiliation du bail rural pour défaut de paiement des loyers avec toutes les conséquences de droit ; que le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs » ;

Et aux motifs adoptés que « sur la résiliation judiciaire et les sommes dues, en application de l'article L. 411-31 du Code rural et de la pêche maritime, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance, la mise en demeure devant rappeler à peine de nullité, les termes de la présente disposition ; qu'en l'espèce, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 11 août 2015, M. P... X... a mis en demeure Mme Y... R... épouse E... de payer les échéances du 11 mai 2014 (6 132,87 euros), du 11 novembre 2014 (6 585,32 euros) et du 11 mai 2015 (6 210,57 euros), soit la somme de 18 928,76 euros, dans un délai de trois mois compter de la lettre, rappelant les dispositions de l'article L. 411-31, I, 1° ; que la juridiction paritaire a été saisie le 4 février 2016, et les demandeurs constataient en outre que l'échéance du 11 novembre 2015 n'était pas réglée portant la somme due à 25 811,85 euros ; qu'aucune régularisation n'est donc intervenue dans le délai imparti par l'article L. 411-31 du code rural et de la pêche maritime ; que Mme E... a effectué un règlement de 20 000 euros le 30 novembre 2016, alors même que les échéances du 11 mai 2016 et du 11 novembre 2016 étaient devenues exigibles ; qu'elle ne conteste pas le décompte des bailleurs faisant état d'une somme due de 38 234,19 euros au 11 novembre 2016, montant duquel il convient de déduire la somme de 20 000 euros versée par Mme E... ; qu'il reste due la somme de 18 234,19 euros, somme à laquelle Mme E... sera condamnée ; que l'article L. 411-31 dudit code précise que les motifs de résiliation de bail mentionnés ne peuvent être invoqués en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes ; que Mme E... ne justifie ni de l'existence d'un cas de force majeure, ni de raisons sérieuses et légitimes justifiant le non-paiement ; qu'en outre, le solde des sommes dues est encore très conséquent, et correspond à trois échéances de retard ; que les demandes de Mme E... seront donc rejetées ; qu'aussi, il y a lieu de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail à ferme, d'ordonner l'expulsion de Mme E... et de la condamner au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer due à compter de la résiliation du bail, jusqu' à son départ effectif des lieux » ;

Alors 1°) que, suivant l'article L. 411-31, I, 1° du code rural et de la pêche maritime, la résiliation du bail est encourue lorsque les mises en demeure sont restées infructueuses au delà du délai de trois mois ; que, pour prononcer la résiliation du bail, la cour d'appel a énoncé que les deux défauts de paiement de fermage peuvent être constitués soit par le défaut de paiement d'une échéance malgré deux mises en demeure successives, soit par le défaut de paiement d'au moins deux échéances et s'est fondée sur la seule mise en demeure, par courrier recommandé avec avis de réception du 11 août 2015, demeurée infructueuse ; qu'en statuant ainsi, cependant que deux mises en demeure successives étaient nécessaires pour constituer le preneur en faute et justifier la résiliation du bail rural, la cour d'appel a violé la disposition susvisée ;

Alors 2°) et en toute hypothèse que le juge des baux ruraux doit vérifier si la demande de résiliation est justifiée, et doit donc caractériser un manquement du preneur suffisamment grave ; que la preneuse a fait valoir qu'elle a été en mesure de payer aux bailleurs, le 1er décembre 2016, un acompte de 20 000 euros, à valoir sur l'arriéré des fermages, puis, le 29 mars 2017, un second acompte pour solde de l'arriéré pour un montant de 18 234,19 euros ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces paiements, de nature à établir que les manquements du preneur n'étaient pas suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 411-31, I, 1° du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-22072
Date de la décision : 19/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 11 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 déc. 2019, pourvoi n°18-22072


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22072
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