LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte aux consorts Q... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. WE... , la SCP [...] , la SCP [...] et la SCP [...] ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 461 de code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 janvier 2017), que par acte du 12 septembre 1988, Mme Q... a acquis un terrain bâti de M. MH... qui, par acte du 27 juin 2005, lui a en outre cédé une parcelle cadastrée [...] à usage de cour ; que plusieurs propriétaires voisins, parmi lesquels les consorts G..., ont assigné les consorts Q..., ainsi que la commune de Plonévez-du-Faou, en revendication de la propriété indivise de certaines de ces parcelles comme étant des communs de village ; qu'après qu'un arrêt du 10 novembre 2015 a déclaré recevables les demandes des consorts G... et interrogé les parties sur l'existence d'un juste titre au sens de l'article 2272, alinéa 2, du code civil, un arrêt du 29 mars 2016 a jugé que, par prescription abrégée, les consorts Q... avaient acquis la propriété de la parcelle [...] mais non de celle cadastrée [...] et rejeté les demandes des consorts G... ; que Mme G... a présenté une requête en interprétation ;
Attendu que l'arrêt retient qu'il ressort des arrêts des 10 novembre 2015 et 29 mars 2016, qui forment un tout indissociable, que la parcelle [...] est un commun de village sur lequel, de manière ancestrale, les habitants du village exerçaient des droits indivis et que les demandes des consorts G... n'ont été rejetées qu'en ce qu'elles portent sur la parcelle [...] ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a, par une nouvelle appréciation des faits, modifié les droits et obligations des parties et violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne Mme G... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme G... ; la condamne à payer la somme globale de 3 000 euros aux consorts Q... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP [...] et [...], avocat aux Conseils, pour les consorts Q...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, dit que la parcelle cadastrée section [...] est un « commun de village », au sens des usages locaux du Finistère, dans lesquels les droits des titulaires sont indivis, d'AVOIR dit que les consorts G... n'ont été déboutés de leurs demandes qu'en ce qu'elles portaient sur celles relatives à la parcelle [...], d'AVOIR condamné in solidum Mme E... C... veuve Q..., Mme M... Q..., Mme H... Q..., Mme V... Q..., Mme E... C... veuve Q..., ès qualités de représentant légal de sa fille J... Q... à enlever tous obstacles de quelque nature que ce soit à une libre circulation sur la parcelle cadastrée section [...] , y compris l'accès par celle-ci à la parcelle [...] appartenant à Mme G..., de même que tous ouvrages implantés sans l'autorisation des autres indivisaires et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de six mois à compter de la signification de cet arrêt et ce, pendant quatre mois, délai à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit, et d'AVOIR condamné in solidum Mme E... C... veuve Q..., Mme M... Q..., Mme H... Q..., Mme V... Q..., Mme E... C... veuve Q..., ès qualités de représentant légal de sa fille J... Q... à verser à Mme U... I... N... épouse G... la somme de 2.461,30 euros pour le rétablissement du terre-plein en façade de sa maison et celle de 4.000 euros pour son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS QUE la cour a, dans son arrêt du 29 mars 2006, jugé que les consorts Q... avaient acquis la parcelle [...] par prescription acquisitive mais que sur la parcelle cadastrée section [...] ils ne disposaient ni de titre ni n'avaient prescrit par possession trentenaire ; ils ont en conséquence été déboutés de leur demande en ce qu'elle portait revendication de la propriété de la parcelle [...] ; les motifs de cet arrêt exposent que les consorts Q... ne disposent ni d'un titre, ni n'ont prescrit par prescription trentenaire ; cependant, dans son précédent arrêt du 10 novembre 2015, la cour avait déjà exposé que si les consorts Q... avaient des titres de propriété sur les deux parcelles en litige, dont celle cadastrée section [...] , ils ne leur permettaient pas pour autant de rapporter la preuve qu'ils avaient acquis cette propriété puisque leurs vendeurs n'avaient pas reçu attribution de la parcelle anciennement cadastrée [...] dont son issues les parcelles en litige, lors d'un acte de donation partage du 16 mai 1947 ; ces deux arrêts forment un tout indissociable même si le second est affecté dans ses motifs d'une erreur matérielle, ils doivent être interprétés en ce que les consorts Q..., bien que bénéficiant d'un jute titre, n'ont pas acquis la propriété de la parcelle [...], moins de dix ans s'étant écoulés entre l'acquisition du 27 juin 2005 et l'assignation devant le tribunal de grande instance de Quimper du 19 août 2008 ; en conséquence, il sera dit que la parcelle [...] est un commun de village sur lequel, de manière ancestrale, les habitants du village, dont les fonds jouxtaient cette parcelle, exerçaient des droits indivis, qui n'a pu être aliénée par l'un d'entre eux (les consorts MH... ), et qui ne peut faire l'objet d'une occupation privative par les consorts Q... qui s'en sont portés acquéreurs ; si les appelants ont été déboutés de leurs demandes, cette partie du dispositif de l'arrêt du 29 mars 2016 doit être interprétée en ce qu'elle porte uniquement sur celles relatives à la seule parcelle [...], sur laquelle il est reconnu aux consorts Q... une propriété exclusive, puisqu'à l'inverse, sur la parcelle [...], ils ne disposent pas des mêmes droits, y ayant seulement des droits indivis qu'ils ne peuvent exercer sans porter préjudice aux autres indivisaires ; la cour, dans son arrêt du 29 mars 2016, a omis de statuer sur les demandes des appelants pour faire cesser l'occupation privative par les consorts Q... de la parcelle [...] ; en conséquence, il convient d'ordonner aux consorts Q... d'enlever tous obstacles existants sur la parcelle [...] empêchant une libre circulation sur celle-ci et le libre accès à la parcelle cadastrée section [...] appartenant à Mme G..., de même que tous ouvrages implantés sans l'autorisation des autres indivisaires et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de six mois à compter de la signification de cet arrêt et ce, pendant quatre mois, délai à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit ; concernant Mme G..., dont la maison se trouve privée de l'accès dont elle disposait auparavant par décaissement de terres devant la façade, les consorts Q... seront condamnés à payer à Mme G... la somme de 2 461,30 euros correspondant aux deux devis complémentaires communiqués aux débats pour qu'elle puisse permettre un accès normal à sa maison ; Mme G... a subi un préjudice de jouissance puisque, pendant plus de dix ans, alors qu'elle prouve avoir mis sa maison hors d'eau par des travaux qui étaient achevés en août 2006, elle n'a pu depuis lors envisager quoique ce soit tant que l'issue de la procédure qui a duré près de neuf années n'était pas connue ; ainsi, elle sera indemnisée à hauteur de 4 000 euros pour ce préjudice ;
ALORS QUE les juges ne peuvent, sous prétexte d'interpréter leurs décisions, les modifier, y ajouter ou les restreindre ; qu'en retenant qu'il convenait de dire que la parcelle cadastrée [...] était un commun de village ne pouvant faire l'objet d'une occupation privative par les consorts Q... quand l'arrêt interprété du 29 mars 2016 s'était borné, dans son dispositif, à rejeter l'action en revendication des consorts Q... sur ladite parcelle et à débouter les consorts G... de leurs demandes, sans se prononcer à aucun moment sur la qualification de la parcelle et sur les droits des consorts G... sur celle-ci, ni dans ses motifs, ni dans son dispositif, la cour d'appel qui, sous couvert d'interprétation de son arrêt du 29 mars 2016 a ajouté audit arrêt une disposition qu'il ne comportait pas et a ainsi modifié les droits et obligations des parties, a violé l'article 461 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351 du code civil, devenu l'article 1355 du même code.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, dit que la parcelle cadastrée section [...] est un « commun de village », au sens des usages locaux du Finistère, dans lesquels les droits des titulaires sont indivis, d'AVOIR dit que les consorts G... n'ont été déboutés de leurs demandes qu'en ce qu'elles portaient sur celles relatives à la parcelle [...], d'AVOIR condamné in solidum Mme E... C... veuve Q..., Mme M... Q..., Mme H... Q..., Mme V... Q..., Mme E... C... veuve Q..., ès qualités de représentant légal de sa fille J... Q... à enlever tous obstacles de quelque nature que ce soit à une libre circulation sur la parcelle cadastrée section [...] , y compris l'accès par celle-ci à la parcelle [...] appartenant à Mme G..., de même que tous ouvrages implantés sans l'autorisation des autres indivisaires et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de six mois à compter de la signification de cet arrêt et ce, pendant quatre mois, délai à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit, et d'AVOIR condamné in solidum Mme E... C... veuve Q..., Mme M... Q..., Mme H... Q..., Mme V... Q..., Mme E... C... veuve Q..., ès qualités de représentant légal de sa fille J... Q... à verser à Mme U... I... N... épouse G... la somme de 2.461,30 euros pour le rétablissement du terre-plein en façade de sa maison et celle de 4.000 euros pour son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS QUE la cour a, dans son arrêt du 29 mars 2006, jugé que les consorts Q... avaient acquis la parcelle [...] par prescription acquisitive mais que sur la parcelle cadastrée section [...] ils ne disposaient ni de titre ni n'avaient prescrit par possession trentenaire ; ils ont en conséquence été déboutés de leur demande en ce qu'elle portait revendication de la propriété de la parcelle [...] ; les motifs de cet arrêt exposent que les consorts Q... ne disposent ni d'un titre, ni n'ont prescrit par prescription trentenaire ; cependant, dans son précédent arrêt du 10 novembre 2015, la cour avait déjà exposé que si les consorts Q... avaient des titres de propriété sur les deux parcelles en litige, dont celle cadastrée section [...] , ils ne leur permettaient pas pour autant de rapporter la preuve qu'ils avaient acquis cette propriété puisque leurs vendeurs n'avaient pas reçu attribution de la parcelle anciennement cadastrée [...] dont son issues les parcelles en litige, lors d'un acte de donation partage du 16 mai 1947 ; ces deux arrêts forment un tout indissociable même si le second est affecté dans ses motifs d'une erreur matérielle, ils doivent être interprétés en ce que les consorts Q..., bien que bénéficiant d'un jute titre, n'ont pas acquis la propriété de la parcelle [...], moins de dix ans s'étant écoulés entre l'acquisition du 27 juin 2005 et l'assignation devant le tribunal de grande instance de Quimper du 19 août 2008 ; en conséquence, il sera dit que la parcelle [...] est un commun de village sur lequel, de manière ancestrale, les habitants du village, dont les fonds jouxtaient cette parcelle, exerçaient des droits indivis, qui n'a pu être aliénée par l'un d'entre eux (les consorts MH... ), et qui ne peut faire l'objet d'une occupation privative par les consorts Q... qui s'en sont portés acquéreurs ; si les appelants ont été déboutés de leurs demandes, cette partie du dispositif de l'arrêt du 29 mars 2016 doit être interprétée en ce qu'elle porte uniquement sur celles relatives à la seule parcelle [...], sur laquelle il est reconnu aux consorts Q... une propriété exclusive, puisqu'à l'inverse, sur la parcelle [...], ils ne disposent pas des mêmes droits, y ayant seulement des droits indivis qu'ils ne peuvent exercer sans porter préjudice aux autres indivisaires ; la cour, dans son arrêt du 29 mars 2016, a omis de statuer sur les demandes des appelants pour faire cesser l'occupation privative par les consorts Q... de la parcelle [...] ; en conséquence, il convient d'ordonner aux consorts Q... d'enlever tous obstacles existants sur la parcelle [...] empêchant une libre circulation sur celle-ci et le libre accès à la parcelle cadastrée section [...] appartenant à Mme G..., de même que tous ouvrages implantés sans l'autorisation des autres indivisaires et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de six mois à compter de la signification de cet arrêt et ce, pendant quatre mois, délai à l'issue duquel il sera à nouveau fait droit ; concernant Mme G..., dont la maison se trouve privée de l'accès dont elle disposait auparavant par décaissement de terres devant la façade, les consorts Q... seront condamnés à payer à Mme G... la somme de 2 461,30 euros correspondant aux deux devis complémentaires communiqués aux débats pour qu'elle puisse permettre un accès normal à sa maison ; Mme G... a subi un préjudice de jouissance puisque, pendant plus de dix ans, alors qu'elle prouve avoir mis sa maison hors d'eau par des travaux qui étaient achevés en août 2006, elle n'a pu depuis lors envisager quoique ce soit tant que l'issue de la procédure qui a duré près de neuf années n'était pas connue ; ainsi, elle sera indemnisée à hauteur de 4 000 euros pour ce préjudice ;
1) ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en se bornant à affirmer purement et simplement, sans donner aucun motif à sa décision, que la parcelle [...] était un « commun de village » sur lequel les habitants du village dont les fonds jouxtaient cette parcelle exercent des droits indivis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE lorsque deux personnes revendiquent des droits sur un immeuble, l'absence de droit de propriété de l'une d'entre elle n'emporte pas nécessairement comme conséquence la reconnaissance du droit revendiqué par l'autre ; qu'en se bornant à retenir, pour faire droit à la demande de Mme G... tendant à l'éviction des consorts Q... de la parcelle [...] que les consorts Q..., bien que justifiant d'un juste titre, n'ayant pas acquis par prescription la propriété de la parcelle [...], il convenait en conséquence d'en déduire que ladite parcelle était un « commun de village » sur lequel les habitants du village dont les fonds jouxtaient la parcelle, dont Mme G..., exerçaient des droits indivis, la cour d'appel a violé l'article 544 du code civil ;
3) ALORS, en toute hypothèse, QUE si l'article 10 de la loi du 28 août 1792 relatif au régime des terres vaines et vagues dans les cinq départements composant l'ancienne province de Bretagne forme un droit spécial qui maintient les possesseurs des afféages dans la propriété desdits biens, nonobstant la disposition portée dans l'article 9 de la même loi en faveur des communes, ces dispositions légales, qui n'ont fait que convertir en droit de propriété un droit qui, jusque-là, ne constituait qu'une simple servitude, ne sont dérogatoires à celles de l'article précédent que dans le cas où le demandeur justifie d'un titre valable à un droit personnel comme usager au jour de la publication de la loi et ne l'autorise à réclamer que la portion de terres vaines et vagues à laquelle correspond son titre ; qu'en considérant que la parcelle [...] était un « commun de village » afin de faire droit aux demandes de Mme G... tendant à ce que les consorts Q... enlèvent tous obstacles à la libre circulation sur cette parcelle sans même constater que Mme G... justifiait d'un titre valable à un droit personnel comme usager au jour de la publication de la loi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la loi du 28 août 1792.