LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 18-86.358 F-P+B+I
N° 2573
SM12
17 DÉCEMBRE 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
REJET du pourvoi formé par M. W... N... et M. I... Q... contre l'arrêt de la cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, en date du 20 septembre 2018, qui, pour infraction à la réglementation sur la chasse, a condamné le premier à 100 jours-amende à 30 euros, le second à 100 jours-amende à 10 euros, les deux à un an de privation du permis de chasser, a ordonné des mesures de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils .
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 5 novembre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lavaud ;
Sur le rapport de M. le conseiller SAMUEL, les observations de Me Laurent GOLDMAN, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général QUINTARD ;
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Une enquête portant sur la gestion d'un domaine consacré à l'exploitation d'une chasse commerciale portant sur du gros gibier a révélé qu'au cours du mois de décembre 2014, deux cerfs avaient été abattus à l'occasion d'une action de chasse organisée, de nuit, par des personnes qui s'étaient rendues avec leurs véhicules près de cervidés qu'ils avaient éblouis avec les phares.
3. M. I... Q... et M. W... N... ont reconnu avoir participé à cette chasse et avoir effectué eux-mêmes les tirs mortels, le premier pour achever un cerf blessé et le second parce qu'il était à la recherche d'un trophée. Ils ont été poursuivis pour chasse non autorisée en réunion de nuit avec usage d'un véhicule et port d'arme devant le tribunal correctionnel qui les en a déclarés coupables.
4. MM. N... et Q... et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
5. Le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. Le moyen est pris de la violation des articles L. 424-3, L. 424-4, L. 428-5-1 du code de l'environnement, 122-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale.
7. Il critique l'arrêt attaqué "en ce qu'il a déclaré MM. N... et Q... coupables du chef de chasse non autorisée en réunion, de nuit, avec usage d'un véhicule et port d'arme, alors que :
1°) la réglementation générale de la chasse n'est pas applicable dans une propriété répondant aux critères définis par l'article L. 424-3 du code de l'environnement ; qu'en retenant, pour dire établie la culpabilité des prévenus, que la chasse de nuit était prohibée même dans une propriété privée, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés ;
2°) en tout état de cause, n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; que la jurisprudence de la Cour de cassation, non remise en cause depuis 1984, étant en ce sens que la réglementation générale de la chasse n'est pas applicable dans une propriété répondant aux critères définis par l'article L. 424-3 du code de l'environnement, anciennement article 366 du code rural, la cour d'appel, qui a écarté l'erreur invoquée par les prévenus quant au droit qu'ils pensaient légitimement avoir de chasser de nuit dans une propriété privée, a méconnu les textes susvisés".
Réponse de la Cour
8. Pour confirmer le jugement et écarter l'erreur sur le droit invoquée sur le fondement de l'article 122-3 du code pénal, l'arrêt, après avoir rappelé que la matérialité des faits n'est pas contestée, énonce que les prévenus, chasseurs depuis plus de vingt ans, ne sauraient affirmer sans une mauvaise foi évidente que la chasse de nuit est autorisée pour tout particulier sur ses propres terres, qui plus est avec des engins motorisés, alors que cette interdiction est notamment commandée par des impératifs de sécurité pour les chasseurs et des considérations éthiques. Il précise que la gestion des espaces privés, qui peuvent être traversés par des espèces sauvages même lorsqu'ils sont clos, s'inscrit dans le cadre de la gestion cynégétique nationale et ne saurait échapper à toute réglementation.
9. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision.
10. D'une part, l'article L. 424-3 du code de l'environnement, qui figure dans une section du dit code relative au "Temps de chasse" défini à l'article L. 424-2, n'apporte de dérogation, pour la chasse réalisée dans un enclos, qu'aux périodes de chasse et aux dispositions des articles qu'il énumère parmi lesquels ne figurent pas les dispositions incriminant la chasse de nuit.
11. D'autre part, les prévenus, qui, dans leurs conclusions, n'avaient invoqué une erreur sur le droit qu'à raison de leur ignorance d'un arrêt de la Cour de cassation du 22 mars 2005 qui aurait, selon eux, interdit la chasse de nuit dans un enclos, ne sauraient se prévaloir, pour la première fois devant la Cour de cassation, d'une erreur sur le droit fondée sur l'autorisation de chasse de nuit dans un tel enclos qui résulterait, selon eux, d'un arrêt du 3 mai 1984 dont ils n'avaient pas indiqué avoir connaissance devant les juges du fond.
12. Ainsi, le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé.
13. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 000 euros la somme globale que M. Q... et M. N... devront payer à la Fédération départementale des chasseurs de la Côte d'Or au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept décembre deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.