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12/12/2019 | FRANCE | N°18-21242

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 décembre 2019, 18-21242


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 mai 2018), que, par actes du 20 décembre 2012, les consorts H... ont consenti sur leurs parcelles des promesses de vente assorties de conditions suspensives ; que, par lettre du 1er mars 2013 adressée au notaire instrumentaire, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur (la Safer) a exercé son droit de préemption sur les terres objets de l'une des cessions ; que les vendeurs l'ont informée que la vente était caduqu

e, faute de réalisation de la condition suspensive ; que, le 19 mars ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 24 mai 2018), que, par actes du 20 décembre 2012, les consorts H... ont consenti sur leurs parcelles des promesses de vente assorties de conditions suspensives ; que, par lettre du 1er mars 2013 adressée au notaire instrumentaire, la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence-Alpes-Côte d'Azur (la Safer) a exercé son droit de préemption sur les terres objets de l'une des cessions ; que les vendeurs l'ont informée que la vente était caduque, faute de réalisation de la condition suspensive ; que, le 19 mars 2014, sur sommation de réitérer la vente au profit de la Safer, un procès-verbal de carence a été dressé ; que, par acte du 30 avril 2014, la Safer a saisi le tribunal en transfert de propriété et que, par conclusions du 8 octobre 2014, elle a demandé l'annulation d'un acte de licitation conclu le 5 décembre 2013 par les vendeurs à son insu ;

Sur le premier moyen, ci-après annexé :

Attendu que les consorts H... font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action en nullité ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit que la Safer peut intenter une action en nullité de la vente conclue au mépris de son droit de préemption dans le délai de six mois à compter du jour où la date de cette vente lui est effectivement connue, à peine de forclusion, et que la publication de l'acte auprès du service chargé de la publicité foncière ne fait pas, à elle seule, courir ce délai, et constaté que la Safer n'avait appris l'existence de la licitation qu'à la réception, le 4 juillet 2014, d'un relevé des formalités de publicité foncière, la cour d'appel en a exactement déduit que la demande d'annulation, présentée dans le délai, était recevable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen, ci-après annexé :

Attendu que les consorts H... font grief à l'arrêt de déclarer la Safer propriétaire de parcelles ;

Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres, que les consorts H... étaient en position d'influer de façon déterminante sur la réalisation des conditions suspensives et, par motifs adoptés, que la stipulation les prévoyant avait pour but d'empêcher la Safer d'acquérir au sens de l'article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime, la cour d'appel en a exactement déduit que ces conditions, purement potestatives, devaient être réputées non écrites, sans que cela affecte la validité de la vente à la Safer ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les consorts H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts H... et les condamne in solidum à payer à la Safer Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour les consorts H....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Les consorts H... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la fin de nonrecevoir de la demande de la Safer tirée de la forclusion de son action ;

AUX MOTIFS QUE sur la forclusion tirée de l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural, il est constant que la Safer peut intenter une action en nullité de la vente conclue au mépris de son droit de préemption, dans le délai de 6 mois offert au preneur et prévu par l'article L. 412-12 alinéa 3 du code rural ; que cet article énonce que au cas où le droit de préemption n'aurait pu être exercé par suite de non-exécution des obligations dont le bailleur est tenu en application de la présente section, le preneur est recevable à intenter une action en nullité de la vente et en dommages et intérêts devant les tribunaux paritaires dans un délai de six mois à compter du jour où la date de la vente lui est connue, à peine de forclusion ; que la Safer et le fermier disposent, en effet, du même délai de forclusion pour agir ; que la Safer ayant assigné les consorts H... en avril 2014 mais cette assignation n'ayant été publiée que le 8 octobre 2014, ces derniers considèrent qu'il s'est écoulé plus de six mois entre l'acte de licitation du 5 décembre 2013 et le 8 octobre 2014, de sorte que la Safer est forclose ; qu'il résulte cependant des pièces versées aux débats que la Safer n'a eu connaissance de la licitation qu'après réception, le 4 juillet 2014, du relevé des formalités enregistrées au bureau de la publicité foncière d'Avignon ; qu'en effet, les consorts H..., qui se sont présentés, à l'exception de M. Z... H..., non représenté, devant Maître R... V..., le 19 mars 2014, et qui ont refusé de régulariser l'acte authentique de vente, refus donnant lieu à l'établissement d'un procès-verbal de carence, n'ont manifestement pas jugé utile d'informer leur notaire de la licitation intervenue trois mois plus tôt ; qu'il apparaît au contraire que l'acte de licitation du 5 décembre 2013 a été conclu dans une absence totale de transparence et il ne saurait être reproché à la Safer de ne pas avoir vérifié la situation hypothécaire du bien, alors qu'elle avait fait connaître dès le 1er mars 2013 qu'elle exerçait son droit de préemption sur les parcelles visées par la promesse de vente du 20 décembre 2012, et qu'elle ne pouvait par conséquent imaginer que les consorts H... avaient conclu un acte au mépris de leurs engagements antérieurs et du droit de préemption ; qu'en tout état de cause, la publication de l'acte de vente à la conservation des hypothèques ne fait pas, à elle seule, courir le délai de forclusion prévu par le texte sus-visé, lequel suppose, de la part du titulaire du droit de préemption méconnu, la connaissance effective de la date de la vente ; que c'est donc à bon droit que la Safer conclut que le délai de six mois pour agir en nullité de la vente n'a couru qu'à compter du 4 juillet 2014, date où la vente a effectivement été portée à sa connaissance, et non à compter du 3 janvier 2014, date du dépôt des formalités concernant la licitation litigieuse au bureau de publicité foncière ; qu'il en résulte que le délai en question expirait le 5 janvier 2015 et que les conclusions récapitulatives signifiées par la Safer au mois d'octobre 2014, ont valablement interrompu ce délai de forclusion ; que le moyen tiré de la forclusion par expiration du délai de l'article L 412-12 alinéa 3 du code rural sera donc rejeté ;

ALORS QUE le délai de l'action en nullité d'une vente intervenue en méconnaissance du droit de préemption de la Safer court à compter du jour où cette dernière a eu effectivement connaissance de cette vente ; qu'en se bornant, pour rejeter la fin de non-recevoir de la demande de la Safer tirée de la forclusion de son action, à énoncer que cette dernière n'avait eu connaissance de la licitation qu'après réception, le 4 juillet 2014, du relevé des formalités enregistrées au bureau de la publicité foncière d'Avignon et qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir vérifié la situation hypothécaire du bien, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la Safer n'avait pas été informée par le notaire qu'elle avait mandaté afin de conclure l'acte de vente des parcelles qu'elle entendait préempter, le 19 mars 2014, date de convocation des parties pour la signature dudit acte, de la publication de l'acte de vente du 5 décembre 2013 dont ce dernier avait eu connaissance lorsqu'il avait requis, auprès de la conservation des hypothèques, les renseignements relatifs aux parcelles préemptées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 412-12 et R. 143-20 du code rural et de la pêche maritime, le second dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 31 juillet 2015, applicable en la cause.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Les consorts H... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la Safer propriétaire pour le prix de 38.000 euros des parcelles sises à [...] » et cadastrées [...], [...] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la validité de la condition suspensive opposée par les consorts H..., la Safer soutient que la condition suspensive relative à la régularisation des actes notariés contenant, d'une part, la vente par les consorts H... des parcelles [...] , [...] et [...] à la SCI « Les Oliviers » et d'autre part, la licitation au profit de Mme K... S..., des parcelles cadastrées [...] et [...] , est une condition potestative au sens de l'article 1170 du code civil et que l'obligation ainsi contractée est nulle conformément aux dispositions de l'article 1174 du code civil ; que les consorts H... rétorquent qu'il n'y a pas identité de personnes entre eux et Mme K... H..., leur co-indivisaire, pas plus qu'entre eux et les associés de la SCEA « La Grande Bastide » qui sont M. P... S..., M. L... Q... et M. T... S... ou encore entre eux et les associés de la SCI « Les Oliviers » qui sont M. T... S..., Mme F... M... épouse S..., M. X... S... et M. U... S... ; qu'il apparaît cependant que les consorts H..., K..., I..., F... et Z..., promettants des actes du 20 décembre 2012, sont co-indivisaires ; que Mme K... H... acquéreur à la licitation et co-indivisaire des vendeurs est l'épouse de M. P... S..., lequel représente la SCEA « La Grande Bastide » acquéreur, tandis que la SCI « Les Oliviers », second acquéreur, est représentée par M. T... S..., frère de M. P... S... et beau-frère de Mme K... H..., lequel est également associé de la SCEA « La Grande Bastide » ; que les consorts H... sont donc à la fois les vendeurs des parcelles notifiées à la Safer et parties aux deux conditions suspensives, soit directement, en la personne de Mme K... H... pour la licitation, soit indirectement par le conjoint de cette dernière ou son beau-frère, lesquels représentent les sociétés acquéreurs dans les compromis de vente du 20 décembre 2012 ; qu'ainsi, il apparaît que Mme K... H..., co-indivisaire des vendeurs et conjoint et belle-sœur des représentants légaux des sociétés acquéreuses, est en position d'influer de façon déterminante soit directement, soit par les liens familiaux privilégiés qui sont les siens avec les sociétés acquéreuses, sur la réalisation des conditions suspensives ; [...] qu'ainsi, les conditions contenues dans chacune des deux promesses du 20 décembre 2012, suspendant leur réitération à la réalisation de la vente visée par le deuxième acte, ainsi qu'à la licitation entre les consorts H... sus-désignés, au profit de Mme K... S..., des parcelles cadastrées [...] et [...], sises à Lauris, pour un montant de 18.000 euros, sont potestatives en ce qu'elles font dépendre la réitération des actes sus-visés de conventions qui ne dépendent que de la volonté de ceux qui s'obligent ; qu'en l'espèce, la mise en œuvre de la condition par les consorts H... sans qu'aucune circonstance extérieure valable ou même l'action d'un tiers ne soit invoquée, démontre la potestativité de la condition, c'est-à-dire sa soumission à l'arbitraire et au pouvoir discrétionnaire des débiteurs de l'obligation ; [...] que le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a [...] déclaré la Safer propriétaire pour le prix de 38.000 euros des parcelles sises [...] , cadastrées : - section [...] pour une superficie de 00 ha, 87 a et 03 ca, - section [...] pour une superficie de 00 ha, 40a,00ca ; - section [...] pour une superficie de 00 ha 74 a et 90 ca ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le 3 janvier 2013, le notaire R... V... exerçant à Cucuron a notifié à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural Provence Alpes Cote d'azur une vente sous conditions suspensives particulières ; que ces conditions suspensives étaient au nombre de deux : « 1 - Vente par les consorts H..., à la SCI Les Oliviers, des parcelles [...] à Lauris et [...] et [...] à Cadenet pour un montant de 4.000 euros, 2 - Licitation entre les consorts H..., au profit de Mme K... S..., des parcelles [...] et [...] sises à Lauris pour un montant de 18.000 euros » ; que les consorts H... soutiennent que les conditions suspensives, parfaitement opposables à la Safer, ne se sont pas réalisées suite à un différend familial et que donc l'acte est réputé n'avoir jamais existé ; qu'en droit, l'article L. 143-5 du code rural et de la pêche maritime dispose que : « Toute condition d'aliénation sous réserve de non-préemption d'une Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural est réputée non écrite » ; que l'article L. 412-8 du code rural et de la pêche maritime sur renvoi de l'article L. 143-8 du même code édicte que la déclaration d'intention d'aliéner vaut offre de vente au sens de l'article 1589 du code civil ; qu'en l'espèce, la Safer, par lettre recommandée en date du 1er mars 2013, exerçait son droit de préemption en visant l'objectif n° 2 de l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime : « Agrandissement et amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes » ; que c'est alors que les consorts H..., en juin 2013, arguaient de l'absence de réalisation d'une des deux conditions suspensives en indiquant : « Dans la notification qui avait été faite par Me V..., il était précisé que la réitération par acte authentique de cette vente était conditionnée par la signature de la licitation de deux parcelles au profit de Mme K... H... S.... Qu'en raison d'un désaccord persistant entre nous, celle licitation condition essentielle et déterminante" de notre engagement ne peut plus être régularisé. En conséquence, vous noterez que la condition suspensive n'est pas réalisée et que la vente qui vous a été notifiée est caduque » ; qu'il convient de constater que les vendeurs étaient les consorts H... K..., I..., F... et Z... et l'acheteur K... H... ; qu'en application de l'article 1170 du code civil, la condition potestative est celle qui fait dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est au pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher ; qu'en conséquence, comme le soutient utilement la Safer, il suffisait en l'espèce aux consorts H... de refuser de vendre à Mme K... H... ou à Mme K... H... d'acquérir pour empêcher la réalisation de cette condition, voire à la seule Mme K... H..., indivisaire, de refuser de vendre ou d'acquérir ; que la condition était donc purement potestative ; [...] que quant à la vente à la SCI Les Oliviers, il suffit de constater que les vendeurs sont toujours les consorts H... et que cette SCI est constituée de M. T... S..., Madame F... M..., son épouse, M. X... S... et M. U... S..., ses enfants ; qu'or M. T... S... est le frère de M. P... S..., lui-même époux de Mme K... H... ; qu'il suffisait donc là encore aux consorts H... de refuser de vendre à la SCI Les Oliviers ou à la SCI Les Oliviers de refuser d'acquérir pour mettre à mal la condition suspensive ; que ces conditions purement potestatives sont donc inopposables à la Safer, comme toutes conditions ayant pour but d'empêcher la Safer d'acquérir ; qu'elles ne rendent pas l'acte nul pour autant et l'adage nemo auditur peut être utilement opposé aux consorts H... en l'espèce dont le but était justement d'empêcher la Safer d'acquérir [...] ; qu'il y a donc lieu [...] de déclarer la Safer propriétaire de ces mêmes biens pour le prix de 38.000 euros, conformément à son droit de préemption exercé le 1er mars 2013, par lettre recommandée avec accusé de réception qui matérialise l'acceptation de l'offre de vente, la vente étant parfaite dès cette date ;

ALORS QUE la sanction du caractère potestatif d'une condition suspensive est la nullité de la promesse de vente conclue sous cette condition et non l'inopposabilité de la condition ; qu'en jugeant néanmoins, pour déclarer la Safer propriétaire des parcelles sises à [...] », cadastrées [...], [...], que les conditions potestatives contenues dans la promesse de vente du 20 décembre 2012 lui étaient inopposables, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1174 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-21242
Date de la décision : 12/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 24 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 déc. 2019, pourvoi n°18-21242


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.21242
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