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12/12/2019 | FRANCE | N°18-19707

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 12 décembre 2019, 18-19707


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 349 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Papeete, 26 avril 2018), que Mmes J... et H... U... et Mme A..., prétendant être propriétaires de la terre de Turanahiti pour l'avoir héritée de leur père, E... A..., ont assigné M. U... en expulsion et remise en état de ce fonds, en soutenant qu'il l'occupait sans droit ni titre ;

Attendu que, pour dire irrecevable la revendication de propriété de M. U

... fondée sur la prescription décennale, l'arrêt énonce que cette demande est nouvelle,...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 349 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Papeete, 26 avril 2018), que Mmes J... et H... U... et Mme A..., prétendant être propriétaires de la terre de Turanahiti pour l'avoir héritée de leur père, E... A..., ont assigné M. U... en expulsion et remise en état de ce fonds, en soutenant qu'il l'occupait sans droit ni titre ;

Attendu que, pour dire irrecevable la revendication de propriété de M. U... fondée sur la prescription décennale, l'arrêt énonce que cette demande est nouvelle, non connexe à sa demande principale ;

Qu'en statuant ainsi, alors que M. U... avait prétendu devant le premier juge, fût-ce sur un fondement juridique différent, être propriétaire de la terre litigieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne Mmes J... et H... U... et Mme A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mmes J... et H... U... et Mme A... et les condamne in solidum à payer à M. U... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. U...

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt d'avoir constaté l'occupation illicite de la terre Turanahiti par M. C... U..., d'avoir ordonné l'expulsion de M. C... U... et de tous occupants de son chef de la terre Turanahiti (procès-verbal de bornage [...], d'une superficie de 24.800 m2 sis à [...] et sa remise en état, y compris la démolition, notamment, des constructions édifiées, sous astreinte de 50.000 francs par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois suivants la signification du jugement, d'avoir dit que les requérantes pourront solliciter, si nécessaire, le concours de la force publique, d'avoir condamner M. C... U... au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 120.000 francs à compter du 27 avril 2011 jusqu'à libération effective des lieux et la remise en état ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il n'est pas contesté que, par autorisation écrite en date du 2 mars 1989, E... Tiurai A..., propriétaire de la terre, a autorisé M. C... U... «à construire sa maison d'habitation sur une parcelle de la terre [...]» ; que l'appelant soutient que le compromis de vente de l'immeuble en date du 6 juin 1989, aux termes duquel il entend acquérir ladite terre moyennant le prix de 2 millions de francs, lui confère la qualité de propriétaire ; que le compromis de vente sus-rappelé stipule dans le paragraphe - signature de l'acte authentique - «que le consentement du «vendeur» à la présente vente et le transfert de propriété sont subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique du ministère de Maître A L..., notaire à Papeete, choisi d'un commun accord entre les parties, avec paiement du prix prévu et des frais au plus tard dans le délai d'un mois de la réalisation des conditions suspensives ci-dessus prévues» ; que la cour constate que M. C... U... ne démontre pas que la vente a été réitérée par acte authentique, et que la procuration faite le 10 octobre 1989 par le propriétaire de la terre au bénéfice de l'adjudant D..., faisant fonction de notaire, n'est juste qu'un modèle de procuration fourni par Maître A L... pour la vente du terrain à M. C... U... ; que c'est, donc, à juste titre et par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, que le premier juge en a déduit que le transfert de propriété, à défaut de la réalisation de la vente par acte authentique, n'est pas effectif et qu'à ce titre l'appelant ne peut revendiquer la qualité de propriétaire de la terre Turanahiti ; que le jugement du 28 octobre 2015 sera confirmé sur ce point ainsi que sur l'expulsion de l'appelant qui a été ordonnée par le tribunal, conséquence de l'occupation illicite de la terre ; que l'article 349 du code de procédure civile local stipule « les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises au juge de première instance et il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation» ; qu'en l'espèce, la demande de l'appelant tendant à revendiquer la propriété de la terre par prescription décennale est une demande nouvelle, non connexe à sa demande principale et donc irrecevable ; que M. U... rappelle que, par requête du 8 avril 2014, Mme S... U... épouse G... a saisi le tribunal de première instance afin que soit prononcée son expulsion et celles de tous occupants de son chef de la terre Turanahiti, outre la remise en état des lieux ; que dès lors, les demandes faites à titre subsidiaire par M C... U..., au cas où la cour prononcerait son expulsion, de remboursement de la somme de 2.000.000 FCP et d'indemnisation des investissements, sont des demandes connexes à la demande principale de Mmes U..., et donc, recevables ; que l'article 555 du code civil dispose «lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds...» ; qu'en l'espèce, s'il n'est pas contesté que M. C... U... a obtenu un permis de construire le 6 mars 1989 pour une maison d'habitation située sur une partie de la terre [...], il ne justifie pas du certificat de conformité relatif à la construction de cette maison, ainsi que l'atteste le courrier émanant du service de l'urbanisme en date du 8 février 2018, versé aux débats et non contesté par l'appelant ; que par ailleurs, les photos du terrain versées aux débats par les intimées, et non remises en cause par M. C... U..., laissent apparaître un terrain nu, en friche, dégradé, des cabanes en tôle, des engins (camions) et une maison avec un toit en béton qui ne sont pas révélateurs d'une quelconque mise en valeur qui aurait justifié un minimum d'investissement de la part de l'appelant ; en effet, ce dernier qui sollicite une expertise pour que puisse être évaluée contradictoirement la valeur de l'investissement qu'il aurait effectué sur cette terre ne justifie pas du montant de l'investissement, de plantations éventuelles et de la mise en valeur de cette terre ;

que dès lors, M. C... U... sera débouté de sa demande d'expertise, en l'absence de tout élément la corroborant, et de sa demande d'indemnisation des investissements ; que la cour constate que c'est à juste titre que le premier juge a ordonné l'expulsion de l'appelant et tous occupants de son chef de la parcelle litigieuse, du fait de leur occupation illicite, et a fait droit à la demande des intimées relative à la remise en état des lieux, sous astreinte journalière ; qu'ainsi que l'a justement retenu le premier juge, à défaut de justifier d'un préjudice distinct de celui résultant de l'occupation illicite de la parcelle, les requérantes seront déboutées de leur demande de condamnation au paiement de la somme de 6 millions de francs à titre de dommages-intérêts, non fondée ; que le jugement du 28 octobre 2015 sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. C... U... ne conteste pas occuper la parcelle Turanahiti, d'une superficie de 24.800 m2 sise au district Mahu ; qu'il justifie d'une autorisation écrite établie le 2 mars 1989 par M. A... ou U... aux termes de laquelle il est autorisé « à construire sa maison d'habitation sur une parcelle de la terre d'habitation sur une parcelle de la terre [...] dont je suis propriétaire » ; que le tribunal considère que M. C... U... ne peut revendiquer la qualité de propriétaire de la terre Turanahiti au visa du seul compromis de vente d'immeuble en date du 6 juin 1989, aux termes duquel il entend acquérir la terre Turanahiti moyennant le prix de 2 millions de francs ; qu'en effet, l'acte précise que « le consentement du vendeur à la présente et le transfert de propriété sont subordonnés à la condition de la signature de l'acte authentique du ministère de maître A L..., notaire à Papeete, choisi d'un commun accord entre les parties, avec paiement du prix prévu et des frais au plus tard dans le délai d'un mois de la réalisation des conditions suspensives ci-dessus prévues » ; que le défendeur ne démontre pas que la vente a été réitérée par acte authentique, se bornant à produire une procuration régularisée devant le commandant de la brigade de gendarmerie de Tubai, faisant fonction de notaire, le 10 octobre 1989, outre les documents bancaires de virement d'une somme de 2 millions de francs « à A... T » ; que le tribunal constate que le transfert de propriété, à défaut de la réalisation de la vente par acte authentique, n'est pas effectif ; que dans ces conditions M. C... U... ne peut se prévaloir de la qualité de propriétaire de la terre Turanahiti ; que les requérantes seront toutefois déclarées mal fondées en leur demande de condamnation du défendeur au paiement de la somme de 2 millions de francs au titre « de dommages-intérêts forfaitaires » ; qu'en effet, le compromis de vente ne prévoit que le paiement d'une somme de 10 % du prix stipulé à titre de dommages-intérêts, « sauf l'effet des conditions suspensives » les requérantes ne démontrent pas que les conditions suspensives aient été levées, notamment l'autorisation administrative de transfert ; qu'en conséquence, elles seront déclarées mal fondées dans leur demande de dommages-intérêts ; que la sommation de faire délivrée au défendeur le 27 avril 2011, contenant également sommation de déguerpir, ainsi que la procédure en cours démontrent la volonté des requérantes de mettre un terme à l'autorisation d'occuper la parcelle consentie par leur père le 2 mars 1989 ; qu'en conséquence, elles seront déclarées bien fondées en leur demande d'expulsion de M. C... U... de tous occupants de son chef de la parcelle, lequel y demeure sans droit ni titre, ainsi qu'en leur demande de remise en état, sous astreinte journalière ; qu'à compter de la délivrance de la sommation de faire et de déguerpir en date du 27 avril 2011, le défendeur ne pouvait ignorer que les requérantes entendaient mettre un terme à l'autorisation d'occupation de la parcelle délivrée par leur père le 9 mars 1989 ; qu'en conséquence, l'indemnité d'occupation, qui sera fixée à la somme mensuelle de 120 000 francs, sera due par M. C... U... à compter du 27 avril 2011 jusqu'à la libération effective des lieux et la remise en état du terrain ;

1°/ ALORS QUE la promesse synallagmatique de vente vaut vente et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix ; qu'en l'espèce, pour juger que le transfert de propriété n'était pas effectif, la cour d'appel a retenu le défaut de la réalisation de la vente par acte authentique (arrêt, p. 4 § 8) ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (ccl. p.3), si le paiement du prix de la vente soit 2 millions de francs, postérieurement à la signature du compromis de vente et l'acceptation de ce paiement par le vendeur, établissaient la volonté de MM. A... et U... de réaliser la vente et le transfert de propriété, nonobstant l'absence formelle de réitération de l'acte authentique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1589 et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire ; que les juges d'appel peuvent se prononcer en cause d'appel sur une demande nouvelle s'il s'agit notamment d'une défense à la prétention de l'adversaire ; qu'en l'espèce, Mmes U... et A... ont saisi le tribunal de première instance pour constater l'occupation illicite, selon elle, par M. C... U... d'une parcelle de terrain et obtenir son expulsion ; que M. C... U... a fait valoir en appel qu'il était en tout état de cause propriétaire de cette terre par prescription décennale ; que pour déclarer irrecevable cette demande, la cour d'appel a énoncé que celle-ci était nouvelle comme non connexe à la demande principale (arrêt, p. 4 dernier §) ; qu'en statuant ainsi, tandis que la demande de M. C... U... de prescription acquisitive était une demande qui visait à s'opposer à la demande principale d'expulsion formulée par Mmes U..., de sorte qu'elle était recevable en appel, la cour d'appel a méconnu les articles 34, 35 et 349 du code de procédure civile de la Polynésie Française;

3°/ ALORS QUE, subsidiairement, sont recevables en appel les demandes connexes à la demande principale ; qu'en l'espèce M. U... avait demandé en première instance, pour s'opposer à la demande d'expulsion, à être reconnu propriétaire de la parcelle litigieuse en faisant valoir qu'il avait acquis cette parcelle de M. A... ; qu'en appel, M. U... a fait valoir, qu'en toute hypothèse, il était propriétaire de la parcelle par prescription acquisitive décennale ; que pour déclarer irrecevable cette demande, la cour d'appel a énoncé qu'elle n'était pas connexe à la demande principale de M. U... (arrêt, p. 4 dernier §) ; qu'en statuant ainsi, tandis que les deux demandes étaient connexes, car elles tendaient aux mêmes fins, à savoir la reconnaissance du droit de propriété de M. U... sur la parcelle litigieuse, la cour d'appel a méconnu l'article 349 du code de procédure civile de la Polynésie française ;

4°/ ALORS QUE, infiniment subsidiairement, si les juges du fond disposent en principe d'un pouvoir souverain pour apprécier l'opportunité d'une mesure d'instruction, c'est à la condition de la suffisance de leur motivation ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande d'expertise de M. U... pour évaluer les investissements effectués sur la parcelle litigieuse, la cour d'appel a énoncé que M. U... ne rapportait pas la preuve de la conformité de son habitation aux règles d'urbanisme et que les « les photos du terrain versées aux débats par les intimées, et non remises en cause par M C... U..., laissent apparaître un terrain nu, en friche, dégradé, des cabanes en tôle, des engins (camions) et une maison avec un toit en béton qui ne sont pas révélatrices d'une mise en valeur qui aurait justifié un minimum d'investissement » (arrêt, p 5 § 5) ; que pour débouter M. U..., la cour d'appel a ainsi pris en considération la caractère supposé modeste des investissements faits par M. U... ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à justifier le rejet de la demande d'instruction, qui n'était pas subordonnée à la démonstration que les investissements aient été importants ou luxueux, la cour d'appel a violé les articles 82 et 83 du code de procédure civile de la Polynésie française.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-19707
Date de la décision : 12/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Papeete, 26 avril 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 12 déc. 2019, pourvoi n°18-19707


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Colin-Stoclet, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19707
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