LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, qui est recevable comme étant né de la décision attaquée :
Vu l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, que M. S... a souscrit auprès de la société GMF assurances (l'assureur) un contrat d'assurance automobile selon la formule « tous risques conforts » incluant une garantie des dommages accidentels ; que M. S... a effectué une déclaration de sinistre en exposant que le 23 août 2013 son véhicule avait heurté un veau divaguant sur une route départementale de Haute-Corse, qu'il avait tenté de se garer quelque mètres plus loin sur le bas-côté pour constater les dégâts, que la voiture, dont les freins étaient défectueux, avait commencé à basculer dans le vide et qu'il en était sorti par le toit décapotable avant qu'elle ne verse dans le ravin en contrebas ; que l'assureur ayant dénié sa garantie, M. S... l'a assigné en exécution du contrat ;
Attendu que pour dire que M. S... a fait une fausse déclaration sur la cause du sinistre et le débouter de ses demandes, l'arrêt retient que l'attestation d'un gendarme, intervenu sur les lieux, établit que le véhicule est bien tombé dans un ravin ; que les certificats médicaux établissent que M. S... a été blessé ; qu'il est également démontré que, deux jours plus tard, un veau mort a été ramassé dans la zone de l'accident ; que, cependant, le rapport d'expertise de l'expert de l'assureur indique que le récit de la manoeuvre du véhicule sur le terre-plein ainsi que l'angle de la chute ne sont pas vraisemblables en considération du modèle du véhicule et de la configuration des lieux ; que le rapport de cet expert n'est contredit par aucune étude technique ; qu'il s'y ajoute les faits relevés par l'assureur, qu'en cas de défaillance du frein à pied, le frein à main aurait pu suffire à arrêter le véhicule, et que le conducteur ne pouvait pas avoir le temps matériel d'ouvrir la capote du toit et de s'éjecter du véhicule au cours de la chute ; que M. S... ne donne à toutes ces incohérences aucune explication concrète propre à justifier l'exactitude de ses déclarations à son assureur ; que celui-ci est par conséquent bien fondé à considérer que l'assuré a fait une fausse déclaration le privant de la garantie en application de l'article 5.1.1 du contrat liant les parties ;
Qu'en statuant ainsi, en se fondant exclusivement sur un rapport d'expertise non judiciaire réalisé à la demande de l'assureur pour retenir l'existence d'une fausse déclaration sur la cause du sinistre, sans constater que ce rapport était corroboré par d'autres éléments de preuve, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne la société GMF assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société GMF assurances ; la condamne à payer à M. S... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. S....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR infirmé la décision déférée et, statuant à nouveau, D'AVOIR dit que M. S... a fait une fausse déclaration sur la cause du sinistre du 24 août 2013, D'AVOIR dit en conséquence que la GMF est bien-fondée à opposer la déchéance de la garantie contractuelle, D'AVOIR rejeté les demandes de M. S..., D'AVOIR condamné M. S... à payer à la GMF la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, D'AVOIR condamné M. S... aux dépens de première instance et d'appel.
AUX MOTIFS QUE « dans sa déclaration à son assureur, M. S... explique que le 24 août 2013, circulant sur la CD 38 sur la commune d'Oletta, il est entré, malgré un freinage rapide, en collision avec un veau en divagation sur le côté droit de la chaussée dans son couloir de circulation ; qu'il se serait ensuite garé sur le bas-côté, quelques mètres plus loin, pour constater les dégâts sur son véhicule, mais, le frein se trouvant alors défectueux, et sentant la voiture basculer dans le vide, il en serait sorti par le toit décapotable, la voiture finissant plusieurs mètres en contrebas dans le ravin ; que l'attestation d'un gendarme, M. C..., qui est intervenu sur les lieux, établit que le véhicule est bien tombé dans le ravin'; les certificats médicaux établissent que M. S... a été blessé ; il est également démontré que, deux jours plus tard, un veau mort a été ramassé par la société Equarri Corse dans la zone de l'accident ; que cependant, le rapport d'expertise de l'expert de la GMF indique que le récit de la manoeuvre du véhicule sur le terre-plein ainsi que l'angle de la chute ne sont pas vraisemblables en considération du modèle du véhicule (Smart) et à la configuration des lieux ; qu'il indique, calculs à l'appui : - qu'eu égard au rayon de braquage du véhicule d'après la donnée technique constructeur et la distance entre le point de chute et le côté opposé de la route, le véhicule n'aurait pu tourner que de 79.65°, or il a effectué une rotation de 110° vers la droite ; - que malgré le faible coefficient d'accélération d'une pente de 6.7%, le véhicule, même lancé à 100 km/h, aurait eu le temps de s'arrêter prudemment sur le terre-plein, lui-même largement assez grand pour accueillir une Smart, - que la largeur de la route additionnée à celle du terre-plein ne permet théoriquement pas à une Smart de chuter avec le même angle que celui mesuré sur place ; qu'une Smart d'après les données du constructeur ne peut pas chuter à cet endroit avec un angle de 90° par rapport à la route, - que d'après la déclaration, le véhicule n'a pas fait de tête à queue et qu'il n'y a pas sur place de traces de frein ; que le rapport de cet expert n'est contredit par aucune étude technique argumentée, et M. S... n'a jamais sollicité d'autre expertise ; que s'y ajoute les faits, relevés par l'assureur, qu'en cas de défaillance du frein à pied, le frein à main aurait pu suffire à arrêter le véhicule, et que le conducteur ne pouvait pas avoir le temps matériel d'ouvrir la capote du toit et de s'éjecter du véhicule au cours de la chute ; que M. S... ne donne à toutes ces incohérences aucune explication concrète propre à justifier l'exactitude de ses déclarations à son assureur. Celui-ci est par conséquent bien fondé à considérer que l'assuré a fait une fausse déclaration le privant de la garantie en application de l'article 5.1.1 du contrat liant les parties ; qu'en conséquence, le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions et les demandes d'indemnisation de M. S... seront rejetées : qu'il sera en équité condamné à verser à la GMF la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'il supportera les dépens ».
1°/ ALORS QUE le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties ; qu'en prononçant la déchéance de la garantie pour fausse déclaration de sinistre en se fondant exclusivement sur « le rapport d'expertise de l'expert de la GMF » (arrêt attaqué, p. 4, §3), dont elle a relevé qu'il n'était contredit par aucune étude technique argumentée, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.
2°/ ALORS QUE le juge ne peut fonder exclusivement sa décision sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties et qui n'est corroborée par aucun autre élément de preuve ; qu'en prononçant la déchéance de la garantie pour fausse déclaration de sinistre en se fondant sur « le rapport d'expertise de l'expert de la GMF » (arrêt attaqué, p. 4, §3), tout en relevant qu'il était conforté par « les faits, relevés par l'assureur, qu'en cas de défaillance du frein à pied, le frein à main aurait pu suffire » (arrêt attaqué, p. 5, §2) et que « le conducteur ne pouvait pas avoir le temps matériel (
) de s'éjecter du véhicule » (arrêt attaqué, p. 5, §2), faits contestés qui s'évinçaient du seul rapport d'expertise auquel l'assureur se bornait à renvoyer sans être corroborés par aucun autre élément de preuve (concl. d'appel GMF, p. 6), la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.
3°/ ALORS QU'il appartient à l'assureur de rapporter la preuve que les conditions de la déchéance de la garantie sont réunies ; qu'en reprochant à l'assuré de n'avoir fourni « aucune explication concrète propre à justifier l'exactitude de ses déclarations à son assureur » (arrêt attaqué, p. 5, §3), quand il incombait à ce dernier de rapporter la preuve du caractère mensonger de la déclaration de sinistre litigieuse, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation de l'article 1315, devenu 1353 du code civil.
4°/ ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant, d'une part, qu'il était établi que le véhicule avait chuté dans le ravin, que l'assuré avait été blessé et que, deux jours plus tard, « un veau mort (avait) été ramassé par la société Equarri Corse dans la zone de l'accident », ce qui expliquait concrètement le déroulement des faits tels que rapportés par l'assuré, tout en relevant, d'autre part, que M. S... ne fournissait « aucune explication concrète propre à justifier l'exactitude de ses déclarations à son assureur » (arrêt attaqué, p. 5, §3), la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile.