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11/12/2019 | FRANCE | N°19-12596

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 11 décembre 2019, 19-12596


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 2314-32 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas du texte susvisé, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la

liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait r...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :

Vu l'article L. 2314-32 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas du texte susvisé, la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la première phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection d'un nombre d'élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d'hommes que celle-ci devait respecter. Le juge annule l'élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l'ordre inverse de la liste des candidats. La constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa du même article L. 2314-30 entraîne l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions ; que par ailleurs, l'article L. 2314-29 du même code dispose dans ses troisième et quatrième alinéas : « Lorsque le nom d'un candidat a été raturé, les ratures ne sont pas prises en compte si leur nombre est inférieur à 10 % des suffrages exprimés en faveur de la liste sur laquelle figure ce candidat. Dans ce cas, les candidats sont proclamés élus dans l'ordre de présentation » ;

Attendu qu'il en résulte que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 2314-30 du code du travail entraîne l'annulation de l'élection des élus du sexe dont le positionnement sur la liste des candidats ne respecte pas ces prescriptions et que pour l'application de cette règle, le juge tient compte de l'ordre des élus tel qu'il résulte le cas échéant de l'application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés ;

Attendu selon jugement attaqué, que les sociétés Vente-Privée.com, Oosearch, Digital commerce et Vente-Privée logistique constituent une unité économique et sociale comportant deux établissements distincts, « siège » et « logistique », ce dernier composé des salariés de la société Vente-privée logistique (la société) ; que les élections des membres du comité social et économique de l'établissement « logistique » se sont déroulées le 10 octobre 2018 ; que dans le premier collège, ont été élus en qualité de titulaires, sur des listes établies par le syndicat CFTC, outre Mme E..., en première position, M. G..., figurant en troisième position après M. B... sur la liste des candidats et en seconde position dans l'ordre des élus après prise en compte des ratures ; que par déclaration déposée au greffe le 23 octobre 2018, la société a notamment saisi le tribunal d'une demande d'annulation de l'élection de M. G... au motif que la liste sur laquelle il figurait ne respectait pas l'alternance hommes/femmes imposée par le code du travail ;

Attendu que pour rejeter cette demande d'annulation, le tribunal d'instance retient que la liste CFTC présentée pour l'élection des titulaires dans le premier collège, et qui a obtenu deux sièges, était ainsi composée dans l'ordre de présentation de Mme R... E..., M. C... B..., M. O... G..., Mme Q... S... K..., (...) et qu'ont été élus Mme R... E... et M. O... G... ; qu'il est observé que si cet ordre de présentation n'avait pas été modifié par les ratures affectant la candidature de M. C... B..., la liste aurait obtenu un élu de chaque sexe conformément à l'objectif poursuivi par le législateur ; qu'en raison du pourcentage de ratures ayant affecté la candidature de M. C... B..., c'est encore un résultat conforme à cet objectif qui a été atteint ; qu'en revanche, si la règle d'alternance avait été respectée - Mme Émilie S... K... étant alors en troisième position -, ce sont deux candidats du même sexe qui auraient été élus, soit un résultat contraire à l'objectif légal ; qu'une interprétation et une application téléologiques de la règle d'alternance reposant sur sa finalité telle que voulue par le législateur s'opposent donc à l'annulation de l'élection de M. O... G... dès lors que le non-respect de cette règle s'avère, en l'espèce, n'avoir porté aucune atteinte à l'objectif poursuivi par la loi ;

Qu'en statuant comme il a fait, le tribunal a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 8 février 2019, entre les parties, par le tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance de Bobigny ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Vente-Privée logistique.

Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR débouté la société Vente-Privée Logistique de sa demande d'annulation de l'élection de M. O... G... en qualité de membre titulaire, premier collège, de la délégation du personnel au comité social et économique intervenue le 10 octobre 2018 au sein de son établissement.

AUX MOTIFS QUE sur le fond, en matière de représentation équilibrée des hommes et des femmes, le code du travail dispose en son article L 2314-30, alinéas 1 et 5, que « Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l'article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d'un nombre de femmes et d'hommes correspondant à la part de femmes et d'hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d'un candidat de chaque sexe jusqu'à épuisement des candidats d'un des sexes. Le présent article s'applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants. »; qu'aux termes de l'article L 2314-32, alinéa 4, du même code, « La constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à la seconde phrase du premier alinéa du même article L. 2314-3 0 entraîne l'annulation de l'élection du ou des élus dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions. »; que, tout d'abord, en ce qui concerne les moyens de défense invoqués, que la fédération des syndicats CFTC-CSFV ainsi que Messieurs O... G... et W... J... ne sauraient se prévaloir, s'agissant de la mise à l'écart d'exigences d'ordre public, de la tolérance de l'employeur à l'égard des élus de la liste CGT dont l'élection n'a pas été contestée pour revendiquer un traitement équivalent au nom du principe d'égalité entre les syndicats et conclure ainsi au débouté de la demande ; que les défendeurs, qui ne contestent pas que les listes de candidats CFTC ne respectaient pas l'alternance entre les hommes et les femmes, ne peuvent davantage se prévaloir d'une faute de l'employeur pour s'exonérer de leur méconnaissance de l'exigence d'alternance, laquelle résulte non du protocole préélectoral dont ils n'auraient eu connaissance que tardivement, mais de la loi qu'ils ne sauraient ignorer ; qu'ensuite, la règle d'alternance posée par la deuxième phrase de l'article L. 2314-30 tend à assurer l'effectivité de l'obligation de composer les listes de candidats de manière à ce qu'elles soient le reflet de la proportion d'hommes et de femmes employés dans le collège considéré en interdisant de placer en position de non éligibles en fin de liste les candidats d'un sexe déterminé ; que sauf les incidences éventuelles du droit de raturage dont disposent les électeurs, le législateur entend ainsi faire que lorsque deux candidats sont élus sur une même liste, ce soit un candidat de chaque sexe ; qu'en l'espèce, il est rappelé que la liste CFTC présentée pour l'élection des titulaires dans le premier collège, et qui a obtenu deux sièges, était ainsi composée dans l'ordre de présentation de Madame R... E..., Monsieur C... B..., Monsieur O... G..., Madame Q... S... K..., (...) et qu'ont été élus Madame R... E... et Monsieur O... G... ; qu'il est observé que si cet ordre de présentation n'avait pas été modifié par les ratures affectant la candidature de Monsieur C... B..., la liste aurait obtenu un élu de chaque sexe conformément à l'objectif poursuivi par le législateur ; qu'en raison du pourcentage de ratures ayant affecté la candidature de Monsieur C... B..., c'est encore un résultat conforme à cet objectif qui a été atteint ; qu'en revanche, si la règle d'alternance avait été respectée - Madame Émilie S... K... étant alors en 3ème positon -, ce sont deux candidats du même sexe qui auraient été élus, soit un résultat contraire à l'objectif légal ; qu'une interprétation et une application téléologiques de la règle d'alternance reposant sur sa finalité telle que voulue par le législateur s'opposent donc à l'annulation de l'élection de Monsieur O... G... dès lors que le non-respect de cette règle s'avère, en l'espèce, n'avoir porté aucune atteinte à l'objectif poursuivi par la loi ; qu'une telle compréhension et application de la règle d'alternance sont d'autant plus nécessaires que la solution inverse conduirait non seulement à un résultat non conforme à celui voulu par le législateur puisqu'un seul sexe serait représenté, mais encore à un résultat pénalisant la collectivité des salariés puisque la délégation du personnel au CSE serait incomplète et ceci, au profit de l'employeur qui, sur l'ensemble du cycle électoral, ferait notamment l'économie d'un nombre significatif d'heures de délégation ; qu'il n'y a dès lors pas lieu d'annuler l'élection de Monsieur O... G... en qualité de titulaire ; qu'en revanche, le non-respect de la règle d'alternance sur la liste des candidats présentés pour l'élection des suppléants a conduit à l'élection de deux candidats de même sexe, Monsieur Y... D... et Monsieur W... J..., placés respectivement en première et seconde position sur la liste, soit à un résultat contraire à l'objectif poursuivi par la loi ; que l'élection de Monsieur W... J... doit donc être annulée par application des dispositions de l'article L 2314-32, alinéa 4, précitées.

1) ALORS QUE le juge doit en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur un moyen de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, il ne résulte ni de l'exposé des prétentions de la fédération des syndicats Cftc-Csfv, de M. G... et de M. J... devant le tribunal ni de leurs conclusions que ceux-ci aient soutenu qu'une interprétation et une application téléologiques de la règle d'alternance reposant sur sa finalité telle que voulue par le législateur s'opposaient à l'annulation de l'élection de M. G... en qualité de membre titulaire, premier collège, de la délégation du personnel au Cse de la société Vente-Privée Logistique dès lors que le non-respect de cette règle s'avérait n'avoir porté aucune atteinte à l'objectif poursuivi par la loi à partir du moment où, qu'il y ait eu ou non modification de la liste Cftc sur laquelle figurait M. G... en raison des ratures affectant la candidature de M. B..., cette liste aurait obtenu un élu de chaque sexe ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile.

2) ALORS QUE la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats de la règle de l'alternance prévue par la deuxième phrase du premier alinéa des articles L. 2314-24-1et L. 2324-22-1 entraîne l'annulation de l'élection de tout élu dont le positionnement sur la liste de candidats ne respecte pas ces prescriptions à moins que la liste corresponde à la proportion de femmes et d'hommes au sein du collège concerné et que tous les candidats de la liste aient été élus ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations du tribunal, d'une part, que la liste présentée par la Cftc pour l'élection des membres titulaires, premier collège, de la délégation du personnel au Cse de la société Vente-Privée Logistique ne respectait pas la règle de l'alternance posée par la deuxième phrase de l'article L 2314-30, alinéa 1, du code du travail, cette liste étant composée dans l'ordre de présentation de Mme E..., de M. B..., de M. G... et de Mme S... K..., d'autre part, que seuls deux candidats de cette liste, Mme E... et M. G..., ont été élus ; que ces constatations suffisaient donc à justifier l'annulation de l'élection de M. G... dont le positionnement sur la liste présentée par la Cftc ne respectait pas la règle de l'alternance ; qu'en déboutant néanmoins la société Vente-Privée logistique de sa demande d'annulation de l'élection de M. G... au motif inopérant que le non-respect de cette règle s'avérait n'avoir finalement porté aucune atteinte à l'objectif poursuivi par la loi compte tenu de ce que la liste de la Cftc avait obtenu un élu de chaque sexe, le tribunal d'instance n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et a violé les articles L 2314-30, alinéa 1, et L 2314-32, alinéa 4, du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-12596
Date de la décision : 11/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

ELECTIONS PROFESSIONNELLES - Comité social et économique - Opérations électorales - Modalités d'organisation et de déroulement - Listes de candidatures - Alternance des candidats - Représentation équilibrée des femmes et des hommes - Défaut - Annulation de l'élection des élus du sexe dont le positionnement sur la liste n'est pas conforme - Modalités - Portée

Il résulte des articles L. 2314-32, alinéa 4, et L. 2314-29 du code du travail que la constatation par le juge, après l'élection, du non-respect par une liste de candidats des prescriptions prévues à l'article L. 2314-30, alinéa 1, seconde phrase, du même code entraîne l'annulation de l'élection des élus du sexe dont le positionnement sur la liste des candidats ne respecte pas ces prescriptions et que pour l'application de cette règle, le juge tient compte de l'ordre des élus tel qu'il résulte le cas échéant de l'application des règles relatives à la prise en compte des ratures dont le nombre est égal ou supérieur à 10 % des suffrages exprimés


Références :

Article L. 2314-32 du code du travail.

Décision attaquée : Tribunal d'instance d'Aulnay-sous-Bois, 08 février 2019

Dans le même sens que : Soc., 17 avril 2019, pourvoi n° 18-60173, Bull. 2019, (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 11 déc. 2019, pourvoi n°19-12596, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:19.12596
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