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11/12/2019 | FRANCE | N°18-24592

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 décembre 2019, 18-24592


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 4 mars 2014, Mme M... a fait l'acquisition auprès de la société Club Méditerranée d'un forfait touristique en vue d'effectuer une croisière ; que, le 14 juillet 2014, ayant refusé de se soumettre à un exercice de sécurité, Mme M... a été débarquée du navire en Ecosse avant le départ ; qu'elle a assigné la société Club Méditerranée en résolution du contrat et indemnisation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

A

ttendu que la société Club Méditerranée fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 4 mars 2014, Mme M... a fait l'acquisition auprès de la société Club Méditerranée d'un forfait touristique en vue d'effectuer une croisière ; que, le 14 juillet 2014, ayant refusé de se soumettre à un exercice de sécurité, Mme M... a été débarquée du navire en Ecosse avant le départ ; qu'elle a assigné la société Club Méditerranée en résolution du contrat et indemnisation ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, qui est préalable :

Attendu que la société Club Méditerranée fait grief à l'arrêt de prononcer la résolution du contrat et de la condamner à payer à Mme M... la somme de 4 056 euros, alors, selon le moyen que la société Club Med faisait valoir que les décisions à bord relevaient exclusivement du commandant de bord, auquel il appartenait de décider des sanctions contre les passagers récalcitrants ; qu'en retenant que la société Club Med avait commis un manquement en n'informant pas Mme M... des conséquences du refus de participer aux exercices de sécurité, sans répondre à la société Club Med, qui expliquait qu'elle ne pouvait délivrer une information sur une décision qui ne lui appartenait pas, le commandant de bord étant libre de décider de l'éventuelle sanction à appliquer, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, qu'en omettant de préciser les conséquences du refus de participer aux exercices de sécurité, la société Club Méditerranée avait manqué à son obligation d'information, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre cette dernière dans le détail d'une argumentation inopérante, a, par ce seul motif, justifié le prononcé de la résolution de la vente ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa première branche :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que, pour condamner Mme M... au paiement d'une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt énonce que celle-ci, indemnisée par le premier juge de son préjudice moral mais qui réitère sa demande initiale de ce chef par un appel incident, ne verse aucune pièce pour justifier de l'extranéité et de l'absence de maîtrise de la langue française dont elle se prévaut, qu'elle est née à Combourg en Ille-et-Vilaine, se domicilie en Gironde, et n'a pas demandé la traduction des actes de procédure ;

Qu'en statuant ainsi, alors que Mme M... invoquait, dans ses conclusions, une absence de maîtrise de la langue anglaise et ne se prévalait d'aucun élément d'extranéité, la cour d'appel a dénaturé ces écritures et violé le principe susvisé ;

Et vu les articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il est dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de statuer au fond ; que la résolution du contrat ayant été prononcée en raison d'un manquement de la société Club Méditerranée à son obligation d'information, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ne peut qu'être rejetée ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen du pourvoi principal :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne Mme M... à payer à la société Club Méditerranée la somme de 500 euros pour procédure abusive, l'arrêt rendu le 27 septembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Club Méditerranée ;

Condamne la société Club Méditerranée aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour Mme M..., demanderesse au pourvoi principal

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné Mme R... M..., épouse M..., à payer à la société Club Méditerranée la somme de 500 € pour procédure vexatoire et celle de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE la société Club Méditerranée demande la condamnation de Mme M..., née M..., à lui payer 1.000 € pour procédure abusive et vexatoire ; qu'en application de l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ; que le droit d'agir ou de résister en justice est ouvert à tout plaideur qui s'estime lésé dans ses droits, son exercice ne dégénérant en abus qu'autant que les moyens qui ont été invoqués à l'appui de la demande sont d'une évidence telle qu'un plaideur, même profane, ne pourra pas ignorer le caractère abusif de sa démarche ou qu'il n'a exercé son action qu'à dessein de nuire en faisant un usage préjudiciable à autrui ; que l'appel principal a été interjeté par la société Club Méditerranée, Mme M... a formé appel incident et réitéré sa demande initiale de dommages-intérêts à hauteur de 3.000 €, faisant valoir son âge au moment des faits et la difficulté de regagner inopinément son domicile déjà exposés au premier juge, y ajoutant qu'elle s'est retrouvée dans un pays étranger dont elle ne parle pas la langue ; que le premier juge avait fait droit à l'intégralité du préjudice matériel et indemnisé tous les frais de réacheminement exposés par Mme M..., il avait souverainement apprécié le préjudice moral en l'absence de tout justificatif, en retenant seulement l'âge ; que Mme M..., née M... ne verse aucune pièce pour justifier de l'extranéité dont elle se prévaut devant la cour qui relève qu'elle est née à Combourg en Ille-et-Vilaine, qu'elle se domicilie dans ses écritures chez des amis à Le Teich (33470) et n'a pas demande de traduction des actes de procédure ; qu'en invoquant au soutien de sa demande de réformation du préjudice moral et pour la première fois une extranéité et une absence de maîtrise de la langue française non démontrées, Mme M... a fait un usage dilatoire de ses droits, en conséquence de quoi il y a lieu à indemnisation de la société Club Méditerranée à hauteur de 500 € ;

ALORS QUE les juge ne peuvent dénaturer les conclusions des parties ; que dans ses conclusions d'appel du 21 février 2017 (p. 9, alinéa 6), Mme M... faisait valoir, à l'appui de ses demandes indemnitaires, qu'à la suite de son débarquement du navire dans le port d'Edimbourg (Leith) en Ecosse, elle s'était trouvée contrainte, sans parler la langue du pays, à 81 ans, de devoir trouver une solution d'hébergement et de restauration, pour envisager de revenir en France le lendemain par ses propres moyens ; qu'en énonçant, pour considérer que Mme M... faisait ainsi « un usage dilatoire de ses droits » et qu'elle menait une procédure « vexatoire », que celle-ci invoquait de mauvaise foi « une extranéité et une absence de maîtrise de la langue française » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 8), cependant que Mme M... invoquait dans ses écritures une absence de maîtrise de la langue anglaise, et non de la langue française qui effectivement est sa langue maternelle, et qu'elle ne se prévalait d'aucun élément d'extranéité, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de Mme M... et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

ET ALORS PAR AILLEURS QU' il n'a jamais été prétendu par l'une ou l'autre des deux parties que Mme M... dont la nationalité française était constante, ne parlait pas la langue française ; qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a donc dénaturé aussi les termes du litige et violant l'article 4 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Club Méditerranée, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résolution du contrat et condamné la société Club Med à payer à Mme M... la somme de 4.056 euros,

AUX MOTIFS QUE les parties se prévalent des dispositions du code civil et du code des transports ; qu'en application de l'article 1134 ancien du code civil applicable à l'espèce le contrat doit être exécuté de bonne foi ; que l'article 1184 ancien du même code dispose que la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement ; qu'en l'espèce le contrat stipulait l'obligation de participer aux exercices de sécurité sans toutefois préciser la sanction en cas de non respect de cette obligation ; qu'il est constant et non contesté que les dits exercices informatifs ne requièrent aucune compétence physique particulière ; que Mme M... ne conteste avoir refusé d'y participer, ni avoir pris part à l'excursion qui les précédait, ce qui témoigne que son état de santé physique était satisfaisant, elle n'argue d'aucune difficulté médicale, elle ne s'explique pas sur le motif de son refus ; qu'elle ne conteste pas le fond des attestations versées par la SA Club Méditerranée mais seulement leur forme non conforme à l'article 202 du code de procédure civile outre qu'elles émanent de subordonnés du voyagiste, lequel soutient que l'incident a été relaté par le capitaine sur le livre de bord du navire lequel fait foi jusqu'à preuve contraire par application de l'article L 5412-7 du code des Transports ; que néanmoins outre que les disposition de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité, il appartient au juge d'apprécier souverainement si elle présente des garanties suffisantes pour emporter sa conviction ; qu'en l'espèce les témoignages sont concordants sur l'agressivité de Mme M..., son comportement vindicatif et son refus de se soumettre aux règles dont il doit être relevé qu'elle avait accepté en souscrivant le contrat ; qu'en effet dès avant l'exercice de sécurité elle a refusé de remettre sa carte d'embarquement après l'excursion au motif que cette demande s'apparentait à du flicage, elle s'est enfermée dans sa cabine alors que les passagers étaient invités à se présenter sur les ponts pour l'exercice, ce sans se signaler et n'a argué de problèmes médicaux qu'après l'intervention du personnel de bord, ce alors que le médecin de bord atteste que " son état de santé ne présentait pas de contre-indication médicale immédiate à la réalisation de cet exercice de sécurité obligatoire avant l'appareillage du navire" ; qu'il en résulte que Mme M..., qui n'ignorait pas avant de monter à bord l'obligation de participer aux exercices de sécurité, s'y est volontairement soustraite de mauvaise foi, ce malgré l'intervention du commandant de bord, du responsable de la sécurité et du "chef de village" et du médecin qui ont tenté de la ramener à la raison, ce qui suffit à caractériser l'exécution fautive du contrat de son fait ; qu'en conséquence de quoi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a ordonné la résolution du contrat à défaut pour la SA Club Méditerranée d'avoir satisfait à l'obligation d'informer Mme M... des conséquence du refus de participer aux exercices de sécurité, mais il y sera ajouté que cette dernière a également commis une faute en refusant sans motif d'y participer ; qu'en conséquence de quoi le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du contrat et infirmé pour le surplus ; les parties seront remises en l'état antérieur à la conclusion du contrat, la SA Club Méditerranée sera condamnée à restituer la somme 4.056 E et Mine M... sera débouté de ses demandes au titre des frais de réacheminement et du préjudice moral ;

ALORS QUE la société Club Med faisait valoir que les décisions à bord relevaient exclusivement du commandant de bord, auquel il appartenait de décider des sanctions contre les passagers récalcitrants ; qu'en retenant que la société Club Med avait commis un manquement en n'informant pas Mme M... des conséquences du refus de participer aux exercices de sécurité, sans répondre à la société Club Med, qui expliquait qu'elle ne pouvait délivrer une information sur une décision qui ne lui appartenait pas, le commandant de bord étant libre de décider de l'éventuelle sanction à appliquer, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-24592
Date de la décision : 11/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 27 septembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 déc. 2019, pourvoi n°18-24592


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.24592
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