LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les 17 juin et 6 septembre 2010 Y... O..., entrepreneur individuel exerçant une activité de location de bâches, tentes et chapiteaux, a conclu avec la société Bureau de vérification chapiteaux tentes et structures (la société) des "engagements d'intervention contrat", qu'il a résiliés le 29 novembre 2012 ; que la société l'a assigné en paiement de diverses sommes au titre d'une perte de gains et du dédit ; que Mme J..., Mme W... et Mme O..., veuve, mère et soeur de Y... O..., décédé, appelées en cause, ont demandé la condamnation de la société à leur payer certaines sommes à titre de dommages-intérêts et de remboursement du prix de diverses interventions ;
Attendu que pour prononcer la nullité des contrats, après avoir constaté que chacun était conclu pour une durée de quatre ans et renouvelable par tacite reconduction pour une même période, l'arrêt relève qu'il résulte des dispositions contractuelles la faculté pour les parties de résilier les engagements tous les deux ans, moyennant un préavis de trois mois et le paiement d'une clause de dédit ; qu'il retient ensuite que les visites périodiques imposées légalement intervenant tous les deux ans, chaque visite obligatoire donne lieu à la souscription d'un nouvel engagement de quatre ans, de sorte que les cocontractants ne peuvent jamais mettre un terme au contrat sans s'acquitter d'un dédit, chaque visite obligatoire ayant pour effet de repousser l'échéance du contrat initial ; qu'il en déduit que la nullité des contrats doit être prononcée pour violation du principe de la prohibition des engagements perpétuels ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les contrats stipulaient que, conclus pour une durée de quatre ans et renouvelables par tacite reconduction pour une période identique, ils pouvaient être résiliés au terme d'une période de deux ans, moyennant un préavis de trois mois et le paiement d'un dédit, la cour d'appel, qui en a méconnu les termes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne Mmes W..., O... et J... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Bureau de vérification chapiteaux tentes et structures
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné, en qualité d'héritières de feu Y... O..., Mme J... veuve O..., Mme W... veuve O... et Mme O... épouse L..., solidairement entre elles, à payer à la société BVCTS la somme de 1 885,91 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2012 ainsi que la somme de 1 885,91 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2014 au titre de la clause de dédit et d'avoir, statuant à nouveau, prononcé la nullité des contrats conclus entre M. O... (entreprise BACHES DESPINOY) et la société BVCTS le 17 juin 2010 pour une visite périodique de ses structures n° 59 117 et 67 117 ainsi que le 6 septembre 2010 pour la visite périodique de sa structure n° 59 126,
Aux motifs que « Sur la nullité des contrats :
Les appelantes et Mme J... opposent que ces contrats "59.117, 67.117, 59.126 et 62.44 (qui ne fait pas partie du litige)" étaient constitutif d'engagements perpétuels prohibés. A cet égard, elles disent qu'il n'existaient en réalité aucun moyen d'en sortir sauf à verser un dédit injustifié.
BVCTS rétorque que la durée des contrats est parfaitement indiquée et n'a rien d'excessif, prévoyant une durée de 4 ans avec possibilité de résiliation au bout de 2 ans moyennant un préavis de 3 mois.
Le représentant de l'entreprise Baches O.. a signé une "demande d'intervention contrat" avec le BVCTS le 7 juin 2010 pour une visite périodique de ses structures n° 59 117 et 67 117 ainsi que le 29 août 2010 pour la visite périodique de sa structure n° 59 126.
Chacun de ces contrats prévoit qu'il "est établi pour une durée de 4 ans et sera renouvelé par tacite reconduction pour une période de quatre ans. La périodicité prévue à l'arrêté du 23-01685 modifié est actuellement de deux ans, charge à la partie qui voudrait résilier de prévenir 3 mois à l'avance par lettre recommandée. La partie qui rompra paiera un dédit égale au montant du coût des interventions. Cette dernière clause n'est pas applicable au BVCTS en cas de non renouvellement de l'habilitation ministérielle".
Il résulte de ces dispositions contractuelles la faculté pour les parties de résilier tous les deux ans moyennant un préavis de trois mois et le paiement d'une clause de dédit.
Les visites périodiques obligatoires intervenant tous les deux ans, c'est justement que les appelantes font valoir que chaque visite obligatoire donne lieu à la souscription d'un nouvel engagement de quatre ans, de sorte que les cocontractants ne peuvent jamais mettre un terme au contrat sans s'acquitter d'un dédit.
En effet, chaque visite obligatoire a pour effet de repousser l'échéance du contrat initial et le cocontractant se trouve tenu à des obligations qui peuvent se poursuivre de manière indéfinie sauf à s'acquitter d'un dédit correspondant au montant du coût des interventions.
La nullité des contrats en cause : "demande d'intervention contrat" avec le BVCTS le 17 juin 2010 pour une visite périodique de ses structures n° 59 117 et 67 117 ainsi que "demande d'intervention contrats" avec le BVCTS le 6 septembre 2010 pour la visite périodique de sa structure n° 59 126 doit être prononcée, en ce qu'ils constituent une violation (du) principe de la prohibition des engagements perpétuels.
Dès lors, le jugement est infirmé en ce qu'il a condamné, en qualité d'héritières de feu Y... O..., Mme J... (veuve de Y... O...), mme W... veuve O... (mère du défunt), et Mme O... (soeur du défunt), solidairement entre elles, à payer à la société BVCTS la somme de 1 885,91 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 4 décembre 2012 ainsi que la somme de 1 885,91 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 20 août 2014 au titre de la clause de dédit » ;
Alors qu' il résulte des conditions générales de chacun des contrats litigieux, claires et dépourvues de toute ambiguïté, que sa durée était de quatre ans à défaut de tacite reconduction, le refus de la reconduction n'étant subordonné au versement d'aucun dédit, peu important à cet égard que chacune des parties ait eu de surcroît la faculté de résilier le contrat à l'issue de la première période biennale moyennant le versement d'un dédit ; qu'ainsi chacun des contrats litigieux était à terme déterminé ; qu'en retenant néanmoins que chaque visite obligatoire impose au propriétaire ou exploitant de souscrire auprès de la société BVCTS un nouvel engagement de quatre ans ou que chaque visite réalisée dans le cadre du contrat souscrit auprès de la société BVCTS a pour effet de « repousser l'échéance du contrat initial », la Cour d'appel a dénaturé la clause précitée, en violation de l'article 1134 ancien du Code civil, ensemble l'article 1103 nouveau du même Code.