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05/12/2019 | FRANCE | N°18-23715

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 05 décembre 2019, 18-23715


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018), que, M. et Mme Q..., propriétaires d'un lot dans un lotissement, ayant réalisé des travaux sur leur terrain, la société Paraverca, propriétaire d'un lot voisin, a obtenu la désignation d'un expert par ordonnance de référé du 18 juillet 2006 ; que, le rapport d'expertise ayant été déposé le 20 mars 2013, la société Paraverca a, le 15 novembre 2013, assigné M. et Mme Q... et l'association syndicale libre des copropriétaires du lot

issement du Domaine de la Nartelle (l'ASL) pour obtenir la remise des lieux...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 juin 2018), que, M. et Mme Q..., propriétaires d'un lot dans un lotissement, ayant réalisé des travaux sur leur terrain, la société Paraverca, propriétaire d'un lot voisin, a obtenu la désignation d'un expert par ordonnance de référé du 18 juillet 2006 ; que, le rapport d'expertise ayant été déposé le 20 mars 2013, la société Paraverca a, le 15 novembre 2013, assigné M. et Mme Q... et l'association syndicale libre des copropriétaires du lotissement du Domaine de la Nartelle (l'ASL) pour obtenir la remise des lieux en l'état ; que l'ASL a reconventionnellement demandé l'indemnisation de son préjudice et la démolition d'un mur constitué d'enrochements construit par M. et Mme Q... dans une zone non aedificandi ;

Sur le premier, le deuxième et le quatrième moyens, réunis :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 2 et 2239 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de l'ASL, l'arrêt retient que, dans la loi antérieure à la loi du 17 juin 2008, la prescription était interrompue par une citation en référé en vertu de l'article 2244 du code civil, qu'elle l'est toujours en vertu de l'article 2239 du même code et recommence à courir à compter du jour où la mesure d'instruction a été exécutée et qu'en l'espèce, il résulte de l'ordonnance de référé du 18 juillet 2006 que l'ASL, qui avait été assignée en référé en même temps que M. et Mme Q..., s'était jointe aux demandes de celle-ci tendant à voir ordonner une expertise, afin, notamment de décrire les travaux et de dire s'ils contrevenaient au règlement et au cahier des charges du lotissement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 2239 du code civil, issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, qui attachent à une décision ordonnant une mesure d'instruction avant tout procès un effet suspensif de la prescription jusqu'au jour où la mesure a été exécutée, ne s'appliquent qu'aux décisions rendues après l'entrée en vigueur de cette loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de l'ASL, condamne M. et Mme Q... à démolir le mur constitué d'enrochement d'une hauteur de quatre mètres environ situé dans la zone non aedificandi, soit à cinq mètres de la clôture et condamne M. et Mme Q... à payer à l'ASL une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne l'association syndicale libre des copropriétaires du lotissement du Domaine de la Nartelle aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Le Bret-Desaché, avocat aux Conseils, pour MM. Q... et C...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt attaqué d'avoir révoqué l'ordonnance de clôture et prononcé une nouvelle clôture au 19 avril 2018 ;

AUX MOTIFS QU'en application de l'article 784 du code de procédure civile, « l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ». En l'espèce, la SCI Paraverca s'est désistée de son instance et de son action par conclusions remises au greffe et notifiées le 16 avril 2018, la clôture des débats ayant été prononcée, comme annoncé, le 3 avril 2018. Le 16 avril 2018, K... Q... a accepté ce désistement et s'est lui-même désisté de toutes ses prétentions dirigées contre la SAS jardins et espaces verts. Bien que ces conclusions aient été remises postérieurement à la clôture de l'instruction, il doit être considéré que le désistement d'instance et d'action de l'appelante principale à raison de l'intervention d'un protocole d'accord survenu entre elle et les époux Q... après la clôture de l'instruction justifie la révocation de l'ordonnance de clôture, et le prononcé d'une nouvelle clôture au jour de l'audience du 19 avril 2018 pour permettre aux intimés de se positionner sur leur acceptation ou non du désistement ;

ALORS QUE lorsque le juge révoque l'ordonnance de clôture, cette décision, qui doit être motivée par une cause grave, doit intervenir avant la clôture des débats ou, sinon, s'accompagner de leur réouverture ; qu'en ayant révoqué l'ordonnance de clôture, prononcé une nouvelle clôture au jour de l'audience des plaidoiries et statué au fond, sans ordonner la réouverture des débats, la cour d'appel a violé les articles 16 et 784 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré recevables les demandes de l'ASL du lotissement du Domaine de la Nardelle ;

AUX MOTIFS QUE Sur la recevabilité des demandes de l'ASL la Nardelle : En première instance, I'ASL a été déclarée irrecevable en ses prétentions faute d'avoir justifié d'une délibération du conseil syndical l'habilitant à agir dans les conditions prévues par l'article 18 de ses statuts. Or ledit article prévoit que le conseil syndical autorise les actions devant les tribunaux et représente l'ASL en justice, tant en demande qu'en défense. La représentation de l'ASL par le conseil syndical n'était pas contestée et il est désormais produit aux débats un procès-verbal de réunion dudit conseil du 19 février 2018 confirmant à l'unanimité à Maître L... le pouvoir de représenter l'ASL et son président en exercice pour l'action en cours dans le dossier Paraverca-Q.... Par conséquent et par application de l'article 126 du code de procédure civile, l'irrecevabilité retenue doit être écartée, sa cause ayant disparu au moment de statuer ;

ALORS QUE la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation du représentant d'une ASL pour la représenter en justice ne peut être régularisée en cause d'appel, lorsque la fin de non-recevoir avait déjà été soumise au premier juge ; qu'en ayant jugé que le défaut d'habilitation du représentant de l'ASL avait pu être régularisé in extremis en appel, deux mois avant l'audience des débats, quand la fin de non-recevoir avait déjà été soumise aux premiers juges qui l'avait accueillie, la cour d'appel a violé les articles 117, 121 et 126 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes de l'ASL du lotissement du Domaine de la Nardelle ;

AUX MOTIFS QUE Sur la prescription des demandes de l'ASL la Nardelle : L'ASL n'ayant été assignée que le 15 novembre 2013 par la SCI Paraverca, elle n'a pu former de demandes à l'encontre des époux Q... que postérieurement. Les travaux litigieux ont été réalisés en 2006 et ont fait l'objet de constats les 8 avril et 26 juin 2006. La prescription des actions contractuelles qui était de 30 ans avant la loi du 17 juin 2008 est désormais de 5 ans. Toutefois, dans la loi antérieure, la prescription était interrompue par une citation en référé en vertu de l'ancien article 2244 du code civil. Elle l'est toujours en vertu de l'article 2239 dudit code, et recommence à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée. En l'espèce, il résulte de l'ordonnance de référé du 18 juillet 2006 que l'ASL, qui avait été assignée en référé en même temps que les époux Q... par la SCI Paraverca s'était jointe aux demandes de cette dernière tendant à obtenir la libération de tout matériau, matériel, engin ou dispositifs limitant l'accès à l'[...], et à voir ordonner une expertise afin, notamment, de décrire les travaux litigieux, et de dire s'ils contrevenaient au règlement et au cahier des charges du lotissement. La prescription a donc été valablement interrompue à l'égard de l'ASL et n'a recommencé à courir qu'à compter du dépôt du rapport d'expertise, le 20 mars 2013. Contrairement à ce que soutiennent les époux Q..., l'action n'était donc pas prescrite le 15 novembre 2013 lors de la délivrance de l'assignation ou de la remise de conclusions en première instance par l'ASL ;

ALORS QUE la nouvelle cause de suspension de la prescription jusqu'au dépôt du rapport d'expertise n'est pas applicable aux mesures d'instruction in futurum ordonnées avant son entrée en vigueur ; qu'en ayant dit que le cours de la prescription extinctive, interrompu par les demandes formées par l'ASL en cours de référé initié par assignation du 7 juillet 2006, avait été suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise, le 20 mars 2013, quand cette nouvelle cause de suspension de la prescription n'était pas applicable aux mesures d'instruction ordonnées avant l'entrée en vigueur, le 19 juin 2008, de la loi nouvelle, ce dont il résultait que la prescription avait à nouveau couru depuis le prononcé de l'ordonnance de référé du 18 juillet 2006, et était expirée le 19 juin 2013, la cour d'appel a violé les articles 2 et 2239 du code civil.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
:

- IL EST FAIT GRIEF A l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné les époux Q... à démolir le mur constitué d'enrochement d'une hauteur de quatre mètres environ situé dans une zone non aedificandi, soit à cinq mètres de la clôture ;

AUX MOTIFS QUE Sur le bien-fondé des demandes de l'ASL la Nardelle : En premier lieu, l'ASL entend voir condamner les époux Q... à démolir le mur constitué d'enrochement d'une hauteur de quatre mètres environ situé dans la zone non aedificandi, soit à cinq mètres de la clôture, pour être éventuellement rétabli après déclaration de travaux dans les limites réglementaires. Elle se prévaut d'une infraction au cahier des charges prévoyant notamment au chapitre des servitudes foncières générales : « il sera laissé une bande de terrain libre de toute construction de 5 m de largeur le long de toutes les limites de chaque lot ». Cette disposition n'est pas atteinte par la prescription s'appliquant aux dispositions de nature réglementaire. Le rapport d'expertise a permis de mettre en évidence que les époux Q... avaient fait réaliser dans cette bande de 5 m : - des enrochements d'une hauteur pouvant atteindre 2,20 m en limite est, et deux murs de 1 m et 1,70 m en limite ouest, - des remblais de plus de 2 m. Bien que les époux Q... contestent le caractère de construction aux enrochements, murs et remblais, il doit être considéré l'inverse y compris pour les enrochements installés à l'occasion de travaux d'aménagements paysagers périphériques à leur piscine ayant permis d'aplanir leur terrain pour y créer un patio, une terrasse haute et un faré. L'ASL sera donc accueillie en sa demande tendant à voir condamner les époux Q... à démolir le mur constitué d'enrochement d'une hauteur de quatre mètres environ situé dans la zone non aedificandi, soit à cinq de la clôture ;

1°) ALORS QUE la disposition du cahier des charges d'un lotissement relative à la marge de reculement a bien un caractère réglementaire ; qu'en ayant refusé de considérer que la disposition du cahier des charges imposant une marge de cinq mètres de reculement depuis la limite de chaque lot n'avait pas de caractère réglementaire et n'était donc pas atteinte par la caducité, la cour d'appel a violé l'article L. 442-9 du code de l'urbanisme ;

2°) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent qualifier de contractuelle une clause du cahier des charges d'un lotissement sans caractériser la volonté non-équivoque des colotis de lui conférer une telle qualification ; qu'en jugeant que la clause litigieuse du cahier des charges du lotissement avait un caractère contractuel, sans caractériser la volonté des colotis de lui conférer une telle qualification, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 ancien du code civil ;

3°) ALORS QUE des enrochements ne sont pas des constructions ; qu'en ayant jugé le contraire, après avoir pourtant constaté que les enrochements qu'il était reproché à M. Q... d'avoir fait réaliser n'avaient été installés qu'à l'occasion de travaux d'aménagements paysagers périphériques à sa piscine, la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-23715
Date de la décision : 05/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 21 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 05 déc. 2019, pourvoi n°18-23715


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Le Bret-Desaché, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.23715
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