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05/12/2019 | FRANCE | N°18-15050

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 05 décembre 2019, 18-15050


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 décembre 2017), que la société Fratelli V... (la société V...) a assigné la société Agence commerciale de diffusion européenne, aujourd'hui représentée par M. I..., mandataire à la liquidation judiciaire de cette société (la société ACDE), devant une cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, à fin de voir ordonner la rétractation de l'arrêt qu'elle avait rendu le 1er décembre 2016, ayant autorisé

la société ACDE à faire pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de tout d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 14 décembre 2017), que la société Fratelli V... (la société V...) a assigné la société Agence commerciale de diffusion européenne, aujourd'hui représentée par M. I..., mandataire à la liquidation judiciaire de cette société (la société ACDE), devant une cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, à fin de voir ordonner la rétractation de l'arrêt qu'elle avait rendu le 1er décembre 2016, ayant autorisé la société ACDE à faire pratiquer une saisie conservatoire entre les mains de tout débiteur de la société V..., organisme bancaire, d'assurance, ou société et notamment, quatre sociétés nommément désignées, pour garantie d'une créance provisoirement évaluée à la somme de 260 000 euros, outre frais et dépens ;

Attendu que la société V... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à la rétractation de l'arrêt rendu le 1er décembre 2016, de la déclarer irrecevable en ses demandes tendant au prononcé de la nullité ou la caducité des saisies conservatoires pratiquées en exécution de cette décision, ainsi qu'à la fixation d'une indemnité à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice de réputation et d'image, de la condamner aux dépens et à payer à M. I..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société ACDE, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors, selon le moyen :

1°/ que pour saisir valablement le juge, la requête déposée sur le fondement des articles 493 du code de procédure civile et L. 511-1 alinéa 1 du code des procédures civiles d'exécution, doit indiquer les circonstances particulières de la cause qui justifient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la requête déposée par la société ACDE que cette dernière se bornait à affirmer que les circonstances qu'elle exposait justifiaient le prononcé d'une mesure de saisie conservatoire sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, mais n'y prétendait pas que des circonstances particulières auraient justifié qu'une telle saisie soit ordonnée sans que la société V... ne soit appelée ; qu'en retenant, néanmoins, qu'il n'y avait pas lieu de rétracter l'arrêt rendu au visa de la requête qui avait accueilli cette demande, sans rechercher si la requête de la société ACDE explicitait les raisons justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, 493 et 494, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

2°/ que les mesures de saisie conservatoire destinées à la conservation d'une créance dont le recouvrement est menacé, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; que l'absence de justification, dans la requête ou dans l'ordonnance, de la nécessité de déroger au principe du contradictoire impose automatiquement au juge de rétracter l'ordonnance ; qu'en retenant, pour refuser de rétracter l'arrêt rendu sur requête, que « quant à l'absence de motivation de l'arrêt du 1er décembre 2016, quant à la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, cette omission peut être réparée à l'occasion de la présente procédure », quand le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ne peut suppléer la carence de motivation du juge des requêtes et est tenu de rétracter l'ordonnance qui ne justifie pas la dérogation apportée au principe du contradictoire, la cour d'appel a violé les articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et 493 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en toute hypothèse, les mesures de saisie conservatoire destinées à la conservation d'une créance dont le recouvrement est menacé, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en retenant pour refuser de rétracter l'ordonnance sur requête, que « les saisies conservatoires qu'elle envisageait pouvaient être rendues infructueuses par une éventuelle entente entre la société V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances » quand la requête de la société ACDE était muette sur les circonstances particulières qui auraient justifié une telle dérogation au principe du contradictoire, tout comme l'arrêt dont la rétractation était demandée, qui n'évoquait que les risques pesant sur le recouvrement en raison de l'extranéité et de l'éloignement de la société V... sans que soit même envisagée la question du principe du contradictoire ; la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction et qui ne pouvait suppléer la carence de motivation du juge des requêtes, a violé les articles L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution et 493 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en soulevant d'office le moyen pris d'une « éventuelle entente entre la société V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances », qui n'était pas invoqué par le demandeur à la requête, pour justifier qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, quand la société ACDE n'a jamais soutenu ni même envisagé la possibilité d'une telle entente, la cour d'appel s'est fondée sur des faits étrangers aux débats en violation de l'article 7 du code de procédure civile ;

5°/ qu'en soulevant d'office le moyen tiré de ce que le recouvrement de la créance de la société ACDE pouvait être menacé par une éventuelle entente entre la société V... et ses débiteurs, sans rouvrir les débats pour permettre à la société V... de présenter ses observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution que toute personne justifiant d'une créance paraissant fondée en son principe et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens du débiteur, sans avoir à énoncer dans la requête de motifs justifiant qu'il soit recouru à une procédure non contradictoire ; qu'il s'ensuit que le juge de l'exécution qui autorise la mesure n'a pas davantage à caractériser de tels motifs ; que par ce motif de pur droit, substitué d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués par le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen, tel que reproduit en annexe :

Attendu que le rejet du premier moyen rend inopérant le second moyen ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Fratelli V... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. I..., en qualité de liquidateur judiciaire de la société Agence commerciale de diffusion européenne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Fratelli V....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de la société Fratelli V... tendant à la rétractation de l'arrêt rendu le 1er décembre 2016 par la cour d'appel de Lyon, d'AVOIR déclaré la société Fratelli V... irrecevable en ses demandes tendant au prononcé de la nullité ou la caducité des saisies conservatoires pratiquées en exécution de cette décision, ainsi qu'à la fixation d'une indemnité à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de réputation et d'image, d'AVOIR condamné la société Fratelli V... aux dépens et de l'AVOIR condamnée à payer à Me I..., en qualité en liquidateur judiciaire de L'EURL Agence commerciale de diffusion européenne, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE Sur la demande de rétractation L'article L.511-1 al.1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que l'article 496 al.2 du code de procédure civile dispose que, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'il appartient à la cour d'appel qui, infirmant l'ordonnance rendue sur requête, a autorisé une mesure conservatoire, d'apprécier s'il y a lieu de rétracter sa décision. Qu'il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats que la société Fratelli V..., spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'accessoires et composants pour fenêtres et portes, a conclu en septembre 1990 un contrat avec la société ACDE, lui concédant les fonctions d'agent commercial exclusif sur le territoire français ; que les relations entre les parties se sont dégradées à partir de l'année 2013 et la société Fratelli V... a dénoncé le contrat liant les parties, privant la société ACDE d'une part importante de son chiffre d'affaires ;que la société Fratelli V... a saisi le tribunal de Vicenza (Italie) et, de son côté, la société ACDE l'a attraite devant le tribunal de commerce de Toulon ; que par jugement du 10 septembre 2015, cette juridiction, avant dire droit, a ordonné une expertise confiée à L... M..., expert-comptable ; que par jugement du 21 avril 2016 rectificatif d'erreur matérielle, le tribunal de commerce de Toulon a ordonné l'exécution provisoire de son jugement précité ; que par un second jugement rectificatif d'erreur matérielle, en date du 21 juillet 2016, le même tribunal de commerce a ordonné à la société Fratelli V... de consigner à la CARSAT, entre les mains de M. Le Bâtonnier de Toulon, la somme de 260.000 euros dans les 30 jours de la signification du "jugement à intervenir", sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ; qu'étant précisé que cette somme de 260.000 euros correspondrait au montant proposé par la société Fratelli V... à la société ACDE pour l'éventuel rachat de la représentation commerciale concédée ; qu'à la suite de l'arrêt rendu par la présente cour le 1er décembre 2016, la société ACDE a fait procéder à des saisies conservatoires auprès de quatre clients de la société Fratelli V... ; que deux saisies se sont avérées infructueuses et les deux autres, pratiquées auprès des sociétés U... et T... Quincaillerie, ont permis d'appréhender respectivement 86.442 euros et 10.903 euros. ET QUE 1/ En principal, la société Fratelli V... soutient que ni la requête de la société ACDE, ni l'arrêt du 1er décembre 2016 ne contiennent de motivation sur l'exigence de déroger à la règle de la contradiction ; qu'elle en déduit curieusement que les saisies conservatoires pratiquées en exécution de cet arrêt sont nulles ; que dans le cadre de la présente procédure, la cour ne peut être saisie que de la seule demande de rétractation de son arrêt du 1er décembre 2016. La contestation des saisies pratiquées en exécution de cet arrêt n'entre pas dans sa saisine et relève de la compétence du juge de l'exécution dans le cadre d'une autre instance ; que quant à l'absence de motivation de l'arrêt du 1er décembre 2016, quant à la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, cette omission peut être réparée à l'occasion de la présente procédure : Alors que, dans une décision revêtue de l'exécution provisoire par l'effet des jugements rectificatifs, le tribunal de commerce de Toulon a entendu garantir les droits de la société ACDE au moyen d'une consignation à la charge de la société Fratelli V..., laquelle n'entend pas s'y soumettre, la société ACDE pouvait, à la date de sa requête, légitimement craindre que la société Fratelli V... fasse échec à toute mesure de sûreté ; que dès lors que les saisies conservatoires qu'elle envisageait pouvaient être rendues infructueuses par une éventuelle entente entre la société Fratelli V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances, la société ACDE était fondée à recourir à une procédure non contradictoire. 2/ A titre subsidiaire, la société Fratelli V... soutient que la société ACDE ne dispose d'aucune créance à son encontre, au motif que le tribunal de commerce de Toulon n'était pas compétent pour ordonner une consignation à sa charge ; que toutefois, dans le cadre de sa saisine, la cour de céans n'a pas compétence pour apprécier le bien fondé de la décision de cette juridiction ; qu'étant observé que cette allégation d'incompétence a fait l'objet d'un contredit devant la cour d'appel d'Aix en Provence, portant sur le jugement rectificatif du 21 juillet 2016 et que, par arrêt du 4 mai 2017, la cour d'appel d'Aix en Provence a déclaré ce contredit irrecevable ; que la société Fratelli V... fait aussi valoir que l'obligation qui lui est faite est une consignation qui ne constitue pas une créance de la société ACDE ; que Me I..., en qualité de liquidateur de la société ACDE, répond que la consignation est une mesure urgente ordonnée par le tribunal de commerce pour garantir son indemnisation à la suite de la rupture brutale des relations contractuelles ; qu'il ajoute que l'expert M... a déposé son rapport le 21 septembre 2017, duquel il résulterait que la rupture imputable à la société V... pourrait donner lieu à une indemnisation minimale de 450.000 euros, pouvant aller jusqu'à 800.000 euros ; que cependant, la cour observe que l'expert, conformément à sa mission, ne s'est nullement prononcé sur les responsabilités et le principe de créance allégué ; que la société Fratelli V... soutient encore que le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 10 septembre 2015 ne contient aucune mention ordonnant la consignation, et le jugement rectificatif du 21 juillet 2016 lui a été signifié irrégulièrement le 22 novembre 2016, sans traduction en langue italienne ; que Me I..., ès qualités, verse aux débats les actes de signification établis par l'huissier de justice français avec une traduction en langue italienne, sans que la cour puisse déterminer si cette traduction a bien été délivrée à la société Fratelli V... par l'autorité italienne compétente ; que sur ce, il doit être rappelé que la société ACDE n'a pas à justifier d'un titre de créance exécutoire, mais seulement de l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en conséquence, les errements procéduraux relatifs à la signification des jugements rendus par le tribunal de commerce de Toulon sont sans incidence sur l'appréciation du principe de la créance allégué par la société ACDE ; que de même, il importe peu que l'obligation faite à la société Fratelli V... soit une consignation et non une condamnation à paiement ; qu'en l'espèce, au regard du jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon, en sa version résultant des jugements rectificatifs, le principe de créance est admis par cette juridiction en ce qu'elle a ordonné une mesure de consignation destinée à garantir les droits de la société ACDE ; que sur ce point, il n'appartenait pas au juge de l'exécution et, partant, à la cour statuant sur l'appel de sa décision, de remettre en cause l'appréciation du juge du fond, en l'occurrence du tribunal de commerce de Toulon, quant à la justification de la mesure de consignation qui s'analyse en la reconnaissance d'une créance potentielle dont le juge commercial a entendu garantir le paiement.. 3/ La société Fratelli V... conteste aussi la menace sur le recouvrement de la prétendue créance, au motif que son refus de consigner se fonde sur le respect des dispositions légales, estimant que le tribunal de commerce de Toulon n'avait pas compétence pour ordonner la consignation ; que cependant, le refus de la société Fratelli V... d'exécuter la décision de justice rendue par le tribunal de commerce de Toulon est à prendre en compte quant à l'appréciation de la menace sur le recouvrement de la créance alléguée ; que surtout, comme il a été dit par la cour dans son arrêt du 1er décembre 2016, la société Fratelli V..., de droit italien et ayant son siège en Italie, ne possède pas de patrimoine immobilier ou mobilier, ou plus généralement d'intérêts sur le territoire français, de nature à garantir les droits d'un créancier français ; que ces éléments suffisent à caractériser une menace sur le recouvrement de la créance alléguée par la société ACDE. 4/ A titre plus subsidiaire, la société Fratelli V... excipe de la caducité des saisies conservatoires pour défaut de dénonciation dans le délai de huit jours ; que comme il a été dit, le débat sur les saisies-conservatoires n'entre pas dans la saisine de la cour dans le cadre de l'action en rétractation de l'arrêt d'appel d'une ordonnance rendue sur requête ; qu'il en est ainsi des contestations portant sur la régularité des mesures et sur leur signification. 5/ Il en va de même de l'action en responsabilité visant à la reconnaissance d'un préjudice d'image et de son indemnisation, qui suppose au préalable la démonstration du caractère fautif des mesures pratiquées. 6/ La société Fratelli V..., partie perdante, supporte les dépens de la présente instance en rétractation, conserve la charge de ses propres frais irrépétibles et doit indemniser l'intimé des frais qu'il a exposés à concurrence de 2.000 euros » ;

1°) ALORS QUE pour saisir valablement le juge, la requête déposée sur le fondement des articles 493 du Code de procédure civile et L.511-1 al.1 du code des procédures civiles d'exécution, doit indiquer les circonstances particulières de la cause qui justifient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ; qu'au cas d'espèce, il résulte de la requête déposée par la société ACDE que cette dernière se bornait à affirmer que les circonstances qu'elle exposait justifiaient le prononcé d'une mesure de saisie conservatoire sur le fondement de l'article L.511-1 du Code des procédures civiles d'exécution, mais n'y prétendait pas que des circonstances particulières auraient justifié qu'une telle saisie soit ordonnée sans que la société Fratelli V... ne soit appelée ; qu'en retenant, néanmoins, qu'il n'y avait pas lieu de rétracter l'arrêt rendu au visa de la requête qui avait accueilli cette demande, sans rechercher si la requête de la société ACDE explicitait les raisons justifiant qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.511-1 du Code des procédures civiles d'exécution, 493 et 494, alinéa 1er, du code de procédure civile ;

2°) ET ALORS QUE les mesures de saisie conservatoire destinées à la conservation d'une créance dont le recouvrement est menacé, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; que l'absence de justification, dans la requête ou dans l'ordonnance, de la nécessité de déroger au principe du contradictoire impose automatiquement au juge de rétracter l'ordonnance ; qu'en retenant, pour refuser de rétracter l'arrêt rendu sur requête, que « quant à l'absence de motivation de l'arrêt du 1er décembre 2016, quant à la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, cette omission peut être réparée à l'occasion de la présente procédure » (arrêt p. 5 alinéa 8), quand le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête ne peut suppléer la carence de motivation du juge des requêtes et est tenu de rétracter l'ordonnance qui ne justifie pas la dérogation apportée au principe du contradictoire, la Cour d'appel a violé les articles L511-1 du Code des procédures civiles d'exécution et 493 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QU'en toute hypothèse, les mesures de saisie conservatoire destinées à la conservation d'une créance dont le recouvrement est menacé, ne peuvent être ordonnées sur requête que lorsque les circonstances exigent qu'elles ne le soient pas contradictoirement ; qu'en retenant pour refuser de rétracter l'ordonnance sur requête, retenu que «les saisies conservatoires qu'elle envisageait pouvaient être rendues infructueuses par une éventuelle entente entre la société Fratelli V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances» (arrêt p. 5 alinéa 11) quand la requête de la société ACDE était muette sur les circonstances particulières qui auraient justifié une telle dérogation au principe du contradictoire, tout comme l'arrêt dont la rétractation était demandée, qui n'évoquait que les risques pesant sur le recouvrement en raison de l'extranéité et de l'éloignement de la Société Fratelli V... sans que soit même envisagée la question du principe du contradictoire ; la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs impropres à caractériser les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction et qui ne pouvait suppléer la carence de motivation du juge des requêtes, a violé les articles L511-1 du Code des procédures civiles d'exécution et 493 du code de procédure civile ;

4°) ALORS ENCORE QU'en soulevant d'office le moyen pris d'une « éventuelle entente entre la société Fratelli V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances » (arrêt p. 5 alinéa 11), qui n'était pas invoqué par le demandeur à la requête, pour justifier qu'il soit dérogé au principe du contradictoire, quand la Société ACDE n'a jamais soutenu ni même envisagé la possibilité d'une telle entente, la cour d'appel s'est fondée sur des faits étrangers aux débats en violation de l'article 7 du code de procédure civile ;

5°) ALORS EN OUTRE QU' en soulevant d'office le moyen tiré de ce que le recouvrement de la créance de la société ACDE pouvait être menacé par une éventuelle entente entre la société Fratelli V... et ses débiteurs, sans rouvrir les débats pour permettre à la Société Fratelli V... de présenter ses observations sur ce moyen, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré la société Fratelli V... irrecevable en ses demandes tendant au prononcé de la nullité ou de la caducité des saisies conservatoires pratiquées en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 1er décembre 2016, ainsi que sur la fixation d'une indemnité à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de réputation et d'image, d'AVOIR condamné la société Fratelli V... aux dépens et de l'AVOIR condamnée à payer à Me I..., en qualité en liquidateur judiciaire de L'EURL Agence commerciale de diffusion européenne, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de rétractation L'article L.511-1 al.1 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ; que l'article 496 al.2 du code de procédure civile dispose que, s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance ; qu'il appartient à la cour d'appel qui, infirmant l'ordonnance rendue sur requête, a autorisé une mesure conservatoire, d'apprécier s'il y a lieu de rétracter sa décision. Qu'il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats que la société Fratelli V..., spécialisée dans la fabrication et la commercialisation d'accessoires et composants pour fenêtres et portes, a conclu en septembre 1990 un contrat avec la société ACDE, lui concédant les fonctions d'agent commercial exclusif sur le territoire français ; que les relations entre les parties se sont dégradées à partir de l'année 2013 et la société Fratelli V... a dénoncé le contrat liant les parties, privant la société ACDE d'une part importante de son chiffre d'affaires ;que la société Fratelli V... a saisi le tribunal de Vicenza (Italie) et, de son côté, la société ACDE l'a attraite devant le tribunal de commerce de Toulon ; que par jugement du 10 septembre 2015, cette juridiction, avant dire droit, a ordonné une expertise confiée à L... M..., expert-comptable ; que par jugement du 21 avril 2016 rectificatif d'erreur matérielle, le tribunal de commerce de Toulon a ordonné l'exécution provisoire de son jugement précité ; que par un second jugement rectificatif d'erreur matérielle, en date du 21 juillet 2016, le même tribunal de commerce a ordonné à la société Fratelli V... de consigner à la CARSAT, entre les mains de M. Le Bâtonnier de Toulon, la somme de 260.000 euros dans les 30 jours de la signification du "jugement à intervenir", sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ; qu'étant précisé que cette somme de 260.000 euros correspondrait au montant proposé par la société Fratelli V... à la société ACDE pour l'éventuel rachat de la représentation commerciale concédée ; qu'à la suite de l'arrêt rendu par la présente cour le 1er décembre 2016, la société ACDE a fait procéder à des saisies conservatoires auprès de quatre clients de la société Fratelli V... ; que deux saisies se sont avérées infructueuses et les deux autres, pratiquées auprès des sociétés U... et T... Quincaillerie, ont permis d'appréhender respectivement 86.442 euros et 10.903 euros. ET QUE 1/ En principal, la société Fratelli V... soutient que ni la requête de la société ACDE, ni l'arrêt du 1er décembre 2016 ne contiennent de motivation sur l'exigence de déroger à la règle de la contradiction ; qu'elle en déduit curieusement que les saisies conservatoires pratiquées en exécution de cet arrêt sont nulles ; que dans le cadre de la présente procédure, la cour ne peut être saisie que de la seule demande de rétractation de son arrêt du 1er décembre 2016. La contestation des saisies pratiquées en exécution de cet arrêt n'entre pas dans sa saisine et relève de la compétence du juge de l'exécution dans le cadre d'une autre instance ; que quant à l'absence de motivation de l'arrêt du 1er décembre 2016, quant à la nécessité de recourir à une procédure non contradictoire, cette omission peut être réparée à l'occasion de la présente procédure : Alors que, dans une décision revêtue de l'exécution provisoire par l'effet des jugements rectificatifs, le tribunal de commerce de Toulon a entendu garantir les droits de la société ACDE au moyen d'une consignation à la charge de la société Fratelli V..., laquelle n'entend pas s'y soumettre, la société ACDE pouvait, à la date de sa requête, légitimement craindre que la société Fratelli V... fasse échec à toute mesure de sûreté ; que dès lors que les saisies conservatoires qu'elle envisageait pouvaient être rendues infructueuses par une éventuelle entente entre la société Fratelli V... et ses débiteurs, aux fins d'un règlement anticipé de ses créances, la société ACDE était fondée à recourir à une procédure non contradictoire. 2/ A titre subsidiaire, la société Fratelli V... soutient que la société ACDE ne dispose d'aucune créance à son encontre, au motif que le tribunal de commerce de Toulon n'était pas compétent pour ordonner une consignation à sa charge ; que toutefois, dans le cadre de sa saisine, la cour de céans n'a pas compétence pour apprécier le bien-fondé de la décision de cette juridiction ; qu'étant observé que cette allégation d'incompétence a fait l'objet d'un contredit devant la cour d'appel d'Aix en Provence, portant sur le jugement rectificatif du 21 juillet 2016 et que, par arrêt du 4 mai 2017, la cour d'appel d'Aix en Provence a déclaré ce contredit irrecevable ; que la société Fratelli V... fait aussi valoir que l'obligation qui lui est faite est une consignation qui ne constitue pas une créance de la société ACDE ; que Me I..., en qualité de liquidateur de la société ACDE, répond que la consignation est une mesure urgente ordonnée par le tribunal de commerce pour garantir son indemnisation à la suite de la rupture brutale des relations contractuelles ; qu'il ajoute que l'expert M... a déposé son rapport le 21 septembre 2017, duquel il résulterait que la rupture imputable à la société V... pourrait donner lieu à une indemnisation minimale de 450.000 euros, pouvant aller jusqu'à 800.000 euros ; que cependant,la cour observe que l'expert, conformément à sa mission, ne s'est nullement prononcé sur les responsabilités et le principe de créance allégué ; que la société Fratelli V... soutient encore que le jugement du tribunal de commerce de Toulon du 10 septembre 2015 ne contient aucune mention ordonnant la consignation, et le jugement rectificatif du 21 juillet 2016 lui a été signifié irrégulièrement le 22 novembre 2016, sans traduction en langue italienne ; que Me I..., ès qualités, verse aux débats les actes de signification établis par l'huissier de justice français avec une traduction en langue italienne, sans que la cour puisse déterminer si cette traduction a bien été délivrée à la société Fratelli V... par l'autorité italienne compétente ; que sur ce, il doit être rappelé que la société ACDE n'a pas à justifier d'un titre de créance exécutoire, mais seulement de l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe ; qu'en conséquence, les errements procéduraux relatifs à la signification des jugements rendus par le tribunal de commerce de Toulon sont sans incidence sur l'appréciation du principe de la créance allégué par la société ACDE ; que de même, il importe peu que l'obligation faite à la société Fratelli V... soit une consignation et non une condamnation à paiement ; qu'en l'espèce, au regard du jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon, en sa version résultant des jugements rectificatifs, le principe de créance est admis par cette juridiction en ce qu'elle a ordonné une mesure de consignation destinée à garantir les droits de la société ACDE ; que sur ce point, il n'appartenait pas au juge de l'exécution et, partant, à la cour statuant sur l'appel de sa décision, de remettre en cause l'appréciation du juge du fond, en l'occurrence du tribunal de commerce de Toulon, quant à la justification de la mesure de consignation qui s'analyse en la reconnaissance d'une créance potentielle dont le juge commercial a entendu garantir le paiement.. 3/ La société Fratelli V... conteste aussi la menace sur le recouvrement de la prétendue créance, au motif que son refus de consigner se fonde sur le respect des dispositions légales, estimant que le tribunal de commerce de Toulon n'avait pas compétence pour ordonner la consignation ; que cependant, le refus de la société Fratelli V... d'exécuter la décision de justice rendue par le tribunal de commerce de Toulon est à prendre en compte quant à l'appréciation de la menace sur le recouvrement de la créance alléguée ; que surtout, comme il a été dit par la cour dans son arrêt du 1er décembre 2016, la société Fratelli V..., de droit italien et ayant son siège en Italie, ne possède pas de patrimoine immobilier ou mobilier, ou plus généralement d'intérêts sur le territoire français, de nature à garantir les droits d'un créancier français ; que ces éléments suffisent à caractériser une menace sur le recouvrement de la créance alléguée par la société ACDE. 4/ A titre plus subsidiaire, la société Fratelli V... excipe de la caducité des saisies conservatoires pour défaut de dénonciation dans le délai de huit jours ; que comme il a été dit, le débat sur les saisies-conservatoires n'entre pas dans la saisine de la cour dans le cadre de l'action en rétractation de l'arrêt d'appel d'une ordonnance rendue sur requête ; qu'il en est ainsi des contestations portant sur la régularité des mesures et sur leur signification. 5/ Il en va de même de l'action en responsabilité visant à la reconnaissance d'un préjudice d'image et de son indemnisation, qui suppose au préalable la démonstration du caractère fautif des mesures pratiquées. 6/ La société Fratelli V..., partie perdante, supporte les dépens de la présente instance en rétractation, conserve la charge de ses propres frais irrépétibles et doit indemniser l'intimé des frais qu'il a exposés à concurrence de 2.000 euros » ;

1- ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation, qui ne manquera pas d'intervenir sur le premier moyen de cassation, en ce que l'arrêt a débouté la Société Fratelli V... de sa demande de rétractation de l'arrêt du 1er décembre 2016, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt qui a déclaré la société Fratelli V... irrecevable en ses demandes tendant au prononcé de la nullité ou de la caducité des saisies conservatoires pratiquées en exécution de cette décision, ainsi qu'à la fixation d'une indemnité à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de réputation et d'image et ce en application des articles 624 et 625 du Code de procédure civile ;

2- ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des attributions du juge qui l'a rendue et doit, après débat contradictoire, statuer sur le mérite de la requête ; que pour déclarer la société Fratelli V... irrecevable en ses demandes tendant au prononcé de la nullité ou de la caducité des saisies conservatoires pratiquées en exécution de cette décision, la Cour d'appel, qui était saisie de la demande de rétractation de l'arrêt du 1er décembre 2016, a refusé de statuer sur la contestation des saisies pratiquées en exécution de cet arrêt, considérant qu'elles n'entraient pas dans sa saisine et relevaient de la compétence du juge de l'exécution dans le cadre d'une autre instance (arrêt p. 5 alinéa 8) ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses constatations que ces demandes portaient sur des saisies conservatoires pratiquées en exécution de l'arrêt contesté, de sorte qu'elles relevaient bien de la compétence de la juridiction saisie de la demande de rétractation, la Cour d'appel a violé les articles 469 et 497 du Code de procédure civile ;

3- ET ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des attributions du juge qui l'a rendue et doit, après débat contradictoire, statuer sur le mérite de la requête ; que pour déclarer la société Fratelli V... irrecevable en ses demandes tendant à la fixation d'une indemnité à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de réputation et d'image, la Cour d'appel a retenu « Il en va de même de l'action en responsabilité visant à la reconnaissance d'un préjudice d'image et de son indemnisation, qui suppose au préalable la démonstration du caractère fautif des mesures pratiquées » (arrêt p. 7 alinéa 4) ; qu'en refusant d'examiner la demande d'indemnisation de la Société Fratelli V... au motif que cela impliquait de statuer sur la contestation des saisies pratiquées en exécution de son arrêt quand cette contestation relevait manifestement de sa compétence, la Cour d'appel a violé les articles 496 et 497 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-15050
Date de la décision : 05/12/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures conservatoires - Requête - Requête caractérisant les circonstances justifiant que l'ordonnance soit rendue non contradictoirement - Nécessité (non)

PROCEDURE CIVILE - Ordonnance sur requête - Ordonnnance autorisant la mesure conservatoire - Mesure prise non contradictoirement - Caractérisation - Nécessité (non)

La requête présentée par un créancier au juge de l'exécution, en application des articles L. 511-1 et R. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, en vue d'être autorisé à pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur n'a pas à caractériser les circonstances qui justifient que l'ordonnance soit rendue non contradictoirement ; l'ordonnance du juge de l'exécution n'a pas davantage à caractériser de telles circonstances


Références :

articles L. 511-1 et R. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 14 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 05 déc. 2019, pourvoi n°18-15050, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15050
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