LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° H 18-17.351 et B 18-17.668 ;
Donne acte à M. R... de ce qu'il reprend l'instance en qualité de mandataire judiciaire de la société Lens voyages, en redressement judiciaire ;
Attendu, selon l'ordonnance et l'arrêt attaqués, que les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages ont été déclarées coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Multi cap par un jugement devenu irrévocable qui, avant de statuer sur le préjudice, a désigné un expert ; que par un second jugement, le tribunal, après avoir rejeté leur demande d'annulation du rapport d'expertise, a condamné ces sociétés, in solidum, au paiement de dommages-intérêts ; que par une ordonnance, le conseiller de la mise en état de la cour d'appel a rejeté leurs demandes de communication de pièces ;
Sur la déchéance du pourvoi n° B 18-17.668, en ce qu'il est formé contre l'ordonnance du 7 septembre 2017 :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu qu'aucun grief n'étant dirigé contre l'ordonnance du 7 septembre 2017, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° H 18-17.351 :
Vu les articles 16 et 276 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter leur demande en annulation et dire le rapport d'expertise recevable, valable et opposable à toutes les parties, l'arrêt retient que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages n'ont, à aucun moment, demandé à l'expert la tenue d'une seconde réunion ou un délai supplémentaire pour répondre au pré-rapport ou au dire de la société Multi cap ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages avaient été en mesure de répondre au dire n° 4 déposé par la société Multi cap le 22 juin 2015, veille du dépôt du rapport définitif de l'expert, ou de demander à l'expert de leur accorder un délai pour y répondre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche, du pourvoi H 18-17.351 :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi n° H 18-17.351 entraîne la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il condamne les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages, in solidum, à payer diverses sommes en réparation des préjudices de perte de marge et de fonds de commerce subis par la société Multi cap ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Constate la déchéance du pourvoi n° B 18-17.668 en ce qu'il est formé contre l'ordonnance du 7 septembre 2017 ;
Sur les pourvois n° B 18-17.668, en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 29 mars 2018, et H 18-17.351 :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes des sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages d'annulation du rapport d'expertise, les condamne in solidum à payer à la société Multi cap les sommes de 229 528 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2013, majorée des intérêts au taux légal, 244 331 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2014, majorée des intérêts au taux légal, 244 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte du fonds de commerce de l'activité groupe de la société Multi cap majorée des intérêts au taux légal, et en ce qu'il statue sur les dépens et sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 29 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Multi cap aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Multi cap à payer aux sociétés Et demain le soleil et Lens voyages la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son
audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits au pourvoi n° H 18-17.351 par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages et de M. R..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages de leur demande en nullité du rapport d'expertise de M. W... du 23 juin 2015, d'avoir dit ce rapport recevable, valable et opposable à toutes les parties à l'expertise, d'avoir condamné les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages à payer in solidum avec la société Génération voyages diverses sommes à la société Multi-Cap en réparation de sa perte de marge et de la perte de son fonds de commerce et d'avoir débouté les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE le code de procédure civile ne prévoit pas de nullités spécifiques à l'expertise, mais opère en son article 175 un renvoi aux dispositions prévues aux articles 112 à 125 du même code, régissant les nullités des actes de procédure ; que les irrégularités de l'expertise ne peuvent être sanctionnées, le cas échéant, que par sa nullité et non l'inopposabilité du rapport à une partie ; que le champ d'application de cette nullité est limité, d'une part, en ce que la nullité ne frappe que celles des opérations qu'affecte l'irrégularité (article 176) et, d'autre part, que les opérations peuvent être régularisées ou recommencées, même sur-le-champ, si le vice qui les entache peut être écarté (article 177) ; que, par ailleurs, l'omission ou l'inexactitude d'une mention destinée à établir la régularité d'une opération ne peut entraîner la nullité de celle-ci, s'il est établi, par tout moyen, que les prescriptions légales ont été en fait observées (article 178) ; que les nullités qui intéressent l'ordre public sont absolues, elles peuvent être soulevées d'office et être proposées par tout intéressé, en tout état de cause et même pour la première fois, en appel, sous la réserve selon l'article 114, alinéa 2, du code de procédure civile, que celui qui l'invoque démontre le grief que lui cause l'irrégularité ; que les moyens tirés de l'inobservation d'une formalité substantielle, lorsqu'elle n'est pas d'ordre public, doivent être invoqués au fur et à mesure de leur accomplissement et simultanément, à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été (articles 112 et 113) ; que la nullité reste toutefois couverte dans le cas où celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever cette nullité (article 112) ; qu'il résulte par ailleurs de la combinaison des articles 175 et 114 du code de procédure civile, que la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction ne peut en tout état de cause être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que le moyen ne peut être soulevé que par la partie qui a souffert de l'irrégularité, il ne peut l'être d'office par le tribunal ; qu'en l'espèce, la SARL Et demain le soleil et la SARL Lens Voyages sollicitent avant-dire droit devant la cour d'appel, comme elles l'avaient fait devant le tribunal de commerce, la nullité du rapport d'expertise de M. W... daté du 23 juin 2015 ; qu'elles font ainsi valoir que les opérations d'expertise ont été incomplètes et précipitées, qu'ainsi elles n'ont pas bénéficié d'un délai suffisant pour communiquer les pièces sollicitées compte tenu du contexte de séparation des associés à cette période, qu'elles attendaient la seconde réunion qui n'a jamais eu lieu pour faire valoir leurs observations, que l'expert a commis un abus de langage en faisant état de l'obstruction dont elles se seraient rendues auteur, et que le principe du contradictoire n'a pas été respecté ; qu'il convient sur ces points de relever à titre liminaire que le protocole d'accord fixant les modalités de séparation des deux dirigeants des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages a été ratifié le 9 juillet 2014, soit avant même le jugement du tribunal de commerce d'Arras ordonnant l'expertise, de sorte que lors des opérations d'expertise la séparation était consommée et organisée, et que la SARL Et demain le soleil et la SARL Lens Voyages sont particulièrement mal fondées à vouloir en tirer argument pour expliquer leur carence face aux demandes de l'expert ; que ce dernier a en effet sollicité des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages la production de divers documents indispensables à la réalisation des opérations d'expertise, lors de la réunion d'expertise du 5 décembre 2014, puis par courriers en date des 6 décembre 2014 et 6 février 2015 ; qu'il n'a obtenu de ces dernières qu'une réponse très parcellaire à sa demande ; que manquaient toujours notamment après le courrier de rappel de février 2015 : les comptes annuels de la SARL Lens Voyages, ceux de l'exercice clos le 31 décembre 2014 de la SARL Génération voyages, les comptes analytiques des voyages réalisés par les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages des années 2011, 2012, 2013 et 2014 ; que c'est ainsi que l'expert a sollicité le président du tribunal de commerce afin que soit ordonnée la production de ces pièces sous astreinte ; que le président du tribunal de commerce a en réponse requis de l'expert le dépôt du rapport d'expertise en l'état ; que M. W... a néanmoins rédigé un pré-rapport adressé aux parties le 28 mai 2015 ; que c'est donc pour déférer à cette ordonnance, et non en raison d'une précipitation suspecte, que M. W... a fixé aux parties un délai bref pour lui faire parvenir leurs observations, et n'a pas organisé d'autre réunion d'expertise ; que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages n'ont fait parvenir ni dire ni observation à la suite de ce pré-rapport comme d'ailleurs précédemment pendant les opérations d'expertise ; qu'ainsi aucune violation du principe du contradictoire ne saurait être reprochée à l'expert ; que, de la même façon, aucun manquement à son impartialité ne saurait résulter de la teneur du rapport, il est vrai défavorable aux sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages, mais dont il ressort que M. W..., loin de reprendre aveuglément les dires de la SARL Multi cap, a procédé à une analyse approfondie et argumentée des éléments en sa possession afin de déterminer si cette société avait subi un préjudice du fait des agissements de concurrence déloyale des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages, puis d'en déterminer la nature et d'en chiffrer le montant ; que les arguments avancés par ces sociétés en cause d'appel, reposant en partie sur des documents qu'elles n'ont pas jugé utile de transmettre à l'expert ne peuvent sans mauvaise foi être utilisés pour mettre en doute l'impartialité, l'objectivité et la conscience de l'expert ; qu'il sera enfin souligné que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages n'ont à aucun moment sollicité l'expert afin d'obtenir une seconde réunion d'expertise ou un délai supplémentaire pour répondre au pré-rapport ou au dire de la SARL Multi cap ; que le courrier du nouveau conseil de la SARL Génération voyages en date du 11 juin 2015 se borne en effet à indiquer son intervention à l'expert afin d'être rendu destinataire de toute nouvelle correspondance ; que les opérations d'expertise menées par M. W... sont donc exemptes de toute irrégularité et la SARL Et demain le soleil et la SARL Lens voyages seront donc déboutées de leur demande tendant à voir prononcer la nullité du rapport de M. W... (arrêt pp. 7-10) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'application du décret n° 2015-282 daté du 11 mars 2015 (JO du 14 mars 2015) est postérieur aux assignations introduites par la société Multi-Cap, il ne peut découler aucune nullité et aucune irrecevabilité de cette action ; que la société Lens voyages a refusé toute communication de pièce demandée par l'expert judiciaire ; que les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages n'ont pas communiqué à l'expert judiciaire les grands livres des comptes généraux et des comptes clients des exercices clos en 2011, 2012, 2013 et 2014 malgré ses demandes par courriers les 6 décembre 2014 et 6 février 2015 ; que les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages n'ont pas communiqué à l'expert judiciaire un état exhaustif des ventes de voyages pour des groupes réalisés au cours des années 2011, 2012, 2013 et 2014 faisant apparaître les noms des clients, les voyages, les chiffres d'affaires et la marge brute sur débours engagés malgré ses demandes par courriers les 6 décembre 2014 et 6 février 2015 ; que, sur demande de l'expert judiciaire au Juge en charge du contrôle des expertises judiciaires près du Tribunal de Commerce d'Arras, face au refus des sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages de transmettre les documents demandés, une ordonnance a été rendue en date du 10 avril 2015 autorisant l'expert judiciaire à déposer son rapport en l'état ; que la société Génération voyages donne ses arguments sur l'organisation au sein de la société Multi-Cap sans en apporter des éléments factuels ; que le tribunal ne retiendra pas ses allégations ; que les éléments du rapport établi par l'Expert Judiciaire sont suffisamment complets et explicites pour permettre au tribunal d'établir les préjudices causés par les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages à la société Multi-Cap ; que les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages n'ont formulé aucune observation au pré-rapport transmis par l'expert judiciaire le 28 mai 2015 qui sollicitait les parties pour avoir en retour leurs observations et/ou commentaires avant remise du rapport définitif le 23 juin 2015 ; que les remarques et/ou commentaires des défenderesses sur le rapport de l'expert judiciaire transmis au tribunal dans leurs conclusions, auraient dû être transmis à l'expert judiciaire comme il le leur avait demandé avant l'établissement de son rapport définitif afin qu'il puisse les analyser avec le domaine de compétence qui est le sien ; que l'expert judiciaire a réellement donné le temps et les moyens aux parties d'apporter des éléments de réponses, de faire part de leurs remarques, de leurs accords ou désaccords, sa bonne foi ne saurait être remise en cause ; que l'expert judiciaire, désigné par le tribunal de commerce dans son jugement du 8 octobre 2014, a pleinement rempli sa mission malgré la résistance et le refus des sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages, coupables d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Multi-Cap, de transmettre toutes les pièces demandées ; que les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages ont fait obstacle aux opérations de l'expert judiciaire ;
ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant qu'aucune violation du principe de la contradiction ne pouvait être reprochée à l'expert sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions p. 13), si les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages avaient été en mesure de prendre connaissance et de répondre au dire n° 4 déposé par la société Multi-Cap le 22 juin 2015, soit, la veille du dépôt du rapport définitif de l'expert, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 276 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages à payer in solidum à la société Multi-Cap les sommes de 229.528 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2013, 244.331 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2014, et 244.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte du fonds de commerce de l'activité groupe de la société Multi-Cap, et d'avoir débouté les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE, sur le préjudice de la SARL Multi-Cap, il résulte de la liberté du commerce et de l'industrie, principe constitutionnel issu des lois des 2 et 17 mars 1791, que les entreprises sont libres de rivaliser entre elles pour conquérir et retenir une clientèle ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; que l'article 1383 du code civil dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ; que par ailleurs, selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès ; que l'action en concurrence déloyale a pour fondement non une présomption de responsabilité reposant sur l'article 1384 du code civil, mais une faute engageant la responsabilité délictuelle de son auteur supposant l'accomplissement d'un acte positif dont la preuve incombe à celui qui se déclare victime ; qu'elle constitue fondamentalement une action en responsabilité civile, dont l'exercice est subordonné aux conditions classiques de cette responsabilité ; qu'il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'une faute, d'un préjudice, et d'un lien de causalité ; que si la preuve d'une faute s'avère nécessaire pour le succès de l'action en concurrence déloyale, peu importe, en revanche, la nature de la faute, c'est-à-dire qu'elle soit intentionnelle ou non intentionnelle ; que le déplacement de clientèle qui résulte du jeu normal de la concurrence ne peut donner lieu à réparation ; qu'il convient donc de distinguer, dans le préjudice allégué, la perte résultant des manoeuvres déloyales et celle « relevant du jeu normal de la concurrence » ; que les dommages et intérêts alloués à la victime de la concurrence déloyale doivent comprendre la perte subie et le gain dont elle a été privée ; que, par ailleurs, en application de l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver ; qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; qu'il sera enfin rappelé que le juge, aux termes de l'article 246 du code de procédure civile n'est pas lié par les constatations ou les conclusions de l'expert ; que les parties peuvent donc discuter, critiquer ou justifier les rapports d'experts ; que la liberté du juge est entière ; qu'il peut apprécier l'avis donné par l'expert, puiser dans le rapport les renseignements qu'il estime utiles, voire des éléments qui n'ont pas paru déterminants pour l'expert mais qui le sont pour lui, adopter certaines conclusions et en rejeter d'autres ; que, d'une façon générale, le juge n'est pas tenu de suivre les experts dans leurs conclusions, car il ne lui appartient que de rechercher dans le rapport d'expertise tous les éléments de preuve propres à établir leur conviction ; qu'il convient à titre liminaire de rappeler que l'objet du litige au fond est d'apprécier l'existence et le montant du préjudice subi par la SARL Multicap du fait des agissements de concurrence déloyale commis par la SARL Génération voyages, la SARL Et demain le soleil et la SARL Lens voyages, et dont la responsabilité a été retenue par le jugement du tribunal de commerce d'Arras rendu le 8 octobre 2014, ladite décision ayant sur ce point acquis un caractère définitif ; que ces agissements sont exclusivement afférents à l'activité « groupe » de l'intimée ; qu'une expertise judiciaire a été ordonnée dans ce but, l'expert a rendu son rapport ; que les quatre sociétés parties à la présente instance ont été invitées à prendre part aux opérations d'expertise ; que les développements abondants des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sur le contexte du litige et les agissements de concurrence déloyale qu'elles contestent toujours sont donc inopérants et il n'y sera pas davantage répondu ; que, pour soutenir sa demande de réformation du jugement déféré, et de débouté de la SARL Multi cap de ses demandes de dommages et intérêts, la SARL Génération voyages adresse de nombreuses critiques envers l'expertise judiciaire rendue et ses conclusions, soutenant que la SARL Multi cap n'a pas subi de préjudice et qu'en tout état de cause le montant de son préjudice a été surévalué par l'expert ; qu'à titre subsidiaire, elle sollicite l'organisation d'une nouvelle expertise ; que les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages pour leur part sollicitent d'abord l'organisation d'une contre-expertise ou d'un complément d'expertise et subsidiairement le débouté de la SARL Multi cap de ses demandes de dommages et intérêts ; qu'il convient donc d'étudier les demandes de dommages et intérêts formulées par la SARL Multi cap, afin de déterminer si cette dernière justifie du préjudice dont elle demande l'indemnisation ; que ce ne sera que dans l'infirmative, et sans suppléer à la carence de cette partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe, qu'une nouvelle mesure d'instruction pourra le cas échéant être ordonnée ; que, de prime abord, la cour d'appel entend relever que c'est de manière infondée et sans apporter d'autre élément que leur affirmation que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages critiquent la compétence de l'expert M. W... en matière d'expertise d'activité voyages de groupe ; que l'expert s'est d'ailleurs fondé pour établir son rapport sur tous les éléments dont il disposait, de fait principalement ceux communiqués par la SARL Multi cap, et pour cause au vu de la carence des trois autres sociétés à répondre à ses demandes, mais non sans les étudier, les exploiter et les vérifier, que c'est ainsi également de façon purement affirmative sans argumentation ou preuve y afférente que ces sociétés relèvent des incohérences générales et imprécises dans les chiffres avancés par la SARL Multi cap au soutien de ses demandes, chiffres qui ressortent des éléments comptables produits aux débats, dont aucun élément ne permet de remettre en cause l'exactitude et la conformité ; qu'il sera enfin rappelé que l'évaluation du préjudice de la SARL Multi cap n'est pas dépendante des bénéfices effectivement retirés par les sociétés condamnées des agissements déloyaux qu'elles ont commis ; qu'en vue de cette évaluation il n'est donc pas indispensable d'établir une liste précise des dossiers effectivement repris par les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages ; que le préjudice doit être constitué de la perte subie et du gain manqué pour la SARL Multi cap des agissements commis par les sociétés auteurs, qui ne comprennent pas uniquement le détournement de dossiers mais également et de façon plus générale de la transmission d'informations privilégiées, de relations nouvelles et d'un savoir-faire que les salariées démissionnaires avaient acquis dans le cadre de leur activité professionnelle exercées dans la société Multi-Cap ; que, ces éléments étant rappelés, il convient d'examiner les conséquences des agissements des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sur l'activité de la SARL Multi-Cap, avant d'évaluer les différents postes de préjudice retenus ; que, sur les conséquences des agissements déloyaux des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sur l'activité de la SARL Multi cap, il ressort des comptes de résultat de la SARL Multi-Cap tels qu'analysés par l'expert que l'activité de la société a chuté brutalement en 2013, la marge sur sous-traitances ayant été réduite au sixième de ce qu'elle était en 2011, ce qui a occasionné en 2013 un résultat courant négatif de 181 185 euros ; qu'en 2014, les ventes de voyages et la marge sur sous-traitances ont encore chuté de 28,32 % et les commissions sur ventes de 72,34 % en suite de la cession du fonds de commerce de tourisme individuel intervenue le 22 août 2013 ; que le résultat net est un déficit de 174 329 euros ; que ces chiffres repris par l'expert sont exclusivement relatifs à l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap ; qu'il estime ainsi que cette baisse de chiffre d'affaires a deux origines : - les détournements de clientèle des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages, - la cession du fonds de commerce de tourisme individuel à la SARL Atout Nord le 22 août 2013 ; que, pour parvenir à cette conclusion, il a pris en compte : - la cession partielle du fonds de commerce de la SARL Multi cap intervenue en 2013 au profit de la SARL Atout Nord mais ne portant que sur l'activité de voyages individuels, - les éléments ressortant des constats d'huissier produits aux débats, - la baisse d'activité de la branche vente de voyages de groupe en 2011, baisse qui n'est pas en rapport avec les détournements, de sorte que dans tous ses calculs il a pris pour année de référence l'année 2012, non impactée par les détournements ; que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages soutiennent que l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap n'a pas été impactée par leurs détournements mais a en réalité été transférée de façon dissimulée dans les sociétés Atout Nord et Jade etamp; co, de même que chez la société Rose voyages ; que, s'agissant en premier lieu des sociétés Atout Nord et Jade etamp; co, il sera relevé que cette affirmation, non démontrée, est démentie par les pièces produites par la SARL Multi cap dont il ressort qu'Atout Nord n'exerce pas d'activité de voyages de groupe et que Jade etamp; co n'exerce qu'une activité de société holding ; que, quant à la société Rose voyages, en second lieu, la SARL Multi cap démontre qu'il s'agit d'une société exerçant une activité d'autocariste, différente de celle d'agence de voyages, à qui elle sous-traite depuis 2009 ses prestations en la matière, ayant elle-même cessé cette activité ; que le constat d'huissier réalisé dans les fichiers clients et les factures de cette société à la demande de la SARL Génération voyages fait ressortir la présence de clients et de factures au nom de clients également clients de Multi cap pour l'année 2013 ; que ce constat ne démontre cependant absolument pas que Rose voyages ait réalisé des activités de voyages de groupe pour ces clients et est tout à fait cohérent avec les prestations de sous-traitance réalisées régulièrement par Rose voyages à la demande de la SARL Multi cap, ces clients étant d'ailleurs toujours clients de Multi cap en 2013 ; que c'est ainsi de façon tout à fait infondée que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages affirment que l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap aurait été dissimulée dans ces sociétés pour aggraver les conséquences des détournements, que l'ensemble de ces éléments démontre donc que les agissements déloyaux commis par les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sont à l'origine de la perte de chiffre d'affaires de la SARL Multi cap sur son activité de voyages de groupe ; que le préjudice de la société victime sera donc examiné, suivant les conclusions de l'expert, sur la perte de marge sur sous-traitances pour les années 2013 et 2014, outre la perte du fonds de commerce ; que, sur la perte de marge, l'expert a calculé la perte de marge sur sous-traitances de la SARL Multi cap pour les années 2013 et 2014, en se basant sur les éléments comptables fournis par la société pour l'année 2012 ; que ce calcul est précisément détaillé dans le rapport d'expertise, notamment quant au calcul de la marge moyenne de la société ; qu'à cet égard tant la question des taux de marge moyens pratiqués dans la profession que celle de la différence entre marge brute et marge nette sont inopérantes, l'appréciation de la perte de marge subie par la SARL Multi cap devant être réalisée in concreto sur la base de la marge habituellement fixée par elle ; qu'il convient donc de retenir l'évaluation réalisée par l'expert aux termes d'un rapport complet et motivé sur ce point, et de confirmer en cela la décision déférée ; que, sur la perte du fonds de commerce, il est démontré par la SARL Multi cap qu'elle a cessé son activité d'agence de voyages au 31 décembre 2014, et a ainsi été radiée de l'association professionnelle de solidarité du tourisme et perdu la garantie financière fournie par cet organisme à compter du 7 janvier 2015 ; qu'or, les pièces produites aux débats et notamment le rapport d'expertise ont démontré le lien de causalité direct entre les agissements déloyaux des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages et la perte considérable de chiffre d'affaires de l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap, entraînant la cession de l'activité voyages individuels, la cessation de l'activité voyages de groupe de la société, et la perte de valeur de son fonds de commerce ; que, sur ce point, il convient de souligner le caractère infondé de l'affirmation de la SARL Génération voyages selon laquelle si l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap a tant perdu en chiffres d'affaires c'est également en raison de l'absence d'efforts réalisés en vue de la relancer ; que cette affirmation n'est étayée par aucune pièce, et est démentie par le rapport d'expertise ; que l'expert a ainsi estimé, toujours en se basant sur l'année 2012, que la valeur du fonds de commerce perdu correspondait à une année de marge sur sous-traitances, soit 244 000 euros ; que la SARL Multi cap soutient que son indemnisation doit correspondre à la durée de trois ans nécessaire selon elle à la reconstruction de ce fonds de commerce, soit 3 fois 244 000 euros, soit 732 000 euros ; qu'elle ne justifie cependant pas de cette durée de reconstruction sur la pertinence de laquelle l'expert ne s'est pas prononcé ; qu'il sera surtout relevé que l'indemnisation des agissements déloyaux a pour but de réparer la perte subie et le gain manqué mais pas de remettre la victime en l'état antérieur ; que son indemnisation doit donc être de la valeur du fonds perdu ; que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages critiquent la méthode d'évaluation retenue par l'expert, inadaptée selon eux à l'activité exercée ; que, cependant, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les documents produits aux débats par la SARL Génération voyages ne démontrent pas que la méthode d'évaluation de l'expert n'est pas pertinente, ils démontrent au contraire qu'il existe une multitude de techniques d'évaluation, et qu'en matière de voyages de groupe spécifiquement il n'existe pas de barème fixe ; que, force est de constater que l'évaluation de l'expert est précise, motivée et argumentée en fonction des éléments de contexte spécifiques à ce fonds de commerce, et sera donc en tant que telle retenue ; que la décision déférée sera infirmée sur ce point ; que la cour d'appel disposant des éléments suffisants pour trancher le litige déboutera également les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages de leurs demandes respectives tendant à l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise (arrêt pp. 10-14) ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE les agissements déloyaux commis par les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages sont à l'origine du préjudice indivisible subi par la société Multicap ; que le tribunal les condamnera solidairement à indemniser la société Multi-cap de son entier préjudice ; que la valorisation faite par l'expert judiciaire démontre la hauteur du préjudice subi par la société Multi-Cap ; que le tribunal condamnera les sociétés Génération voyages, Et demain le soleil et Lens voyages à payer dans son intégralité le quantum du préjudice causé à la société Multi-Cap ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, l'annulation des dispositions critiquées, en application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en retenant que les chiffres repris par l'expert pour calculer la perte de marge et la perte de fonds de commerce qu'elle a réparées « sont exclusivement relatifs à l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap » (arrêt p. 12, § 5), quand il ressortait clairement du rapport d'expertise du 23 juin 2015 que les données comptables de la société Multi-Cap analysées par l'expert intégraient également les résultats de l'activité de voyages individuels de cette société (prod. pp. 7-9), la cour d'appel a méconnu son obligation de ne pas dénaturer le rapport d'expertise qui lui était soumis. Moyen produit au pourvoi n° B 18-17.668 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Génération voyages.
Il est fait grief à l'arrêt partiellement confirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Generation Voyages, in solidum avec les sociétés Et Demain le Soleil et Lens Voyages, à payer à la société Multi Cap diverses sommes à titre de réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2013, du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2014 et de réparation du préjudice subi du fait de la perte du fonds de commerce de l'activité groupe de la société Multi Cap, outre une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
AUX MOTIFS QUE Sur le préjudice de la SARL Multi cap ; qu'il résulte de la liberté du commerce et de l'industrie, principe constitutionnel issu des lois des 2 et 17 mars 1791, que les entreprises sont libres de rivaliser entre elles pour conquérir et retenir une clientèle ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ; que l'article 1383 du code civil dispose que chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ; que par ailleurs selon les articles 6 et 9 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires à leur succès ; que l'action en concurrence déloyale a pour fondement non une présomption de responsabilité reposant sur l'article 1384 du code civil, mais une faute engageant la responsabilité délictuelle de son auteur supposant l'accomplissement d'un acte positif dont la preuve incombe à celui qui se déclare victime ; qu'elle constitue fondamentalement une action en responsabilité civile, dont l'exercice est subordonné aux conditions classiques de cette responsabilité. Il appartient dès lors à celui qui s'en prévaut d'apporter la preuve d'une faute, d'un préjudice, et d'un lien de causalité ; que si la preuve d'une faute s'avère nécessaire pour le succès de l'action en concurrence déloyale, peu importe, en revanche, la nature de la faute, c'est-à-dire qu'elle soit intentionnelle ou non intentionnelle ; que le déplacement de clientèle qui résulte du jeu normal de la concurrence ne peut donner lieu à réparation ; qu'il convient donc de distinguer, dans le préjudice allégué, la perte résultant des manoeuvres déloyales et celle « relevant du jeu normal de la concurrence » ; que les dommages et intérêts alloués à la victime de la concurrence déloyale doivent comprendre la perte subie et le gain dont elle a été privée ; que par ailleurs en application de l'article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; qu'il sera enfin rappelé que le juge, aux termes de l'article 246 du code de procédure civile n'est pas lié par les constatations ou les conclusions de l'expert. Les parties peuvent donc discuter, critiquer ou justifier les rapports d'experts ; que la liberté du juge est entière ; il peut apprécier l'avis donné par l'expert, puiser dans le rapport les renseignements qu'il estime utiles, voire des éléments qui n'ont pas paru déterminants pour l'expert mais qui le sont pour lui, adopter certaines conclusions et en rejeter d'autres ; que d'une façon générale, le juge n'est pas tenu de suivre les experts dans leurs conclusions, car il ne lui appartient que de rechercher dans le rapport d'expertise tous les éléments de preuve propres à établir leur conviction ;
Qu'il convient à titre liminaire de rappeler que l'objet du litige au fond est d'apprécier l'existence et le montant du préjudice subi par la SARL Multicap du fait des agissements de concurrence déloyale commis par la SARL Génération voyages, la SARL Et demain le soleil et la SARL Lens voyages, et dont la responsabilité a été retenue par le jugement du tribunal de commerce d'Arras rendu le 8 octobre 2014, la dite décision ayant sur ce point acquis un caractère définitif. Ces agissements sont exclusivement afférents à l'activité « groupe » de l'intimée ; qu'une expertise judiciaire a été ordonnée dans ce but, l'expert a rendu son rapport ; que les quatre sociétés parties à la présente instance ont été invitées à prendre part aux opérations d'expertise ; que les développements abondants des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sur le contexte du litige et les agissements de concurrence déloyale qu'elles contestent toujours sont donc inopérants et il n'y sera pas d'avantage répondu ; que pour soutenir sa demande de réformation du jugement déféré, et de débouté de la SARL Multi cap de ses demandes de dommages et intérêts, la SARL Génération voyages adresse de nombreuses critiques envers l'expertise judiciaire rendue et ses conclusions, soutenant que la SARL Multi cap n'a pas subi de préjudice et qu'en tout état de cause le montant de son préjudice a été surévalué par l'expert. À titre subsidiaire, elle sollicite l'organisation d'une nouvelle expertise ; que les sociétés Et demain le soleil et Lens voyages pour leur part sollicitent d'abord l'organisation d'une contre-expertise ou d'un complément d'expertise et subsidiairement le débouté de la SARL Multi cap de ses demandes de dommages et intérêts ; qu'il convient donc d'étudier les demandes de dommages et intérêts formulées par la SARL Multi cap, afin de déterminer si cette dernière justifie du préjudice dont elle demande l'indemnisation ; que ce ne sera que dans l'infirmative, et sans suppléer à la carence de cette partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe, qu'une nouvelle mesure d'instruction pourra le cas échéant être ordonnée ; que de prime abord la cour d'appel entend relever que c'est de manière infondée et sans apporter d'autre élément que leur affirmation que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages critiquent la compétence de l'expert A
en matière d'expertise d'activité voyages de groupe ; que l'expert s'est d'ailleurs fondé pour établir son rapport sur tous les éléments dont il disposait, de fait principalement ceux communiqués par la SARL Multi cap, et pour cause au vu de la carence des trois autres sociétés à répondre à ses demandes, mais non sans les étudier, les exploiter et les vérifier ; que c'est ainsi également de façon purement affirmative sans argumentation ou preuve y afférente que ces sociétés relèvent des incohérences générales et imprécises dans les chiffres avancés par la SARL Multi cap au soutien de ses demandes, chiffres qui ressortent des éléments comptables produits aux débats, dont aucun élément ne permet de remettre en cause l'exactitude et la conformité ; qu'il sera enfin rappelé que l'évaluation du préjudice de la SARL Multi cap n'est pas dépendante des bénéfices effectivement retirés par les sociétés condamnées des agissements déloyaux qu'elles ont commis ; qu'en vue de cette évaluation il n'est donc pas indispensable d'établir une liste précise des dossiers effectivement repris par les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages ; que le préjudice doit être constitué de la perte subie et du gain manqué pour la SARL Multi cap des agissements commis par les sociétés auteurs, qui ne comprennent pas uniquement le détournement de dossiers mais également et de façon plus générale de la transmission d'informations privilégiées, de relations nouvelles et d'un savoir-faire que les salariées démissionnaires avaient acquis dans le cadre de leur activité professionnelle exercées dans la société Multicap ; que ces éléments étant rappelés, il convient d'examiner les conséquences des agissements des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sur l'activité de la SARL Multi cap, avant d'évaluer les différents postes de préjudice retenus : que sur les conséquences des agissements déloyaux des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sur l'activité de la SARL Multi cap, il ressort des comptes de résultat de la SARL Multi cap tels qu'analysés par l'expert que l'activité de la société a chuté brutalement en 2013, la marge sur sous-traitances ayant été réduite au sixième de ce qu'elle était en 2011, ce qui a occasionné en 2013 un résultat courant négatif de 181 185 euros ; qu'en 2014, les ventes de voyages et la marge sur sous-traitances ont encore chuté de 28,32 %, et les commissions sur ventes de 72,34 % en suite de la cession du fonds de commerce de tourisme individuel intervenue le 22 août 2013. Le résultat net est un déficit de 174 329 euros ; que ces chiffres repris par l'expert sont exclusivement relatifs à l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap ; qu'il estime ainsi que cette baisse de chiffre d'affaires a deux origines : - les détournements de clientèle des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages, - la cession du fonds de commerce de tourisme individuel à la SARL Atout Nord le 22 août 2013 ; que pour parvenir à cette conclusion, il a pris en compte : - la cession partielle du fonds de commerce de la SARL Multi cap intervenue en 2013 au profit de la SARL Atout Nord mais ne portant que sur l'activité de voyages individuels, - les éléments ressortant des constats d'huissier produits aux débats, - la baisse d'activité de la branche vente de voyages de groupe en 2011, baisse qui n'est pas en rapport avec les détournements, de sorte que dans tous ses calculs il a pris pour année de référence l'année 2012, non impactée par les détournements ; que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages soutiennent que l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap n'a pas été impactée par leurs détournements mais a en réalité été transférée de façon dissimulée dans les sociétés Atout Nord et Jade etamp; co, de même que chez la société Rose voyages ; que s'agissant en premier lieu des sociétés Atout Nord et Jade etamp; co, il sera relevé que cette affirmation, non démontrée, est démentie par les pièces produites par la SARL Multi cap dont il ressort qu'Atout Nord n'exerce pas d'activité de voyages de groupe, et que Jade etamp; co n'exerce qu'une activité de société holding ; que quant à la société Rose voyages, en second lieu, la SARL Multi cap démontre qu'il s'agit d'une société exerçant une activité d'autocariste, différente de celle d'agence de voyages, à qui elle sous-traite depuis 2009 ses prestations en la matière, ayant elle-même cessé cette activité ; que le constat d'huissier réalisé dans les fichiers clients et les factures de cette société à la demande de la SARL Génération voyages fait ressortir la présence de clients et de factures au nom de clients également clients de Multi cap pour l'année 2013 ; que ce constat ne démontre cependant absolument que Rose voyages ait réalisé des activités de voyages de groupe pour ces clients et est tout à fait cohérent avec les prestations de sous-traitance réalisées régulièrement par Rose voyages à la demande de la SARL Multi cap, ces clients étant d'ailleurs toujours clients de Multi cap en 2013 ; que c'est ainsi de façon tout à fait infondée que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages affirment que l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap aurait été dissimulée dans ces sociétés pour aggraver les conséquences des détournements ; que l'ensemble de ces éléments démontre donc que les agissements déloyaux commis par les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages sont à l'origine de la perte de chiffre d'affaires de la SARL Multi cap sur son activité de voyages de groupe ; que le préjudice de la société victime sera donc examiné, suivant les conclusions de l'expert, sur la perte de marge sur sous-traitances pour les années 2013 et 2014, outre la perte du fonds de commerce ; Sur la perte de marge : que l'expert a calculé la perte de marge sur sous-traitances de la SARL Multi cap pour les années 2013 et 2014, en se basant sur les éléments comptables fournis par la société pour l'année 2012 ; que ce calcul est précisément détaillé dans le rapport d'expertise, notamment quant au calcul de la marge moyenne de la société ; qu'à cet égard tant la question des taux de marge moyens pratiqués dans la profession que celle de la différence entre marge brute et marge nette sont inopérantes, l'appréciation de la perte de marge subie par la SARL Multi cap devant être réalisée in concreto sur la base de la marge habituellement fixée par elle. ; qu'il convient donc de retenir l'évaluation réalisée par l'expert aux termes d'un rapport complet et motivé sur ce point, et de confirmer en cela la décision déférée ; Sur la perte du fonds de commerce : qu'il est démontré par la SARL Multi cap qu'elle a cessé son activité d'agence de voyages au 31 décembre 2014, et a ainsi été radiée de l'association professionnelle de solidarité du tourisme et perdu la garantie financière fournie par cet organisme à compter du 7 janvier 2015 ; qu'or les pièces produites aux débats et notamment le rapport d'expertise ont démontré le lien de causalité direct entre les agissements déloyaux des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages et la perte considérable de chiffre d'affaires de l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap, entraînant la cession de l'activité voyages individuels, la cessation de l'activité voyages de groupe de la société, et la perte de valeur de son fonds de commerce ; que sur ce point il convient de souligner le caractère infondé de l'affirmation de la SARL Génération voyages selon laquelle si l'activité voyages de groupe de la SARL Multi cap a tant perdu en chiffres d'affaires c'est également en raison de l'absence d'efforts réalisés en vue de la relancer ; que cette affirmation n'est étayée par aucune pièce, et est démentie par le rapport d'expertise ; que l'expert a ainsi estimé, toujours en se basant sur l'année 2012, que la valeur du fonds de commerce perdu correspondait à une année de marge sur sous-traitances, soit 244 000 euros ; que la SARL Multi cap soutient que son indemnisation doit correspondre à la durée de trois ans nécessaire selon elle à la reconstruction de ce fonds de commerce, soit 3 fois 244 000 euros, soit 732 000 euros ; qu'elle ne justifie cependant pas de cette durée de reconstruction sur la pertinence de laquelle l'expert ne s'est pas prononcé ; qu'il sera surtout relevé que l'indemnisation des agissements déloyaux a pour but de réparer la perte subie et le gain manqué mais pas de remettre la victime en l'état antérieur ; que son indemnisation doit donc être de la valeur du fonds perdu ; que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages critiquent la méthode d'évaluation retenue par l'expert, inadaptée selon eux à l'activité exercée ; que cependant, contrairement à ce qu'ils soutiennent, les documents produits aux débats par la SARL Génération voyages ne démontrent pas que la méthode d'évaluation de l'expert n'est pas pertinente, ils démontrent au contraire qu'il existe une multitude de techniques d'évaluation, et qu'en matière de voyages de groupe spécifiquement il n'existe pas de barème fixe ; que force est de constater cependant que l'évaluation de l'expert est précise, motivée et argumentée en fonction des éléments de contexte spécifiques à ce fonds de commerce, et sera donc en tant que telle retenue ; que la décision déférée sera infirmée sur ce point ; que la cour d'appel disposant des éléments suffisants pour trancher le litige déboutera également les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages de leurs demandes respectives tendant à l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise ; Sur la condamnation des sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages à indemniser le préjudice subi par la SARL Multi cap : qu'en matière délictuelle, chacun des coauteurs d'un même dommage, conséquence de leurs fautes respectives, doit être condamné in solidum à la réparation de l'entier dommage, chacune de ces fautes ayant concouru à le causer tout entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité entre les coauteurs, lequel n'affecte que les rapports réciproques de ces derniers, mais non le caractère et l'étendue de leurs obligations à l'égard de la victime du dommage ; qu'il y a d'abord obligation pour le tout envers la victime lorsque le dommage est causé par plusieurs fautes délictuelles ou quasi délictuelles semblables, commises par chacun des coauteurs, qui sont toutes à l'origine d'un seul et même dommage ; Sur ce : qu'il ressort du jugement du 8 octobre 2014 du tribunal de commerce d'Arras que les sociétés Et demain le soleil, Lens voyages et Génération voyages ont toutes trois commis des faits de concurrence déloyale ayant contribué à la réalisation du préjudice de la SARL Multi cap ; qu'il n'y a donc pas lieu à prononcer contre elles des condamnations différenciées en fonction de leur niveau de responsabilité ; qu'ellles seront au contraire toutes trois condamnées in solidum à régler à la SARL Multi cap : - la somme de 229 528 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2013, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation, - la somme de 244 331 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte de marge au titre de l'année 2014, majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation,- la somme de 244 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte du fonds de commerce de l'activité groupe de la société Multi cap majorée des intérêts au taux légal à compter de la date d'assignation ;
1°) ALORS QUE le démarchage de la clientèle d'autrui est libre ; que le juge ne saurait donc condamner à réparation l'auteur d'actes de concurrence déloyale qu'à concurrence des seuls préjudices financiers de la victime qui sont directement imputables à de tels actes ; qu'en l'espèce, la société Génération Voyages faisait valoir que la société Multicap ne versait pas la liste des clients qui étaient les siens avant l'embauche litigieuse de ses deux salariées par les sociétés Et Demain Le Soleil et Lens Voyage et le transfert corrélatif d'informations, de sorte qu'il était impossible de déterminer si les préjudices financiers allégués par la société Génération Voyages étaient effectivement imputables aux actes de concurrence déloyale dénoncés (conclusions p. 16) ; qu'en affirmant qu'il n'était pas indispensable d'établir la liste précise des dossiers effectivement « repris par les sociétés défenderesses », lorsqu'il lui fallait à tout le moins identifier quels étaient les dossiers effectivement traités par la société Multicap avant le départ des salariées et la commission des actes de concurrence déloyale litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction alors applicable ;
2°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en retenant que les chiffres repris par l'expert pour calculer la perte de marge et la perte de fonds de commerce qu'elle a réparées « sont exclusivement relatifs à l'activité voyages de groupe » de la SARL Multicap » (arrêt attaqué p. 12, paragraphe 5), lorsqu'il ressortait clairement du rapport d'expertise du 23 juin 2015 que les données comptables de la société Multicap analysées par l'expert intégraient également les résultats de l'activité de voyages individuels de cette société, la cour d'appel a dénaturé le rapport et violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;
3°) ALORS QU'entre les coresponsables tenus à réparation sur le fondement d'une action en concurrence déloyale, la contribution à la dette doit être déterminée en fonction de la gravité des actes commis par chacun d'entre eux ; qu'en l'espèce, la société Génération Voyages faisait valoir qu'elle n'avait personnellement établi aucun contrat ni aucune facture pour quelque client que ce soit et qu'elle n'en avait retiré aucun bénéfice (conclusions p. 30) et demandait en conséquence à la cour d'appel de répartir en conséquence la dette dans les rapports entre les trois débiteurs tenus in solidum ; qu'en se bornant à retenir qu'il ressortait du jugement du tribunal de commerce d'Arras en date du 8 octobre 2014 que les trois sociétés avaient contribué par leurs faits de concurrence déloyale à la réalisation du préjudice de la société Multicap pour rejeter la demande de la société Génération Voyages, lorsqu'elle devait répartir la contribution à la dette entre les codébiteurs en fonction de la gravité de leurs fautes respectives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1251 du code civil, dans leur rédaction alors applicable.