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04/12/2019 | FRANCE | N°18-16041

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 décembre 2019, 18-16041


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble l'accord du 24 mars 1993 relatif à la saisonnalité dans le département de la Savoie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme H... a été engagée en qualité de vendeuse par la société holding V... N... devenue la société Technique extrême and cie (la société), dont le siège social se trouve en Haute-Savoie, suivant plusieurs contrats à durée déterminée à caractère saisonnier ; que n'ayant pas été engagée pour

la saison d'été 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requali...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 1222-1 du code du travail, ensemble l'accord du 24 mars 1993 relatif à la saisonnalité dans le département de la Savoie ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme H... a été engagée en qualité de vendeuse par la société holding V... N... devenue la société Technique extrême and cie (la société), dont le siège social se trouve en Haute-Savoie, suivant plusieurs contrats à durée déterminée à caractère saisonnier ; que n'ayant pas été engagée pour la saison d'été 2015, elle a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de ses contrats à durée déterminée saisonniers en un contrat à durée indéterminée intermittent en application de l'accord du 24 mars 1993 relatif à la saisonnalité dans le département de la Savoie et paiement de diverses indemnités ;

Attendu que pour requalifier les contrats à durée déterminée saisonniers de la salariée en contrat à durée indéterminée intermittent, dire que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur au paiement d'une indemnité de requalification et diverses indemnités de rupture, l'arrêt retient qu'à compter du 1er décembre 2010,la salariée a été engagée pendant toutes les saisons d'hiver et d'été, de manière continue, comme vendeuse au sein de la société qui exploite un commerce de détail d'articles de sport à Bourg-Saint-Maurice, en Savoie, magasin qui constitue un établissement distinct et a la personnalité juridique, étant immatriculé au registre du commerce et des sociétés à Chambéry, que la société comporte deux autres établissements en Savoie et en Haute-Savoie, que l'établissement de Bourg-Saint-Maurice constitue un établissement autonome se situant dans un lieu distinct des deux autres et disposant d'un personnel et de matériels qui lui sont propres, qu'il doit donc appliquer la convention collective dont il dépend en fonction de sa situation géographique ;

Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser l'existence d'un établissement autonome, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne Mme H... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Technique extrême and Cie.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié les contrats de travail saisonniers de Mme W... H... en contrat de travail à durée indéterminée intermittent, dit que le licenciement de Mme W... H... est sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir condamné la société Technique Extrême and Cie à payer à Mme H... les sommes de 1.754,04 € à titre d'indemnité de requalification, 3.508,08 € à titre d'indemnité de préavis, outre 350,80 € au titre des congés payés afférents, 2.426,42 € à titre d'indemnité de licenciement, et 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

AUX MOTIFS QU‘à compter du 1er décembre 2010, Mme W... H... a été engagée pendant toutes les saisons d'hiver et d'été, de manière continue, comme vendeuse au sein de la société Technique extrême and Cie qui exploite un commerce de détail d'articles de sport à Bourg-Saint-Maurice, magasin qui constitue un établissement distinct, qui a la personnalité juridique, étant immatriculé au registre du commerce et des sociétés à Chambéry, la société Technique extrême and Cie comportant deux autres établissements exploitant deux autres magasins à Macot La Plagne (73210) et Chamonix (74400) ; que l'établissement de Bourg-Saint-Maurice constitue un établissement autonome se situant dans un lieu distinct des deux autres établissements et disposant d'un personnel et de matériels qui lui sont propres ; qu'il doit donc appliquer la convention collective dont il dépend en fonction de sa situation géographique ; qu'un accord du 24 mars 1993 relatif à la saisonnalité dans le département de la Savoie s'appliquant aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale du commerce des articles de sports et d'équipements de loisirs situées en station de montagne en Savoie, ce qui est le cas de la société Technique extrême and Cie prévoit "1.1. Afin de fidéliser les relations entre employeurs et salariés, et de renforcer la stabilité des liens contractuels, les signataires décident de recourir au contrat de travail intermittent conformément aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail. Il est précisé que la relation de travail au cours des deux premières saisons peut rester soumise aux modalités du contrat à durée déterminée de droit commun. Le contrat de travail acquiert la nature de contrat à durée indéterminée intermittent dès lors que les parties décident de poursuivre leur relation la saison suivante. Le nouveau contrat devra être établi par écrit. Il est entendu qu'il comporte un délai de prévenance spécifique permettant aux parties, dans l'intersaison, de s'informer mutuellement de leurs intentions. La position réciproque confirmée par écrit devra être fixée au plus tard deux mois avant le début de la première saison soumise aux modalités du contrat à durée indéterminée. De même, chaque année et au plus tard deux mois et demi avant la date de début de la période d'activité, l'employeur pourra s'enquérir, par courrier recommandé avec avis de réception, de la position du salarié vis-à-vis de ce contrat. Le salarié disposera alors d'un délai de quinze jours depuis la date de réception du courrier de l'employeur pour faire connaître sa position à ce dernier, et cela au moyen d'un courrier recommandé avec avis de réception. Pour les salariés déjà titulaires de contrats saisonniers d'une année sur l'autre avec le même employeur, le contrat intermittent prendra en compte l'antériorité des contrats précédents pour le calcul de la prime d'ancienneté conformément à l'article 73 de la convention collective, dans la limite de trois ans. Dès lors que le contrat de travail a acquis le caractère du contrat intermittent, sa rupture intervient dans les conditions et avec les obligations réciproques prévues pour le droit commun des contrats à durée indéterminée par les règles législatives et conventionnelles" ; que Mme W... H... qui a été employée par la société Holding V... N... désormais dénommée société Technique extrême and Cie l'intégralité des saisons d'hiver de 2005/2006 à 2014/2015 et les saisons d'été de 2007 et de 2010 à 2014, peut revendiquer être au bénéfice d'un contrat à durée indéterminée intermittent à compter de décembre 2010 ; que le jugement sera confirmé sur ce point ;

ET AUX MOTIFS QUE sur la convention collective à appliquer au contrat de travail de Mme H..., celle-ci fonde son argumentation en se prévalant des dispositions conventionnelles inscrites dans l'accord départemental de la Savoie de la convention collective nationale du sport ; que la SARL Holding V... N... prétend que cette dernière n'est pas applicable du fait que le siège de la société est en Haute-Savoie mais que la convention collective applicable est la convention collective nationale ; que le lieu d'exécution du contrat de travail est situé en Savoie, que l'activité du magasin ne peut être réalisée en dehors du lieu de travail, que les feuilles de paie et tous les documents sociaux ne stipulent jamais le lieu du siège social en Haute-Savoie, que l'URSSAF est réglée à Chambéry ; que le magasin de Bourg St Maurice pourrait avoir une gestion autonome ; qu'appliquer une autre réglementation dans une même profession dans une même ville serait de la concurrence déloyale ; que le conseil de prud'hommes dit que la SARL Holding V... N... doit appliquer les dispositions stipulées dans l'accord départemental de la Savoie de la convention collective nationale des magasins de sports du 24 mars 1993 ; que, sur le point de savoir si Mme H... remplit les conditions pour bénéficier de l'accord du 24/03/1993, en droit l'accord stipule « Les dispositions suivantes s'appliquent aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective nationale du commerce des articles de sports et d'équipements de loisirs, situées en stations de montagne en Savoie. Par station de montagne, il faut entendre toute commune disposant de remontées mécaniques installées à des fins de pratique du ski » ; qu'en l'espèce, sur la commune de Bourg Saint-Maurice sont installées des remontées mécaniques à des fins de pratique du ski ; qu'en droit l'accord stipule : « Il est précisé que la relation de travail au cours des deux premières saisons peut rester soumise aux modalités du contrat à durée déterminée de droit commun. Le contrat de travail acquiert la nature de contrat à durée indéterminée intermittent dès lors que les parties décident de poursuivre leur relation la saison suivante » ; qu'en l'espèce, Mme H... a travaillé pour la SARL Holding V... N... sans discontinuer en contrats à durée déterminée depuis l'été 2010 ce qui fait 10 contrats à durée déterminée saisonniers de suite ; qu'en droit l'accord stipule que « dès lors que le contrat de travail a acquis le caractère du contrat intermittent, sa rupture intervient dans les conditions et avec les obligations réciproques prévues pour le droit commun des contrats à durée indéterminée par les règles législatives et conventionnelles » ; qu'en l'espèce, Mme H... n'a reçu aucune indemnité suite à la rupture de la relation de travail ; que Mme H... a travaillé dans un magasin situé dans une commune disposant de remontées mécaniques ; qu'elle a travaillé plus de deux saisons d'affilée ; que son contrat de travail à durée déterminée est devenu un contrat de travail à durée indéterminée intermittent ; qu'elle n'a pas été réembauchée pour la saison d'été 2015 ; que la SARL Holding V... N... lui a proposé un travail uniquement pour la saison d'hiver suivante à la Plagne ; que ses contrats de travail ne prévoyaient pas de clause de mobilité ; que le conseil de Prud'hommes dit que Mme H... avait un contrat de travail à durée indéterminée intermittent et qu'aucun contrat ne lui a été proposé pour la saison d'été 2015 en méconnaissance de l'article 1 de l'accord dans la profession du commerce des articles de sports ; que le conseil des prud'hommes dit qu'il y a lieu à requalifier les contrats de travail à durée déterminée de W... H... en contrat à durée indéterminée et que la rupture de ce dernier est abusive et provoque les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1° ALORS QU'un accord collectif conclu dans un département s'applique aux seules entreprises qui y ont leur siège social ou un établissement autonome; que la société Technique Extrême and Cie faisait valoir que les embauches, l'édition des bulletins de paie, la tenue du registre du personnel et, plus largement la gestion du personnel relevaient de la compétence du siège social situé en Haute-Savoie, cependant que l'unique salariée du site de Bourg-Saint-Maurice n'assurait ni la gestion du personnel, ni même la gestion commerciale du magasin ; que pour dire néanmoins que le magasin de Bourg-Saint-Maurice constitue un établissement autonome, la cour d'appel s'est bornée à relever, par motifs propres, que celui-ci est immatriculé comme établissement au registre du commerce et des sociétés et dispose de matériels et de personnels propres, et, par motifs adoptés, qu'il pourrait avoir une gestion autonome ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser l'existence d'un établissement autonome, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2222-1 du code du travail, ensemble l'accord du 24 mars 1993 relatif à la saisonnalité dans le département de la Savoie ;

2° ALORS, subsidiairement, QUE si une convention ou un accord collectif applicable dans l'entreprise prévoit la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée intermittents, il n'en résulte, pour l'employeur, qu'une simple faculté et non une obligation ; que cette convention ou cet accord ne peut donc entraîner la requalification des contrats à durée déterminée à caractère saisonnier régulièrement conclus par l'employeur en contrat à durée indéterminée ou en contrat à durée indéterminée intermittents ; que la cour d'appel relève que l'accord du 24 mars 1993 relatif à la saisonnalité dans le département de la Savoie, dont l'article 1.1 énonce que « afin de fidéliser les relations entre employeurs et salariés, et de renforcer la stabilité des liens contractuels, les signataires décident de recourir au contrat de travail intermittent conformément aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail. (
) Le contrat de travail acquiert la nature de contrat à durée indéterminée intermittent dès lors que les parties décident de poursuivre leur relation la saison suivante. Le nouveau contrat devra être établi par écrit. (
) », et que Mme H... a bénéficié de contrats à durée déterminées pour les saisons d'hiver et d'été à compter de décembre 2010, justifiant la requalification en contrat à durée indéterminée intermittent à compter de cette date ; qu'en fondant sa décision sur des dispositions conventionnelles qui ne pouvaient avoir pour effet de transformer la relation de travail à durée déterminée en un relation à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles L. 1245-1, L. 3123-33 et L. 3123-34 du code du travail, ensemble l'article 1.1 de l'accord du 24 mars 1993 susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-16041
Date de la décision : 04/12/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 01 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 déc. 2019, pourvoi n°18-16041


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.16041
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