LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. C... P...,
contre l'arrêt de la cour d'assises de la HAUTE-SAVOIE, en date du 6 juillet 2018, qui, pour viols aggravés et tentative et agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle et dix ans de suivi socio-judiciaire, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 16 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. de Larosière de Champfeu, conseiller rapporteur, M. Moreau, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lavaud ;
Sur le rapport de M. le conseiller DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me LE PRADO, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALLEIX ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation :
Vu l'article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que le moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 328 et 591 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense ;
“en ce que l'arrêt incident du 5 juillet 2018 (p. 14 du procès-verbal des débats) a rejeté la demande de donné acte sollicitée par la défense et en ce que l'arrêt criminel a déclaré l'accusé coupable de viol, agression sexuelle par personne ayant autorité, viol sur mineurs de 15 ans, agression sexuelle sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité, viol et agression sexuelle sur sa fille mineure de 15 ans ;
“alors que toute personne a le droit d'être jugée par une juridiction impartiale ; que l'article 328 du code de procédure pénale dispose que le président de la cour d'assises a le devoir de ne pas manifester son opinion sur la culpabilité ; qu'en affirmant qu'une des parties civiles apparaissait encore marquée, le président la cour d'assises a manifesté une opinion sur la réalité des faits qu'elle aurait vécus et donc sur la culpabilité de l'accusé ; que la cour d'assises a ce faisant méconnu les textes et principes susvisés” ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats qu'à l'occasion de l'audition de Mme W..., partie civile, le président de la cour d'assises a observé : "on a vu X..., elle apparaît encore très marquée" ; que les propos ainsi formulés, qui ne font pas un lien nécessaire entre la présentation observée de la jeune fille et les faits, ne caractérisent pas une manifestation d'opinion de ce magistrat sur la culpabilité de l'accusé ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 168, 281, 326, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation des droits de la défense,
“en ce que l'arrêt incident du 5 juillet 2018 (p. 15 du procès-verbal des débats) a dit qu'il serait passé outre à l'audition de MM. G..., E... et B..., médecins ;
“1°) alors que le respect des droits de la défense et le principe du contradictoire supposent que l'accusé puisse faire entendre tous les témoins dont l'audition lui paraît nécessaire à sa défense et discuter contradictoirement des expertises et éléments de preuve versés aux débats ; qu'en refusant de renvoyer l'affaire afin que soient entendus, à titre d'experts ou de témoins acquis aux débats, des médecins qui avaient réalisé des examens médicaux sur les victimes présumées et dont les conclusions ont été lues à l'audience, la cour d'assises a méconnu les principes susvisés ;
“2°) alors que la cour d'assises, qui n'a pas caractérisé l'impossibilité d'assurer la comparution de M. E..., médecin à titre d'expert, n'a pas légalement justifié sa décision ;
“3°) alors que la cour d'assises, qui ne s'est pas expliquée sur les démarches entreprises pour retrouver Mme R... B..., médecin, citée comme témoin, n'a pas caractérisé l'impossibilité d'assurer sa comparution et elle a encore privé sa décision de base légale” ;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que la cour a constaté, lors des débats, l'absence de deux experts et d'un témoin cités ; que, la défense ayant refusé de passer outre, la cour, après avoir sursis à statuer, a décidé de passer outre à ces trois auditions, au vu de l'instruction menée à l'audience, estimant que l'absence de ces auditions n'était pas préjudiciable à la manifestation de la vérité ; qu'elle a rejeté la demande de renvoi également présentée par la défense, fondée sur les absences constatées de ces experts et de ce témoin ;
Qu'en l'état de cette motivation, la cour, qui ne disposait d'aucun moyen de coercition à l'égard des experts et n'avait pas à s'expliquer sur les recherches relatives au témoin dont elle n'a pas estimé la présence nécessaire, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 112-1 et 130-1 du code pénal, 348, 356, 591 à 593 du code de procédure pénale ;
“en ce que l'arrêt attaqué a déclaré l'accusé coupable de viol et d'agression sexuelle sur X... P..., avec cette circonstance que les faits ont été commis sur sa fille mineure de 15 ans, après qu'il a été répondu positivement aux questions suivantes :
« 4 - Le ou les viols spécifiés à la question n°1 et qualifiés aux questions n° 2 et 2 doivent-ils être qualifiés d'incestueux au sens des dispositions de l'article 222-31-1 du code pénal comme ayant été commis par un père sur sa fille mineure ? »
« 8 - La ou les agressions sexuelles spécifiées à la question n° 5 et qualifiées aux questions n° 6 et 7 doivent-elles être qualifiées d'incestueuses au sens des dispositions de l'article 222-31-1 du code pénal comme ayant été commises par un père sur sa fille mineure ? » ;
“alors que l'adjonction de la qualification d'incestueux à des faits réprimés par le code pénal, résultant de la loi du 14 mars 2016 constitue, de l'aveu même du législateur, une marque d'infamie, c'est-à-dire une peine infamante de stigmatisation ; qu'une telle peine ne peut être appliquée rétroactivement à des faits antérieurs à son entrée en vigueur ; que la cour d'assises a violé les textes précités et le principe de
la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère” ;
Attendu que M. P..., poursuivi pour des viols et agressions sexuelles commis du 1er janvier 1991 au 31 décembre 2000 sur la personne de X... P..., mineure comme née le [...] , avec cette circonstance qu'il était son père légitime, ne saurait se faire un grief d'avoir été condamné pour viols aggravés et agressions sexuelles à caractère incestueux, dès lors que l'article 222-31-1 du code pénal, introduit par la loi du 14 mars 2016, n'a aggravé ni la définition de l'infraction, ni les peines encourues, et que la cour d'assises a posé la question spécifique d'inceste en application des dispositions de l'article 356, alinéa 2, du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros demandés la somme globale que M. C... P... devra payer Mme X... P..., Mme J... W... et Mme I... O..., en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept novembre deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.