LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Ouen, 13 septembre 2018), qu'au mois d'octobre 2017, des élections professionnelles ont été organisées par voie électronique, au sein de la société Celio France, pour le renouvellement des membres du comité d'entreprise et des délégués du personnel, suivant un accord d'entreprise conclu le 6 juin 2009 prévoyant le recours au vote électronique et un protocole d'accord préélectoral en date du 28 juillet 2017 ; que le quorum n'ayant pas été atteint pour les élections au comité d'entreprise dans certains établissements, au sein du premier collège, ainsi qu'au sein des différents collèges pour les élections des délégués du personnel, un second tour a été organisé du 18 au 25 octobre 2017 ; que les 25, 26 octobre et 8 novembre 2017, la fédération CGT des personnels du commerce distribution services, la fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente (CFTC--CSFV) et M. JV... ont saisi le tribunal d'instance en annulation des deux tours des élections, en invoquant diverses irrégularités qui seraient survenues dans le déroulement du processus électoral ;
Attendu que la Fédération CFTC-CSFV fait grief au jugement de la débouter de sa demande d'annulation du premier tour et que soit ordonné à la société, sous astreinte, de convoquer les organisations syndicales à une réunion afin notamment de définir les modalités permettant la confidentialité des votes électroniques et un nouveau calendrier électoral, alors, selon le moyen :
1° / que le système de vote électronique confié à un prestataire choisi par l'employeur doit assurer la confidentialité du vote et la sincérité du scrutin en rendant impossible la connaissance des moyens d'authentification par un autre que l'électeur auquel ils sont dédiés ; qu'ayant constaté que les identifiants et mots de passe étaient envoyés aux électeurs par lettre simple à leur domicile, en déboutant l'organisation syndicale de sa demande d'annulation, le tribunal d'instance a violé l'article R 2324-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, et les principes généraux du droit électoral ;
2° / qu'après avoir constaté qu'il était possible d'obtenir en cas de perte de l'identifiant et du mot de passe, sur le même téléphone portable, plusieurs identifiants et mots de passe de secours sur indication de données librement accessibles (nom, prénom, matricule et date de naissance) ou conservées par l'employeur dans une armoire non fermée à clé (lieu de naissance), ce dont il résultait qu'une usurpation n'était pas impossible, et la confiance dans la fiabilité du scrutin compromise, le tribunal d'instance qui a débouté l'organisation syndicale de sa demande d'annulation du premier tour des élections, a violé l'article R 2324-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, ensemble l'article 6, alinéa 2, de l'arrêté du 25 avril 2007 pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise, ainsi que les principes généraux du droit électoral ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, le tribunal d'instance a constaté que le protocole d'accord préélectoral prévoyait l'envoi des identifiants et mots de passe directement par courrier simple au domicile des salariés, et non sur une boîte de messagerie accessible par des membres de l'entreprise ; qu'il a relevé que la procédure de secours a été précisément définie dans le cadre du protocole d'accord préélectoral, comme nécessitant la communication par l'électeur des données d'identification suivantes : « nom, prénom, date et lieu de naissance, n° de matricule » et que la possibilité d'utiliser un même téléphone pour la récupération de plusieurs mots de passe résultait du fait qu'il appartient au salarié sollicitant cette réédition de communiquer l'adresse électronique ou le numéro de téléphone sur lequel il souhaite que ses identifiants lui soient envoyés ; qu'il a estimé qu'il ressort des copies d'écran produites par la fédération CFTC-CSFV que les informations relatives aux noms, prénoms et matricules des salariés étaient aisément accessibles depuis des terminaux de l'entreprise, que le registre unique du personnel porte également mention des dates de naissance de l'ensemble des salariés, que toutefois, il n'est pas démontré que le lieu de naissance des salariés était aisément accessible ; qu'il a pu déduire de ces constatations que des précautions suffisantes avaient été prises pour garantir la confidentialité des votes et des données transmises, que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour le syndicat Fédération des syndicats CFTC commerce services et force de vente.
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir débouté la Fédération CFTC-CSFV de sa demande d'annulation du premier tour des élections professionnelles de la société Celio France en date du 11 octobre 2017 et tendant à voir ordonner à la société de convoquer les organisations syndicales à une réunion afin notamment de définir les modalités permettant la confidentialité des votes électroniques et un nouveau calendrier électoral, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard passé le délai de 15 jours suivant la décision à intervenir ;
aux motifs que, sur la communication des identifiants, s'agissant de la procédure standard, il est constant que le protocole d'accord préélectoral prévoyait l'envoi par courrier simple au domicile des titulaires des identifiants et mots de passe ; que cette mesure est de nature à assurer la confidentialité des données transmises, en ce que ces éléments n'ont pas été transmis sur une boîte de messagerie accessible par des membres de l'entreprise, mais bien directement au domicile des salariés ; qu'aussi, il convient d'en déduire que cette méthode de communication des identifiants apparaît comme suffisamment sécurisée pour éviter toute atteinte à la sincérité et à la loyauté du scrutin ; que s'agissant de la procédure de secours, celle-ci a été précisément définie dans le cadre du protocole d'accord préélectoral, comme nécessitant la communication par l'électeur des données d'identification suivante : « nom, prénom, date et lieu de naissance, n° de matricule » ; que le protocole d'accord ayant été ratifié par toutes les organisations syndicales et ayant été mis en oeuvre conformément à sa rédaction, la seule question restante est celle de la conformité d'une telle clause avec les principes généraux du droit électoral ; que la possibilité d'utiliser un même téléphone pour la récupération de plusieurs mots de passe résulte du fait que le processus de secours prévoit qu'il appartient au salarié qui sollicite cette réédition de communiquer l'adresse email ou le numéro de téléphone sur lequel il souhaite que ses identifiants lui soient envoyés ; que le fait que deux salariés aient sollicité l'envoi de leur code de secours sur le même terminal n'est ainsi pas de nature à entacher la sincérité et la confidentialité du vote, ceux-ci ayant délibéré [sans doute : délibérément] donné le même numéro ; qu'il convient également de s'assurer que le processus ne permettait pas à des tiers de solliciter la réédition de codes d'accès personnels ; qu'il ressort des copies d'écran produites par la CFTC-CSFV que les informations relatives aux noms, prénoms et matricules des salariés étaient aisément accessibles depuis des terminaux de l'entreprise ; que le registre unique du personnel porte également mention des dates de naissance de l'ensemble des salariés ; que toutefois, il n'est pas démontré que le lieu de naissance des salariés était aisément accessible, que si la Fédération CFTC-CSFV produit des documents indiquant qu'une copie de la pièce d'identité de chaque salarié devait être effectuée afin de la conserver dans le dossier de chaque employé, l'accessibilité de cet élément ne peut être considérée comme facile ; qu'en effet, au regard des données présentées dans ces dossiers (extrait de casier judiciaire
), qui nécessitent donc que ces dossiers soient conservés dans des conditions de confidentialité minimales, il ne peut être allégué que les dossiers seraient parfaitement accessibles à tout salarié, quand bien même l'armoire les contenant ne serait pas fermée à clé ; que le fait qu'aucun électeur n'ait attesté du fait que son code aurait été utilisé par un tiers, alors que cet usage aurait dû empêcher tout nouveau vote, corrobore la sécurisation suffisante des informations sollicitées et l'absence de violation d'un principe général du droit électoral en l'espèce ;
1. alors d'une part que le système de vote électronique confié à un prestataire choisi par l'employeur doit assurer la confidentialité du vote et la sincérité du scrutin en rendant impossible la connaissance des moyens d'authentification par un autre que l'électeur auquel ils sont dédiés ; qu'ayant constaté que les identifiants et mots de passe étaient envoyés aux électeurs par lettre simple à leur domicile, en déboutant l'organisation syndicale de sa demande d'annulation, le tribunal d'instance a violé l'article R 2324-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, et les principes généraux du droit électoral ;
2. alors d'autre part qu'après avoir constaté qu'il était possible d'obtenir en cas de perte de l'identifiant et du mot de passe, sur le même téléphone portable, plusieurs identifiants et mots de passe de secours sur indication de données librement accessibles (nom, prénom, matricule et date de naissance) ou conservées par l'employeur dans une armoire non fermée à clé (lieu de naissance), ce dont il résultait qu'une usurpation n'était pas impossible, et la confiance dans la fiabilité du scrutin compromise, le tribunal d'instance qui a débouté l'organisation syndicale de sa demande d'annulation du premier tour des élections, a violé l'article R 2324-5 du code du travail dans sa version applicable au litige, ensemble l'article 6, alinéa 2, de l'arrêté du 25 avril 2007 pris en application du décret n° 2007-602 du 25 avril 2007 relatif aux conditions et aux modalités de vote par voie électronique pour l'élection des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d'entreprise, ainsi que les principes généraux du droit électoral.