LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail, le premier dans sa version antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et le second dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B..., engagé à compter du 10 avril 1989 en qualité d'agent d'exploitation sur l'escale de Roissy par la société Europe Airport devenue la société Asl Airlines, exerçait en dernier lieu les fonctions d'agent d'opérations sur l'escale de l'aéroport de Marseille ; que, le 27 avril 2011, il a refusé une proposition de modification de son contrat de travail pour motif économique ; que la rupture de son contrat de travail pour motif économique est intervenue après acceptation d'un contrat de sécurisation professionnelle le 22 juillet 2011 ;
Attendu que, pour condamner l'employeur à payer au salarié des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que l'employeur connaissait une situation financière satisfaisante au moment du licenciement, que la perte annoncée d'un contrat avec un important client ne s'est pas réalisée avant 2015 et que la lettre de licenciement, pour justifier la réorganisation de l'entreprise, ne fait aucune référence à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que, dès lors, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute de difficultés économiques avérées ;
Attendu cependant que la lettre de licenciement, qui fait mention d'une suppression d'emploi ou d'un refus d'une modification du contrat de travail consécutive à une réorganisation de l'entreprise, dont il appartient au juge de vérifier qu'elle était destinée à sauvegarder sa compétitivité, est suffisamment motivée ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare l'appel recevable, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant au litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. B... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour la société Asl Airlines.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement notifié à M. B... par la société Asl Airlines, et de l'avoir condamnée à payer au salarié la somme de 120.000 euros à titre de dommages-intérêts,
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement, à laquelle il est expressément fait référence, qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d'autres griefs que ceux qu'elle énonce, est ainsi motivée : «
pour faire suite à notre entretien du 5 juillet 2011, nous vous informons que nous sommes amenés à prononcer votre licenciement pour motif économique fondé sur les faits suivants : Au cours de n'année 2010, la Direction Générale a décidé et entrepris la réorganisation des services opérationnels sol (suivi de l'exploitation, trafic, opération et piste) de l'escale de CDG. Cette réorganisation s'est traduite par la fusion de l'ex direction de l'exploitation et de Tex direction des opérations au sol dont l'ensemble forme désormais la nouvelle Direction de l'Exploitation qui a vocation à traiter, hormis les opérations d'entretien, toutes les activités de support opérationnel au sol apportées aux avions et aux équipages. En dépit des réels progrès qu'apporte cette nouvelle organisation, il subsiste des lacunes qui font obstacles à la démarche d'efficacité que la Direction Générale a souhaité mettre en avant pour accompagner son développement sur des nouveaux marchés afin de faire face au retrait progressif de l'activité cargo pour le compte de notre client La Poste. Ces lacunes se matérialisent notamment par : - des défauts de qualité dans la préparation et le suivi opérationnel au jour J des dossiers de vol dont la réalisation méticuleuse et irréprochable est indispensable au déroulement harmonieux et sécurisé des opérations aériennes. La répartition de ces opérations sur trois sites y contribue malheureusement beaucoup. - une absence de concertation et de cohésion parmi les personnels ayant en charge la préparation des dossiers de vols. Là encore, la multiplication des sites opérationnels est également un frein à l'obtention d'une plus grande efficacité. - une dispersion des ressources qui obère les marges de la compagnie. Devant ce constat, la Direction a souhaité regrouper les activités liées à l'exploitation de l'escale de Marseille dans l'escale dans l'escale de CDG et ainsi accueillir la totalité des agents d'opérations de la Direction de l'exploitation de l'Escale de Marseille en les intégrant dans les équipes d'escale, d'opérations, d'encadrement qui sont aujourd'hui en place ou qui devront être complétées sur la base principale des opérations de la Compagnie. Ainsi, nous vous avons proposé d'intégrer l'escale de CDG localisée (
) » ; que force est de constater qu'au moment du licenciement, la société appelante connaissait une situation financière satisfaisante dans la mesure où le bilan au 31.12.2010 fait apparaître que le chiffre d'affaires réalisé s'élevait à 3,5 millions d'euros en augmentation de 6,5% par rapport à l'année précédente ; qu'il n'est pas efficacement contredit par la société Asl Airlines que la perte annoncée d'un contrat la liant à la poste ne ‘est pas avérée, ledit contrat ayant été reconduit jusqu'en 2015 ; que par ailleurs, la lettre de licenciement, pour justifier la réorganisation de l'entreprise ne fait aucune référence à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que dès lors, le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute de difficulté économiques avérées, le jugement déféré sera confirmé ;
ALORS QUE la lettre de licenciement qui fait état d'une suppression d'emploi consécutive à une restructuration de l'entreprise, dont il appartient au juge de vérifier qu'elle est destinée à sauvegarder sa compétitivité, est suffisamment motivée ; que pour dire que le licenciement dépourvu M. B... dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce que si la lettre de licenciement fait état d'une réorganisation de l'entreprise, elle ne fait pas référence à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise, dont la situation financière est satisfaisante ; qu'en statuant ainsi quand la lettre de licenciement faisait état de la nécessité de faire face au retrait progressif de l'activité cargo pour le compte de La Poste, des difficultés de production liées à la multiplicité des sites et d'une dispersion des ressources qui obère les marges de la compagnie, de sorte qu'il lui incombait de rechercher si la réorganisation décidée par l'employeur était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-3 et L. 1233-16 du code du travail.