LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mai 2018), que, par lettre en date du 29 mars 2013 et à en-tête du groupe Soparind Bongrain, devenu le groupe Savencia, M. T... a été engagé en qualité de chargé de mission au sein de BEV, société filiale de droit russe ; qu'un contrat de travail a été signé, entre le salarié et la société BEV, le 1er mai 2013 ; que le salarié a été licencié par cette dernière le 11 juillet 2016 ; que la société Savencia a opposé un refus aux demandes de rapatriement et de réintégration formées par le salarié le 4 août 2016 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Savencia fait grief à l'arrêt de constater l'existence d'un contrat de travail entre elle et le salarié, de lui ordonner de réintégrer ce dernier dans un emploi comparable à celui précédemment occupé sous astreinte, de la condamner à lui payer diverses sommes provisionnelles à titre de rappels de salaire, de droits à congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change, et de lui ordonner de remettre au salarié des bulletins de salaire conformes, sous astreinte, de constater qu'elle est redevable à l'égard de celui-ci des salaires à parfaire au-delà du 23 janvier 2018 et qu'elle doit lui remettre les bulletins de salaire afférents, alors, selon le moyen, que l'article 8 du règlement CE n° 593/2008 du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit Rome I, dispose qu'à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, étant précisé que si la loi applicable ne peut être déterminée selon ce critère, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur et que s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays, la loi de cet autre pays s'applique ; qu'en l'espèce, la société Savencia faisait valoir qu'à supposer qu'un contrat ait existé entre elle et M. T..., il ne pouvait pas être régi par la loi française, mais seulement par le droit russe, dès lors que M. T..., payé en roubles, était déjà installé et résident fiscal dans ce pays avant d'être embauché pour y travailler, ou pour travailler à partir de ce pays, au sein de la société de droit russe BEV ; qu'en faisant en l'espèce application du droit français sans se prononcer, comme elle y était invitée, sur la détermination de la loi applicable au regard du règlement Rome 1 susvisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte ;
Mais attendu qu'il ne résulte pas des conclusions de la société Savencia devant la cour d'appel que celle-ci a fait valoir que le contrat de travail entre la société Soparind Bongrain et le salarié résultant de la lettre d'engagement du 29 mars 2013 présentait des liens plus étroits avec la loi russe ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit, est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que la société Savencia fait le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :
1°/ que l'application de l'article L. 1231-5 du code du travail suppose qu'un salarié ait été engagé par une société mère puis ait été mis à disposition d'une filiale étrangère avec laquelle un contrat de travail a été conclu ; qu'elle suppose donc qu'un contrat de travail ait existé entre la société mère et le salarié avant la mise à disposition ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a tout au plus relevé que par lettre du 29 mars 2013, M. D..., alors directeur général de l'activité « Compagnie des Maitres Fromagers Pays d'Europe Centrale et Orientale » (CDMF PECO) de la société Bongrain SA, avait engagé M. T... comme chargé de mission, responsable de développement des activités dans les pays de la CEI hors Russie au sein de la filiale de la société Savencia, la société russe BEV, à compter du 1er avril 2013, avec un rattachement hiérarchique au directeur général de l'activité CDMF PECO de la société Bongrain, et un salaire de base brut de 6 759 310 roubles ou 166 900 euros bruts par an sur douze mois, outre une prime d'objectifs pouvant atteindre 20 % du salaire de base ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser la conclusion d'un contrat de travail entre la société Savencia (ancienne Bongrain) et M. T... avant son engagement par la société de droit russe BEV, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1231-5 du code du travail ;
2°/ que lorsqu'une société mère ne respecte pas l'obligation de réintégration mise à sa charge par l'article L. 1231-5 du code du travail, ce refus de réintégration produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la réintégration ne pouvant être imposée ; qu'en jugeant en l'espèce que le fait pour la société Savencia de ne pas avoir fait de proposition de rapatriement à M. T..., en violation de l'article L. 1231-5 du code du travail, constituait un trouble manifestement illicite, pour en déduire que la société Savencia devait le réintégrer en son sein sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la cour d'appel a violé l'article L. 1231-5 du code du travail ;
3°/ que l'article L. 1231-5 du code du travail n'impose pas à la société mère de trouver un nouvel emploi au salarié dans l'ensemble du groupe, mais seulement en son sein ; qu'en affirmant que la société Savencia devra réintégrer M. T... en son sein et lui trouver un emploi au sein d'une des sociétés du groupe Savencia, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
4°/ que les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Savencia faisait valoir, et offrait de prouver, qu'il lui était matériellement impossible de réintégrer M. T... en son sein compte tenu de son très faible effectif de deux salariés ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions avant d'affirmer que la société Savencia devrait réintégrer M. T... en son sein, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que, ayant constaté que, par lettre du 29 mars 2013, M. D..., directeur général de la société anonyme Bongrain devenue Savencia, comme cela ressort de l'extrait K bis de cette société au 13 octobre 2016, a engagé M. T... comme chargé de mission, responsable de développement des activités dans les pays de la Communauté des États indépendants hors Russie, au sein de la filiale de la société Savencia, la société russe BEV, à compter du 1er avril 2013, avec un rattachement hiérarchique au directeur général de l'activité CDMF PECO de la société Bongrain, et un salaire de base brut de 6 759 310 roubles ou 166 900 euros bruts par an sur douze mois, outre une prime d'objectifs pouvant atteindre 20 % du salaire de base, que, pendant une courte période, entre le 1er avril 2013 et le 28 mai 2013, date de début d'effet du contrat de travail russe, M. T... a été rémunéré de manière indirecte par la société Savencia, puisqu'il a reçu son salaire de la société Spenglerfox à la demande de la société Bongrain devenue Savencia, que, pendant l'exécution de son contrat de travail avec la société filiale russe, le lien de subordination a été constamment maintenu entre lui et la société mère française Savencia, en parallèle avec le lien de subordination entre M. T... et la société filiale russe, que ses objectifs et sa rémunération ont été fixés entre 2013 et 2016 par la société Bongrain devenue Savencia, et que la lettre de mission de M. T... rédigée par la direction du groupe Savencia en date du 30 mars 2015, qui officialise à compter du 1er avril 2015 ses fonctions nouvelles de chargé de mission, en Indonésie, pour le projet [...] et pour une durée de six mois, de l'équipe Asie Grand Export, démontre que c'est la société mère Savencia qui décide des missions de M. T..., lequel de fait ne travaille plus pour la société BEV pour se consacrer à cette mission, la cour d'appel, qui en a déduit l'existence à compter du 29 mars 2013 d'un contrat de travail avec la société mère française, a légalement justifié sa décision ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel a décidé à bon droit, devant le refus de réintégration opposé par la société mère française au salarié, qu'en application de l'article L. 1231-5 du code du travail, celle-ci devait rechercher les possibilités de reclassement au sein des sociétés du groupe et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein et a pu décider qu'un tel refus constituait un trouble manifestement illicite justifiant qu'il soit enjoint à la société de procéder à la réintégration du salarié ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa quatrième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que la société Savencia fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au salarié diverses sommes provisionnelles à titre de rappels de salaire, de droits à congés payés afférents ainsi que de dommages-intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change, et de lui ordonner de remettre au salarié des bulletins de salaire conformes, sous astreinte, de constater qu'elle est redevable à l'égard de celui-ci des salaires à parfaire au-delà du 23 janvier 2018 et qu'elle doit lui remettre les bulletins de salaire afférents, alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent pas trancher une difficulté sérieuse d'interprétation de la portée de l'engagement d'une partie ; qu'en l'espèce la lettre du 29 mars 2013 à l'entête du groupe Bongrain indiquait tout au plus que « la société BEV vous allouera une indemnité de logement à concurrence de 5 346 000 roubles net (ou 132 000 euros) par an sur présentation de justificatifs » et « la société BEV prendra en charge les frais de scolarité de vos trois enfants à concurrence de 972 000 roubles nets (ou 24 000 euros) par an sur présentation de justificatifs » ; qu'en interprétant cette lettre comme portant engagement de la société Savencia, et non de la société BEV, de prendre en compte ces frais en euros en cas de baisse du taux de change, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse en violation de l'article R. 1455-7 du code du travail ;
Mais attendu qu'en décidant que la lettre d'engagement du 29 mars 2013 à en-tête du groupe Soparind Bongrain, prévoyant la prise en charge des frais de scolarité des trois enfants du salarié à hauteur de 972 000 roubles ou de 24 000 euros par an, portait engagement de celle-ci de prendre en charge les frais de scolarité en euros en cas de variation du taux de change, la cour d'appel n'a pas tranché une contestation sérieuse; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Savencia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Savencia à payer à M. T... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Savencia
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR constaté l'existence d'un contrat de travail entre la société Savencia et M. T..., ordonné à la société Savencia de réintégrer M. T..., dans un emploi comparable à celui précédemment occupé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et condamné la société Savencia à payer à M. T... les sommes provisionnelles de 213 019,10 euros bruts au titre des rappels de salaire du 11 octobre 2016 au 23 janvier 2018, outre celle de 21 301,91 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 novembre 2016 sur les salaires dus au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois, et de 143 253 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016, d'AVOIR ordonné à la société Savencia de remettre à M. T... des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, sur la période d'octobre 2016 à fin janvier 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête, d'AVOIR constaté que la société Savencia est redevable à l'égard de M. T... des salaires à parfaire au-delà du 23 janvier 2018 en exécution du contrat de travail et doit lui remettre les bulletins de salaire afférents et d'AVOIR condamné la société Savencia aux dépens et à payer à M. T... la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de réintégration et ses conséquences : Selon l'article R.1455-5 du code du travail le juge des référés peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Selon l'article R.1455- 7 du code du travail le juge des référés peut, dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation y compris une obligation de faire. Selon l'article R.1455- 6 du code du travail le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. M. T... revendique l'application de l'article L.1231-5 du code du travail, soutenant avoir été embauché par le PDG du groupe Soparind Bongrain devenu Savencia par lettre du 29 mars 2013, en vue d'être chargé de mission au sein de sa filiale russe BEV, son recrutement ayant été initié par une société de recrutement française et son travail ayant débuté à compter du 1er avril 2013 avec un rattachement hiérarchique à M. D..., alors directeur général de l'activité CDMF PECO de la société Bongrain ; il précise qu'en avril 2013 il a reçu son salaire de la société Spenglerfox à la demande de la société Bongrain, et ce dans l'attente d'obtenir un permis de travail en Russie, et que la société Savencia a mis en place sa protection sociale, en l'inscrivant à la Caisse des Français à l'Etranger (CFE) et en assurant sa couverture sociale complète (frais de santé, de prévoyance, cotisations de retraite de base et complémentaire) comme expatrié par le biais de sa filiale la société Sogasi. La société Savencia soutient qu'il existe seulement un contrat de travail entre M. T... et la société russe BEV, et qu'en tout état de cause la question de l'applicabilité de l'article L.1231-5 du code du travail et la demande de réintégration relèveraient du juge du fond. En l'espèce, par lettre du 29 mars 2013, M. D..., directeur général de la société anonyme Bongrain devenue Savencia, comme cela ressort de l'extrait Kbis de cette société au 13 octobre 2016, a engagé M. T... comme chargé de mission, responsable de développement des activités dans les pays de la CEI hors Russie au sein de la filiale de la société Savencia, la société russe BEV, à compter du 1er avril 2013, avec un rattachement hiérarchique au directeur général de l'activité CDMF PECO de la société Bongrain, et un salaire de base brut de 6 759 310 roubles ou 166 900 euros bruts par an sur 12 mois, outre une prime d'objectifs pouvant atteindre 20 % du salaire de base. Or, l'article L.1231-5 du code du travail dispose que lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère doit assurer son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ; si la société mère souhaite néanmoins licencier ce salarié, elle doit respecter les dispositions relatives au licenciement pour motif personnel. En effet, selon une jurisprudence constante (Cass 13 novembre 2008, 30 mars 2011, 27 juin 2012) l'application de l'article L.1231-5 du code du travail n'est pas subordonné au maintien du contrat de travail avec la société mère, puisque l'obligation de reclassement de la société mère naît justement de la rupture du contrat de travail avec la société filiale, quelque en soit la cause, et même si le contrat de travail conclu avec la filiale est soumis au droit étranger, et même encore si le salarié n'avait, avant son expatriation, jamais exercé des fonctions au sein de la société mère, ici la société Savencia. Il importe donc peu que le contrat de travail avec la société filiale russe ait prévu que soit appliquée la loi russe en ce qui concerne la rupture du contrat de travail local, M. T... n'ayant pas renoncé aux dispositions protectrices de l'article L.1231-5 du code du travail. Ce dernier a d'ailleurs demandé expressément son application, par courriel du 4 août 2016 adressé à M. L..., secrétaire général et directeur des ressources humaines du groupe Savencia, indiquant que depuis le mois d'avril 2016 la direction du groupe lui imposait de rester au bureau de Moscou sans lui confier de travail. Par ailleurs, pendant une courte période, entre le 1er avril 2013 et le 28 mai 2013, date de début d'effet du contrat de travail russe, M. T... a été rémunéré de manière indirecte par la société Savencia, puisqu'il a reçu son salaire de la société Spenglerfox à la demande de la société Bongrain devenue Savencia. Cet article apparaît donc bien applicable au cas de M. T..., d'autant que pendant l'exécution de son contrat de travail avec la société filiale russe, le lien de subordination a été constamment maintenu entre lui et la société mère française Savencia, en parallèle avec le lien de subordination local entre M. T... et la société filiale par le biais de M. A... directeur général de la filiale russe (détenue à 100 % par la société mère Savencia), au vu des éléments suivants : - la fixation de ses objectifs et sa rémunération ont été fixés entre 2013 et 2016 par la société Bongrain devenue Savencia, au vu des pièces produites (courriels, notes, compte-rendu d'entretien d'évaluation). - au vu des courriels (entre le 18 février et le 22 avril 2014, échangés entre M. T... et M. L..., au sujet de la baisse du rouble (qui sera divisé par 2/dollars entre avril 2015 et janvier 2016) impactant son salaire en roubles, mais aussi le coût de son logement familial et des frais de scolarité de ses enfants payés en devises (euros ou dollars US), ce dernier indiquait à M. T... que la politique du groupe pour les salariés de la société BEV était de fixer leur salaire en roubles, sans indexation à une devise étrangère ; M. L... indiquait aussi à M. T... qu'il allait lui adresser ses nouvelles conditions contractuelles établies par la société Savencia pour la nomination de M. T... au poste de directeur général CEI à compter du 1er avril 2014, ce qui démontre que c'est la société mère Savencia qui décidait de la promotion de M. T..., de ses conditions de rémunération et de ses conditions de travail, - il ressort de la note d'information de la société Bongrain (devenue Savencia), signée par M. D... et M. N..., en date du 8 septembre 2014 que cette dernière a pris la décision de modifier le périmètre et l'organisation de la zone Est Europe, précisant que c'est M. T... qui était le directeur général de cette nouvelle région rebaptisée Russie CEI, bénéficiant des supports de sa filiale russe BEV, - la lettre de mission de M. T... rédigée par la direction du groupe Savencia en date du 30 mars 2015, qui officialise à compter du 1er avril 2015 ses fonctions nouvelles de chargé de mission en Indonésie projet [...] pour 6 mois de l'équipe Asie Grand Export, démontre que c'est la société mère Savencia qui décide des missions de M. T..., lequel de fait ne travaille plus pour la société BEV pour se consacrer à cette mission, - le calcul de son bonus de l'année 2015, découlant de ses fonctions de chargé de mission en Indonésie, est approuvé par M. D... (directeur général de la société Savencia) le 31 mars 2016, - le compte-rendu de l'évaluation de M. T... pour l'année 2015 en date du 11 février 2016 mentionne qu'il est chargé de mission projet [...] au sein de la société Savencia International Asie (sans que l'on sache au titre de quel contrat de travail) et qu'il est entré dans le groupe le 1er avril 2013. Son évaluateur et responsable hiérarchique est M. J... (non salarié de la société BEV, mais d'une autre société du groupe non mentionnée). Le lien de subordination étant établi entre M. T... et la société Savencia, et cette dernière n'ayant pas procédé, à la suite du licenciement économique de M. T... par sa filiale russe, à son rapatriement avec réintégration en son sein ou au sein d'une société du groupe, ou à son licenciement, le contrat de travail s'est poursuivi entre M. T... et la société Savencia, sans que cette dernière ne lui fournisse de travail, de sorte que cette dernière était tenue de le réintégrer. Le fait pour la société Savencia de ne pas faire de proposition de rapatriement à M. T..., en violation de l'article L. 1231-5 du code du travail, constitue un trouble manifestement illicite, M. T... ayant été privé de salaire et d'emploi, ainsi que de couverture sociale depuis le 11 octobre 2016. La société Savencia devra le réintégrer en son sein, et lui trouver un emploi au sein d'une des sociétés du groupe Savencia, cet emploi devant être comparable à celui précédemment occupé en Russie et en Indonésie, avec une rémunération comparable, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête. Le contrat de travail n'étant pas rompu entre les parties, la cour fait droit à la demande en paiement provisionnelle de salaires depuis le 11 octobre 2016 jusqu'au 23 janvier 2018 date de l'audience, mais seulement sur la base non contestable du salaire de base brut annuel prévu dans la lettre d'engagement du 29 mars 2013, bonus et avantages non inclus, soit la somme de 213 019,10 euros bruts calculée comme suit : - 12 mois du 11 octobre 2016 au 11 octobre 2017, soit la somme de 166 900 euros bruts, - 3 mois du 12 octobre 2017 au 12 janvier 2018, soit la somme de 41 724 euros bruts (3 x 13 908), - 11jours du 13 au 28 janvier 2018, soit la somme de 4 395,10 euros bruts (13 908 x 11/31 jours), soit un total de 213 019, 10 euros bruts, outre la somme de 21 301,91 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 novembre 2016, date de la saisine du conseil sur les salaires dus au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois. La société Savencia devra remettre à M. T... des bulletins de salaire conformes au présent arrêt sur la période d'octobre 2016 à fin janvier 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête. La société est également redevable à l'égard de M. T... des salaires à parfaire au-delà du 23 janvier 2018 en exécution du contrat de travail et devra lui remettre des bulletins de salaire y afférents, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner d'astreinte de ce chef. L'ordonnance sera donc infirmée.
Sur la demande en dommages et intérêts : La lettre d'embauche du 29 mars 2013 précisait bien que M. D..., en qualité de directeur général de l'activité CDMF Peco de la société Bongrain devenue société Savencia, s'engageait à ce que la société russe BEV verse à M. T... les sommes suivantes, en sus de son salaire : - la somme de 972 000 roubles nets (ou 24 000 euros) par an pour les frais de scolarité de ses trois enfants, sur présentation des justificatifs, - la somme de 5 346 000 roubles nets (ou 132 000 euros) par an à titre d'indemnité de logement sur présentation des justificatifs. Le fait que ces sommes soient libellées à la fois en roubles et en euros, et que la société savait que ces frais étaient payés en Russie en dollars US, permet d'en déduire que ces frais devaient nécessairement être pris en compte en euros, en cas de baisse du taux de change, sauf à rendre dérisoire le montant de ces indemnités et à mettre le salarié en difficultés financières, ce qui a été le cas en l'espèce au vu des courriels échangés entre les parties à ce sujet et des pièces produites (reconnaissance de dette en juin 2017 et demande de crédit de 356 010,77 dollars que M. T... a dû faire). Au vu des pièces produites, M. T... a indéniablement subi une perte de salaire liée au taux de change entre l'euro et le rouble, ainsi qu'une perte au titre des remboursements d'une partie des frais de scolarité de ses enfants contractuellement prévu à hauteur de 24 000 euros par an pour ses trois enfants (soit la somme de 3 770 euros cumulée pour 2013 et 2014) et de ses frais de logement (soit la somme de 139 484 euros). Si la société Savencia a consenti à prendre en compte les réclamations de M. T... relative aux frais de scolarité de ses enfants, qui étaient payés en devise étrangère, en lui versant un complément d'indemnité de scolarité pour les années 2015 et 2016 pour compenser la baisse drastique du rouble face au dollar et à l'euro, aucun complément n'a été versé au titre des années 2013 et 2014, de sorte que la société est donc redevable de cette somme provisionnelle de 3 770 euros, correspondant à la perte de change cumulée pour les années 2013 et 2014, calcul non contesté par la société. Concernant l'indemnité de logement, le raisonnement est le même, et au vu des tableaux de conversion du taux de change produits et non contestés par la société, il convient d'allouer à M. T... la somme provisionnelle de 139 484 euros à titre de dommages et intérêts. La société devra donc payer à M. T... la somme provisionnelle totale de 143 253 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change roubles/euros/dollars US, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 09 novembre 2016. L'ordonnance sera donc infirmée de ce chef, étant relevé que le conseil avait rejeté cette demande sans motivation » ;
ALORS QUE l'article 8 du règlement CE n° 593/2008 du 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles dit Rome I, dispose qu'à défaut de choix exercé par les parties, le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, étant précisé que si la loi applicable ne peut être déterminée selon ce critère, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l'établissement qui a embauché le travailleur et que s'il résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays, la loi de cet autre pays s'applique ; qu'en l'espèce, la société Savencia faisait valoir qu'à supposer qu'un contrat ait existé entre elle et M. T..., il ne pouvait pas être régi par la loi française, mais seulement par le droit russe, dès lors que M. T..., payé en roubles, était déjà installé et résident fiscal dans ce pays avant d'être embauché pour y travailler, ou pour travailler à partir de ce pays, au sein de la société de droit russe BEV (conclusions d'appel notamment page 17) ; qu'en faisant en l'espèce application du droit français sans se prononcer, comme elle y était invitée, sur la détermination de la loi applicable au regard du règlement Rome 1 susvisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de ce texte.
DEUXIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR constaté l'existence d'un contrat de travail entre la société Savencia et M. T..., ordonné à la société Savencia de réintégrer M. T..., dans un emploi comparable à celui précédemment occupé, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et condamné la société Savencia à payer à M. T... les sommes provisionnelles de 213 019,10 euros bruts au titre des rappels de salaire du 11 octobre 2016 au 23 janvier 2018, outre celle de 21 301,91 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 novembre 2016 sur les salaires dus au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois, et de 143 253 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016, d'AVOIR ordonné à la société Savencia de remettre à M. T... des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, sur la période d'octobre 2016 à fin janvier 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête, d'AVOIR constaté que la société Savencia est redevable à l'égard de M. T... des salaires à parfaire au-delà du 23 janvier 2018 en exécution du contrat de travail et doit lui remettre les bulletins de salaire afférents et d'AVOIR condamné la société Savencia aux dépens et à payer à M. T... la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de réintégration et ses conséquences : Selon l'article R.1455-5 du code du travail le juge des référés peut, dans tous les cas d'urgence, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Selon l'article R.1455- 7 du code du travail le juge des référés peut, dans le cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation y compris une obligation de faire. Selon l'article R.1455- 6 du code du travail le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. M. T... revendique l'application de l'article L.1231-5 du code du travail, soutenant avoir été embauché par le PDG du groupe Soparind Bongrain devenu Savencia par lettre du 29 mars 2013, en vue d'être chargé de mission au sein de sa filiale russe BEV, son recrutement ayant été initié par une société de recrutement française et son travail ayant débuté à compter du 1er avril 2013 avec un rattachement hiérarchique à M. D..., alors directeur général de l'activité CDMF PECO de la société Bongrain ; il précise qu'en avril 2013 il a reçu son salaire de la société Spenglerfox à la demande de la société Bongrain, et ce dans l'attente d'obtenir un permis de travail en Russie, et que la société Savencia a mis en place sa protection sociale, en l'inscrivant à la Caisse des Français à l'Etranger (CFE) et en assurant sa couverture sociale complète (frais de santé, de prévoyance, cotisations de retraite de base et complémentaire) comme expatrié par le biais de sa filiale la société Sogasi. La société Savencia soutient qu'il existe seulement un contrat de travail entre M. T... et la société russe BEV, et qu'en tout état de cause la question de l'applicabilité de l'article L.1231-5 du code du travail et la demande de réintégration relèveraient du juge du fond. En l'espèce, par lettre du 29 mars 2013, M. D..., directeur général de la société anonyme Bongrain devenue Savencia, comme cela ressort de l'extrait Kbis de cette société au 13 octobre 2016, a engagé M. T... comme chargé de mission, responsable de développement des activités dans les pays de la CEI hors Russie au sein de la filiale de la société Savencia, la société russe BEV, à compter du 1er avril 2013, avec un rattachement hiérarchique au directeur général de l'activité CDMF PECO de la société Bongrain, et un salaire de base brut de 6 759 310 roubles ou 166 900 euros bruts par an sur 12 mois, outre une prime d'objectifs pouvant atteindre 20 % du salaire de base. Or, l'article L.1231-5 du code du travail dispose que lorsqu'un salarié engagé par une société mère a été mis à la disposition d'une filiale étrangère et qu'un contrat de travail a été conclu avec cette dernière, la société mère doit assurer son rapatriement en cas de licenciement par la filiale et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions en son sein ; si la société mère souhaite néanmoins licencier ce salarié, elle doit respecter les dispositions relatives au licenciement pour motif personnel. En effet, selon une jurisprudence constante (Cass. 13 novembre 2008, 30 mars 2011, 27 juin 2012) l'application de l'article L.1231-5 du code du travail n'est pas subordonné au maintien du contrat de travail avec la société mère, puisque l'obligation de reclassement de la société mère naît justement de la rupture du contrat de travail avec la société filiale, quelque en soit la cause, et même si le contrat de travail conclu avec la filiale est soumis au droit étranger, et même encore si le salarié n'avait, avant son expatriation, jamais exercé des fonctions au sein de la société mère, ici la société Savencia. Il importe donc peu que le contrat de travail avec la société filiale russe ait prévu que soit appliquée la loi russe en ce qui concerne la rupture du contrat de travail local, M. T... n'ayant pas renoncé aux dispositions protectrices de l'article L.1231-5 du code du travail. Ce dernier a d'ailleurs demandé expressément son application, par courriel du 4 août 2016 adressé à M. L..., secrétaire général et directeur des ressources humaines du groupe Savencia, indiquant que depuis le mois d'avril 2016 la direction du groupe lui imposait de rester au bureau de Moscou sans lui confier de travail. Par ailleurs, pendant une courte période, entre le 1er avril 2013 et le 28 mai 2013, date de début d'effet du contrat de travail russe, M. T... a été rémunéré de manière indirecte par la société Savencia, puisqu'il a reçu son salaire de la société Spenglerfox à la demande de la société Bongrain devenue Savencia. Cet article apparaît donc bien applicable au cas de M. T..., d'autant que pendant l'exécution de son contrat de travail avec la société filiale russe, le lien de subordination a été constamment maintenu entre lui et la société mère française Savencia, en parallèle avec le lien de subordination local entre M. T... et la société filiale par le biais de M. A... directeur général de la filiale russe (détenue à 100 % par la société mère Savencia), au vu des éléments suivants : - la fixation de ses objectifs et sa rémunération ont été fixés entre 2013 et 2016 par la société Bongrain devenue Savencia, au vu des pièces produites (courriels, notes, compte-rendu d'entretien d'évaluation). - au vu des courriels (entre le 18 février et le 22 avril 2014, échangés entre M. T... et M. L..., au sujet de la baisse du rouble (qui sera divisé par 2/dollars entre avril 2015 et janvier 2016 ) impactant son salaire en roubles, mais aussi le coût de son logement familial et des frais de scolarité de ses enfants payés en devises (euros ou dollars US), ce dernier indiquait à M. T... que la politique du groupe pour les salariés de la société BEV était de fixer leur salaire en roubles, sans indexation à une devise étrangère ; M. L... indiquait aussi à M. T... qu'il allait lui adresser ses nouvelles conditions contractuelles établies par la société Savencia pour la nomination de M. T... au poste de directeur général CEI à compter du 1er avril 2014, ce qui démontre que c'est la société mère Savencia qui décidait de la promotion de M. T..., de ses conditions de rémunération et de ses conditions de travail, - il ressort de la note d'information de la société Bongrain (devenue Savencia), signée par M. D... et M. N..., en date du 8 septembre 2014 que cette dernière a pris la décision de modifier le périmètre et l'organisation de la zone Est Europe, précisant que c'est M. T... qui était le directeur général de cette nouvelle région rebaptisée Russie CEI, bénéficiant des supports de sa filiale russe BEV, - la lettre de mission de M. T... rédigée par la direction du groupe Savencia en date du 30 mars 2015, qui officialise à compter du 1er avril 2015 ses fonctions nouvelles de chargé de mission en Indonésie projet [...] pour 6 mois de l'équipe Asie Grand Export, démontre que c'est la société mère Savencia qui décide des missions de M. T..., lequel de fait ne travaille plus pour la société BEV pour se consacrer à cette mission, - le calcul de son bonus de l'année 2015, découlant de ses fonctions de chargé de mission en Indonésie, est approuvé par M. D... (directeur général de la société Savencia) le 31 mars 2016, - le compte-rendu de l'évaluation de M. T... pour l'année 2015 en date du 11 février 2016 mentionne qu'il est chargé de mission projet [...] au sein de la société Savencia International Asie (sans que l'on sache au titre de quel contrat de travail) et qu'il est entré dans le groupe le 1er avril 2013. Son évaluateur et responsable hiérarchique est M. J... (non salarié de la société BEV, mais d'une autre société du groupe non mentionnée). Le lien de subordination étant établi entre M. T... et la société Savencia, et cette dernière n'ayant pas procédé, à la suite du licenciement économique de M. T... par sa filiale russe, à son rapatriement avec réintégration en son sein ou au sein d'une société du groupe, ou à son licenciement, le contrat de travail s'est poursuivi entre M. T... et la société Savencia, sans que cette dernière ne lui fournisse de travail, de sorte que cette dernière était tenue de le réintégrer. Le fait pour la société Savencia de ne pas faire de proposition de rapatriement à M. T..., en violation de l'article L.1231-5 du code du travail, constitue un trouble manifestement illicite, M. T... ayant été privé de salaire et d'emploi, ainsi que de couverture sociale depuis le 11 octobre 2016. La société Savencia devra le réintégrer en son sein, et lui trouver un emploi au sein d'une des sociétés du groupe Savencia, cet emploi devant être comparable à celui précédemment occupé en Russie et en Indonésie, avec une rémunération comparable, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête. Le contrat de travail n'étant pas rompu entre les parties, la cour fait droit à la demande en paiement provisionnelle de salaires depuis le 11 octobre 2016 jusqu'au 23 janvier 2018 date de l'audience, mais seulement sur la base non contestable du salaire de base brut annuel prévu dans la lettre d'engagement du 29 mars 2013, bonus et avantages non inclus, soit la somme de 213 019,10 euros bruts calculée comme suit : - 12 mois du 11 octobre 2016 au 11 octobre 2017, soit la somme de 166 900 euros bruts, - 3 mois du 12 octobre 2017 au 12 janvier 2018, soit la somme de 41 724 euros bruts (3 x 13 908), - 11jours du 13 au 28 janvier 2018, soit la somme de 4 395,10 euros bruts (13 908 x 11/31 jours), soit un total de 213 019, 10 euros bruts, outre la somme de 21 301,91 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 novembre 2016, date de la saisine du conseil sur les salaires dus au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois. La société Savencia devra remettre à M. T... des bulletins de salaire conformes au présent arrêt sur la période d'octobre 2016 à fin janvier 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête. La société est également redevable à l'égard de M. T... des salaires à parfaire au-delà du 23 janvier 2018 en exécution du contrat de travail et devra lui remettre des bulletins de salaire y afférents, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner d'astreinte de ce chef. L'ordonnance sera donc infirmée » ;
1) ALORS QUE l'application de l'article L.1231-5 du code du travail suppose qu'un salarié ait été engagé par une société mère puis ait été mis à disposition d'une filiale étrangère avec laquelle un contrat de travail a été conclu ; qu'elle suppose donc qu'un contrat de travail ait existé entre la société mère et le salarié avant la mise à disposition ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a tout au plus relevé que par lettre du 29 mars 2013, M. D..., alors directeur général de l'activité « Compagnie des Maitres Fromagers Pays d'Europe Centrale et Orientale » (CDMF PECO) de la société Bongrain SA, avait engagé M. T... comme chargé de mission, responsable de développement des activités dans les pays de la CEI hors Russie au sein de la filiale de la société Savencia, la société russe BEV, à compter du 1er avril 2013, avec un rattachement hiérarchique au directeur général de l'activité CDMF PECO de la société Bongrain, et un salaire de base brut de 6 759 310 roubles ou 166 900 euros bruts par an sur 12 mois, outre une prime d'objectifs pouvant atteindre 20 % du salaire de base ; qu'en statuant par des motifs impropres à caractériser la conclusion d'un contrat de travail entre la société Savencia (ancienne Bongrain) et M. T... avant son engagement par la société de droit russe BEV, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-5 du code du travail ;
2) ALORS plus subsidiairement QUE lorsqu'une société mère ne respecte pas l'obligation de réintégration mise à sa charge par l'article L.1231-5 du code du travail, ce refus de réintégration produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, la réintégration ne pouvant être imposée ; qu'en jugeant en l'espèce que le fait pour la société Savencia de ne pas avoir fait de proposition de rapatriement à M. T..., en violation de l'article L.1231-5 du code du travail, constituait un trouble manifestement illicite, pour en déduire que la société Savencia devait le réintégrer en son sein sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la cour d'appel a violé l'article L.1231-5 du code du travail ;
3) ALORS QUE l'article L.1231-5 du code du travail n'impose pas à la société mère de trouver un nouvel emploi au salarié dans l'ensemble du groupe, mais seulement en son sein ; qu'en affirmant que la société Savencia devra réintégrer M. T... en son sein et lui trouver un emploi au sein d'une des sociétés du groupe Savencia, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
4) ALORS QUE les juges du fond sont tenus de répondre aux conclusions des parties ; qu'en l'espèce, la société Savencia faisait valoir, et offrait de prouver, qu'il lui était matériellement impossible de réintégrer M. T... en son sein compte tenu de son très faible effectif de deux salariés (conclusions d'appel page 22 et pièce d'appel n° 1) ; qu'en omettant de répondre à ces conclusions avant d'affirmer que la société Savencia devrait réintégrer M. T... en son sein, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la société Savencia à payer à M. T... les sommes provisionnelles de 213 019,10 euros bruts au titre des rappels de salaire du 11 octobre 2016 au 23 janvier 2018, outre celle de 21 301,91 euros bruts au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 novembre 2016 sur les salaires dus au fur et à mesure de leur exigibilité, mois par mois, et de 143 253 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2016, d'AVOIR ordonné à la société Savencia de remettre à M. T... des bulletins de salaire conformes au présent arrêt, sur la période d'octobre 2016 à fin janvier 2018, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter du délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, la cour se réservant d'office la liquidation éventuelle de l'astreinte, sur simple requête, d'AVOIR constaté que la société Savencia est redevable à l'égard de M. T... des salaires à parfaire au-delà du 23 janvier 2018 en exécution du contrat de travail et doit lui remettre les bulletins de salaire afférents et d'AVOIR condamné la société Savencia aux dépens et à payer à M. T... la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande en dommages et intérêts : La lettre d'embauche du 29 mars 2013 précisait bien que M. D..., en qualité de directeur général de l'activité CDMF Peco de la société Bongrain devenue société Savencia, s'engageait à ce que la société russe BEV verse à M. T... les sommes suivantes, en sus de son salaire : - la somme de 972 000 roubles nets (ou 24 000 euros) par an pour les frais de scolarité de ses trois enfants, sur présentation des justificatifs, - la somme de 5 346 000 roubles nets (ou 132 000 euros) par an à titre d'indemnité de logement sur présentation des justificatifs. Le fait que ces sommes soient libellées à la fois en roubles et en euros, et que la société savait que ces frais étaient payés en Russie en dollars US, permet d'en déduire que ces frais devaient nécessairement être pris en compte en euros, en cas de baisse du taux de change, sauf à rendre dérisoire le montant de ces indemnités et à mettre le salarié en difficultés financières, ce qui a été le cas en l'espèce au vu des courriels échangés entre les parties à ce sujet et des pièces produites (reconnaissance de dette en juin 2017 et demande de crédit de 356 010,77 dollars que M. T... a dû faire). Au vu des pièces produites, M. T... a indéniablement subi une perte de salaire liée au taux de change entre l'euro et le rouble, ainsi qu'une perte au titre des remboursements d'une partie des frais de scolarité de ses enfants contractuellement prévu à hauteur de 24 000 euros par an pour ses trois enfants (soit la somme de 3 770 euros cumulée pour 2013 et 2014) et de ses frais de logement (soit la somme de 139 484 euros). Si la société Savencia a consenti à prendre en compte les réclamations de M. T... relative aux frais de scolarité de ses enfants, qui étaient payés en devise étrangère, en lui versant un complément d'indemnité de scolarité pour les années 2015 et 2016 pour compenser la baisse drastique du rouble face au dollar et à l'euro, aucun complément n'a été versé au titre des années 2013 et 2014, de sorte que la société est donc redevable de cette somme provisionnelle de 3 770 euros, correspondant à la perte de change cumulée pour les années 2013 et 2014, calcul non contesté par la société. Concernant l'indemnité de logement, le raisonnement est le même, et au vu des tableaux de conversion du taux de change produits et non contestés par la société, il convient d'allouer à M. T... la somme provisionnelle de 139 484 euros à titre de dommages et intérêts. La société devra donc payer à M. T... la somme provisionnelle totale de 143 253 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte d'indemnités de logement et de frais de scolarité liée au taux de change roubles/euros/dollars US, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 09 novembre 2016. L'ordonnance sera donc infirmée de ce chef, étant relevé que le conseil avait rejeté cette demande sans motivation » ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas trancher une difficulté sérieuse d'interprétation de la portée de l'engagement d'une partie ; qu'en l'espèce la lettre du 29 mars 2013 à l'entête du groupe Bongrain indiquait tout au plus que « la société BEV vous allouera une indemnité de logement à concurrence de 5 346 000 roubles net (ou 132 000 €) par an sur présentation de justificatifs » et « la société BEV prendra en charge les frais de scolarité de vos 3 enfants à concurrence de 972 000 roubles nets (ou 24 000 €) par an sur présentation de justificatifs » ; qu'en interprétant cette lettre comme portant engagement de la société Savencia, et non de la société BEV, de prendre en compte ces frais en euros en cas de baisse du taux de change, la cour d'appel a tranché une contestation sérieuse en violation de l'article R.1455-7 du code du travail.