LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 5 avril 2018), que par un acte du 6 octobre 2011, la société Caisse d'épargne CEPAC (la banque) a consenti à la société L'Effet du bonheur (la société) un prêt de 106 000 euros ; que le même jour, Mmes E... et T..., respectivement associée présidente et associée directrice générale de la société, se sont rendues cautions personnelles et solidaires à concurrence de 137 800 euros, chacune, des engagements de la société à l'égard de la banque ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement Mmes E... et T... ; que Mme E... a opposé à la banque la disproportion de son engagement ainsi que la méconnaissance par cette dernière de son obligation de mise en garde ;
Sur le premier moyen, pris en ses première et quatrième branches :
Attendu que Mme E... fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la banque la somme de 78 005,02 euros alors, selon le moyen :
1°/ que dans ses conclusions d'appel, Mme E... avait fait valoir que le caractère disproportionné de son engagement de caution résultait du caractère disproportionné retenu tant par le tribunal de commerce que par la Caisse d'épargne, s'agissant de l'engagement de caution de son associée, Mme T..., soumise aux mêmes difficultés financières ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent de nature à libérer Mme E... de son engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que tout en constatant que Mme E... percevait un revenu mensuel de 1 000 euros et était propriétaire d'un bien commun d'une valeur de 140 000 euros, avec son époux, manutentionnaire percevant un salaire mensuel de 1 400 euros et qui avait accepté cet engagement, la cour d'appel qui a cependant considéré que Mme E... ne rapportait pas la preuve du caractère disproportionné de son engagement de caution du remboursement de la somme de 106 000 euros empruntée par la société dont elle était coassociée à parts égales, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et observations au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation qu'elle a ainsi violé ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que la fiche de situation familiale et patrimoniale renseignée par Mme E... mentionnait que cette dernière, mariée sous le régime de la communauté légale, et dont le conjoint avait consenti à son engagement de caution, était propriétaire d'un immeuble évalué à 140 000 euros et qu'elle percevait un salaire annuel de 12 849 euros tandis que son époux disposait d'une rémunération annuelle de 16 744 euros, l'arrêt relève que les revenus déclarés dans la fiche correspondent à ceux mentionnés dans l'avis d'imposition de M. et Mme E... de l'année 2010, portant sur les revenus de l'année 2009 ; qu'il retient qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque n'avait pas à vérifier les informations déclarées par la caution ; que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre aux conclusions inopérantes invoquées par la première branche, a souverainement déduit de ces constatations et appréciations que, compte tenu du patrimoine et des revenus ainsi déclarés, l'engagement de Mme E... n'était pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de celle-ci ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Mme E... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :
1°/ que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel ne pouvait tout à la fois observer que Mme E... affirmait à juste titre n'avoir aucune expérience dans la gestion d'entreprise et ne disposait d'aucune compétence pour apprécier elle-même la pertinence du montage financier et les perspectives d'avenir de l'entreprise pour en déduire, implicitement mais nécessairement, qu'elle ne pouvait pour ces raisons revêtir la qualité de caution avertie et dans le même temps, adopter les motifs du jugement, par l'effet de sa confirmation, par lesquels le tribunal de commerce s'était fondé sur la qualité de Mme E... de dirigeante associée de la société emprunteur pour lui conférer celle de caution avertie, entachant ainsi son arrêt d'une flagrante contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que ne revêt pas la qualité de caution avertie le dirigeant associé au sein de la société emprunteur, dépourvu de compétence dans le domaine des montages financiers et dans l'impossibilité d'apprécier le risque encouru par le prêt, objet de son engagement, dans son existence et sa portée, peu important qu'il ait eu recours à un cabinet extérieur pour établir des documents prévisionnels lors de la souscription de l'emprunt cautionné ; qu'en se fondant sur l'accompagnement de Mme E... et les conseils dispensés par un organisme PACI, pour lui conférer la qualité de caution avertie et en déduire qu'elle ne pouvait invoquer une violation de l'obligation de mise en garde de la Caisse d'épargne, la cour d'appel qui s'est ainsi prononcée par des motifs inopérants, impropres à justifier cette qualité de caution avertie de Mme E..., a privé son arrêt de base légale au regard de l'ancien article 1147, devenu l'article 1217 et l'article 2288 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt n'adopte que les motifs non contraires des premiers juges ; qu'il ne peut donc pas être critiqué pour contenir des dispositions qui seraient en opposition avec les termes du jugement ;
Et attendu, d'autre part, que l'arrêt relève , par motifs propres et adoptés, que Mme E... avait assuré pendant deux années, comme salariée de l'entreprise exploitant le fonds de commerce Noces H, dont elle avait repris l'exploitation en 2011 avec son associée, des tâches de vendeuse, de suivi des stocks et des commandes ainsi que des travaux d'essayage et de couture et qu'elle avait bénéficié, préalablement à la cession du fonds, « d'un passage de témoin » de sept mois, et, par motifs adoptés, que Mme E... avait préparé un budget prévisionnel sur trois ans démontrant les perspectives de son projet d'entreprise ; qu'ayant fait ressortir, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que Mme E..., qui avait pu, compte tenu de son implication dans l'entreprise, prendre conscience du risque encouru en s'engageant, était une caution avertie, pour en déduire que la banque, qui ne disposait pas d'informations qu'elle aurait elle-même ignorées, n'avait à son égard aucune obligation de mise en garde, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme E... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Caisse d'épargne CEPAC ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Brouchot, avocat aux Conseils, pour Mme H...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme E..., ès qualités de caution solidaire de la société L'effet du bonheur, à payer à la Caisse d'épargne CEPAC la somme de 78.005,02 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2013 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, devenu l'article L. 332-1, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que la charge de la preuve du caractère manifestement disproportionné de l'engagement incombe à la caution ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que M. E... a donné son consentement exprès à l'engagement de caution de son épouse et que les époux E... sont mariés sous le régime de la communauté légale ; qu'il s'ensuit que la disproportion doit s'apprécier au regard, d'une part, de la situation patrimoniale de la communauté et, d'autre part, du montant global de l'engagement de caution du 6 octobre 2011 donné dans la limite de 137.800 euros ; qu'ainsi que le relève, à juste titre, la banque, Mme E... a déclaré dans la fiche de situation familiale et patrimoniale être mariée depuis le 17 juin 2000, avoir deux enfants à charge âgés de 16 et 8 ans et exercer le métier de retoucheuse vendeuse au sein de la société Noce H moyennant un salaire annuel de 12.849 euros tandis que son conjoint, manutentionnaire, a perçu un salaire annuel de 16.744 euros ; qu'elle a dit être propriétaire d'un appartement de type T4, acquis en 1995, soit antérieurement au mariage, et évalué à 140.000 euros ; que les revenus ainsi déclarés correspondent à ceux mentionnés dans l'avis d'imposition de l'année 2010 portant sur les revenus de l'année 2009, et qu'en l'absence d'anomalies apparentes, la banque n'avait pas à vérifier les informations données par la caution, contrairement à ses affirmations ; qu'au regard de ces éléments, Mme E..., à qui incombe la charge de la preuve, ne démontre pas le caractère disproportionné de son engagement de caution ;
et AUX MOTIFS ADOPTES QUE les époux E... étaient mariés sous le régime de la communauté légale ; qu'en date du 6 octobre 2011, M. U... E... a expressément donné son accord à l'acte de cautionnement souscrit par son épouse ; que la Caisse d'épargne était donc bien fondée à prendre en considération les revenus et l'appartement du couple E... dans l'évaluation du patrimoine de Mme E... ; que Mme E... faisait état d'un revenu mensuel pour son couple de 2.466 euros, ainsi que d'un patrimoine constitué d'un appartement d'une valeur de 140.000 euros ; que son acte de cautionnement à la hauteur de 137.800 euros n'est donc pas manifestement disproportionné à ses biens et revenus ;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme E... avait fait valoir que le caractère disproportionné de son engagement de caution résultait du caractère disproportionné retenu tant par le tribunal de commerce que par la Caisse d'épargne, s'agissant de l'engagement de caution de son associée, Mme T..., soumise aux mêmes difficultés financières ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen pertinent de nature à libérer Mme E... de son engagement de caution, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, Mme E... avait fait valoir que son engagement de caution était disproportionné à ses biens et revenus en ce qu'elle devait également rembourser, en sa qualité d'associée à égalité de la société L'effet du bonheur, acquéreur du fonds de commerce, d'importantes sommes à la cédante, correspondant à un tiers de la somme de 106.000 euros empruntée par la société L'effet du bonheur, par prêt bancaire, circonstance parfaitement connue de la Caisse d'épargne ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de nature à établir que devait être prise en compte cette obligation de remboursement dans l'évaluation de son patrimoine, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE la disparition des cautionnements solidaires fait disparaître la condition déterminante des autres engagements de caution ; que dans ses conclusions d'appel, Mme E... avait fait valoir qu'elle ne s'était engagée à garantir le remboursement de l'emprunt bancaire souscrit par la société L'effet du bonheur dont elle était coassociée qu'en raison de l'engagement de caution solidaire pris conjointement par son associée, condition déterminante de son engagement, pour en déduire que l'annulation de l'engagement de caution de cette dernière pour cause de caractère disproportionné devait entraîner l'annulation de son propre engagement comme dénué de cause ; qu'en s'abstenant de procéder à la recherche qui lui était clairement demandée, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles 1110 et 2288 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation ;
3°) ALORS QU'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci a été appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; que tout en constatant que Mme E... percevait un revenu mensuel de 1.000 euros et était propriétaire d'un bien commun d'une valeur de 140.000 euros, avec son époux, manutentionnaire percevant un salaire mensuel de 1.400 euros et qui avait accepté cet engagement, la cour d'appel qui a cependant considéré que Mme E... ne rapportait pas la preuve du caractère disproportionné de son engagement de caution du remboursement de la somme de 106.000 euros empruntée par la société dont elle était coassociée à parts égales, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations et observations au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation qu'elle a ainsi violé.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme E..., ès qualités de caution solidaire de la société L'effet du bonheur, à payer à la Caisse d'épargne CEPAC la somme de 78.005,02 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 20 août 2013 ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il résulte de la fiche de synthèse remise à la banque que Mmes E... et T... étaient salariées depuis respectivement deux et quatre ans au sein de l'entreprise exploitant le fonds de commerce « Noce H », dont elles ont repris l'exploitation fin 2011 ; qu'elles assumaient des tâches de vendeuse, gérant le suivi des stocks et des commandes ainsi que des travaux d'essayage et de couture ; que Mme E... était titulaire d'un brevet d'études professionnelle en vente et action marchande ; que si Mme E... affirme, à juste titre, qu'elle n'avait aucune expérience dans la gestion d'entreprise et qu'elle ne disposait d'aucune compétence pour apprécier elle-même la pertinence du montage financier ainsi que les perspectives d'avenir de l'entreprise, il n'est pas contesté qu'elle a bénéficié d'un accompagnement et de conseils de l'organisme PACI (Place à la création, à la reprise et au développement d'entreprise) dans le cadre du projet d'acquisition du fonds de commerce ; que dans le cadre de cet accompagnement, a été préparé un budget prévisionnel sur trois ans démontrant la viabilité du projet ; qu'il en résulte que les premiers juges ont considéré, à juste titre, que Mme E... devait être considérée comme caution avertie au regard de l'accompagnement et des conseils d'experts et de professionnels dont elle a bénéficié avant tout engagement ; que la Caisse d'épargne soutient justement qu'elle n'était tenue à aucun devoir de mise en garde à l'égard de Mme E..., laquelle ne démontre pas, au surplus, que la banque aurait été destinataire d'informations ignorées de la caution, contrairement à ses affirmations ;
et AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il est d'usage que la caution dirigeante soit présumée « avertie » et censée disposer d'un degré de connaissance suffisant sur la situation de sa société, lui permettant d'être informée sur les risques encourus au regard de sa capacité financière et de la rentabilité de l'opération envisagée et garantie ; que Mme E..., ès qualités de présidente, et associée de la société L'effet du bonheur, doit être considérée comme caution avertie ; que Mme E... a bénéficié d'un accompagnement et des conseils de l'organisme PACI, dans le cadre du montage du projet d'acquisition du fonds de commerce ; qu'elle a préparé à cet effet un budget prévisionnel sur trois ans qui démontrait les perspectives de leur projet ; que Mme E... indique avoir bénéficié, préalablement à la cession de fonds, d'un « passage de témoins de 7 mois » avec la cédante et ajoute également « nous avons géré la boutique comme si elle nous appartenait » ; que de surcroît, Mme E... ne prétend, ni ne démontre, que la Caisse d'épargne aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisible en l'état du succès escompté de l'entreprise, des renseignements qu'elle-même aurait ignorées et que la banque aurait donc eu le devoir de lui signaler ;
1°) ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que la cour d'appel ne pouvait tout à la fois observer que Mme E... affirmait à juste titre n'avoir aucune expérience dans la gestion d'entreprise et ne disposait d'aucune compétence pour apprécier elle-même la pertinence du montage financier et les perspectives d'avenir de l'entreprise pour en déduire, implicitement mais nécessairement, qu'elle ne pouvait pour ces raisons revêtir la qualité de caution avertie et dans le même temps, adopter les motifs du jugement, par l'effet de sa confirmation, par lesquels le tribunal de commerce s'était fondé sur la qualité de Mme E... de dirigeante associée de la société emprunteur pour lui conférer celle de caution avertie, entachant ainsi son arrêt d'une flagrante contradiction de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE ne revêt pas la qualité de caution avertie le dirigeant associé au sein de la société emprunteur, dépourvu de compétence dans le domaine des montages financiers et dans l'impossibilité d'apprécier le risque encouru par le prêt, objet de son engagement, dans son existence et sa portée, peu important qu'il ait eu recours à un cabinet extérieur pour établir des documents prévisionnels lors de la souscription de l'emprunt cautionné ; qu'en se fondant sur l'accompagnement de Mme E... et les conseils dispensés par un organisme PACI, pour lui conférer la qualité de caution avertie et en déduire qu'elle ne pouvait invoquer une violation de l'obligation de mise en garde de la Caisse d'épargne, la cour d'appel qui s'est ainsi prononcée par des motifs inopérants, impropres à justifier cette qualité de caution avertie de Mme E..., a privé son arrêt de base légale au regard de l'ancien article 1147, devenu l'article 1217 et l'article 2288 du code civil.