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27/11/2019 | FRANCE | N°18-17764

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 novembre 2019, 18-17764


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 30 mars 2018), que M. S..., engagé à compter du 1er juin 1994 en qualité d'agent producteur au sein du réseau des sociétés UAP vie et UAP Iard, aux droits desquelles viennent désormais les sociétés Axa France vie et Axa France Iard (les sociétés), a occupé à compter de février 1995 des fonctions de chargé de mission Iard ; que se plaignant d'une modification abusive de ses fonctions et de sa rémunération par suite du retrait de portefeuilles clients, il a saisi

la juridiction prud'homale pour réclamer un rappel de salaire au titre de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 30 mars 2018), que M. S..., engagé à compter du 1er juin 1994 en qualité d'agent producteur au sein du réseau des sociétés UAP vie et UAP Iard, aux droits desquelles viennent désormais les sociétés Axa France vie et Axa France Iard (les sociétés), a occupé à compter de février 1995 des fonctions de chargé de mission Iard ; que se plaignant d'une modification abusive de ses fonctions et de sa rémunération par suite du retrait de portefeuilles clients, il a saisi la juridiction prud'homale pour réclamer un rappel de salaire au titre des années 2000 à 2003 et des dommages-intérêts ; que par arrêt du 15 septembre 2011, la cour d'appel d'Orléans, statuant comme cour de renvoi après cassation (Soc., 23 septembre 2009, pourvoi n° 07-45.531), a confirmé le jugement de première instance sur le rejet du maintien de rémunération annuelle pour le futur et, l'infirmant sur le rappel de salaire, a condamné les sociétés au paiement de certaines sommes au titre de la garantie de gains pour l'année 2000 et à titre de rappel salarial pour les années 2004 à 2010 ; que le salarié, licencié le 30 octobre 2014 pour insuffisance professionnelle, a saisi la juridiction prud'homale pour réclamer, d'une part, diverses sommes au titre de son licenciement et, d'autre part, un différentiel de salaire dû pour la période ayant couru entre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 11 septembre 2011 et le terme de son préavis ;

Sur le pourvoi principal du salarié :

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 68 800 euros le montant de la condamnation de l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que les formalités particulières imposées par les conventions collectives préalablement au licenciement s'analysent non comme des règles de forme, mais comme des règles de fond ; qu'en vertu de l'article 33 de la convention collective des personnels appartenant aux échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurances du 13 novembre 1967 « lorsque l'employeur envisage de licencier un Échelon Intermédiaire pour un motif autre que l'insuffisance professionnelle, il recueille, avant d'arrêter sa décision, l'avis d'un Conseil, si l'intéressé le demande » ; que par conséquent, lorsque l'employeur ne respecte pas la procédure conventionnelle, le licenciement est non seulement irrégulier mais également sans cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel a constaté que le licenciement prononcé à l'encontre de M. S... avait un caractère disciplinaire ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice ; qu'en estimant qu'il y avait lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la somme allouée à ce titre (68 800 euros), laquelle réparait intégralement le dommage subi par le salarié du fait du licenciement, eu égard à son âge au moment de la rupture (52 ans), à son ancienneté (20 ans), à son salaire moyen et au fait qu'il n'avait pas, à ce moment-là retrouvé un emploi comme il en justifiait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que la société Axa n'ait jamais demandé à M. S... s'il souhaitait la mise en place de la procédure de consultation prévue par la convention collective applicable ne caractérisait pas l'irrégularité de la procédure de licenciement qui n'a pas été prise en compte dans l'évaluation globale du préjudice, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 33 de la convention collective des personnels appartenant aux échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurances du 13 novembre 1967, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, a apprécié souverainement l'étendue du préjudice subi par le salarié à ce titre ; que le moyen est inopérant ;

Sur le second moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à obtenir le paiement de dommages-intérêts au titre du rachat de ses cotisations de retraite, alors, selon le moyen, que la perte d'une chance de pouvoir bénéficier de l'intégralité de la pension de retraite constitue un préjudice qui doit être réparé ; qu'en se bornant à relever que le préjudice résultant de la perte de droit à la retraite dont se prévalait M. S... n'était ni actuel, ni certain quand M. S... faisait valoir qu'il subissait un préjudice du fait de la nécessité de racheter ses cotisations retraite du fait du chômage, la cour d'appel, qui avait constaté que M. S... n'avait pas retrouvé d'emploi, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 201-131 du 10 février 2016 ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que les dommages-intérêts alloués au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse réparent le préjudice résultant de la perte de l'emploi occupé par le salarié en ce compris les conséquences de cette perte d'emploi sur les droits à la retraite ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :

Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée soutenue par elles et de les condamner au paiement de la somme de 65 612,76 euros au titre des rappels de salaires, outre celle de 6 561,28 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2014, 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour « surimposition pour rappel de salaire », 15 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail avec capitalisation des intérêts et de dire que l'employeur devra payer les cotisations sociales et de retraite dues sur les rappels de salaire alloués, alors, selon le moyen, que l'autorité de la chose jugée s'attache à ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement ; qu'ayant retenu que, saisie sur renvoi après cassation et invitée à réparer l'intégralité du préjudice subi par le salarié, la cour d'appel d'Orléans, dans son arrêt du 15 septembre 2011, désormais définitif, avait condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 126 337,72 euros de rappel de salaire pour les années 2004 à 2010 et prononcé « le rejet du maintien de rémunération annuelle pour le futur », la cour d'appel qui pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à ce précédent arrêt et condamner l'employeur à payer au salarié une nouvelle somme de 65 612,76 euros à titre de rappel de salaires au-delà de l'année 2010, retient que la cour d'appel d'Orléans, pour considérer qu'elle ne pouvait faire droit à la demande formée par le salarié au titre du « maintien de la rémunération ou du paiement de la différence jusqu'à 65 ans », avait, dans les motifs de son arrêt, relevé qu'à la date où elle statuait « il n'était pas possible de déterminer l'existence et le quantum d'un préjudice futur et éventuel », de sorte qu'elle n'aurait pas rejeté pour l'avenir toute demande et définitivement mis fin au litige relatif à la durée de l'indemnisation à ce titre, a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au dispositif de l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 15 septembre 2011 dont il ressortait que le salarié avait été débouté de sa demande tendant à ce que soit consacré son droit au maintien d'une rémunération annuelle minimum pour le futur à raison du retrait du département de l'Allier de son portefeuille intervenu en 2003 et a violé l'article 1351 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce et 480 du code de procédure civile ;

Mais attendu que, l'autorité de la chose jugée ne s'attachant qu'à ce qui a été tranché dans le dispositif, l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 15 septembre 2011 n'est revêtu de l'autorité de la chose jugée qu'en ce que son dispositif confirme le rejet du maintien de la rémunération annuelle pour le futur ;

Et attendu, qu'ayant constaté que la perte de portefeuille supérieure à 33 % a perduré au-delà de l'arrêt de la cour d'appel de renvoi et jusqu'au licenciement du salarié qui a subi une perte importante du fait de la modification unilatérale et abusive par l'employeur de son contrat de travail et fait ressortir que la demande d'indemnisation de ce préjudice, nouveau et non réparé par le précédent arrêt, était différente par son objet de la demande antérieure de maintien pour le futur de la rémunération annuelle, de sorte qu'elle ne se heurtait pas à l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois tant principal qu'incident ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour M. S...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué confirmatif sur ce point, d'avoir limité à la somme de 68 800 euros le montant de la condamnation de l'employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE par lettre datée du 30 octobre 2014, l'employeur a licencié M. S... lui reprochant que son « activité était, de façon récurrente, notoirement insuffisante », malgré les « diverses solutions proposées », « systématiquement refusées », considérant que ce dernier se « complaisait manifestement dans cette inactivité professionnelle » et l'a dispensé du préavis de deux mois
; que sur le fond, la cour constate que la lettre de licenciement ne fait état d'aucun fait précis, objectif, vérifiable et imputable au salarié de nature à caractériser l'insuffisance professionnelle invoquée par la société Axa France Iard, laquelle ne produit, au surplus, aucun élément de nature à l'établir ; que bien au contraire, il ressort des entretiens d'évaluation de 2011 à 2014 produits que le salarié « est toujours disponible, fiable et attentionné [qu'il est] un réel partenaire au quotidien », ses supérieurs hiérarchiques le remerciant pour sa « précieuse collaboration » et « pour le règlement rapide et de qualité des sinistres lard » ; que de plus, et comme précédemment rappelé, la société Axa France Iard ne justifie aucunement de propositions de postes concrètes et détaillées faites à M. S..., lesquelles sont, en toute hypothèse, sans rapport avec l'insuffisance professionnelle alléguée ; que par ailleurs, et comme le fait justement remarquer l'appelant, il doit être constaté qu'il résulte des termes employés par ladite société que celle-ci reproche en réalité, et sans autre preuve, à son salarié une abstention volontaire dans laquelle il aurait persisté ; qu'il est également intéressant de mettre en perspective ladite lettre avec l'attestation du délégué du personnel, assistant l'appelant lors de l'entretien préalable, lequel rapporte les propos suivants du responsable des ressources humaines : « On vous licenciera pour défaut de production (...) Alors, on vous licenciera pour défaut d'activité (...) Eh bien, je ne sais quelle raison sera trouvée, je sais que ça va être compliqué. Vous déciderez de ce que vous voulez faire après, et si vous voulez porter devant le juge » ; que dans ces conditions, en l'absence d'élément étayant une quelconque insuffisance professionnelle, il doit être considéré que le motif du licenciement est en réalité de nature disciplinaire, comme le soutient M. S..., lequel motif n'est au surplus pas plus justifié que celui précédemment soutenu ; que dès lors, la décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a considéré le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que si le salarié sollicite sa réintégration, force est de constater que l'employeur y fait obstacle la qualifiant de « pas sérieuse », de sorte qu'il convient d'indemniser M. S... pour le préjudice résultant de la rupture de son contrat de travail, comme il le demande à titre subsidiaire (page 20, conclusions) ; que sur ce point, il conviendra également de confirmer le jugement querellé en ce qui concerne la somme allouée à ce titre (68 000 euros), laquelle répare intégralement le dommage subi par le salarié du fait du licenciement, eu égard à son âge au moment de la rupture (52 ans), à son ancienneté (20 ans), à son salaire moyen et au fait qu'il n'a pas, à ce jour retrouvé un emploi comme il en justifie (pièces 27 à 33) ; [
] ; que par ailleurs, la cour entend rappeler que la somme allouée au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse répare le préjudice tant moral que matériel lié à la rupture du contrat de travail, soit notamment les pertes de rémunération et de carrière découlant directement du licenciement injustifié, de sorte qu'elles ne peuvent être réparées une seconde fois, en l'absence de préjudice distinct, comme le sollicite l'appelant, il n'est aucunement certain que M. S... demeurera sans emploi et sens rémunération jusqu'à sa retraite ;.

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE M. S... demande sa réintégration dans l'entreprise Axa et dans son emploi avec toutes conséquences de droit quant aux salaires, accessoires du salaire et avantages issus du statut collectif ; que M. S... prétend avoir été licencié par une autre entité que son employeur et par une personne dépourvue de tout pouvoir de licencier ; que la société Axa Epargne et Protection ne s'explique pas clairement sur ce point et n'apporte aucune preuve pour sa défense ; que la situation de M. S... perdure depuis de longues années, à savoir 2003 depuis le retrait de la gestion du département de l'Allier ; que la société Axa connaissait la faible activité de M. S... et aurait donc dû lui fournir une activité supplémentaire ; que les notations annuelles de M. S... de 2011 à 2014 étaient irréprochables et qu'à aucun moment, il n'a été mentionné que son activité professionnelle était insuffisante ; que lors de l'entretien préalable avec le DRH, il lui a été clairement dit « on vous licenciera je ne sais pas quelle raison sera trouvée .... » ; que ces propos sont édifiants pour la suite donnée ; qu'en conséquence, le conseil dit le licenciement de M. S... sans cause réelle et sérieuse, écarte la demande de réintégration de M. S... à défaut d'accord de la part de son employeur et condamne la société Axa à lui verser la somme de 68 800 euros de dommages et intérêts à ce titre ;

ALORS QUE les formalités particulières imposées par les conventions collectives préalablement au licenciement s'analysent non comme des règles de forme, mais comme des règles de fond ; qu'en vertu de l'article 33 de la convention collective des personnels appartenant aux échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurances du 13 novembre 1967 « lorsque l'employeur envisage de licencier un Échelon Intermédiaire pour un motif autre que l'insuffisance professionnelle, il recueille, avant d'arrêter sa décision, l'avis d'un Conseil, si l'intéressé le demande » ; que par conséquent, lorsque l'employeur ne respecte pas la procédure conventionnelle, le licenciement est non seulement irrégulier mais également sans cause réelle et sérieuse ; que la cour d'appel a constaté que le licenciement prononcé à l'encontre de M. S... avait un caractère disciplinaire ; que le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que l'irrégularité de la procédure de licenciement soit réparée par le juge, soit par une indemnité distincte, soit par une somme comprise dans l'évaluation globale du préjudice ; qu'en estimant qu'il y avait lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne la somme allouée à ce titre (68 800 euros), laquelle réparait intégralement le dommage subi par le salarié du fait du licenciement, eu égard à son âge au moment de la rupture (52 ans), à son ancienneté (20 ans), à son salaire moyen et au fait qu'il n'avait pas, à ce moment-là retrouvé un emploi comme il en justifiait (pièces 27 à 33), sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que la société Axa n'ait jamais demandé à M. S... s'il souhaitait la mise en place de la procédure de consultation prévue par la convention collective applicable ne caractérisait pas l'irrégularité de la procédure de licenciement qui n'a pas été prise en compte dans l'évaluation globale du préjudice, la Cour a privé sa décision de base légale au regard de l'article 33 de la convention collective des personnels appartenant aux échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurances du 13 novembre 1967, ensemble l'article L. 1235-3 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. B... S... de sa demande tendant à obtenir le paiement de dommages et intérêts au titre du rachat de ses cotisations de retraite ;

AUX MOTIFS PROPRES QU'il en sera de même de celle formée par le salarié tendant à se voir allouer la somme de 382 348 euros en réparation du préjudice résultant de « la nécessité de racheter les cotisations retraite du fait du chômage et des difficultés évidentes et croissantes de retrouver un emploi » ; que la cour ne peut que relever que le préjudice invoqué n'est ni certain, ni actuel puisqu'il se fonde sur les deux postulats suivants : le salarié ne retrouvera aucun emploi jusqu'à sa retraite qu'il fixe, sans autre élément, en 2029 (soit à près de 68 ans) et qu'il rachètera l'ensemble de ses trimestres d'assurance pour la période 2015-2029 ; que dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté cette demande comme étant non fondée ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE M. S... sollicite la somme de 382 348 euros à titre de rachat de ses cotisations de retraite ; que M. S... une nouvelle fois fonde cette demande sur un préjudice qui n'est ni actuel, ni certain ; qu'en conséquence, le conseil déboute M. S... de sa demande ;

ALORS QUE la perte d'une chance de pouvoir bénéficier de l'intégralité de la pension de retraite constitue un préjudice qui doit être réparé ; qu'en se bornant à relever que le préjudice résultant de la perte de droit à la retraite dont se prévalait M. S... n'était ni actuel, ni certain quand M. S... faisait valoir qu'il subissait un préjudice du fait de la nécessité de racheter ses cotisations retraite du fait du chômage, la cour d'appel, qui avait constaté que M. S... n'avait pas retrouvé d'emploi, a violé l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 201-131 du 10 février 2016. Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour les sociétés Axa France IARD et Axa France vie

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRÊT ATTAQUÉ D'AVOIR rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée soutenue par les SA AXA France VIE et AXA France IARD et condamné la société AXA France IARD à payer à Monsieur B... S... la somme de 65.612,76 euros au titre des rappels de salaires, outre celle de 6.561,28 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2014, 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour « surimposition pour rappel de salaire », 15.000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail avec capitalisation des intérêts et dit que l'employeur devra payer les cotisations sociales et de retraite dues sur les rappels de salaire alloués ;

AUX MOTIFS QUE, Sur les rappels de salaires et l'exécution déloyale du contrat de travail ; que le salarié sollicite la somme de 71.638,85 € nets (outre les congés payés y afférents) au titre des rappels de salaires, laquelle concerne la période allant du 15 septembre 2011, date de l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, jusqu'au terme du préavis consécutif au licenciement ; qu'il convient de relever que la société AXA FRANCE oppose à cette demande, comme à celles en découlant notamment, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, observant que les premiers juges n'ont pas répondu sur ce point et ajoutant que l'appelant ne "disposait d'aucun droit reconnu à une rémunération immuable" (pages 9 et 11, conclusions) ; que la cour d'appel considérée, après avoir fait droit à la prétention formée au titre de la garantie de gains (année 2000) et des rappels de salaire pour les années 2004 à 2010 et rappelé que la garantie de gains ne pouvait être limitée trois ans, a considéré qu'elle ne pouvait faire droit à la demande formée par Monsieur S... au titre du "maintien de la rémunération ou du paiement de la différence jusqu'à 65 ans", aux motifs qu'a la date où elle statuait, "il n'était pas possible de déterminer l'existence et le quantum d'un préjudice futur et éventuel", puisque "la rémunération de [ce dernier] pouvait ainsi évoluer ou les conditions contractuelles changer (les sociétés pourraient être en mesure, si elles le souhaitent et si le département de l'ALLIER venait à se libérer de le réattribuer à Monsieur S... ou d'augmenter la valeur de son portefeuille par d'autres moyens pour mettre fin au litige" (page 5 de l'arrêt) ; que, de sorte, il ne résulte aucunement des termes clairs susvisés, comme le soutiennent à tort les sociétés intimées, que ladite juridiction a rejeté pour l'avenir toute demande et définitivement mis fin au litige relatif à la durée de l'indemnisation à ce titre ; qu'au contraire, elle a expressément énoncé que la garantie de gains ne pouvait être limitée dans le temps mais ne pouvait s'appliquer à un préjudice qui, au jour de l'arrêt, demeurait futur et éventuel, celle-ci évoquant d'ailleurs diverses possibilités pour mettre fin à la situation de manque à gagner constatée, étant rappelé que ladite décision a aujourd'hui une autorité irrévocable ; qu'il convient également de rappeler, ce que les intimées omettent, que la cour d'appel d'Orléans a statué sur renvoi de la Cour de Cassation, laquelle a rappelé le principe de la réparation intégrale du préjudice réellement subi par le salarié ; qu'or, il n'est pas sérieusement discuté par l'employeur que la perte de portefeuille, supérieure à 33 %, ce qui est définitivement établi, a perduré au-delà de l'arrêt de renvoi de la cour d'appel d'Orléans et jusqu'au licenciement du salarié ; qu'en effet, force est de constater que la société AXA FRANCE ne produit aucun élément justifiant qu'elle a procédé à des changements permettant de mettre fin au retrait de portefeuille "unilatéral et abusif" (diminution de 37,4 % du portefeuille), précédemment retenu par la cour d'appel de renvoi et source d'une perte conséquente de rémunération ; que, dès lors, il convient de rejeter la fin de non-recevoir considérée et de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a dit que le préjudice subi par le salarié, au-delà de l'année 2010, avait un caractère réel et certain qui devait être indemnisé ; que, cependant, eu égard aux montants spécifiés sur le dernier bulletin de salaire faisant état des indemnités découlant du licenciement dont il n'y a pas lieu de tenir compte, la somme accordée au titre des rappels de salaires (et congés payés afférents) sera fixée à 65.612.76 € [39.334.07 € (salaire de référence non contesté de l'année 2002) X 4 années (2011 à 2014) – 91.723.52 € bruts (cf. Fiches de salaires, pièce 14)], outre celle de 6.561.28 € au titre des congés payés y afférents, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction prud'homale, soit le 10 novembre 2014 ; qu'il sera également ordonné la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière sur cette somme, dans les conditions de l'article 1343-2 du Code civil ; que, de plus, il appartiendra à la société AXA FRANCE de payer les cotisations sociales et de retraite sur les rappels de salaire alloués ; que, par ailleurs, si l'appelant formule une demande de dommages et intérêts au titre du non-paiement en temps réel de ses salaires, il convient de rappeler que le retard dans l'exécution d'une l'obligation est déjà réparé par les intérêts moratoires précédemment accordés, et ce, à compter de la demande formée ; que l'éventuel préjudice résultant du non-paiement desdites sommes sur la période 2011 à 2014 relève de l'exécution déloyale du contrat de travail, laquelle fait l'objet d'une demande distincte ; qu'ainsi, il y ci lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a fait droit à la prétention de Monsieur S... formée à ce titre, laquelle sera rejetée ; que, quant à la somme allouée par les premiers juges au titre de la surimposition fiscale résultant de la déclaration, sur une seule année, de la créance salariale considérée, il convient de considérer qu'elle répare pleinement le préjudice subi à ce titre, en l'absence d'éléments pertinents du salarié permettant d'établir l'imposition supportée sur la période de référence et celle générée par la somme accordée, ce dernier se limitant à produire les tranches marginales d'imposition applicables selon le revenu net imposable (pièce 34) ; que la décision déférée sera donc confirmée sur ce chef ; qu'enfin, compte tenu des différentes décisions intervenues, aujourd'hui définitives, il ne peut être discuté que la société AXA FRANCE IARD a imposé au salarié une modification unilatérale et abusive de son contrat de travail, ce qui a conduit à une perte conséquente de son portefeuille, d'ailleurs non contestée par celle-ci (37,4 %, page 4 arrêt de la cour d'appel d'Orléans) et à une diminution importante de sa rémunération, lequel préjudice n'a pu être réparé que dans le cadre de décisions judiciaires ; que, de plus, l'employeur a persisté, après l'arrêt explicite sur ce point de la cour d'appel de renvoi, à exécuter de mauvaise foi le contrat de travail en maintenant au salarié une rémunération bien en deçà de celle qu'il était en droit de percevoir, ce que la société AXA FRANCE IARD ne pouvait ignorer ; qu'il est en effet intéressant de noter qu'il s'infère de l'attestation du délégué du personnel assistant l'appelant, lors de l'entretien préalable qui s'est tenu le 21 octobre 2014, que le RRH d'AXA EPARGNE ET PROTECTION, Monsieur W..., a déclaré sur ce point : "Je sais que l'on vous doit des rappels de salaire depuis 2010. Je connais votre dossier par coeur" (pièce 3) ; qu'au surplus, si l'employeur conclut qu'il a proposé au salarié "pas moins de 3 postes de travail conformes à sa qualification commerciale" afin de "lui permettre d'évoluer sur un poste susceptible de lui convenir", il ne peut qu'être constaté que cette affirmation, contestée par Monsieur S..., n'est corroborée, par ailleurs, par aucun élément tangible (page 7, conclusions) ; que, dans ces conditions et pour l'ensemble de ces raisons, l'employeur ne peut sérieusement soutenir avoir exécuté de bonne foi le contrat de travail, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande formée ce titre mais infirmé sur le montant alloué ; qu'eu égard au comportement réitéré et persistant de l'employeur de garantir au salarié la rémunération qu'il était en droit d'obtenir et dont le principe avait été irrévocablement admis, aux montants dont a été injustement privé correspondants à 41 % environ de sa rémunération et aux conséquences sur son train de vie, la cour considère que la somme de 15.000 € réparera plus justement et intégralement le dommage en résultant.

ALORS QUE l'autorité de la chose jugée s'attache à ce qui a été tranché dans le dispositif du jugement ; qu'ayant retenu que, saisie sur renvoi après cassation et invitée à réparer l'intégralité du préjudice subi par le salarié, la cour d'appel d'Orléans, dans son arrêt du 15 septembre 2011, désormais définitif, avait condamné l'employeur à payer au salarié la somme de 126.337,72 euros de rappel de salaire pour les années 2004 à 2010 et prononcé « le rejet du maintien de rémunération annuelle pour le futur », la cour d'appel qui pour rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à ce précédent arrêt et condamner l'employeur à payer au salarié une nouvelle somme de 65.612,76 euros à titre de rappel de salaires au-delà de l'année 2010, retient que la cour d'appel d'Orléans, pour considérer qu'elle ne pouvait faire droit à la demande formée par le salarié au titre du « maintien de la rémunération ou du paiement de la différence jusqu'à 65 ans », avait, dans les motifs de son arrêt, relevé qu'à la date où elle statuait « il n'était pas possible de déterminer l'existence et le quantum d'un préjudice futur et éventuel », de sorte qu'elle n'aurait pas rejeté pour l'avenir toute demande et définitivement mis fin au litige relatif à la durée de l'indemnisation à ce titre, a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée au dispositif de l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans du 15 septembre 2011 dont il ressortait que le salarié avait été débouté de sa demande tendant à ce que soit consacré son droit au maintien d'une rémunération annuelle minimum pour le futur à raison du retrait du département de l'Allier de son portefeuille intervenu en 2003 et a violé l'article 1351 du code civil dans sa rédaction applicable à l'espèce et 480 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-17764
Date de la décision : 27/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 30 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 nov. 2019, pourvoi n°18-17764


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Bouzidi et Bouhanna

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17764
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