LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. D... a été engagé par la société Airbus le 1er décembre 2008 en qualité de pilote instructeur ; qu'invoquant notamment une discrimination à raison de l'âge et en matière de formation, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes indemnitaires ; qu'il a démissionné avec effet au 31 décembre 2015 ;
Sur les première, troisième, quatrième, sixième, septième, neuvième et dixième branches du moyen unique du pourvoi principal de l'employeur et sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les moyens annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur les deuxième et cinquième branches du moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour dire que le salarié a été victime d'une discrimination à raison de l'âge et condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que M. U... est âgé de 62 ans et perçoit un salaire brut de 15 200 euros par mois, tandis que M. D... n'est âgé que de 53 ans et son salaire mensuel s'élève à 11 200 euros, que ce dernier dispose de six qualifications (A318, A319, A320, A321, A330, A340) contre une seule pour M. U... (A340), que cette différence est relativisée par la société Airbus qui précise que les qualifications A318 à A321 concernent la même famille d'appareils, que dès l'embauche des deux salariés concernés, il existait une importante différence de rémunération, dont l'écart n'a pas été réduit par la suite, que s'il est justifié que M. U... disposait d'une compétence rare lors de son embauche en 2005, à savoir la qualification sur l'A340-600, l'employeur ne démontre pas que ce contexte particulier n'existait plus lors de l'embauche de M. D... en 2008, que s'agissant du critère de l'âge avancé par le salarié comme étant l'élément discriminatoire avec son collègue, il convient de relever que M. D... est plus jeune de 8 ans que M. U..., qu'il résulte des attestations de pilotes instructeurs que l'employeur prend en compte l'âge pour la fixation et l'évolution de leurs rémunérations, qu'il apparaît que M. D... et M. U... disposaient de qualifications et d'expérience similaires, que seul le critère de l'âge distingue ces deux salariés et que l'employeur échoue dans l'administration de la preuve de critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'âge ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'employeur qui, d'une part invoquait, pour justifier de la différence de rémunération lors des embauches respectives de M. D... et de M. U..., auquel l'intéressé se comparaît, l'expérience plus importante du second acquise auprès d'un précédent employeur au poste de pilote instructeur, en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées par le salarié, d'autre part soutenait, pour justifier du maintien de l'écart de rémunération entre les deux salariés, qu'à compter de 2007 M. U... avait été affecté sur des missions d'instructeur pour l'A380, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
Et sur la huitième branche du moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour dire que le salarié a été victime d'une discrimination à raison de l'âge et condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, l'arrêt retient que les pièces produites établissent que M. D... s'était vu confier par l'employeur, tout comme M. U..., des missions « team leader » à plusieurs reprises, contrairement à ce que conclut la société Airbus ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la société Airbus soutenait qu'elle n'avait pu confier à M. D... des missions de « team leader » du niveau de celles confiées à M. U..., la cour d'appel, qui a dénaturé les écritures de l'employeur, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que M. D... a été victime d'une discrimination liée à l'âge du 1er décembre 2008 au 31 décembre 2015 et en ce qu'il condamne la société Airbus à lui payer la somme de 385 549 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi en raison de cette discrimination, l'arrêt rendu le 6 avril 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;
Condamne M. D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Airbus
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit et jugé que M. V... D... avait été victime d'une discrimination salariale liée à l'âge par la société Airbus, du 1er décembre 2008 au 31 décembre 2015, d'AVOIR condamné la société Airbus à payer à M. V... D... la somme de 383 549 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi à raison de cette discrimination et la somme de 4000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,
AUX MOTIFS QUE Sur la discrimination salariale liée à l'âge : par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ; que l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 définit comme suit les différentes formes de discrimination :
- constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre, ne l'est, ne l'a été, ou ne l'aura été, dans une situation comparable ;
- constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique, neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires ou appropriés ;
- la discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;
Que l'article L1134 - 1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; que le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; qu'en l'espèce, M. V... D... soutient avoir été victime d'une discrimination salariale fondée sur son âge, dans la mesure où des collègues plus âgés que lui occupant les mêmes fonctions percevraient des rémunérations nettement supérieures à la sienne ; qu'il se compare en particulier à un autre salarié, M. Y... U... disposant de la même classification en qualité de pilote instructeur PNI-1 ; qu'il explique, sans être contredit sur ce point par la SAS Airbus, que M. U... est âgé de 62 ans tandis qu'il n'est âgé que de 53 ans et que le salaire brut de M. U... s'élève à 15 200 € par mois tandis que son salaire s'élève à 11 200 € par mois ; que M. V... D... fait valoir qu'il dispose de six qualifications (A318, A319, A320, A321, A330, A340) contre une seule pour M. U... (A340), la SAS Airbus relativise cette différence en précisant que les qualifications A318 à A321 concernent la même famille d'appareils et reviennent à considérer qu'il s'agit d'une unique qualification ; qu'il n'est pas contesté par la SAS Airbus que, dès l'embauche des deux salariés concernés, il existait une importante différence de rémunération, dont l'écart n'a pas été réduit par la suite ainsi que le soulignent les premiers juges ; que les pièces produites le confirment : le contrat de travail de M. V... D... prévoit au 1er décembre 2008 une rémunération de 48 000 € bruts par an, hors prime de vol ; le contrat de M. Y... U... prévoit au 3 janvier 2005 une rémunération de 62400 € bruts par an hors prime de vol, les bulletins de salaires produits aux débats sur injonction de la cour montrent la persistance de cet écart ; que pour objectiver cette différence de rémunération, la SAS Airbus explique que lors de l'embauche de M. U... celui-ci disposait d'une compétence rare à l'époque, à savoir la qualification sur l'A340-600, et qu'il venait d'une compagnie aérienne réputée dénommée Virgin Atlantic ayant acquis les premiers appareils A340-600 commercialisés ; qu'elle lui a donc proposé une rémunération supérieure à celle dont le salarié disposait dans cette compagnie ; que les pièces qu'elle produit démontrent effectivement l'existence de cette compétence de M. U... en qualité d'instructeur A340, rare en 2005 ; que la SAS Airbus soutient que ce contexte particulier existant 2005 n'existait plus lors de l'embauche de M. V... D... en 2008, sans toutefois démontrer cette affirmation ; qu'à supposer cette différence de contexte établie, seule une différence de traitement à l'embauche pouvait se justifier, or l'employeur n'a nullement atténué cet écart de rémunération qui demeure exactement le même en 2014, de l'ordre de 5000 € bruts par mois ; que par ailleurs la SAS Airbus explique que lors de l'embauche de M. V... D..., M. U... disposait déjà de quatre ans d'expérience professionnelle au sein d'Airbus et d'une qualification particulière dénommée «air transport-management» lui conférant des compétences plus larges que celles de pilote et incluant l'environnement et la gestion des avions ; qu'ainsi que le soutient à juste titre M. V... D..., l'ancienneté dans l'entreprise ne peut justifier une différence de rémunération que si cette dernière n'est pas déjà valorisée par une prime d'ancienneté, or M. V... D... et M. U... perçoivent tous deux cette prime d'ancienneté ; que s'agissant de l'expérience acquise, distincte de l'ancienneté, l'employeur ne peut utilement soutenir que M. U... avait plus d'expérience que M. V... D... lors de leurs embauches respectives alors que les pièces démontrent que M. U... avait commencé à voler sur Airbus dès 1990 tandis que M. V... D... avait commencé à effectuer des vols internationaux sur Airbus et Boeing dès 1989 ; que s'agissant de la qualification particulière dénommée «air transport- management » de M. U..., dont l'existence n'est pas démontrée par une autre pièce que le propre CV de M. U..., la SAS Airbus n'explique pas dans quelle mesure celle-ci justifiait au regard des exigences du poste, un écart aussi important de rémunération avec celle de M. V... D... ; qu'en effet ce dernier ne disposait pas de cette qualification mais était formé par l'Aviation Academy Germany et il est établi par les pièces produites que M. V... D... avait 19 ans d'expérience en tant que commandant de bord dans plusieurs pays avant son embauche par Airbus, alors que M. U... n'avait que 15 ans d'expérience lors de son embauche ; qu'en particulier sur des fonctions managériales, M. V... D... justifie de son expérience dans le « training management » sur la compagnie Jet Airways India avant son embauche ; que pour justifier la différence de rémunération, la SAS Airbus indique encore que M. U... était « senior examiner pour UKCCA » (l'équivalent britannique de la DACG française), or M. V... D... justifie de sa qualité de « senior examiner pour LBA » (l'équivalent allemand de la DACG), et il n'est allégué aucune différence de niveau entre ces deux compétences ; que de plus, lors de son embauche M. V... D... justifie qu'il avait également la qualification A330, ce qui n'était pas le cas de M. U..., qualifié uniquement A340 ; que les pièces produites établissent encore que M. V... D... s'est vu confier par l'employeur, tout comme M. U..., des missions « Team Leader » à plusieurs reprises, contrairement à ce que conclut la SAS Airbus ; que la cour observe par ailleurs que les parties ne produisent aucun entretien annuel d'évaluation ou un quelconque document relatif à l'évaluation des performances de M. U... et M. V... D... pouvant expliquer une différence de rémunération par une différence de performance, les quelques attestations de collègues de M. V... D... ou l'échange de mails concernant une note de frais à Hong-Kong étant inopérants à le démontrer ; que s'agissant du critère de l'âge, avancé par M. V... D... comme étant l'élément discriminatoire avec son collègue M. Y... U..., la cour relève :
- que M. V... D... est plus jeune de 8 ans que son collègue M. U...,
- qu'il résulte de l'attestation de M. A... H..., pilote instructeur chez la SAS Airbus, que ce salarié embauché en 2007 s'est vu attribuer une rémunération inférieure à son collègue M. K... et qu'il lui a été répondu par la directrice des ressources humaines que cette différence était liée au nombre de qualifications détenues et au fait que M. K... avait 4 ans de plus que lui ;
-qu'il résulte également de l'attestation de M. Franck L..., pilote instructeur chez la SAS Airbus de 2007 à 2017, que celui-ci avait déposé une réclamation en 2011 concernant un écart de salaire important avec certains de ses collègues, et qu'au cours d'une réunion à ce sujet le 9 février 2011, Mme Q... représentant le service RH lui avait déclaré de manière spontanée « il est normal que vos collègues soient mieux payés, ils sont plus âgés » ;
- qu'il résulte encore de l'attestation produite par la SAS Airbus de M. M... P..., chargé du recrutement des pilotes instructeurs de janvier 2003 à janvier 2007, qu'il décidait de la rémunération à l'embauche, et que celle-ci « dépendait des qualifications, de l'âge et de l'expérience du candidat » ;
Qu'au regard de l'ensemble des éléments produits, il apparaît que M. V... D... et M. Y... U... disposaient de qualifications et d'expérience que la cour considère objectivement similaires, et seul le critère de l'âge distingue ces deux salariés ; que l'employeur échoue dans l'administration de la preuve de critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l'âge ; que la cour juge, par infirmation du jugement déféré, que M. V... D... a subi une discrimination salariale liée à l'âge, lui occasionnant un préjudice dont il est bien fondé à obtenir réparation ;
Sur l'indemnisation du préjudice né de la discrimination salariale : qu'ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ; que ce délai n'est pas susceptible d'aménagement conventionnel ; que les dommages et intérêts réparent l'entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée ; que M. V... D... n'ayant eu connaissance des éléments précis de la discrimination salariale qu'à compter du 27 février 2015, date de réception des documents dont la communication a été enjointe à l'employeur par la cour de céans, celui-ci est fondé à demander la réparation intégrale du préjudice subi depuis son embauche ; qu'il résulte des éléments produits que la perte de gains de M. V... D... s'élève, à raison de cette discrimination, à hauteur de 315 295 € nets correspondant à la différence de salaires avec M. Y... U... entre le 1er décembre 2008 et le 31 décembre 2015 ; que l'évaluation du préjudice ne peut tenir compte de sommes brutes comme il est sollicité à titre principal puisque par définition celles-ci sont assujetties à cotisations avant d'être versées au salarié ; que M. V... D... justifie également par le tableau comparatif produit aux débats d'une perte de chance de droits à la retraite plus élevés ; que le montant des droits à la retraite ne pouvant théoriquement être inférieur à la somme des cotisations salariales et patronales versées aux caisses de retraite principales et complémentaires, la différence entre celles versées sur le salaire de M. V... D... et celles versées sur le salaire de M. U... constitue le fondement de l'évaluation et s'élève à 61 320 € ; que toutefois la perte de chance de percevoir ces droits à retraite ne saurait être indemnisable à hauteur de ce montant puisqu'il s'agirait alors de présupposer que M. V... D... atteindra l'âge de la retraite avec une certitude de 100% ; qu'or celui-ci est actuellement âgé de 55 ans ; que l'article L.421-9 du code de l'aviation civile prévoit en France un âge de la retraite à 60 ans pour les pilotes de ligne ; que la cour estime donc que cette perte de chance ne peut excéder 95 % x 61320 € soit 58 254 € ; que par ailleurs, M. V... D... sollicite l'indemnisation de son préjudice moral, en expliquant qu'il a tenté de régler le litige à l'amiable et que l'employeur est resté indifférent à ses réclamations de sorte qu'il a fini par démissionner ; qu'il chiffre ce préjudice moral à un montant de 95100 € que la cour juge excessif au regard des justificatifs produits et qui sera ramené à la somme de 10 000 € ; qu'en outre il s'agit d'un chef de préjudice qui sera englobé dans la réparation allouée pour discrimination salariale ; qu'en conséquence, il est alloué à M. V... D... la somme totale de 383 549 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi pour discrimination salariale ; que dans la mesure où, d'une part, la discrimination salariale est une catégorie particulière de rupture d'égalité de traitement fondée sur un critère discriminatoire, et où, d'autre part, il a été fait droit à la demande de M. V... D... fondée sur cette discrimination, la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à M. V... D... des dommages-intérêts pour rupture d'égalité de traitement afin d'éviter une double indemnisation ; sur la discrimination en matière de formation : (...) M. V... D... justifie avoir demandé vainement à plusieurs reprises, en 2011 et 2012, à bénéficier de formation pour avoir la qualité d'instructeur A380 et reproche à la SAS Airbus de n'avoir pas satisfait ses demandes alors que M. U... aurait bénéficié de cette formation ; que toutefois, aucun élément versé aux débats ne permet de savoir à quelle date M. U... aurait bénéficié de ladite formation, et la SAS Airbus précise, sans être contredite sur ce point par M. V... D..., qu'elle n'avait aucun besoin de former des instructeurs A380 lors des demandes de M. D... ; que la discrimination à la formation dont se prévaut M. V... D... est donc insuffisamment étayée, et la demande indemnitaire formulée à ce titre sera rejetée ;
1. ALORS QU'une discrimination pour l'un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail ne peut être retenue au terme d'une comparaison avec un seul autre salarié relevant de la même classification mais suppose une comparaison avec tous les salariés relevant de cette classification et placés dans la même situation ; qu'en l'espèce, M. D... qui avait initialement demandé la communication de tous les contrats de travail et bulletins de salaire de tous les pilotes instructeurs depuis le 1er décembre 2008, n'avait, au vu des éléments obtenus, trouvé à invoquer de disparité de rémunération que par rapport à un seul autre pilote instructeur plus âgé que lui ; qu'en retenant l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge sur cette seule base, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2. ALORS en tout état de cause QUE le salarié ne peut se plaindre, à l'appui d'une demande fondée sur la discrimination pour l'un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail, de percevoir une rémunération inférieure à un autre salarié que s'ils sont placés dans la même situation, ce qu'il lui incombe d'établir ; qu'en l'espèce, l'employeur soulignait, preuve à l'appui, qu'à compter de 2007 – et donc avant même l'embauche de M. D... -, M. U... avait été affecté sur des missions d'instructeur pour l'A380 ne permettant pas de comparer sa situation avec celle de M. D..., cette qualification étant différente sur l'A340-600 pour laquelle M. D... était instructeur (conclusions d'appel de l'employeur, p. 11 et 12 ; prod. 7) ; que M. D... ne contestait pas que M. U... ait été instructeur sur l'A380 depuis 2007, se bornant à se plaindre, au titre d'une prétendue discrimination dans la formation, de s'être vu refuser, lorsqu'il l'avait demandé en 2011 et 2012, le bénéfice de la formation coûteuse permettant d'avoir la qualité d'instructeur A380 (conclusions d'appel du salarié, p. 14-15), discrimination que la cour d'appel a écartée (arrêt, p. 7) ; qu'en s'abstenant pourtant de s'expliquer, dans le cadre de la discrimination alléguée en matière de rémunération, sur la différence de situation existant entre un instructeur sur A380 et un instructeur sur A340-600, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
3. ALORS QU'il incombe au salarié d'établir l'existence de faits laissant présumer une discrimination pour l'un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail ; qu'il lui appartient donc, lorsqu'il se compare à un salarié, d'établir qu'il se trouve dans la même situation que lui ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Airbus avait établi que M. U... disposait d'une compétence en qualité d'instructeur A340 rare lors de son embauche en 2005 ; qu'en affirmant ensuite que la société Airbus ne justifiait pas que ce contexte particulier n'existait plus lors de l'embauche de M. D... en 2008, quand il incombait au salarié de démontrer que la compétence d'instructeur sur A340 était toujours rare lors de son embauche et donc qu'il était dans la même situation que M. U..., la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, ensemble l'article 1315 devenu 1353 du code civil ;
4. ALORS QUE lorsqu'une différence de rémunération entre deux salariés est justifiée à l'embauche par un élément objectif étranger à toute discrimination, l'employeur n'a pas l'obligation de réduire par la suite cet écart de rémunération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la différence de contexte lors des embauches respectives de MM. U... et D... pouvait justifier une différence de rémunération à l'embauche ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir atténué ensuite l'écart de rémunération entre ces deux salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
5. ALORS en toute hypothèse QUE l'expérience professionnelle acquise auprès d'un précédent employeur peut justifier une différence de salaire au moment de l'embauche lorsqu'elle est en relation avec les exigences du poste et les responsabilités effectivement exercées ; qu'en l'espèce, l'employeur invoquait une différence d'expérience professionnelle entre MM. D... et U... - embauchés en qualité de pilotes instructeurs et ayant à ce titre pour mission de former les pilotes à la « qualification de type » nécessitée par l'avion qu'ils sont destinés à piloter - dans les fonctions d'instructeur, en soulignant, preuve à l'appui et sans être démenti, que M. U... les exerçait depuis 1995 quand M. D... n'avait commencé à être missionné sur des fonctions d'instructeur qu'à partir de mars 2006 (conclusions d'appel, p. 9 ; prod. 9 et 10) ; qu'en affirmant que l'employeur ne pouvait utilement soutenir que M. U... avait plus d'expérience que M. D... lors de leurs embauches respectives par des prétextes inopérants tirées de l'expérience de vol ou en tant que commandant de bord des deux salariés, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si leur expérience professionnelle dans le poste de pilote instructeur pour lequel ils avaient été embauchés n'était pas différente au moment de l'embauche, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
6. ALORS en outre QUE l'employeur soulignait que M. D... avait pris un congé sabbatique de 15 mois de septembre 2013 à novembre 2015, augmentant d'autant la différence d'expérience professionnelle entre M. U... et lui-même (conclusions d'appel, p. 11 ; prod. 11) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
7. ALORS encore QUE la présence d'une prime d'ancienneté n'exclut pas nécessairement toute prise en compte de l'ancienneté d'un salarié dans l'entreprise dans la fixation de la rémunération, le juge devant procéder à une appréciation in concreto en tenant compte notamment du montant de la prime d'ancienneté au regard du montant de la rémunération mensuelle du salarié ; qu'en jugeant que l'ancienneté dans l'entreprise ne peut justifier une différence de rémunération que si cette dernière n'est pas déjà valorisée par une prime d'ancienneté, et en refusant de tenir compte de la différence d'ancienneté des deux salariés en cause au seul prétexte de l'existence d'une prime d'ancienneté, sans prendre en compte le montant de celle-ci au regard de la rémunération mensuelle des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail ;
8. ALORS par ailleurs QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents soumis à son examen ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il était établi que M. D... s'était vu confier par l'employeur, tout comme M. U..., des missions « Team Leader » à plusieurs reprises, contrairement à ce que concluait la société Airbus, quand cette dernière, dans ses conclusions d'appel (p. 10) oralement soutenues, ne contestait pas l'existence de missions « Team Leader » confiées à M. D... mais la différence de niveau des missions confiées de ce chef à M. U... et à M. D..., ce dernier n'étant nommé « Team leader » que sur des missions en présence d'instructeurs très autonomes ou sans équipe, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société Airbus en violation du principe susvisé et de l'article 4 du code de procédure civile ;
9. ALORS QUE le juge ne peut retenir une discrimination qu'à condition de caractériser que la différence de traitement litigieuse a pour origine l'un des motifs prohibés par l'article L. 1132-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, M. D... qui avait initialement demandé la communication de tous les contrats de travail et bulletins de salaire de tous les pilotes instructeurs depuis le 1er décembre 2008, n'avait, au vu des éléments obtenus, trouvé à invoquer de disparité de rémunération que par rapport à un seul autre pilote instructeur plus âgé que lui ; qu'en se bornant, pour retenir cependant l'existence d'une discrimination fondée sur l'âge, à retenir que M. D... était plus jeune de 8 ans que M. U... et à se fonder sur plusieurs attestations faisant état de la prise en compte de l'âge dans la fixation de la rémunération des pilotes instructeurs sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions d'appel de l'employeur, p. 4), si sous couvert de l'âge, ce n'était pas en réalité l'expérience professionnelle des pilotes instructeurs qui était ainsi prise en compte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
10. ALORS subsidiairement QUE seul le préjudice résultant de la discrimination telle que retenue par le juge peut être réparé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la différence de contexte lors des embauches respectives de MM. U... et D... pouvait justifier une différence de rémunération à l'embauche de ce dernier et n'a reproché à l'employeur que l'absence de réduction de cet écart par la suite ; qu'en allouant pourtant à ce salarié des dommages et intérêts correspondant à la différence de salaire avec M. U... depuis le 1er décembre 2008, date de l'embauche de M. D..., la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. D...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. D... de sa demande indemnitaire relative à la discrimination en matière de formation ;
Aux motifs que « sur la discrimination en matière de formation, M. V... D... indique pour la première fois en cause d'appel que, malgré ses demandes et sans raison objective, il n'a pas bénéficié de la formation d'instructeur A380 alors que cette formation très coûteuse (114 796 €) a été proposée à M. U... ; qu'il sollicite l'allocation de cette somme à titre de réparation (
) ; que sur le fond, M. V... D... justifie avoir demandé vainement à plusieurs reprises, en 2011 et 2012, à bénéficier de formation pour avoir la qualité d'instructeur A380 et reproche à la SAS Airbus de n'avoir pas satisfait ses demandes alors que M. U... aurait bénéficié de cette formation ; que, toutefois, aucun élément versé aux débats ne permet de savoir à quelle date M. U... aurait bénéficié de ladite formation, et la SAS Airbus précise, sans être contredite sur ce point par M. V... D..., qu'elle n'avait aucun besoin de former des instructeurs A380 lors des demandes de M. D... ; que la discrimination à la formation dont se prévaut M. V... D... est donc insuffisamment étayée, et la demande indemnitaire formulée à ce titre sera rejetée » (arrêt, p. 6 §§ 6-12) ;
1°/ ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination fondée sur l'un des motifs prohibés par la loi, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en relevant, pour débouter M. D... de sa demande d'indemnisation fondée sur une discrimination à la formation, que celle-ci n'était pas suffisamment étayée, en ce qu'aucun élément n'était versé aux débats pour déterminer à quelle date M. U... avait bénéficié de cette formation et en ce que M. D... ne démontrait pas que la société Airbus avait, contrairement à ses allégations, eu besoin de former des instructeurs sur l'A 380 lors de ses demandes, cependant qu'il appartenait à l'employeur de prouver que le refus de faire bénéficier M. D... d'une formation similaire à celle dont avait profité M. U... reposait sur un motif objectif et non discriminatoire, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a méconnu les articles L. 1131-2 et L. 1134-1 du code du travail ensemble l'article 1315, devenu article 1353, du code civil ;
2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le juge ne peut méconnaître l'objet du litige tel que délimité par les prétentions respectives des parties ; qu'en se fondant sur la circonstance que la société Airbus alléguait, sans être contredite sur ce point par M. D..., n'avoir pas eu aucun besoin de former des instructeurs sur l'A380 au moment où M. D... en avait fait la demande, cependant que le salarié faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 15 § 6), soutenues l'audience, qu'il n'existait aucune raison objective et pertinente justifiant de ne pas le faire bénéficier, comme M. U..., de cette formation, de sorte que cette allégation de l'employeur était bien contestée, la cour d'appel a méconnu l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE constitue une discrimination prohibée la situation dans laquelle, en considération de son âge, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'a été dans une situation comparable ; qu'en se bornant, pour écarter l'existence d'une discrimination en matière de formation, à retenir que la société Airbus n'avait pas eu besoin de former des instructeurs sur A380 au moment où M. D... avait demandé à bénéficier de cette formation, sans rechercher si, par ailleurs, un tel besoin existait au moment où elle avait accepté de financer la formation de M. U..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail.