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21/11/2019 | FRANCE | N°18-21774

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 21 novembre 2019, 18-21774


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 juin 2018), que le 31 janvier 2008, la société Aéronord a contracté un crédit-bail avec la société Star Lease portant sur un hélicoptère ; que par convention du 1er mai 2009, la société Aéronord, en accord avec le crédit-bailleur, a mis l'hélicoptère à disposition de la société Héli Nord, à charge pour celle-ci d'assurer l'exploitation commerciale de l'appareil ; que le 30 mai 2010, la société Héli Nord a souscrit une police d'assurance auprès d

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 juin 2018), que le 31 janvier 2008, la société Aéronord a contracté un crédit-bail avec la société Star Lease portant sur un hélicoptère ; que par convention du 1er mai 2009, la société Aéronord, en accord avec le crédit-bailleur, a mis l'hélicoptère à disposition de la société Héli Nord, à charge pour celle-ci d'assurer l'exploitation commerciale de l'appareil ; que le 30 mai 2010, la société Héli Nord a souscrit une police d'assurance auprès du GIE La Réunion Aérienne (l'assureur), qui a agréé, notamment, deux pilotes, pour l'appareil précité ; que le 5 octobre 2010, l'un des pilotes, M. E..., a été interpellé au cours d'une enquête sur des faits d'importation en bande organisée et de trafic de stupéfiants, l'hélicoptère ayant été utilisé pour transporter de tels produits et saisi alors qu'il se trouvait dans un hangar en Espagne ; qu'à la suite de dégradations de l'appareil, la société Star Lease a résilié de plein droit le contrat au préjudice de la société Aéronord ; qu'ayant sollicité en vain la prise en charge du sinistre, la société Héli Nord a, après expertise judiciaire, assigné l'assureur en exécution du contrat et en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le second moyen pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur la seconde branche du second moyen, annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Héli Nord fait grief à l'arrêt de la débouter de l'ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 2 de la convention spéciale « A1 » souscrite par la société Héli Nord auprès du GIE La Réunion Aérienne, il était stipulé que la police « ne couvrait pas les conséquences de : a) contrebande, commerce prohibé ou clandestin, participations aux opérations de guerre ou assimilées visées aux alinéas a) à f) de l'article premier ci-dessus (lorsqu'ils sont le fait de l'assuré ou d'un ou plusieurs membres de l'équipage) » ; que, pour rejeter les demandes indemnitaires de la société Héli Nord, la cour d'appel, après avoir relevé qu'à la suite d'un vol destiné au transport de produits stupéfiants, l'hélicoptère piloté par M. E... avait fait l'objet d'une saisie pénale, et avait été entreposé par les autorités espagnoles « dans des conditions non conformes aux prescriptions qui se sont avérées désastreuses », a estimé que c'était « à raison de ce mauvais entreposage, lié à la saisie pénale engendrée par le trafic de stupéfiants que des dommages conséquents sur ledit appareil étaient à déplorer », ce dont elle a déduit que le sinistre était bien la conséquence directe des faits de contrebande et de commerce prohibés ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations que les dommages affectant le bien assuré avaient été causés par les mauvaises conditions d'entreposage de l'hélicoptère par les autorités espagnoles, et étaient donc indépendants de l'activité de trafic de stupéfiants exercée avec le bien assuré, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause ; nouvel article 1103 du code civil), ensemble l'article L. 113-1 du code des assurances ;

2°/ que la nécessité d'interpréter une clause d'exclusion fait obstacle à ce qu'elle puisse être regardée comme formelle et limitée ; que pour écarter la garantie de l'assureur, la cour d'appel a retenu qu'à la suite d'un vol destiné au transport de produits stupéfiants, l'hélicoptère piloté par M. E... avait fait l'objet d'une saisie pénale, et avait été entreposé par les autorités espagnoles « dans des conditions non conformes aux prescriptions qui se sont avérées désastreuses », puis relevé que c'était « à raison de ce mauvais entreposage, lié à la saisie pénale engendrée par le trafic de stupéfiants que des dommages conséquents sur ledit appareil étaient à déplorer », ce dont elle a déduit que le sinistre était bien la « conséquence directe » des faits de contrebande et de commerce prohibés, au sens de la clause d'exclusion stipulée à l'article 2 de la convention spéciale « A1 » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a procédé à une interprétation de la notion de « conséquence » d'une des activités visées par la clause litigieuse, ce qui excluait que celle-ci puisse être considérée comme formelle et limitée, a méconnu l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble les articles 1134 (devenu 1103) et 1315 (devenu 1353) du code civil ;

3°/ qu'il incombe à l'assureur de rapporter la preuve de la réunion des conditions d'application d'une clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut à l'égard de l'assuré ; qu'en l'espèce, pour s'opposer aux demandes indemnitaires de la société Héli Nord, l'assureur s'est prévalu de l'article 3 des conditions générales communes à tous les risques garantis, excluant « Toute perte ou dommage : (
) d) subi du fait de l'utilisation intentionnelle de l'aéronef au-dessous des limites d'altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur et, en particulier, du fait du vol dit « en rase-mottes » sauf cas fortuit ou force majeure » ; que pour dire que l'assureur était fondé à invoquer cette clause, la cour d'appel a retenu qu'au cours d'un transport de stupéfiants, le pilote M. E... avait déclaré avoir heurté un objet « décrit comme un oiseau, un mât de navire
», et énoncé qu'il était « dans la nature même d'un Fly Fast de ne pas respecter un plan de vol et la réglementation applicable, lors de rotation à basse altitude entre l'Espagne et le Maroc pour effectuer des importations de stupéfiants et échapper ainsi aux autorités judiciaires et aériennes » ; qu'en statuant ainsi, sur la base de supputations impropres à établir la réunion des conditions d'application de la clause d'exclusion dont se prévalait l'assureur, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble les articles 1134 (devenu l'article 1103) et 1315 (devenu 1353) du code civil ;

4°/ que le juge ne peut statuer par des motifs d'ordre général ; qu'en affirmant qu'il était « dans la nature même d'un Fly Fast de ne pas respecter un plan de vol et la réglementation applicable, lors de rotation à basse altitude entre l'Espagne et le Maroc pour effectuer des importations de stupéfiants et échapper ainsi aux autorités judiciaires et aériennes » pour en déduire que le sinistre litigieux était survenu alors que l'hélicoptère assuré volait au-dessous des altitudes minimales de sécurité et devait être exclu de la garantie pour cette raison, la cour d'appel, qui a statué par un motif d'ordre général, impropre à établir que les conditions d'application de la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur étaient effectivement réunies, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la société Héli Nord n'avait pas soutenu devant les juges du fond que la clause d'exclusion de garantie n'était pas formelle et limitée ; que le moyen, pris en sa deuxième branche, est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

Et attendu, qu'ayant relevé, d'une part, que la police d'assurance stipulait, en son article 2, ne pas couvrir les conséquences de « a) contrebande, commerce prohibé ou clandestin, participations aux opérations de guerre ou assimilées visées aux alinéas a) à f) de l'article premier ci-dessus (lorsqu'ils sont le fait de l'assuré ou d'un ou plusieurs membres de l'équipage) », d'autre part, que l'appareil avait été utilisé pour un trafic de stupéfiants, que la réalisation du risque était le fait d'un membre de l'équipage, à savoir un pilote agréé par l'assureur, que le matériel avait été saisi au cours de la procédure judiciaire ouverte pour ces faits et qu'il avait été entreposé dans des conditions non conformes aux prescriptions techniques, qui s'étaient avérées désastreuses, la cour d'appel en a exactement déduit que le dommage était exclu de la garantie ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche et inopérant en ses deux dernières branches qui critiquent des moyens surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que la société Héli Nord fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour résistance dans le remboursement, alors, selon le moyen, que pour débouter la société Héli Nord de sa demande de paiement de dommages-intérêts à raison de l'inexécution fautive par l'assureur de la police d'assurance liant les parties, la cour d'appel a retenu qu'aucune obligation de garantie n'étant reconnue et imposée à l'assureur par la présente décision, aucune exécution fautive ou aucun retard dans l'exécution du contrat ne pouvait lui être reprochée ; que la cassation à intervenir du chef du premier moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté les demandes de la société Héli Nord tendant à la mise en oeuvre de la police d'assurance contractée auprès de l'assureur, entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté la société Héli Nord de sa demande de dommages-intérêts pour résistance dans le remboursement, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Mais attendu que le rejet du premier moyen rend sans portée le grief qui invoque une cassation par voie de conséquence ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Héli Nord aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au GIE La Réunion Aérienne la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.

Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Héli Nord.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Héli Nord de l'ensemble de ses demandes ;

Aux motifs propres que « sur l'obligation de garantie : En vertu des dispositions de l'article 1134 ancien du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. En l'espèce, la société Héli Nord sollicite la garantie de son assureur à raison des préjudices matériels, nés pour une part d'un choc subi par l'appareil et des conditions de transport et de gardiennage du matériel lors de sa détention par l'autorité publique. Au moment des faits, l'aéronef était garanti par un contrat d'assurances n° 2010-447 en date du 30 mai 2010, souscrit par la société Héli Nord par l'intermédiaire du courtier Aelia Assurances auprès du GIE La Réunion Aérienne pour une valeur de 1.000.000 euros au titre d'une garantie « A » dite « corps des aéronefs risques de guerre et assimilés ». Ont été spécifiquement agréés pour ce matériel dans le cadre de ce contrat d'assurance, M. E..., pilote privé et M. U..., pilote professionnel. Sont des assurées additionnelles les sociétés Star Lease, Héli VIP et Sud Est Hélicoptère pour ce matériel. – sur l'exclusion de garantie opposée par La Réunion Aérienne au titre d'un vol à basse altitude : Les conditions générales communes prévoi[en]t, en leur article 3, des stipulations d'exclusion communes à tous les risques, notamment en cas de perte ou de dommage "d) subi du fait de l'utilisation intentionnelle de l'aéronef au-dessous des limites d'altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur, et en particulier, du fait du vol dit "en rase-mottes " sauf en cas fortuit ou de force majeure". Au vu des pièces pénales versées au dossier et des pièces techniques communiquées, notamment le rapport de l'expert, il est établi que : - l'appareil assuré a été utilisé dans le cadre d'un Fly Fast, des transports de résine de cannabis étant effectués par hélicoptère entre la France, le Maroc et l'Espagne ; - au cours de l'une de ses rotations, M. E... a heurté en vol un objet, qui selon ses déclarations, sera décrit comme un oiseau, un mât de navire... Or, il est dans la nature même d'un Fly Fast de ne pas respecter un plan de vol et la réglementation applicable, lors de rotation à basse altitude entre l'Espagne et le Maroc pour effectuer des importations de stupéfiants et échapper ainsi aux autorités judiciaires et aériennes. En conséquence, la société GIE La Réunion Aérienne est bien fondée à opposer à la société Héli Nord son exclusion de garantie, ce dommage n'étant en outre que le résultat d'un comportement généré par un trafic, objet d'une exclusion de garanti. – sur l'exclusion consécutive à la saisie et au trafic de stupéfiants : Comme l'ont justement noté les premiers juges, aucune contradiction n'existe dans les dispositions des conditions générales communes et des garanties souscrites. Il est constant que la société Héli Nord a souscrit une « convention spéciale A1 assurance corps des aéronefs contre les risques de guerre et assimilés", rachetant l'exclusion prévue dans les conditions générales commune pour le risque prévu à l'article 4, 2°, e) : "confiscation, nationalisation, saisie, contrainte, détention, appropriation, réquisition de propriété ou d'usage par arme ou sur ordre de tout gouvernement (qu'il soit civil, militaire ou de facto) ou de toute autorité publique ou locale", et le fait que "les garanties sont suspendues lorsque l'aéronef n'est plus sous la garde et le contrôle de l'assuré ou de l'exploitant". En effet, l'article premier de cette convention A 1, qui définit la garantie, prévoit l'hypothèse précitée à l'article 4, 2° e), tout en mentionnant expressément que "la présente convention a pour objet de garantir, sous réserve des exclusions et déchéance prévues aux articles 2 et 3 ci-après", cette assertion étant particulièrement apparente, pour être dactylographiée dès la première phrase de cet article et en gras. Or, au titre des exclusions de risque, l'article 2 dispose ne pas couvrir en cas de : "a) contrebande, commerce prohibé ou clandestin, participations aux opérations de guerre ou assimilées visées aux alinéas a) à f) de l'article premier ci-dessus (lorsqu'ils sont le fait de l'assuré ou d'un ou plusieurs membres de l'équipage)", cette exclusion étant elle-même là-encore dactylographiée en gras dans la convention. La société Héli Nord ne peut raisonnablement se prévaloir du second alinéa de l'article 1, selon lequel "en outre, la présente police couvre les réclamations exclues de la police corps causés par l'un des événements cités ci-dessus pendant que l'aéronef est hors de contrôle de l'assuré" pour obtenir la garantie de son assureur. Cet alinéa n'a pour objet que de racheter les exclusions de la police corps dans l'hypothèse d'un aéronef hors de contrôle et [non] d'exclure la réserve mise en exergue au premier alinéa de cet article et relative aux exclusions prévues à l'article 2. Contrairement à ce que soutient la société Héli Nord, les conditions de l'application de l'article 2 a) sont en l'espèce réunies. Ainsi, les pièces versées aux débats démontrent indéniablement que l'appareil litigieux a été utilisé dans le cadre d'un trafic de stupéfiants et le risque est le « fait de l'assuré ou d'un ou plusieurs membres de l'équipage ». En effet, si indéniablement M. E... n'a pas la qualité d'assuré, la GIE ayant de manière ponctuelle et erronée évoqué cette qualité, M. E... étant seulement agréé dans le cadre de la police, il n'en demeure pas moins qu'en sa qualité de pilote il ne peut qu'être qualifié de "membre de l'équipage", étant observé que la disposition précitée n'exige aucunement un quelconque lien de subordination entre les membres de l'équipage et l'assuré. Ce Fly fast a donné lieu à une procédure judiciaire et une saisie pénale du matériel, lequel a été entreposé dans des conditions non conformes aux prescriptions techniques et qui se sont avérées désastreuses. C'est à raison de ce mauvais entreposage, [liée] à la saisie pénale engendrée par le trafic de stupéfiants que des dommages conséquents sur ledit appareil sont à déplorer. En conséquence, les dommages et le sinistre subis sont bien la conséquence directe des faits de contrebandes et commerce prohibés, lesquels sont à l'origine de la saisie pénale, faits exclus expressément par l'assureur de sa garantie. En conséquence, les premiers juges ont justement décidé que les dommages immatériels ne faisaient l'objet d'aucune couverture et que les dommages matériels étaient liés à des circonstances exclues de la garantie. Leur décision sera confirmée en toutes ses dispositions ».

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que « l'article 1134 du code civil dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi », que l'aéronef a subi des dommages en raison, d'une part, d'un choc dont les circonstances sont contestées, d'autre part, en raison d'une immobilisation prolongée, suite à sa saisie par les autorités, dans des conditions inadaptées ; qu'il n'est ni contestable, ni contesté, que l'immobilisation prolongée de l'hélicoptère résulte de l'arrestation de son pilote condamné par jugement du tribunal correctionnel de Marseille pour des faits de transports de stupéfiants ; que l'aéronef était garanti, au moment des faits, par un contrat d'assurances n° 2010-447 en date du 30 mai 2010, souscrit par la société Héli Nord par l'intermédiaire du courtier Aelia Assurances auprès du G.I.E La Réunion Aérienne pour une valeur de 1 000 000 € pour une assurance dite « corps risques ordinaires » et par extension de garantie « corps risques de guerre et assimilés » ; que si l'article premier de la convention annexe A du contrat d'assurance mentionne une prise en charge des dommages matériels sous déduction de la franchise, il n'en demeure pas moins que l'article 1er des conditions générales communes du contrat d'assurance précise que la garantie est délivrée sous réserve de diverses exclusions et notamment en cas de perte ou dommage « subi du fait de l'utilisation intentionnelle de l'aéronef au-dessous des limites d'altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur et, en particulier du fait du vol dit « en rase-mottes » (article 3-d), ou en cas de perte ou dommage occasionné par la « confiscation, nationalisation, saisie... » (article 4-e) ; qu'il résulte de ces constatations qu'en raison des circonstances du sinistre, le GIE La Réunion Aérienne est fondé à opposer à la société Héli Nord une exclusion de garantie ; que si la société Héli Nord avait bien souscrit une garantie complémentaire appelée « convention spéciales Al - assurance corps des aéronefs contre les risques de guerre et assimilés » qui prévoit expressément, en son article 1, une garantie en cas de « confiscation, nationalisation, saisie, [
] » chaque fois que l'aéronef est « hors de contrôle de l'assuré », il n'en demeure pas moins que l'article 2 de cette même convention prévoit un certain nombre d'exclusions de garantie parmi lesquelles figurent « la contrebande, le commerce prohibé ou clandestin » ; que, contrairement à ce qu'affirme la société Héli Nord, les articles 1 et 2 de cette convention ne se contredisent aucunement ; qu'il s'agit d'une présentation classique en matière de contrat d'assurance qui expose dans un premier temps la définition de la garantie avant de prévoir les exclusions ; qu'il résulte de ces constatations que le GIE La Réunion Aérienne est fondé à opposer à la société Héli Nord une exclusion de garantie ; qu'aucun des volets de la police d'assurance souscrite, que ce soit la garantie corps ou la garantie responsabilité civile, ne couvre les dommages immatériels subis ; que, dans ces conditions, la société Héli Nord est mal fondée à solliciter du tribunal la condamnation du GIE La Réunion Aérienne au paiement de sommes correspondant à une perte de marge brute ou à la compensation d'un préjudice moral ou commercial qui sont des dommages immatériels ; qu'en définitive, le tribunal estime que les demandes formulées par la société Héli Nord, tant pour sa réclamation de dommages matériels qu'immatériels, ne sont pas couvertes par la police d'assurance compte tenu des exclusions de garanties qui y figurent en caractères apparents et conclut au rejet de l'ensemble des réclamations présentées par la société Héli Nord » ;

Alors 1°) qu'aux termes de l'article 2 de la convention spéciale « A1 » souscrite par la société Héli Nord auprès du GIE La Réunion Aérienne, il était stipulé que la police « ne couvr[ait] pas les conséquences de : a) contrebande, commerce prohibé ou clandestin, participations aux opérations de guerre ou assimilées visées aux alinéas a) à f) de l'article premier ci-dessus (lorsqu'ils sont le fait de l'assuré ou d'un ou plusieurs membres de l'équipage) » ; que, pour rejeter les demandes indemnitaires de la société Héli Nord, la cour d'appel, après avoir relevé qu'à la suite d'un vol destiné au transport de produits stupéfiants, l'hélicoptère piloté par M. E... avait fait l'objet d'une saisie pénale, et avait été entreposé par les autorités espagnoles « dans des conditions non conformes aux prescriptions qui se sont avérées désastreuses », a estimé que c'était « à raison de ce mauvais entreposage, lié à la saisie pénale engendrée par le trafic de stupéfiants que des dommages conséquents sur ledit appareil étaient à déplorer », ce dont elle a déduit que le sinistre était bien la conséquence directe des faits de contrebande et de commerce prohibés ; qu'en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations que les dommages affectant le bien assuré avaient été causés par les mauvaises conditions d'entreposage de l'hélicoptère par les autorités espagnoles, et étaient donc indépendants de l'activité de trafic de stupéfiants exercée avec le bien assuré, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil (dans sa rédaction applicable en la cause ; nouvel article 1103 du code civil), ensemble l'article L. 113-1 du code des assurances ;

Alors 2°) et en tout état de cause que la nécessité d'interpréter une clause d'exclusion fait obstacle à ce qu'elle puisse être regardée comme formelle et limitée ; que pour écarter la garantie du GIE La Réunion Aérienne, la cour d'appel a retenu qu'à la suite d'un vol destiné au transport de produits stupéfiants, l'hélicoptère piloté par M. E... avait fait l'objet d'une saisie pénale, et avait été entreposé par les autorités espagnoles « dans des conditions non conformes aux prescriptions qui se sont avérées désastreuses », puis relevé que c'était « à raison de ce mauvais entreposage, lié à la saisie pénale engendrée par le trafic de stupéfiants que des dommages conséquents sur ledit appareil étaient à déplorer », ce dont elle a déduit que le sinistre était bien la « conséquence directe » des faits de contrebande et de commerce prohibés, au sens de la clause d'exclusion stipulée à l'article 2 de la convention spéciale « A1 » ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel, qui a procédé à une interprétation de la notion de « conséquence » d'une des activités visées par la clause litigieuse, ce qui excluait que celle-ci puisse être considérée comme formelle et limitée, a méconnu l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble les articles 1134 (devenu 1103) et 1315 (devenu 1353) du code civil ;

Alors 3°) qu'il incombe à l'assureur de rapporter la preuve de la réunion des conditions d'application d'une clause d'exclusion de garantie dont il se prévaut à l'égard de l'assuré ; qu'en l'espèce, pour s'opposer aux demandes indemnitaires de la société Héli Nord, le GIE La Réunion Aérienne s'est prévalu de l'article 3 des conditions générales communes à tous les risques garantis, excluant « Toute perte ou dommage : (
) d) subi du fait de l'utilisation intentionnelle de l'aéronef au-dessous des limites d'altitude de sécurité prévues par la réglementation en vigueur et, en particulier, du fait du vol dit « en rase-mottes » sauf cas fortuit ou force majeure » ; que pour dire que l'assureur était fondé à invoquer cette clause, la cour d'appel a retenu qu'au cours d'un transport de stupéfiants, le pilote M. E... avait déclaré avoir heurté un objet « décrit comme un oiseau, un mât de navire
», et énoncé qu'il était « dans la nature même d'un Fly Fast de ne pas respecter un plan de vol et la réglementation applicable, lors de rotation à basse altitude entre l'Espagne et le Maroc pour effectuer des importations de stupéfiants et échapper ainsi aux autorités judiciaires et aériennes » ; qu'en statuant ainsi, sur la base de supputations impropres à établir la réunion des conditions d'application de la clause d'exclusion dont se prévalait l'assureur, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances, ensemble les articles 1134 (devenu l'article 1103) et 1315 (devenu 1353) du code civil ;

Alors 4°) que le juge ne peut statuer par des motifs d'ordre général ; qu'en affirmant qu'il était « dans la nature même d'un Fly Fast de ne pas respecter un plan de vol et la réglementation applicable, lors de rotation à basse altitude entre l'Espagne et le Maroc pour effectuer des importations de stupéfiants et échapper ainsi aux autorités judiciaires et aériennes » pour en déduire que le sinistre litigieux était survenu alors que l'hélicoptère assuré volait au-dessous des altitudes minimales de sécurité et devait être exclu de la garantie pour cette raison, la cour d'appel, qui a statué par un motif d'ordre général, impropre à établir que les conditions d'application de la clause d'exclusion de garantie invoquée par l'assureur étaient effectivement réunies, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Héli Nord de sa demande de dommages et intérêts pour résistance dans le remboursement ;

Aux motifs que « sur la demande de dommages et intérêts pour résistance au remboursement : en vertu des dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en vertu des dispositions des articles 6 et 9 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder et il leur incombe de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions ; qu'en l'espèce, la société Héli Nord sollicite la réparation de son préjudice immatériel liée à l'absence de réparations faites sur l'hélicoptère à raison de la carence de son assureur dans l'exécution du contrat d'assurance liant les parties ; qu'or, aucune obligation de garantie n'étant reconnue et imposée à l'assureur par la présente décision, aucune exécution fautive ou aucun retard dans l'exécution du contrat ne peut lui être reprochée ; qu'en conséquence, la société Héli Nord ne peut qu'être déboutée de sa demande de ce chef » ;

Alors 1°) que pour débouter la société Héli Nord de sa demande de paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution fautive par le GIE La Réunion Aérienne de la police d'assurance liant les parties, la cour d'appel a retenu qu'aucune obligation de garantie n'étant reconnue et imposée à l'assureur par la présente décision, aucune exécution fautive ou aucun retard dans l'exécution du contrat ne pouvait lui être reprochée ; que la cassation à intervenir du chef du premier moyen de cassation, qui reproche à la cour d'appel d'avoir rejeté les demandes de la société Héli Nord tendant à la mise en oeuvre de la police d'assurance contractée auprès du GIE La Réunion Aérienne, entraînera par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif de l'arrêt attaqué ayant débouté la société Héli Nord de sa demande de dommages et intérêts pour résistance dans le remboursement, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

Alors 2°) en tout état de cause que dans ses conclusions d'appel (p. 14-15), la société Héli Nord faisait valoir que le GIE La Réunion Aérienne avait engagé sa responsabilité à son égard en n'exécutant pas la clause dite de « breach of warranty », stipulée dans l'avenant « Protection du délégataire », en vertu de laquelle il s'était engagé à indemniser le crédit-bailleur des dommages subis par l'appareil, sans pouvoir lui opposer les éventuels cas de non-assurance ou de déchéance de garantie motivés par tout manquement d'un assuré (autre que le délégataire) aux obligations le concernant et relatives aux limites géographiques et aux conditions d'utilisation et de conduite de l'aéronef ainsi qu'aux normes de sécurités visées tant aux conditions générales que particulières du contrat ; que la société Héli Nord soulignait que si l'assureur ayant indemnisé le crédit-bailleur en application de cette clause était certes subrogé dans les droits de ce dernier contre l'assuré, elle avait néanmoins subi un préjudice du fait de l'inexécution du contrat d'assurance par le GIE La Réunion Aérienne, tenant à l'impossibilité pour elle d'avoir pu poursuivre l'exploitation de l'hélicoptère entre décembre 2012 et décembre 2016 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen déterminant et opérant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-21774
Date de la décision : 21/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 28 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 21 nov. 2019, pourvoi n°18-21774


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Rousseau et Tapie, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.21774
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