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20/11/2019 | FRANCE | N°18-19580;18-19644

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 novembre 2019, 18-19580 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 18-19.644 et E 18-19.580 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. S..., qui a été employé par l'établissement public la Monnaie de Paris, a saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante ainsi que d'une indemnité de départ à la retraite ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° E 18-19.580 de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait gr

ief à l'arrêt de le condamner à payer à M. S... une indemnité de départ à la retraite, alors...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° Z 18-19.644 et E 18-19.580 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. S..., qui a été employé par l'établissement public la Monnaie de Paris, a saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété résultant de son exposition aux poussières d'amiante ainsi que d'une indemnité de départ à la retraite ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° E 18-19.580 de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. S... une indemnité de départ à la retraite, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article L. 1211-1 du code du travail, le personnel salarié d'un établissement public industriel et commercial bénéficie des dispositions du livre II du code du travail, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ; qu'en l'espèce, les ouvriers d'Etat employés par l'EPIC La Monnaie de Paris relèvent du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat selon lequel la pension de retraite est calculée sur la rémunération des six derniers mois, et bénéficient, en complément, d'un dispositif « coup de chapeau » consistant à revaloriser leur échelon et partant leur rémunération six mois avant leur départ en retraite ; que ce dispositif « coup de chapeau » qui constitue, comme l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail, un complément de salaire lié au départ à la retraite a donc le même objet que cette indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant le contraire, au motif inopérant qu'ils s'agit de deux avantages différents, certes liés au départ à la retraite, mais pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, la cour d'appel a violé les articles L. 1211-1 et L. 1237-9 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de concours de normes, les avantages qui ont le même objet ne se cumulent pas, seul le plus favorable d'entre eux pouvant être accordé, peu important que les deux avantages aient une nature différente et n'obéissent pas au même régime ; que l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail n'a pas pour objet de compenser un préjudice mais constitue un complément de rémunération attribué au salarié à l'occasion de son départ en retraite ; que le dispositif « coup de chapeau » dont bénéficient les ouvriers d'Etat de l'EPIC La Monnaie de Paris consiste à attribuer au salarié un échelon supérieur six mois avant son départ à la retraite, aux fins de majorer le montant de la rémunération prise en compte, dans le régime spécial de retraite des ouvriers d'Etat, pour déterminer le montant de la pension de retraite ; qu'il en résulte que ce dispositif « coup de chapeau » constitue également une gratification de fin de carrière et, partant, qu'il a le même objet que l'indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant néanmoins que l'indemnité de départ à la retraite et le dispositif « coup de chapeau » n'ont pas le même objet car il s'agit d'avantages différents pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les comparer pour déterminer lequel serait le plus avantageux, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

3°/ qu'en relevant que les salariés ayant déjà atteint le dernier échelon indiciaire ne bénéficient pas du « coup de chapeau », pour affirmer que le dispositif « coup de chapeau » n'a pas le même objet que l'indemnité légale de départ à la retraite et que ces deux avantages peuvent en conséquence se cumuler, cependant que les éventuelles différences quant aux conditions posées pour l'octroi d'un avantage ne modifient pas son objet et qu'en présence d'un concours de normes, le caractère plus favorable doit s'apprécier globalement pour l'ensemble des salariés, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

4°/ que l'accord du 16 décembre 2008 sur les classifications, rémunérations et évolutions professionnelles prévoit que ses dispositions se substituent de plein droit à toute disposition statutaire portant sur les mêmes thèmes et que les parties se réfèrent, pour tout ce qui ne fait pas l'objet de cet accord, aux dispositions législatives et réglementaires applicables au personnel ouvrier de l'Etat ; que s'il n'exclut pas le paiement d'une indemnité de départ à la retraite, il ne prévoit pas non plus que les dispositions du code du travail sur l'indemnité de départ à la retraite s'appliquent aux ouvriers d'Etat ; qu'en retenant encore, pour conforter sa décision, que cet accord collectif ne comporte aucune disposition relative à une indemnité de départ à la retraite, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1237-9 du code du travail ;

Mais attendu que l'usage dit du « coup de chapeau » pratiqué par l'employeur en faveur de salariés n'ayant pas atteint le dernier échelon indiciaire et leur permettant de bénéficier, six mois avant leur départ à la retraite, à la fois d'une augmentation de salaire et d'une majoration consécutive du montant de leur retraite, et l'indemnité de départ à la retraite de l'article L. 1237-9 du code du travail versée par l'employeur à tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse n'ont pas le même objet ; que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que ces deux dispositifs pouvaient se cumuler ; que le moyen qui, en ses troisième et quatrième branches, critique des motifs surabondants n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° Z 18-19.644 du salarié :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen de ce même pourvoi :

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt retient que la Monnaie de Paris ne fait pas partie des établissements répertoriés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a institué, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle liée à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite avec mise en place du dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata), que le préjudice spécifique d'anxiété naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre de l'Acaata, dans la mesure où la connaissance de l'arrêté identifie et concrétise la connaissance du risque par les salariés qui ont été particulièrement exposés, qu'en l'absence d'inscription à ce jour de l'Epic La Monnaie de Paris, sur la liste établie par arrêté ministériel, le préjudice d'anxiété allégué n'est pas né et n'est donc pas indemnisable en justice, à défaut de l'un de ses éléments constitutifs ;

Attendu, cependant, que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi n° E 18-19.580 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. S... de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, l'arrêt rendu le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne l'établissement public la Monnaie de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement public la Monnaie de Paris à payer à M. S... la somme de 1 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° Z 18-19.644 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. S....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à la cour d'appel d'AVOIR débouté l'exposant de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice d'anxiété.

AUX MOTIFS propres QUE il résulte des pièces produites, en particulier les fiches descriptives des affectations de l'agent, produite par la Monnaie de Paris, qu'il a effectivement été salarié de cet établissement pendant plus de trente ans ; que l'utilisation d'amiante sur le site et la présence de poussières d'amiante en différents points du site résultent également des pièces produites, y compris par l'employeur, et cela n'est d'ailleurs pas contesté ; qu'il résulte explicitement des conclusions de l'agent que celui-ci, faisant valoir l'exposition à un risque qualifié d'avéré résultant d'un travail effectué en présence d'amiante, et l'inquiétude permanente en raison des manquements reprochés à l'employeur en ce qui concerne l'obligation de sécurité du risque amiante, demande à la cour de lui accorder la réparation de son préjudice d'anxiété à hauteur de 100.000 euros, outre la réparation d'un préjudice supplémentaire et distinct subi du fait de l'absence de mise en place d'un suivi médical, comme ayant été classé en exposition environnementale dite faible ; que l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 a effectivement institué, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle liée à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite avec mise en place du dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) ; que les dispositions de ce texte, ni celles d'aucun autre texte, ne comportent la mention d'un quelconque préjudice d'anxiété dont l'existence a été consacrée par un arrêt de la cour de cassation, rendu le 11 mai 2010 par la formation plénière de la chambre sociale de la Cour de cassation, et confirmée par la suite, relativement à la situation des salariés qui, travaillant dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998, et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient par le fait de l'employeur dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration d'une maladie liée à l'amiante ; que la Monnaie de Paris ne fait pas partie des établissements répertoriés à l'article 41, même à l'issue des modifications successives dont il a fait l'objet, et ne figure pas sur la liste établie par arrêté ministériel ; que le préjudice spécifique d'anxiété, lequel ne résulte pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante, naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de l'Acaata, dans la mesure où la connaissance de l'arrêté identifie et concrétise la connaissance du risque par les salariés qui ont été particulièrement exposés ; que les travailleurs indiquent que des démarches ont été effectuées auprès de la Dirrecte et du ministère des finances en vue de l'inscription de La Monnaie de Paris, mais elles n'ont pas abouti à une inscription ; qu'en l'absence d'inscription à ce jour de l'Epic La Monnaie de Paris, sur la liste établie par arrêté ministériel, le préjudice d'anxiété allégué n'est pas né et n'est donc pas indemnisable en justice, à défaut de l'un de ses éléments constitutifs, et cela nonobstant les attestations produites relatant son inquiétude pour l'avenir et sa crainte de s'engager dans des projets ; qu'il est sans incidence quant aux éléments constitutifs du préjudice d'anxiété que l'agent fasse état d'une exposition à d'autres produits susceptibles d'être dangereux classés pour certains CMR ; qu'il est de même sans incidence sur le débat que la faute inexcusable de La Monnaie de Paris ait pu être retenue à l'occasion de litiges introduits devant le Tass, reposant sur des règles juridiques différentes et réparant des préjudices en toute hypothèse différents ; que le moyen relatif à l'inégalité de traitement ne peut davantage être retenu puisque la différence de traitement entre les salariés bénéficiaires ou non des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 résulte d'une situation différente, selon qu'ils ont ou non travaillé dans une entreprise inscrite sur la liste établie par arrêté ministériel, et pour la période définie, lorsque c'est le cas ; qu'il en est de même du moyen relatif aux dispositions légales et européennes, relatives à l'obligation générale de sécurité, pour le même motif, à savoir l'absence de caractérisation d'un préjudice indemnisable, y compris sur le fondement d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ; que s'agissant des fiches d'exposition, elles ont pour finalité de déterminer les modalités du suivi médical mis en place par l'employeur, puisque ni l'utilisation d'amiante ni la présence de poussières d'amiante durant tout ou partie de l'activité professionnelle des salariés en cause n'est contestée, mais ne sont pas susceptibles de créer par elles-mêmes un préjudice d'anxiété indemnisable.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque ; que l'agent ne peut donc se prévaloir d'un préjudice distinct de ce préjudice d'anxiété, et force est de constater qu'il demande bien dans le corps de ses écritures la réparation d'un préjudice d'anxiété du fait du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ; que la réparation du préjudice d'anxiété n'est admise, pour les salariés exposés à l'amiante, qu'au profit de ceux remplissant les conditions prévues à article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et l'arrêté ministériel prévu par cette disposition, l'inscription de l'établissement sur la liste de ceux permettant la mise en oeuvre de l'ACAATA démontrant l'existence d'un niveau élevé d'exposition et d'un risque réel à l'origine de l'anxiété ; qu'il est constant que l'établissement de Pessac dans lequel l'agent a travaillé n'a pas été inscrit sur la liste des établissements concernés par le dispositif mis en place par la loi du 23 décembre 1998, relatif à la cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante.

1° ALORS QUE dès lors qu'un travailleur a été exposé aux poussières d'amiante sur son lieu de travail, il doit être regardé comme justifiant l'existence d'un préjudice tenant à la situation d'inquiétude permanente dans lequel il se trouve face au risque de développer une maladie liée à l'amiante ; qu'en retenant que l'agent n'avait pas droit à être indemnisé de son préjudice d'anxiété aux motifs que l'établissement n'avait pas été classé sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et qu'aucun préjudice d'anxiété n'avait donc pu naître à la suite d'un classement de ce type, quand elle a constaté qu'il avait été effectivement exposé à l'inhalation de poussières d'amiante sur son lieu de travail, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

2° ALORS QUE en l'absence d'effet de seuil à l'origine des pathologies, les travailleurs exposés fortement à l'amiante sur leur lieu de travail mais dans un établissement n'ayant pas été classé sur la liste ministérielle visée à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 se trouvent, du fait de leur exposition à ce matériau, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à l'amiante identique à celle des travailleurs employés dans un établissement figurant sur cette liste ministérielle justifiant l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété ; qu'en refusant d'indemniser le préjudice d'anxiété de l'agent qui a pourtant été exposé à l'amiante au sein de l'établissement de l'EPIC La Monnaie non classé sur la liste susvisée, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement.

3° ALORS QUE le préjudice d'anxiété du travailleur naît de ce qu'il a été exposé aux poussières d'amiante de manière significative sur son lieu de travail ; qu'en retenant que le préjudice d'anxiété des travailleurs de l'amiante ne résultait pas de la seule exposition à un risque créé par l'amiante et ne naissait qu'à la date où ils avaient eu connaissance de l'arrêté de classement sur la liste des établissements ouvrant droit à l'ACAATA, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à la cour d'appel d'AVOIR débouté l'exposant de sa demande de dommages et intérêts résultant de l'absence de mise en place d'un suivi post-professionnel.

AUX MOTIFS propres QUE ce préjudice moral présenté comme distinct prend néanmoins sa source dans l'exposition au risque créé par l'amiante et il viendrait s'ajouter au préjudice d'anxiété dont la réparation est également sollicitée ; qu'il n'en demeure pas moins que le préjudice d'anxiété, dont la réparation a été ci-dessus rejetée, inclut l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance du risque, que le salarié soit ou non soumis à un suivi médical ; que le salarié remet en cause son classement en exposition environnementale dite faible alors que le suivi médical, organisé par la Monnaie de Paris dont l'activité se situe en secteur 3, ne concerne que les personnes classées en exposition forte et en exposition intermédiaire ; qu'il ne démontre cependant pas avoir sollicité un suivi médical post professionnel qui aurait été refusé à tort par l'employeur, ou en contrariété avec les préconisations de la médecine du travail formulées par exemple en vue d'un départ à la retraite, alors qu'il produit trois comptes rendus d'examens médicaux transmis au médecin du travail, et sa contestation ne résulte que de sa propre analyse de son relevé de carrière, sans être étayée par aucun autre document ; qu'enfin, ainsi que le relève la Monnaie de Paris, il ne démontre pas l'existence d'un préjudice moral indemnisable, attaché de façon distincte au suivi médical ou à son absence, étant observé qu'aucune déduction ne peut être tirée, quant à l'existence de ce préjudice moral distinct, du cas d'un autre salarié, qui, au surplus, n'est pas dans la cause.

AUX MOTIFS éventuellement adoptés QUE sous couvert d'une demande d'indemnisation d'un préjudice distinct lié à l'absence de suivi médical, M. S... invoque à nouveau un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat pour solliciter l'indemnisation d'un préjudice extra patrimonial ; que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque.

1° ALORS QUE l'employeur, tenu d'organiser la surveillance médicale des travailleurs exposés aux poussières d'amiante sur leur lieu de travail, doit en assurer l'effectivité ; que tout manquement conduisant à ce que le travailleur bénéficie d'une surveillance médicale insuffisante au regard de son niveau d'exposition aux poussières d'amiante, ou en soit totalement privé, cause un préjudice nécessitant réparation et qui est distinct du préjudice spécifique d'anxiété résultant de la situation d'inquiétude permanente face au risque de développer une maladie liée à l'amiante ; qu'en retenant que le préjudice résultant du défaut de mise en place d'un suivi médical adéquat n'était pas distinct du préjudice d'anxiété qui incluait tous les troubles psychologiques résultant de la connaissance du risque de développer une maladie liée à l'amiante, la cour d'appel a violé l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

2° ALORS QUE l'employeur est tenu d'organiser au bénéfice des travailleurs exposés aux poussières d'amiante sur leur lieu de travail une surveillance médicale effective et adéquate au regard de leur niveau d'exposition, sans qu'ils aient à en faire la demande ; qu'en se fondant sur le fait que l'agent n'avait formulé aucune demande relative à sa surveillance médicale avant de saisir la justice, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et erroné en violation de l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil.

3° ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des éléments produits par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en retenant que l'agent n'avait étayé sa prétention que par son relevé de carrière, quand il produisait les comptes rendus des examens médicaux supplémentaires qu'il avait été contraint de faire à défaut de bénéficier d'un suivi médical, la cour d'appel qui n'a pas examiné ces documents a violé l'article 455 du code procédure civile.

4° ALORS QUE l'employeur est tenu d'organiser au bénéfice des travailleurs exposés aux poussières d'amiante sur leur lieu de travail une surveillance médicale effective et adéquate au regard de leur niveau d'exposition ; qu'il n'est pas déchargé de son obligation au motif que ne serait pas établie de contrariété avec des préconisations du médecin du travail ; qu'en déclarant que la surveillance médicale dont l'agent avait été privée n'entrerait pas en contradiction avec des préconisations du médecin du travail, la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant et erroné en violation de l'ancien article 1147 devenu 1231-1 du code civil. Moyen produit au pourvoi n° E 18-19.580 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour l'établissement public la Monnaie de Paris.

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR condamné l'EPIC La Monnaie de Paris à payer à M. S... une indemnité de départ à la retraite ;

AUX MOTIFS QUE « L'administration des Monnaies et Médailles a changé de statut à compter du 1er janvier 2007, par la création d'un établissement public industriel et commercial. Il en résulte, notamment pour les ouvriers d'Etat, un statut hybride, en vertu duquel la Monnaie de Paris considère que n'étant pas totalement employés dans les conditions du droit privé, ils ne peuvent prétendre à la fois au dispositif appelé "coup de chapeau", destiné à permettre au salarié de bénéficier, 6 mois avant son départ à la retraite, d'une augmentation de son salaire, laquelle majore ainsi le montant de la retraite, également calculée sur les 6 derniers mois de salaires, selon le régime applicable dans la fonction publique, et au versement de l'indemnité de départ à la retraite, prévu à l'article L 1237-9 du code du travail. L'Epic se fonde en particulier sur l'article L 1111-1 du code du travail, selon lequel les salariés travaillant dans ce type d'établissement bénéficient des dispositions du code du travail, "sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel." Il en déduit que l'usage du "coup de chapeau" et la prime de départ à la retraite ont le même objet et ajoute qu'il ne serait pas contestable que l'usage en vigueur à la Monnaie de Paris est plus avantageux pour les salariés, de sorte qu'il ne pourrait être fait droit à la demande de M. S.... Il apparaît toutefois que c'est à juste titre que celui-ci soutient que ces deux dispositifs n'ont pas le même objet, au sens de l'article L 1111-1 sus-visé, car il s'agit de deux avantages différents, certes liés au départ à la retraite, mais pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, étant observé d'ailleurs que les salariés ayant déjà atteint le dernier échelon indiciaire ne bénéficient pas du "coup de chapeau", ce qui est son cas. Les deux dispositifs ne sont donc pas assimilables et ne réalisent pas un concours de dispositions ayant le même objet. Il est donc sans incidence de tenter de comparer lequel de ces dispositifs serait le plus avantageux. En outre, M. S... relève également à juste titre que l'accord de la Monnaie de Paris relatif aux classifications, rémunérations et évolutions professionnelles du 16 décembre 2008 ne comporte aucune disposition relative à une indemnité de départ à la retraite. Les dispositions légales et réglementaires du code du travail relatives à cette indemnité ne peuvent dès lors être exclues. En ce qui concerne le montant réclamé, M. S... justifie, dans ses écritures devant la cour, de ce qu'il a été calculé conformément aux dispositions des articles D 1237-1 et D 1237-2 du code du travail, selon l'ancienneté et sur la base du douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le départ à la retraite, formule pour lui la plus avantageuse. Ce calcul n'est pas en lui-même critiqué. Il sera donc fait droit à la demande à hauteur de la somme sollicitée » ;

ET AUX MOTIFS REPUTES ADOPTES QUE « L'article L1237-9 du code du travail prévoit que tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse a droit à une indemnité de départ à la retraite. Le taux de cette indemnité varie en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise. Ses modalités de calcul sont fonction de la rémunération brute dont il bénéficiait antérieurement. Ce taux et ces modalités de calcul sont fixés aux articles D1237-1 et D1237-2 du même code qui disposent que le taux de l'indemnité de départ en retraite est au moins égal à : 1° Un demi-mois de salaire après dix ans d'ancienneté ; 2° Un mois de salaire après quinze ans d'ancienneté ; 3° Un mois et demi de salaire après vingt ans d'ancienneté ; 4° Deux mois de salaire après trente ans d'ancienneté. Et que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de départ en retraite est, selon la formule la plus avantageuse pour l'intéressé, soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédant le départ à la retraite, soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou autre élément de salaire annuel ou exceptionnel qui aurait été versé au salarié pendant cette période est pris en compte à due proportion. En l'espèce, l'établissement La Monnaie de Paris s'oppose au versement de cette indemnité de départ à la retraite en faisant valoir que les ouvriers de l'Etat bénéficient des dispositions identiques aux fonctionnaires avec notamment un calcul de leur pension de retraite sur la base de leur rémunération des 6 derniers mois, et qu'ils bénéficient en outre du dispositif du « coup de chapeau » consistant dans l'attribution de l'échelon immédiatement supérieur à celui qu'ils occupent 6 mois avant leur départ à la retraite, ayant le même objet que la prime de départ à la retraite de sorte qu'ils ne sauraient prétendre, conformément aux dispositions de l'article L111-1 du code du travail, au bénéfice d'une prime de départ à la retraite. Toutefois, les pièces produites par l'établissement La Monnaie de Paris ne permettent pas d'établir que l'usage du coup de chapeau, permettant aux salariés de bénéficier d'une retraite supérieure, aurait le même objet que l'indemnité de départ à la retraite susceptible d'être versée par l'établissement avant la liquidation des droits à la retraite du salarié, alors qu'il résulte du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 27 octobre 2015 produit par l'employeur que l'avantage résultant du coup de chapeau représenterait une somme cinq fois supérieure au montant estimé de l'indemnité de départ à la retraite. Il sera enfin relevé qu'aucun élément n'a été produit pour démontrer que l'usage consistant dans l'octroi de promotions d'échelons tardives résulterait d'une disposition statutaire et que le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L1111-1 du code du travail est d'autant moins pertinent dans le cas d'espèce que M. S... n'a pas bénéficié de ce « coup de chapeau» dans les mois précédant son départ. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de M. S... » ;

1. ALORS QUE selon l'article L. 1211-1 du code du travail, le personnel salarié d'un établissement public industriel et commercial bénéficie des dispositions du livre II du code du travail, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ; qu'en l'espèce, les ouvriers d'Etat employés par l'EPIC La Monnaie de Paris relèvent du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat selon lequel la pension de retraite est calculée sur la rémunération des six derniers mois, et bénéficient, en complément, d'un dispositif « coup de chapeau » consistant à revaloriser leur échelon et partant leur rémunération six mois avant leur départ en retraite ; que ce dispositif « coup de chapeau » qui constitue, comme l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail, un complément de salaire lié au départ à la retraite a donc le même objet que cette indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant le contraire, au motif inopérant qu'ils s'agit de deux avantages différents, certes liés au départ à la retraite, mais pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, la cour d'appel a violé les articles L. 1211-1 et L. 1237-9 du code du travail ;

2. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en cas de concours de normes, les avantages qui ont le même objet ne se cumulent pas, seul le plus favorable d'entre eux pouvant être accordé, peu important que les deux avantages aient une nature différente et n'obéissent pas au même régime ; que l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail n'a pas pour objet de compenser un préjudice mais constitue un complément de rémunération attribué au salarié à l'occasion de son départ en retraite ; que le dispositif « coup de chapeau » dont bénéficient les ouvriers d'Etat de l'EPIC La Monnaie de Paris consiste à attribuer au salarié un échelon supérieur six mois avant son départ à la retraite, aux fins de majorer le montant de la rémunération prise en compte, dans le régime spécial de retraite des ouvriers d'Etat, pour déterminer le montant de la pension de retraite ; qu'il en résulte que ce dispositif « coup de chapeau » constitue également une gratification de fin de carrière et, partant, qu'il a le même objet que l'indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant néanmoins que l'indemnité de départ à la retraite et le dispositif « coup de chapeau » n'ont pas le même objet car il s'agit d'avantages différents pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les comparer pour déterminer lequel serait le plus avantageux, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

3. ALORS QU' en relevant que les salariés ayant déjà atteint le dernier échelon indiciaire ne bénéficient pas du « coup de chapeau », pour affirmer que le dispositif « coup de chapeau » n'a pas le même objet que l'indemnité légale de départ à la retraite et que ces deux avantages peuvent en conséquence se cumuler, cependant que les éventuelles différences quant aux conditions posées pour l'octroi d'un avantage ne modifient pas son objet et qu'en présence d'un concours de normes, le caractère plus favorable doit s'apprécier globalement pour l'ensemble des salariés, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

4. ALORS QUE l'accord du 16 décembre 2008 sur les classifications, rémunérations et évolutions professionnelles prévoit que ses dispositions se substituent de plein droit à toute disposition statutaire portant sur les mêmes thèmes et que les parties se réfèrent, pour tout ce qui ne fait pas l'objet de cet accord, aux dispositions législatives et réglementaires applicables au personnel ouvrier de l'Etat ; que s'il n'exclut pas le paiement d'une indemnité de départ à la retraite, il ne prévoit pas non plus que les dispositions du code du travail sur l'indemnité de départ à la retraite s'appliquent aux ouvriers d'Etat ; qu'en retenant encore, pour conforter sa décision, que cet accord collectif ne comporte aucune disposition relative à une indemnité de départ à la retraite, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1237-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19580;18-19644
Date de la décision : 20/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 16 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 nov. 2019, pourvoi n°18-19580;18-19644


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19580
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