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20/11/2019 | FRANCE | N°18-15696

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 novembre 2019, 18-15696


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 mars 2018), que M. R... a été engagé, à compter du 1er janvier 2010, en qualité de télé-enquêteur puis de superviseur par la société Inférence opérations (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage soumis à la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils, dite Syntec, du 15 décembre 1987 ; que par lettre du 13 octobre 2014, il a pris acte de la rupture de son contrat

de travail ; que le 28 octobre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale à l'e...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 2 mars 2018), que M. R... a été engagé, à compter du 1er janvier 2010, en qualité de télé-enquêteur puis de superviseur par la société Inférence opérations (la société) suivant plusieurs contrats à durée déterminée d'usage soumis à la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils, dite Syntec, du 15 décembre 1987 ; que par lettre du 13 octobre 2014, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail ; que le 28 octobre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale à l'effet d'obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet et le paiement de rappels de salaire et d'indemnités de rupture ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et de le condamner à une indemnité de requalification, alors, selon le moyen, que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois qui relèvent de ce secteur peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée successifs lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, sous réserve qu'il soit justifié de raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; que de telles raisons objectives peuvent résulter du caractère fluctuant de l'activité de l'employeur et, notamment, d'une variation importante de la quantité de travail et du nombre de salariés affectés simultanément à l'emploi concerné ; que la société, en l'espèce, offrait d'établir le caractère fluctuant de son activité en fournissant des éléments très précis sur la variabilité considérable, mois par mois et jour par jour, du nombre d'heures de travail et du nombre de salariés effectuant simultanément des tâches d'enquêteurs ; qu'en jugeant que la variabilité de l'activité d'institut de sondages était un élément insusceptible d'établir le caractère par nature temporaire de l'emploi, sans mieux rechercher si la société n'établissait pas le caractère particulièrement fluctuant de son activité et l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi d'enquêteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail, ensemble l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999 ;

Mais attendu qu'ayant, d'abord, énoncé à bon droit que si, dans le secteur d'activité de l'employeur, il existe un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, il incombe néanmoins à la société, dont l'activité d'enquêtes et de sondages correspond à l'activité permanente et qui a recruté le salarié pour effectuer les tâches inhérentes à cette activité, d'établir que les contrats à durée déterminée successifs conclus avec l'intéressé pendant une période de près de quatre années consécutives n'avaient pas pour fonction de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale, ensuite, relevé que le salarié, embauché en qualité d'enquêteur ou de chef d'équipe, avait toujours travaillé, sur une période de cinquante-huit mois quasi-consécutifs, pour effectuer des prestations identiques au service « terrain transport », selon un volume d'heures témoignant d'une certaine constance, enfin, constaté que la société employait un nombre très important d'enquêteurs vacataires sans démontrer que l'engagement du salarié répondait à des circonstances précises et concrètes telles que des pics d'activité auxquels des enquêteurs permanents n'auraient pas pu faire face, la cour d'appel, qui a pu retenir que ni les études générales réalisées sur l'évolution du métier d'enquêteur ou la définition des différents profils d'enquêteur, ni les données statistiques concernant la spécificité, la variabilité et l'imprévisibilité de l'activité d'instituts de sondage, ni le nombre d'heures d'enquêtes sur le site ou le terrain « transport », ni les délais de réalisation des enquêtes ne caractérisaient l'existence de raisons objectives justifiant le caractère par nature temporaire de l'emploi occupé par le salarié et déduire de ses constatations que cet emploi était en réalité durablement en lien avec l'activité normale et permanente de la société, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié un rappel de salaire alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant requalifié les relations contractuelles de la société Inférence et de M. R... en un contrat de travail à durée indéterminée devra s'étendre, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, à la condamnation de la société Inférence à payer à M. R... un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles entre deux contrats au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige ;

2°/ que la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs, à temps partiel ou à temps complet, en contrat à durée indéterminée, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaire pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il est resté à la disposition de l'employeur ; que la société Inférence faisait valoir que M. R... la tenait informée chaque vendredi de sa disponibilité ou non durant la semaine suivante, de telle sorte qu'il n'avait pas à se tenir à sa disposition durant les périodes non couvertes par un contrat de travail à durée déterminée ; que la cour d'appel, pour allouer un rappel de salaire à M. R... au titre des périodes interstitielles entre deux contrats à durée déterminée, s'est bornée à relever que durant les périodes travaillées, les horaires de travail étaient fixés le vendredi pour la semaine suivante de telle sorte que le salarié devait « se tenir à la disposition » de la société Inférence en permanence ; qu'en se fondant sur de tels motifs impuissants à justifier l'octroi d'un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 3123-14 du code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du code civil dans leur rédaction applicable en la cause ;

Mais attendu, d'abord, que le premier moyen ayant fait l'objet d'un rejet, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée ;

Attendu, ensuite, qu'ayant constaté qu'il résultait des attestations dont se prévalait l'employeur concernant les périodes non travaillées, que l'organisation mise en place imposait aux enquêteurs vacataires de contacter le service planning chaque vendredi pour communiquer leurs disponibilités sur la semaine suivante et qu'ils étaient ensuite informés des conditions de travail qui leur étaient proposées et relevé qu'en 2011 certains contrats ne comportaient aucune mention relative au temps de travail et qu'à compter de 2012, la preuve que des plannings avaient effectivement été annexés au contrat qui y renvoyait n'était pas rapportée, la cour d'appel, qui, par motifs propres et adoptés, a retenu que le salarié ne pouvait connaître que le vendredi à quel rythme il serait éventuellement amené à travailler la semaine suivante et en a déduit que l'intéressé était ainsi contraint de se tenir à la disposition permanente de l'employeur, y compris pendant les périodes interstitielles, a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte de la rupture par le salarié était justifiée et produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement des indemnités de rupture subséquentes, alors, selon le moyen :

1°/ que la cassation à intervenir de l'arrêt attaqué sur le premier ou le deuxième moyen de cassation devra s'étendre, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, au chef de l'arrêt ayant dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail était justifiée et produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse compte tenu du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces aspects du litige ;

2°/ que la mise en demeure préalable du débiteur de l'obligation procède de l'exigence de bonne foi et de loyauté du créancier face à la survenance d'une inexécution contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait droit à la demande de M. R... tendant à voir juger que la prise unilatérale d'acte par ce dernier de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans constater qu'une mise en demeure préalable ait été adressée par le salarié à l'employeur ; qu'en statuant ainsi, bien que le contrat de travail soit soumis aux règles de droit commun et aux exigences de bonne foi et de loyauté contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1222-1 et L. 1231-1 du code du travail, ensemble les articles 1135, 1139 et 1184 du code civil dans leur rédaction applicable, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement de l'employeur d'une gravité telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat de travail ; que pour dire que la prise d'acte de la rupture était justifiée en l'espèce la cour d'appel s'est bornée à rappeler qu'elle avait fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée d'usage en un contrat de travail à durée indéterminée, et qu'elle avait octroyé à M. R... un rappel de salaire à ce titre ; qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si les manquements de l'employeur étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

4°/ que la cour d'appel a constaté que M. R... travaillait auprès de la société Inférence dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage depuis le 1er janvier 2010 et qu'il n'avait formulé aucune réclamation pendant cinq ans jusqu'à sa prise d'acte de la rupture en date du 13 octobre 2014 ; qu'à supposer qu'elle ait considéré que la requalification des contrats à durée déterminée non successifs en un contrat de travail à durée indéterminée et le rappel de salaire accordé au titre des périodes interstitielles caractérisait un manquement de la société Inférence rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant dès lors la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel aurait méconnu les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

5°/ que la société Inférence faisait valoir, justificatifs à l'appui, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. R... n'avait eu lieu qu'à la suite d'une réunion au cours de laquelle avaient été évoquées des carences de sa part dans l'accomplissement de ses missions en cours, suivie d'un abandon de poste du salarié ; qu'en s'abstenant de rechercher si ce contexte, rapproché de l'absence de réclamation du salarié qui travaillait depuis cinq ans dans le cadre de contrats à durée déterminée non successifs, ne démontrait pas que les manquements prétendus de l'employeur ne rendaient pas impossible la poursuite du contrat de travail de telle sorte que la prise d'acte était injustifiée, la cour d'appel a privé derechef sa décision de base légale au regard des articles L. 1222-1, L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que le premier et le deuxième moyens ayant fait l'objet d'un rejet, le moyen tiré d'une cassation par voie de conséquence est sans portée ;

Attendu, ensuite, qu'il ne ressort ni de l'arrêt ni des écritures que la société ait invoqué devant les juges du fond une absence de mise en demeure préalable adressée par le salarié à son employeur ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel, qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a retenu que le non-respect des règles relatives aux contrats de travail à durée déterminée et du recours au temps partiel, sanctionné par la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et donc par le paiement d'un rappel de salaire d'un montant élevé constituait un manquement de l'employeur à ses obligations suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, a fait ressortir que ce manquement rendait impossible la poursuite du contrat de travail ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, est non fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Inférence opérations aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Inférence opérations à payer à M. R... la somme de 3 000 euros et rejette sa propre demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Inférence opérations

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié les contrats à durée déterminée d'usage liant Monsieur R... à la société INFERENCE en un contrat de travail à durée indéterminée, et d'AVOIR en conséquence condamné cette dernière à lui payer la somme de 1.461,10 € à titre d'indemnité de requalification, outre les frais irrépétibles et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE « sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée successifs [
] la convention collective Syntec précise dans son préambule, que l'activité des instituts de sondages présente un caractère très particulier justifiant trois statuts différents, le premier, celui de chargé d'enquête intégré à la convention, les deux autres, ceux de chargé d'enquête à garantie annuelle et d'enquêteurs vacataires qui sont définis dans l'annexe enquêteurs, accord du 16 octobre 1991. L'article préambule de l'annexe précise que : - les enquêteurs vacataires sont des enquêteurs occasionnels, dont l'emploi est par nature temporaire, dans les conditions définies par les articles L. 122-1 et D. 121-2 du code du travail (devenus L. 1242-1 et D. 1242-1). - les chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle dits "CEIGA", dont l'activité s'exerce dans le cadre du travail intermittent tel que défini aux articles L. 212-4-8 et suivants du code du travail. L'article 43 de l'annexe enquêteurs stipule que l'enquêteur vacataire est celui qui réalise des enquêtes par sondage à la vacation et précise que "par nature ces vacations comportent des prestations diverses effectuées à des périodes variables, en des lieux différents", et qu'elles "sont imprévisibles, temporaires et discontinues, donc précaires et aléatoires". Toutefois, il ne suffit pas qu'il existe un usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée dans le secteur d'activité de l'enquête ni même que l'emploi d'enquêteur vacataire soit qualifié de temporaire et discontinu par la convention collective pour que soit rapportée la preuve du caractère par nature temporaire de l'emploi qui doit résulter d'éléments concrets, constituant des raisons objectives justifiant le caractère par nature temporaire de l'emploi. S'il résulte des dispositions précitées que, dans le secteur d'activité de l'employeur, il existe un usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, il incombe néanmoins à la société Inférences Opérations, dont le secteur d'activité des enquêtes et sondages, correspond justement à son activité permanente, et qui a recruté le salarié pour effectuer les tâches inhérentes à cette activité, d'établir que les contrats à durée déterminée successifs pendant une période de près de quatre années consécutives dans le cadre desquels elle a embauché M. R... n'avaient pas pour fonction de pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale. En l'espèce, tous les contrats conclus entre les parties sur la période du 1er janvier 2010 au 13 octobre 2014, sont intitulés "contrat d'enquête à durée déterminée d'usage", et le salarié est toujours embauché en qualité d'enquêteur ou de chef d'équipe, indice 1.3.2 coefficient 230 de la convention collective Syntec. M. R... a toujours travaillé pour effectuer des prestations identiques, au service "terrain transport" et rapporte la preuve, par la production de courriels internes qui lui ont été adressés qu'il a occupé un poste de chef d'équipe, tel que cela ressort également de certains bulletins de paie à compter de l'année 2011. Ni les études générales réalisées sur l'évolution du métier d'enquêteur ou la définition des différents profils d'enquêteur, ni les données statistiques concernant la spécificité, la variabilité et l'imprévisibilité, au demeurant relatives, de l'activité d'instituts de sondage, ni le nombre d'heures d'enquêtes sur le site de Balma ou le terrain "transport", ni les délais de réalisations des enquêtes ou encore le recrutement de salariés en "CEIGA" ne caractérisent l'existence de raisons objectives justifiant le caractère par nature temporaire de l'emploi. Il résulte des éléments produits par la société BVA que l'activité d'enquête constitue une activité permanente de l'entreprise et qu'elle emploie un nombre très important d'enquêteurs vacataires sans démontrer que l'engagement de M. R... aux termes de contrats à durée déterminée successifs pendant plusieurs années répondait à des circonstances précises et concrètes, telles que des pics d'activité auxquels des enquêteurs permanents n'auraient pu faire face, constituant des raisons objectives justifiant le caractère par nature temporaire de l'emploi. Les bulletins de paye que le salarié verse aux débats établissent que M. R... a travaillé sur une période de 58 mois quasi-consécutifs et selon un volume d'heures témoignant d'une certaine constance. Il ne peut donc être considéré que l'emploi occupé par M. R... sur l'ensemble de cette période de cinquantehuit mois consécutifs correspondrait à des pics d'activité auxquels des enquêteurs permanents n'auraient pas pu faire face. En l'absence de raisons objectives justifiant le caractère temporaire de l'emploi occupé par M. R..., cet emploi était en réalité durablement en lien avec l'activité normale et permanente de la société Inférences Opérations. Le jugement entrepris sera confirmé sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et sur l'indemnité de requalification allouée sur le fondement des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSER ADOPTÉS, QUE « Le débat porte sur la nature temporaire ou pas de l'emploi confié à M. R.... L'ensemble des contrats désignent le poste d'enquêteur. Il est à noter que le bulletin de paie de janvier 2013 fait état d'une qualification de chef d'équipe qui ne correspond pas à celle d'enquêteur. L'emploi est désigné comme « enquêteur-chef d'équipe » ce qui paraît correspondre à deux métiers distincts. Il est enfin relevé que les copies de courriels, les tableaux de comptes-rendus, la documentation (« guide du recruteur »), démontrent que M. R... a assuré la tâche de chargé de recrutement ce qui ne correspond pas à la fonction de télé-enquêteur et constitue un manquement aux dispositions de l'article L.1242-12, 4°, le contrat de travail à durée déterminée devant comporter la désignation du poste, qui doit correspondre aux fonctions réelles du salarié. Il sera ajouté que M. R... a travaillé ainsi qu'il suit au regard des bulletins de paie : 2010: 953.38 heures (salaire brut : 9.580,05 €); 2011 : 985,08 heures (salaire brut : 10.243,79 €) ; 2012: 1.293,15 heures (salaire brut : 14.245,26 ;
€) ; 2013 : 867,70 heures (salaire brut : 9.918,25 €) ; 2014: 536,25 heures (salaire brut : 6.057,05 €). Il en résulte une constance de la prestation de M. R... au sein de l'entreprise pendant près de 4 années, avec certes des variations ponctuelles en volume horaire, mais qui ne peuvent venir contredire le caractère permanent de l'emploi confié à M. R... qu'il s'agisse de celui d'enquêteur ou de chargé de recrutement. De plus, les pièces produites par la société INFÉRENCE OPÉRATIONS tendant à démontrer une variabilité très importante de son activité, en référence au nombre d'heures payées aux enquêteurs téléphoniques sont insuffisantes à établir le caractère temporaire de l'activité exercée compte-tenu de la durée de la relation de travail qui ne peut que correspondre au volume d'activité minimum de la société INFÉRENCE OPÉRATIONS, lequel ne peut être assumé par le salarié ou les salariés en CEIGA, en l'absence de certitude sur le nombre de personnes employées sur le site de [...], et de précision quant à leurs dates d'embauche. Le conseil relève une contradiction à faire valoir que ces personnels n'ont pas travaillés à temps plein, alors que dans le même temps M. R... a travaillé avec constance au fil des années. Les documents statistiques établissent indiscutablement que la société INFÉRENCE OPÉRATIONS connaît un volume d'activité minimum constant. Il n'est donc pas justifié d'éléments concrets, constituant des raisons objectives justifiant du caractère par nature temporaire de l'emploi confié à M. R.... Ainsi le nombre et la durée cumulée des contrats établissent que M. R... a été engagé pour participer à l'activité permanente de l'entreprise. En application de l'article L.1245-1, tout contrat de travail manquant aux dispositions autorisant le recours au contrat de travail à durée déterminée, est réputé à durée indéterminée. L'ensemble des éléments précités conduit le conseil à requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2010, date d'engagement par la société INFÉRENCE OPERATIONS » ;

ALORS QUE dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois qui relèvent de ce secteur peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée successifs lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, sous réserve qu'il soit justifié de raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi ; que de telles raisons objectives peuvent résulter du caractère fluctuant de l'activité de l'employeur et, notamment, d'une variation importante de la quantité de travail et du nombre de salariés affectés simultanément à l'emploi concerné ; que la société INFERENCE, en l'espèce, offrait d'établir le caractère fluctuant de son activité en fournissant des éléments très précis sur la variabilité considérable, mois par mois et jour par jour, du nombre d'heures de travail et du nombre de salariés effectuant simultanément des tâches d'enquêteurs (ses conclusions, pages 8 à 14) ; qu'en jugeant que la variabilité de l'activité d'institut de sondages était un élément insusceptible d'établir le caractère par nature temporaire de l'emploi, sans mieux rechercher si la société INFERENCE n'établissait pas le caractère particulièrement fluctuant de son activité et l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi d'enquêteur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du Code du travail, ensemble l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la Directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société INFERENCE à payer à Monsieur R... la somme de 19.304,62 € à titre de rappel de salaire ;

AUX MOTIFS QUE « sur la requalification de la relation de travail à temps plein [
] la cour constate que - différentes trames de contrats de travail ont été utilisées sur la période concernée, - certains contrats, notamment ceux signés du début de la relation contractuelle et jusqu'en août 2011, ne comportaient aucune mention relative au temps de travail, que ce soit en durée journalière, hebdomadaire ou mensuelle, ni aucune précisions sur leur répartition. - à compter de 2012, un article 5 "Durée du travail" figure dans les contrats et mentionne "Les horaires de travail du salarié sont notifiés dans le planning annexé au présent contrat". L'article 3 sur la durée du contrat mentionne également qu'il est conclu pour une durée minimale d'une heure. Cependant la preuve que des plannings ont effectivement bien été annexés au contrat n'est pas rapportée. Faute de contenir les mentions relatives à la durée hebdomadaire ou mensuelle ni la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, le contrat de travail de M. R... est présumé conclu à temps complet et il incombe à la société Inférences Opérations d'établir non seulement la durée exacte de travail convenue initialement mais aussi de prouver que M. R... n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler. Cette preuve n'est rapportée pour aucune des périodes concernées par les contrats de travail. En effet, les attestations dont se prévaut l'employeur (M. T..., Mme G..., M. J..., M. N...)
concernant les périodes non travaillées, séparant chaque contrat, établissent tout plus que l'organisation mise en place imposait aux enquêteurs vacataires de contacter le service planning chaque vendredi pour communiquer leurs disponibilités sur la semaine suivante et qu'ils étaient ensuite informés des conditions de travail qui leur étaient proposées. M. R... ne pouvant donc connaître que le vendredi à quel rythme il serait éventuellement amené à travailler la semaine suivante était bien placé dans l'impossibilité de savoir à quel rythme il pourrait travailler et était ainsi contraint de se tenir à la disposition permanente de son employeur. La société Inférence opérations ne justifie pas avoir proposé à M. R... des missions qu'il aurait refusé et ne peut utilement arguer de ce qu'il n'a pas ou peu travaillé à certains périodes pour prétendre que cette situation serait de son fait. Le jugement entrepris sera confirmé sur la requalification à temps complet de l'ensemble de la relation de travail et sur le montant de l'indemnité de requalification. - sur le rappel de salaires : Il résulte des dispositions de l'article L.3245-1 du code du travail que l'action en paiement ou en représentation du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. M. R... ayant saisi la juridiction prud'homale le 28 octobre 2014, et la rupture de la relation de travail est intervenue le 13 octobre 2014. La prescription est donc opposable pour la période antérieure au 13 octobre 2011. Il vient d'être jugé que le contrat de travail était à temps complet. Sur la période non couverte par la prescription, le salarié est fondé à solliciter un rappel de salaire correspondant à un temps complet. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a retenu que le taux horaire moyen de rémunération de M. R... s'élevait à 9,64 euros correspondant à la moyenne du taux horaire sur la période pondérée par la durée de leur application sur l'ensemble de la période non-prescrite, faute pour le salarié d'apporter la preuve des périodes lors desquelles il a occupé les fonctions d'enquêteur ou de chef d'équipe, soit 1 461,10 euros mensuels. En revanche, le jugement sera infirmé sur le calcul de la somme globale que M. R... aurait dû percevoir sur l'ensemble de la période. Au regard de l'opposabilité de la prescription pour les mois antérieurs au 13 octobre 2011, la somme qu'il aurait dû théoriquement percevoir s'élève à 52.599,60 euros alors qu'il n'a perçu que 33.294,98 euros de sorte que la société Inférences opérations est redevable de la somme de 19.304,62 euros à titre de rappel de salaire et de celle de 1 930,46 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente » ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTÉS, QUE « Sur la requalification à temps complet Le principe est que le contrat de travail du salarié à temps partiel, qui doit être écrit, mentionne la qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif de travail conclu en application de l'article L.3122-2, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ; et les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification (article L.3123-14 du code du travail). Le défaut de mention de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois fait présumer que l'emploi est à temps complet, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, et d'autre part de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur. Les contrats ne comportent aucune répartition d'horaire. Ils renvoient à un planning « annexé au présent contrat ». Aucun planning n'est produit. En l'absence de toute répartition des horaires, la relation de travail est présumée à temps complet. Il appartient à l'employeur de renverser cette présomption, en démontrant que M. R... ne se tenait pas à la disposition permanente de son employeur et qu'il pouvait prévoir son rythme de travail dans des conditions qui ne le conduisait pas à se tenir à disposition permanente de l'employeur. A cet égard, la société INFERENCE OPÉRATIONS soutient que les plannings ont été établis sur les indications du salarié qui pouvait toujours refuser les missions qui lui étaient confiées.
Cependant, l'organisation que décrit la société INFERENCE OPERATIONS qui prétend respecter les desiderata de ses salariés en termes de plannings, contredit son argumentation relative à la nécessité de recruter dans l'urgence des enquêteurs pour assurer ses enquêtes et faire face à une demande imprévisible, alors qu'elle insiste sur le fait que l'activité de comptage et de transport nécessite occasionnellement et pour des besoins immédiats de certaines enquêtes l'intervention rapide et temporaire de nombreux enquêteurs. L'attestation de Mme G... ne concerne pas précisément M. R.... Il apparaît en toute hypothèse que les plannings ont été remis le vendredi soir pour la semaine suivante, ce qui suffit à établir que le salarié était placé dans l'impossibilité de savoir à quel rythme il devait travailler et qu'il devait donc se tenir à la disposition permanente de l'employeur. La relation de travail doit donc être requalifiée à temps complet. Sur le rappel de salaire La société INFÉRENCE OPÉRATIONS est fondée à faire valoir la prescription de la demande indemnitaire pour la période antérieure au 13 octobre 2011. L'argumentation de la société INFÉRENCE OPÉRATIONS relative aux périodes inter-contrats doit être écartée puisque la relation de travail est requalifiée dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée et qu'il a été vu que M. R... devait se tenir constamment à disposition de l'employeur, y compris pendant les périodes interstitielles, ce que démontre au demeurant l'absence de tout autre emploi durant ces périodes. M. R... se fonde sur un salaire horaire moyen brut de 10,91 €. L'employeur fait valoir des taux horaires ayant varié 9 € à 9,93 €, celui de 10,91 € correspondant au salaire de chef d'équipe. Le salarié ne précise pas les périodes durant lesquelles il a travaillé comme enquêteur puis comme chargé de recrutement. Une moyenne sera dégagée des différents taux horaires pondérée par la durée de leur application sur l'ensemble de la période non prescrite. On aboutit ainsi à un taux moyen sur la période non prescrite de 9,64 € de l'heure, soit 1.461,10 € par mois. Ainsi sur la période considérée, M. R... peut prétendre à une somme globale de 54.120,70 €. Il n'y a pas lieu à déduction des congés payés en application de l'article L.1242-16 d'un dixième de la rémunération totale brute perçue par le salarié pendant la durée de son contrat, dès lors que le régime des congés applicable dans l'entreprise ne lui permet pas de les prendre effectivement. L'examen des bulletins de paie fait apparaître un salaire brut cumulé de 33.294,98 € sur la période considérée. Il subsiste un solde en faveur de M. R... de 54.120,70 € 33.294,98 €= 20.825,72 €. Le rappel de salaire sera fixé à cette somme avec l'indemnité de congés payés afférente de 277,18 €, le conseil étant lié par la demande, outre l'indemnité de requalification d'un mois (1.461,10 €), une seule indemnité pouvant être allouée. La société INFÉRENCE OPÉRATIONS sera condamnée au paiement de ces sommes » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la cassation à intervenir du chef de l'arrêt ayant requalifié les relations contractuelles de la société INFERENCE et de Monsieur R... en un contrat de travail à durée indéterminée devra s'étendre, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile, à la condamnation de la société INFERENCE à payer à Monsieur R... un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles entre deux contrats au regard du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces deux aspects du litige ;

ALORS, D'AUTRE PART ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; que réciproquement, la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; qu'en cas de requalification de contrats à durée déterminée successifs, à temps partiel ou à temps complet, en contrat à durée indéterminée, le salarié ne peut obtenir de rappel de salaire pour les périodes interstitielles qu'à la condition de prouver qu'il est resté à la disposition de l'employeur ; que la société INFERENCE faisait valoir que Monsieur R... la tenait informée chaque vendredi de sa disponibilité ou non durant la semaine suivante, de telle sorte qu'il n'avait pas à se tenir à sa disposition durant les périodes non couvertes par un contrat de travail à durée déterminée ; que la cour d'appel, pour allouer un rappel de salaire à Monsieur R... au titre des périodes interstitielles entre deux contrats à durée déterminée, s'est bornée à relever que durant les périodes travaillées, les horaires de travail étaient fixés le vendredi pour la semaine suivante de telle sorte que le salarié devait « se tenir à la disposition » de la société INFERENCE en permanence ; qu'en se fondant sur de tels motifs impuissants à justifier l'octroi d'un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées séparant chaque contrat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1245-1 et L. 3123-14 du Code du travail, ensemble les articles 1134 et 1315 du Code civil dans leur rédaction applicable en la cause.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la prise d'acte de la rupture par Monsieur R... était justifiée et produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société INFERENCE à lui payer les sommes de 2.922,20 € à titre d'indemnité de préavis, 292,22 € au titre des congés payés y afférents, 1.765,50 € à titre d'indemnité de licenciement et 11.688,80 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre les frais irrépétibles et les dépens ;

AUX MOTIFS QUE « sur la rupture de la relation de travail : Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse soit d'une démission selon que les manquements invoqués à l'appui de la prise d'acte sont avérés et suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail. En l'espèce, le courrier de M. R... en date du 13 octobre 2014, dont le jugement entrepris reproduit le contenu, formule un grief principal qui est l'absence de régularisation de sa situation contractuelle en contrat à durée indéterminée alors qu'il occupait des fonctions pérennes dans l'entreprise. Il ressort de la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée que la matérialité du grief reproché à l'appui de la prise d'acte est établie. Le non-respect des règles relatives aux contrats de travail à durée déterminée et du recours au temps partiel, sanctionné par la requalification en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet et donc par le paiement d'un rappel de salaire d'un montant élevé constitue un manquement de l'employeur à ses obligations suffisamment sérieux pour justifier la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur. La prise d'acte de M. R... produit donc les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef ainsi que sur les montants de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents. Compte tenu de son ancienneté, M. R... est fondé à solliciter en application de l'article L.1234-1 du code du travail -a une indemnité de préavis de deux mois outre l'indemnité de congés payés afférente, (1461,10 x 2) soit 2.922,20 euros et 292,22 euros de congés payés afférents. En application de l'article 19 de la convention collective nationale dite "Syntec", il est également fondé à solliciter une indemnité de licenciement équivalent à 0.25 mois par année de présence pour une ancienneté comprise entre deux et vingt ans soit 1 765,50 euros. En application des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, M. R... est fondé à solliciter du fait de son licenciement abusif une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Compte tenu de l'ancienneté de M. R... dans l'entreprise au moment de la rupture du contrat, du montant du salaire mensuel brut perçu et de l'absence de tout élément probant justifiant une somme d'un montant supérieur, la cour lui alloue la somme de 8 766,60 euros, équivalente à six mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse." ;

ET AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, EN LES SUPPOSANT ADOPTÉS, QUE « Sur la rupture et ses conséquences Il est de principe que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués le justifiaient, soit, dans le cadre contraire, d'une démission. Il appartient donc à M. R... de prouver les griefs qu'il allègue à l'encontre de la société INFÉRENCE OPÉRATIONS, qui doivent présenter un caractère de gravité suffisant pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Sa correspondance du 13 octobre 2014 imputant la rupture de la relation de travail à son employeur fait état des griefs suivants : «[...j Je reviens vers vous suite aux deux mails que vous m'avez adressés le 3 octobre 2014, et dont le contenu n'a pas manqué de me surprendre. Vous considérez que j'ai abandonné mon poste de travail le 2 octobre 2014, à 10H10, ce que je conteste vivement. Je vous rappelle que j'étais à ce moment-là sans contrat de travail et ce depuis le 30 septembre 2014.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je vous ai demandé, comme je vous le demande depuis fort longtemps de mettre en adéquation mon statut contractuel avec les fonctions que j'occupe réellement au sein de votre société. Vous savez pertinemment que compte-tenu de mon ancienneté et de la nature des missions qui m'incombent, je souhaite bénéficier d'un contrat à durée indéterminée et à temps complet. En dépit de mes sollicitations réitérées, vous n'avez jamais daigné me formuler la moindre proposition en ce sens. Vous n'ignorez pas la situation de précarité dans laquelle me place cette succession de CDD illégaux que je subis depuis de nombreuses années. Je suis dans ces conditions contraint, compte-tenu du défaut de toute proposition concrète de votre part, de considérer qu'en ne respectant pas les dispositions légales applicables, vous ne respectez pas les droits du salarié que je suis. Je considère ce faisant que vous vous rendez responsable de la rupture de la relation de travail qui nous lie. J'ai d'ailleurs chargé mon avocat, la SCP DARRIBERE, de saisir le conseil de prud'hommes de TOULOUSE avant même la réception de votre courrier ». Il est certain que la lettre présente des similitudes avec celle d'une autre salariée de l'entreprise qui importent peu en définitive, les intéressés ayant le même conseil qui s'en est expliqué à l'audience, les situations étant de toutes façons distinctes. Il est produit un contrat de travail non signé du 1er octobre 2014. Cependant M. R... ne donne aucune explication à sa présence dans l'entreprise le 2 octobre 2014 qu'il ne conteste d'ailleurs pas. Les attestations produites (pièces 3 et 4 de la société INFÉRENCE OPÉRATIONS) démontrent que M. R... a quitté l'entreprise le 2 octobre 2014 et était donc engagé dans un nouveau contrat, bien qu'il le conteste. Le conseil doit toutefois, puisqu'aucune conséquence disciplinaire n'a été tirée de ce que l'employeur considère être un abandon de poste, examiner les griefs, le principal étant celui de l'usage irrégulier pendant plusieurs années de contrats à durée déterminée. Il n'est pas justifié par M. R... de demandes antérieures d'accéder à un contrat de travail à durée indéterminée, même si l'on peut supposer que le salarié était en attente de ce contrat, son emploi auprès de la société INFER ENCE OPER A l'IONS constituant sa seule source de revenus. En toute hypothèse, M. R... a travaillé pendant 4 ans dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée correspondant à l'activité permanente de l'entreprise, et a été rémunéré à temps partiel alors qu'il s'est tenu à la disposition permanente de son employeur et pouvait ainsi prétendre à une rémunération à temps complet. Certes, la relation de travail s'est poursuivie pendant plusieurs années. Cependant, on ne peut pas en déduire une acceptation par le salarié de sa situation professionnelle, d'autant qu'il est dépendant de la fourniture de CDD par l'employeur. Il en résulte un manquement suffisamment grave de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail, de nature à en empêcher la poursuite, même après une durée de cinq ans, et justifiant que la rupture soit imputable à ses torts exclusifs, produisant ainsi les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. M. R... peut prétendre à l'indemnité de préavis de 2.922,20 € et 292,22 € de congés payés afférents. L'indemnité de licenciement sera fixée à la somme de 1.765,50 € en application de la convention collective prévoyant 0,25 mois par année d'ancienneté. M. R... est en droit de prétendre à l'indemnité prévue à l'article L.1235-3 du Code du travail, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Au regard de son ancienneté (4 ans et 10 mois), de l'absence d'un retour à l'emploi mais aussi de l'absence d'indemnisation au titre du revenu de remplacement, il lui sera alloué une indemnité de l'ordre de 8 mois de salaire, soit 11.688,80 €. S'agissant des heures supplémentaires, l'employeur indique que 33 heures réalisées entre le 25 et le 31 août 2014 ont été rémunérées en septembre 2014. C'est ce qui résulte de l'attestation Pôle emploi. Or, si le bulletin de paie de septembre indique que 182,50 heures ont été effectuées, l'annexe ne mentionne pas les heures reportées du mois d'août sur le mois de septembre. Dans ces conditions, et au regard du bulletin de paie, en l'absence de précision sur les heures reportées le mois suivant, la somme de 83,86 € au titre de la majoration des heures supplémentaires sera accueillie. En revanche, la demande au titre du travail dissimulé ne peut pas prospérer en l'absence d'intention avérée de l'employeur d'indiquer un nombre d'heures erronées. Les heures effectuées en fin de mois peuvent être reportées mais à condition d'être identifiées en tant que telles sur le bulletin de paie du mois suivant pour éviter toute fraude » ;

1°/ ALORS, TOUT D'ABORD, QUE la cassation à intervenir de l'arrêt attaqué sur le premier ou le deuxième moyen de cassation devra s'étendre, conformément à l'article 624 du Code de procédure civile, au chef de l'arrêt ayant dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail était justifiée et produisait les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse compte tenu du lien de dépendance nécessaire qui existe entre ces aspects du litige ;

2°/ ALORS QUE la mise en demeure préalable du débiteur de l'obligation procède de l'exigence de bonne foi et de loyauté du créancier face à la survenance d'une inexécution contractuelle ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a fait droit à la demande de Monsieur R... tendant à voir juger que la prise unilatérale d'acte par ce dernier de la rupture de son contrat de travail devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans constater qu'une mise en demeure préalable ait été adressée par le salarié à l'employeur ; qu'en statuant ainsi, bien que le contrat de travail soit soumis aux règles de droit commun et aux exigences de bonne foi et de loyauté contractuelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L.1222-1 et L.1231-1 du Code du travail, ensemble les articles 1135, 1139 et 1184 du Code civil dans leur rédaction applicable, antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

3°/ ALORS, ENSUITE ET SUBSIDIAIREMENT, QUE la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement de l'employeur d'une gravité telle qu'elle rend impossible la poursuite du contrat de travail ; que pour dire que la prise d'acte de la rupture était justifiée en l'espèce la cour d'appel s'est bornée à rappeler qu'elle avait fait droit à la demande de requalification des contrats à durée déterminée d'usage en un contrat de travail à durée indéterminée, et qu'elle avait octroyé à Monsieur R... un rappel de salaire à ce titre ; qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si les manquements de l'employeur étaient d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;

4°/ ALORS, DE TROISIÈME PART, QUE la cour d'appel a constaté que Monsieur R... travaillait auprès de la société INFERENCE dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage depuis le 1er janvier 2010 et qu'il n'avait formulé aucune réclamation pendant cinq ans jusqu'à sa prise d'acte de la rupture en date du 13 octobre 2014 ; qu'à supposer qu'elle ait considéré que la requalification des contrats à durée déterminée non successifs en un contrat de travail à durée indéterminée et le rappel de salaire accordé au titre des périodes interstitielles caractérisait un manquement de la société INFERENCE rendant impossible la poursuite du contrat de travail et justifiant dès lors la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel aurait méconnu les conséquences légales de ses constatations au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail. ;

5°/ ALORS, ENFIN ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la société INFERENCE faisait valoir (ses conclusions, pages 2 etamp; pages 35 à 38), justificatifs à l'appui, que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur R... n'avait eu lieu qu'à la suite d'une réunion au cours de laquelle avaient été évoquées des carences de sa part dans l'accomplissement de ses missions en cours, suivie d'un abandon de poste du salarié ; qu'en s'abstenant de rechercher si ce contexte, rapproché de l'absence de réclamation du salarié qui travaillait depuis cinq ans dans le cadre de contrats à durée déterminée non successifs, ne démontrait pas que les manquements prétendus de l'employeur ne rendaient pas impossible la poursuite du contrat de travail de telle sorte que la prise d'acte était injustifiée, la cour d'appel a privé derechef sa décision de base légale au regard des articles L.1222-1, L. 1231-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-15696
Date de la décision : 20/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 02 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 nov. 2019, pourvoi n°18-15696


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.15696
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