LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 3 octobre 2017), que la Société de distribution martiniquaise (la société Sodimar) exerce une activité de commerce de gros dans le département de la Martinique et a acquitté, de 2008 à 2011, l'octroi de mer et l'octroi de mer régional sur divers produits ; qu'estimant ces impositions contraires aux droits garantis par la Constitution et au principe d'interdiction des taxes d'effet équivalent à des droits de douanes susceptibles de nuire à la libre circulation des marchandises énoncé par les articles 23, 25 et 90 du traité sur la Communauté européenne, la société Sodimar en a, par lettre du 17 octobre 2011, demandé le remboursement au directeur régional des douanes ; qu'en l'absence de réponse de ce dernier, la société Sodimar l'a assigné en restitution de ces impositions et en paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Sodimar fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne et de restitution alors, selon le moyen :
1°/ que les articles 1, 2, 4 à 7, 28, 29 et 37 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 sont contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus spécifiquement, aux principes d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques, en ce que le système d'octroi de mer qu'ils instaurent est marqué par des inégalités de traitement entre,
d'une part, produits métropolitains et produits locaux, d'autre part, services et livraisons, de troisième part, producteurs locaux réalisant plus ou moins 550 000 euros de chiffre d'affaires, de quatrième part, producteurs locaux de biens meubles et producteurs locaux de biens considérés comme immeubles, de cinquième part, opérateurs économiques important, ou non, des produits visés sur la liste des exonérations ; que la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel, à la suite du renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de fondement légal et entraînera en conséquence son annulation, pour perte de fondement juridique ;
2°/ que la décision 2004/162/CE a autorisé le système du différentiel de taux, dans l'idée qu'une stricte concordance devait exister, pour chaque produit, entre les surcoûts supportés par les producteurs ultramarins et l'exonération liée au différentiel de taxation ; que le juge appelé à statuer sur une demande de restitution d'octroi de mer ne peut se borner à se référer à la décision d'autorisation 2004/162/CE en faisant abstraction de cette exigence, et donc sans vérifier si les différentiels de taxation ont été mis en oeuvre, au plan national, conformément à cette exigence de proportionnalité stricte ; qu'au cas présent, pour écarter le moyen de la Sodimar tendant à constater que, ni en amont, au stade de la loi, ni en aval, notamment lors de l'établissement du rapport d'évaluation que devait produire l'Etat en 2008, la France n'avait été en mesure d'établir qu'elle remplissait l'exigence précitée, la cour d'appel a affirmé que « [l]'adaptation des compensations aux besoins et handicaps des territoires ultrapériphériques est (
) garantie de façon individualisée conformément aux objectifs poursuivis » et que « le régime de l'octroi de mer est conforme aux règles du droit communautaire » ; qu'en renvoyant ainsi à la simple circonstance que la structure générale de la loi, avec une répartition de produits définis par renvoi à la nomenclature douanière en trois catégories (A, B et C), était identique à celle prévue par la décision du Conseil, la cour d'appel, qui a dispensé la France de tout travail de mise en oeuvre fine de l'exigence de proportionnalité, ainsi que de toute justification quant à la pertinence du maintien de tel ou tel produit dans les catégories prédéfinies, a violé les articles 1, 2, 7, 28 et 37 de la loi n° 2004-639, l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2004/162/CE, ensemble les articles 23, 25, et 299 § 2 du Traité CE, et les principes de proportionnalité et de nécessité ;
3°/ que, lorsque le juge est invité à interpréter une loi nationale conformément au droit de l'Union européenne, pour le cas échéant la laisser inappliquée, il appartient à l'Etat se prévalant d'une autorisation communautaire d'adopter le système de taxation mis en oeuvre par la loi en discussion d'apporter la preuve de ce qu'il vérifie les exigences posées par la décision d'autorisation ; que, s'agissant de l'octroi de mer, il incombait ainsi à l'Etat de prouver, pour chaque produit local, l'importance des surcoûts de production résultant des handicaps de l'ultrapériphéricité, ainsi que l'équivalence stricte entre ces surcoûts et le différentiel de taxation accordé ; qu'au cas présent, en affirmant que « [l]'adaptation des compensations aux besoins et handicaps des territoires ultrapériphériques est (
) garantie de façon individualisée », sans rechercher si l'administration des douanes apportait la preuve de la stricte correspondance entre les surcoûts supportés par chaque produit local et le différentiel de taux dont bénéficiait ce produit, la cour d'appel, qui ne s'est pas mise en position d'examiner si l'autorisation de l'octroi de mer était vérifiée, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 1, 2, 7, 28 et 37 de la loi n° 2004-639 et de l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2004/162/CE, interprétées à la lumière des principes de nécessité et de proportionnalité ;
4°/ qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dispensé l'Etat de la charge de la preuve qui pesait sur lui, violant ainsi les principes régissant la charge de la preuve ;
5°/ que, en exonérant toute entreprise locale dont le chiffre d'affaires, réalisé sur l'activité de production de biens meubles corporels, est inférieur à 550 000 euros et en permettant la fixation d'un taux zéro pour les producteurs locaux de biens meubles corporels figurant sur les listes A, B et C autorisant des différentiels de taxation, la loi 2004-639 du 2 juillet 2004, lue dans le contexte économique des DOM, a reconduit en substance le système ancien, condamné par la Cour de justice de l'Union européenne, d'exonération pure et simple de la quasi-totalité des producteurs domiens ; qu'au cas présent, la cour d'appel de Fort-de-France a retenu que, dès lors que la loi nouvelle, du 2 juillet 2004, avait été adoptée au visa d'une décision européenne dont elle reprenait en substance la structure, ladite loi serait nécessairement conforme au droit de l'Union européenne ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette loi conduisait en pratique à une exonération de l'essentiel des producteurs locaux, exonération précisément condamnée par la Cour de Luxembourg dans ses arrêts de principe Legros et Lancry, la cour d'appel, qui aurait dû laisser inappliquée cette loi, a violé les articles 23, 25, 299 § 2 du Traité CE, ensemble les principes de prééminence et d'effectivité du droit communautaire, et les principes de nécessité et de proportionnalité ;
6°/ que l'autorisation donnée à la France par la décision 2004/162/CE d'instaurer des différentiels d'octroi de mer aux produits figurant dans les listes A, B et C, doit être lue comme imposant un strict rapport de proportionnalité entre les différences de taxation et les surcoûts liés à l'ultrapériphéricité ; que la France était ainsi appelée à justifier périodiquement du maintien de ce rapport de proportionnalité; que la loi 2004-639,en exonérant les entreprises réalisant moins de 550 000 euros de chiffre d'affaires, sur la production de biens meubles corporels, a exonéré l'essentiel des opérateurs économiques locaux, lesquels ne sont pas enregistrés auprès de l'administration des douanes, de sorte que les données récoltées par l'administration centrale française, pour justifier du maintien du rapport de proportionnalité précité, n'ont porté que sur une fraction du tissu économique ; qu'en retenant que la loi 2004-639 , aux effets prévisibles ainsi décrits, pourrait servir de base à la taxation contestée par la Sodimar, la cour d'appel, qui a validé un système aveugle de produire la moindre justification, a violé les articles 23, 25 et 299 § 2 du Traité CE, ensemble les principes de prééminence et d'effectivité du droit communautaire, les principes de nécessité, de proportionnalité et de transparence, ensemble la décision 2004/162/ CE ;
7° / que, à supposer qu'il soit considéré que les vices dénoncés par les branches 5 et 6 soient inhérents à la décision 2004/162/CE et non propres à la loi, il est demandé de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle en appréciation de validité de cette décision ; qu'il est ainsi proposé de demander à la Cour de Luxembourg si cette décision, en ce qu'elle aboutit à une exonération des producteurs locaux, et à une impossibilité de vérifier l'adéquation entre l'exonération de fait concédée et les nécessités locales, donc du respect des principes, n'est pas contraire aux articles 23, 25, 299 § 2 du Traité CE, ensemble les principes précités ; que lorsque la Cour de justice de l'Union européenne aura déclaré cette décision invalide, la Cour de cassation constatera l'annulation de l'arrêt attaqué, pour perte de fondement juridique ;
8°/ que le système d'octroi de mer autorisé permet un différentiel de taxation de 5 %, aux fins d'exonération, des biens ne figurant pas à l'annexe de la décision 2004/162/CE, produits par des opérateurs locaux dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550 000 euros ; que la seule justification affichée à cette « prime » aux producteurs locaux est un « souci de cohérence » ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que cet élément du système de l'octroi de mer n'était pas source d'invalidité dès lors que l'exception prévue « pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 550 000 euros (
) tient compte des réalités locales » ; qu'en statuant ainsi, sans justifier l'avantage ainsi institué au regard du seul critère pertinent, qui n'est pas le « souci de cohérence », ni « les réalités locales » non autrement décrites, mais l'exigence, posée par le 4e alinéa de l'article 299 § 2, d'un lien de rattachement de la mesure spécifique envisagée avec des caractéristiques et contraintes particulières de la région ultrapériphérique en cause, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 23 CE, 25 CE et 299, paragraphe 2, 4e alinéa 4, CE ;
9°/ que, à supposer que le vice précité soit inhérent à la décision 2004/162/CE, il est suggéré de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle en appréciation de validité de l'article 1er, § 4, de cette décision, de sorte que, lorsque la Cour de Luxembourg aura invalidé ce texte, la Cour de cassation constatera l'annulation de l'arrêt attaqué, par perte de fondement juridique ;
Mais attendu, en premier lieu, que le Conseil constitutionnel ayant, par une décision n° 2018-750/751 QPC du 7 décembre 2018, déclaré conforme à la Constitution les dispositions critiquées de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004, le moyen, pris en sa première branche, est sans portée ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir rappelé que la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004, mettant en oeuvre la décision du Conseil n° 2004/162/CE du 10 février 2004 relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'Outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE du 22 décembre 1988, assujettissait à cette imposition tant les produits locaux que les produits importés et que les exonérations concernant ces produits n'étaient ni générales ni systématiques, l'arrêt relève que la Cour de justice des Communautés européennes a jugé, dans son arrêt du 19 février 1998 (Chevassus-Marche, C-212/96), confirmé par son arrêt du 30 avril suivant (Sté Sodiprem, C-37/96), que la décision précitée du Conseil 89/688/CEE, en ce qu'elle autorisait un système d'exonération de l'octroi de mer assorti de conditions strictes, ne faisait apparaître aucun élément de nature à en affecter la validité dès lors que ces exonérations avaient été précisément déterminées, qu'elles étaient nécessaires et proportionnelles et qu'elles devaient contribuer à la promotion ou au maintien d'une activité économique ou sociale de chaque département d'Outre-mer ; qu'il constate que le nouveau régime résultant de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 respecte ces prescriptions, dans la mesure où le mécanisme d'exonérations résultant de l'application de taux de taxation maxima différenciés par rapport aux produits similaires taxés à taux plein est déterminé par référence à une classification des produits en trois catégories (A, B, C) ; qu'il constate encore qu'une exception est apportée à ce système de taxation au profit des entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 550 000 euros, qui sont exonérées pour tenir compte des réalités locales, puis précise que ces mesures assurent le respect du principe de proportionnalité entre les produits taxés et les produits exonérés totalement ou partiellement ; qu'il relève ensuite que si le gouvernement de la République française n'a pas soumis à la Commission européenne, dans le délai imparti, le rapport qui lui était demandé pour vérifier l'incidence des mesures prises et leur contribution à la promotion et au maintien des activités économiques locales pour compenser les handicaps dont souffrent les régions ultrapériphériques, la Commission, en dépit de certaines carences du rapport remis, ultérieurement complété, a estimé que, sans l'existence de cette taxation différenciée, dans bien des cas, l'activité locale de production n'aurait pu se maintenir, de sorte qu'il n'y avait pas lieu de la remettre en cause, sauf à l'adapter pour certains produits, adaptations faites par le Conseil dans sa décision du 19 juillet 2011 ; qu'il ajoute que, pour reconduire son autorisation du régime de l'octroi de mer pour une liste révisée de produits dans sa décision n° 940/2014/UE du 17 décembre 2014, le Conseil a retenu qu'il avait été justifié de l'existence d'une production locale, de l'importation significative de biens pouvant compromettre le maintien de cette production et enfin de l'existence de surcoûts renchérissant les prix de revient de cette production par rapport aux produits venant de l'extérieur et compromettant la compétitivité des produits locaux ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve ni avoir à rechercher, produit par produit, la stricte concordance entre les surcoûts résultant de leur production locale et le différentiel de taux appliqué aux produits importés, a retenu exactement que l'octroi de mer était conforme aux exigences de nécessité et de proportionnalité fondant l'autorisation accordée par la décision du Conseil n° 2004/162/CE du 22 février 2004 et, par suite, que le régime institué par la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 n'instaurait pas une taxe d'effet équivalent à un droit de douane prohibée par les articles 23 et 25 du traité sur la Communauté européenne ou discriminatoire ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'en l'absence de doute raisonnable quant à la validité de la décision du Conseil n° 2004/162/CE du 10 février 2004 relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'Outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE du 22 décembre 1988, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société de distribution martiniquaise aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer au directeur général des douanes et droits indirects et à la direction régionale des douanes et droits indirects de Fort-de-France la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la Société de distribution martiniquaise (Sodimar).
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne présentée par la Sodimar, et d'avoir confirmé le jugement déféré sur le fond en ce qu'il avait débouté la Sodimar de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Aux motifs propres que « la demande de la Sodimar porte sur le remboursement des sommes qu'elle a acquittées auprès de l'administration des douanes au cours des années 2008 à 2011 au titre des taxes dénommées octroi de mer et octroi de mer régional ; que le régime de ces taxes résultait de la loi 2004-639 du 2 juillet 2004, alors modifiée uniquement en son article 9 par la loi du 30 décembre 2008, et mettant en oeuvre la décision du Conseil 2004/162/CE du 10 février 2004 ; que l'appelante critique l'absence de décision positive de l'administration à sa réclamation et conteste la prescription partielle qui lui est opposée ; que sur le fond, elle invoque, à l'appui de sa demande, l'illicéité de la taxe au regard du droit de l'Union européenne, du droit interne et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; (
) sur le fond : 1. sur la conformité des octrois de mer au droit communautaire, l'octroi de mer est une taxe circonscrite aux régions de Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane [et] de La Réunion, portant sur les importations de marchandises et la fabrication de produits sur ces territoires (article 1er de la loi du 2 juillet 2004), pouvant faire l'objet d'exonérations ou réductions au profit de certaines productions locales (articles 4 à 8 de la loi) ; qu'en cela, elle contrevient aussi bien au principe de prohibition des taxes d'effet équivalent à des droits de douane susceptibles de nuire à la libre circulation des marchandises qu'à celui de l'interdiction des impositions discriminatoires ou protectionnistes posées par les articles 23, 25 et 90 du traité instituant la Communauté européenne (traité CE) alors en vigueur ; qu'elle trouve cependant son fondement dans les dispositions dérogatoires de l'article 299 § 2 de ce traité selon lesquelles "
compte tenu de la situation économique et sociale structurelle des départements français d'outre-mer
qui est aggravée par leur éloignement, l'insularité, leur faible superficie, le relief et le climat difficiles, leur dépendance économique vis-à-vis d'un petit nombre de produits, facteurs dont la permanence et la combinaison nuisent gravement à leur développement, le Conseil
arrête des mesures spécifiques visant, en particulier, à fixer les conditions de l'application du présent traité à ces régions
" ; que le traité lui-même permet donc un traitement différencié des territoires ultrapériphériques de la Communauté qui ne constitue aucune discontinuité territoriale illégitime, comme le dénonce à tort l'appelante ; que la loi du 2 juillet 2004 fait suite et met en oeuvre la décision du Conseil 2004/162/CE du 10 février 2004 "relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE [pour une durée de dix années]" ; que, ce faisant, le Conseil, dont la régularité de la décision n'est pas critiquée par l'appelante, a pleinement exercé les attributions qui lui sont directement attribuées par le traité ; que le régime qui en est issu ne peut être assimilé à une taxe d'effet équivalent dès lors que les produits locaux y sont désormais également assujettis suivant ce qu'avait décidé la Cour de justice des [C]ommunautés européennes (arrêts CJCE 16 juillet 1992 Legros et 9 août 1994 Lancry) ; que l'exclusion totale des services du champ d'application de la taxe n'est quant à elle pas de nature à en affecter la validité, s'agissant d'activités parfaitement distinctes ; que ces deux éléments conjugués contribu[e]nt à dissiper la situation de distorsion de concurrence entre opérateurs que dénonce l'appelante ; qu'en outre, s'agissant d'un impôt, il profite naturellement à une collectivité publique ; qu'il n'est donc en soi nullement contradictoire avec son objet, qui tend à la résorption des handicaps structurels des régions ultrapériphériques, qu'elle représente aussi une part importante des ressources de leurs administrations locales ; que, dans sa décision 2004/162/CE, le Conseil admet sans équivoque cette donnée en arrêtant les mesures nécessaires à l'application de sa décision, "compte tenu notamment de leur incidence budgétaire potentielle importante pour les bénéficiaires des recettes provenant de l'octroi de mer" ; que le principe de la taxe est donc en lui-même exempt de grief au regard du droit communautaire ; que c'est en fait le jeu des exonérations, qui constitue la substance du système et doit assurer la protection permise par l'article 299 du traité, et qui est susceptible de porter atteinte aux règles communautaires s'il dévie de l'objectif qui lui est assigné ; que le dispositif antérieur à cette loi avait été validé par un arrêt de la Cour de justice des [C]ommunautés européennes du 19 février 1988 Chevassus-Marche ; que la Cour y juge que la décision du Conseil 89/688/CEE du 22 décembre 1989, en ce qu'elle autorise un système d'exonération de la taxe dénommée "octroi de mer" assorti de conditions strictes qu'elle prévoit, n'a fait apparaître aucun élément de nature à affecter sa validité ; qu'elle énonce notamment que "les exonérations doivent contribuer à la promotion ou au maintie[n] d'une activité économique et sociale dans les DOM et s'insérer dans la stratégie de développement économique et sociale de chaque DOM, compte tenu de son cadre d'appui", que "la décision n'énonce que les exonérations nécessaires, proportionnelles et précisément déterminées" et que "l'imposition des conditions strictes prévues à l'article 2 § 3 de la décision 89/688, interprétées à la lumière des limites prévues à l'article 226 du traité pour déroger aux dispositions du traité, est apte à assurer la compatibilité du système des exonérations précisément déterminées avec les dispositions du traité" ; que cette décision a été confirmée par un arrêt du 30 avril 1998, dans lequel la Cour dit pour droit que : "La décision 89/688/CEE du Conseil
doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à des exonérations qui sont d'ordre général ou systématiques et qui sont donc susceptibles d'aboutir à la réintroduction d'une taxe d'effet équivalent à un droit de douane. En revanche, la décision 89/688 autorise des exonérations qui sont nécessaires, proportionnelles et précisément déterminées et qui respectent les conditions strictes imposées par l'article 2 § 3 de ladite décision, interprétées à la lumière de l'article 226 du traité CE" ; que le nouveau régime respecte en tous points ces prescriptions ; que le mécanisme des exonérations y est rigoureusement encadré par une classification limitative des produits qui y sont éligibles en trois catégories (A, B, C), auxquelles sont appliqués des différentiels de taux de taxation maxima par rapport aux produits similaires taxés à taux plein ; qu'il y est apporté une exception pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 550.000 € qui, là encore, tient compte des réalités locales ; que, contrairement à ce que soutient l'appelante, ces mesures assurent le respect du principe de proportionnalité entre les produits taxés et les produits exonérés, totalement ou partiellement, de même que le processus de révision des listes et le contrôle continu du Conseil ; qu'à ce titre, l'appelante fait valoir que la France n'a pas soumis à la Commission un rapport "relatif à l'application du régime de taxation visé à l'article 1er, afin de vérifier l'incidence des mesures prises et leur contribution à la promotion ou au maintien des activités économiques locales, compte tenu des handicaps dont souffrent les régions ultrapériphériques" satisfaisant comme l'article 4 de la décision du Conseil le lui imposait pour le 31 juillet 2008 ; que, cependant, si la Commission a déploré certaines carences de ce rapport, qui a d[û] faire l'objet d'un complément à sa demande le 22 décembre 2008 et qui ne lui permettait pas d'avoir une vue complète sur l'impact de la taxation différenciée à l'octroi de mer des produits locaux, elle n'a pas remis en cause le système, a conclu qu[‘]"il est probable que sans l'existence de cette taxation différenciée, dans bien des cas l'activité locale de production n'aurait pas pu se maintenir" et a présenté des mesures d'adaptation pour certains produits, dont le Conseil a tenu compte dans sa décision du 19 juillet 2011 ; que, de plus, en reconduisant le régime de l'octroi de mer dans les régions ultrapériphériques françaises dans sa décision 940/2014/UE du 17 décembre 2014, le Conseil adopte une liste révisée de produits dont "il a été justifié premièrement de l'existence d'une production locale, deuxièmement de l'importation significative de biens
pouvant compromettre le maintien de la production locale et troisièmement de l'existence de surcoûts renchérissant les prix de revient de la production locale par rapport aux produits venant de l'extérieur et compromettant la compétitivité des produits fabriqués localement
" ; que le seuil d'exonération tenant au chiffre d'affaire de l'opérateur a quant à lui été revu et ramené à 300 000 € ; que l'adaptation des compensations aux besoins et handicaps des territoires ultrapériphériques est ainsi garantie de façon individualisée conformément aux objectifs poursuivis, à l'inverse de la critique générale du système de l'appelante, qui ne met en évidence aucune anomalie dans l'application des exonérations ; qu'il en résulte que le régime de l'octroi de mer est conforme aux règles du droit communautaire, sans qu'il soit besoin d'interroger de nouveau la Cour de justice de l'Union par une question préjudicielle dont la [société] Sodimar omet au demeurant de proposer les termes ; qu'il en va de même en ce qui concerne l'octroi de mer régional prévu par l'article 37 de la loi du 2 juillet 2004 qui, ayant la même assiette et le même régime que l'octroi de mer, ainsi qu'un taux maximum plafonné et tenu de respecter le différentiel de taux posé par la décision du Conseil, n'est qu'une modalité de l'octroi de mer perçue au profit d'une collectivité différente ; que, faisant corps avec l'octroi de mer, il a nécessairement été validé tant par le Conseil que par la Cour de justice [des]
Communauté[s] européenne[s] lorsqu'ils se sont prononcés au sujet de celui-ci ; que, 2. sur la conformité des octrois de mer au droit interne, l'article 6[1]-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, créé par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, dispose que : [«] Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. / Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. [ »] ; que le contrôle de constitutionnalité est donc réservé au Conseil constitutionnel, saisi selon la procédure instituée par les articles 23-1 à 23-12 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, et, pour les juridictions de l'ordre judiciaire, des articles 126-1 et suivants du code de procédure civile ; qu'il échappe donc toujours aux juridictions de fond, autrement que par le filtre institué par cette procédure ; qu'en l'espèce, en transmettant à la Cour de cassation la question prioritaire de constitutionnalité posée par la demanderesse par son jugement du 25 mars 2013, le juge d'instance a épuisé sa compétence en la matière, et a à juste titre refusé d'examiner les moyens tirés de l'inconstitutionnalité de la loi du 2 juillet 2004, quand bien [sic] le Conseil constitutionnel a dit n'y avoir lieu à statuer sur cette question que lui avait renvoyée la Cour de cassation ; qu'étant observé qu'aucune nouvelle question prioritaire de constitutionnalité ne lui est soumise, la cour d'appel est soumise aux mêmes règles et ne saurait pas davantage que le premier juge se prononcer sur ces moyens ; que l'octroi de mer, et l'octroi de mer régional, qui répond à des objectifs spécifiques et à un régime particulier différent de celui de la taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas assimilable à celle-ci ; que le moyen de l'appelante, selon lequel "les octrois de mer fonctionnent comme une T.V.A." et seraient à ce titre illicite[s] est par suite inopérant ; que, 3. sur la conformité des octrois de mer à la CEDH, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme signée à Rome le 4 novembre 1950 est aussi d'application directe en droit interne par l'effet de l'article 55 de la Constitution et de sa ratification le 3 mai 1974, et dispose d'une autorité supérieure à celle de la loi ; que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le premier juge, il appartient au juge national d'en assurer l'effectivité et, s'il y a lieu, d'écarter la loi nationale lorsque celle-ci n'est pas compatible avec les exigences de la convention ; que la [société] Sodimar soutient à ce titre que l'octroi de mer et l'octroi de mer régional contreviennent à l'article 14 de la Convention en raison d'une discrimination illicite entre produits et services générant une inégalité devant l'impôt, de la discrimination créée par la notion de territoire d'exportation, du fait qu'ils constituent un facteur de vie chère créatrice d'inégalité ; que, cependant, s'il pose effectivement un principe d'interdiction de discrimination, l'article 14 protège "la jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention" qui doivent être assurés sans aucune distinction fondée notamment "sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation" ; que l'appelante ne détermine ni le droit, conventionnellement protégé, qui serait violé, ni le motif exact de discrimination qui serait en cause ; qu'il peut simplement être observé que biens et services ne sont pas comparables et peuvent être imposés différemment, que les départements d'outre-mer présentent objectivement une fragilité économique et sociale justifiant des règles fiscales spécifiques, et que le niveau des prix n'est pas une valeur juridiquement protégée ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'inconventionnalité des octrois des mer au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme n'est pas davantage fondé » (arrêt p. 4 à 11) ;
Et aux motifs éventuellement adoptés du premier juge que, « sur le fond, le juge national est le juge de droit commun du droit communautaire ; qu'il est chargé d'appliquer les dispositions du droit communautaire (norme supérieure) et a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliqué[e] toute disposition contraire de la législation nationale ; qu'en ce sens, étant rappelé ici qu'il n'appartient pas au juge saisi de statuer sur la constitutionnalité de la loi n° 2004-63[9] du 2 juillet 2004, il y a lieu de déclarer inopérante l'argumentation développée par la société Sodimar sur le caractère licite ou non de la loi du 2 juillet 2004 relatif à l'octroi de mer par rapport au droit interne et au droit constitutionnel ; que, sur le moyen tiré du caractère illicite des octrois de mer au regard du droit communautaire, la société Sodimar considère aux termes de ses propres écritures que la loi [
] n° 2004-639 du 2 juillet 2004 est intervenue suite à une décision du Conseil de l'Europe – n° 2004/162/CE relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français [d'outre-mer] – venue proroger la décision du même Conseil – n° 89/688/CE[E] ; qu'en l'espèce, force est de constater que la société Sodimar ne présente aucun grief à l'encontre des décisions du Conseil [e]uropéen qui autorisent la mise en place d'un régime de taxation à l'octroi de mer encadré par un dispositif très précis, lequel doit ici recevoir application ; qu'il y a ici lieu de considérer que si le droit européen et notamment l'article 110 du [t]raité sur le [f]onctionnement de l'Union [e]uropéenne n'autorise en principe aucune différence d'imposition dans les régions ultrapériphériques, l'article 349 du même traité autorise la possibilité d'introduire des mesures spécifiques en faveur des régions ultrapériphériques françaises entre produits locaux et ceux provenant de la France métropolitaine, des autres États membres ou des pays tiers, et ce, en raison de l'existence de handicaps permanents qui ont une incidence sur la situation économique et sociale de ces régions ; que ces mesures incluent notamment diverses politiques dont la politique fiscale ; que c'est dans ces conditions que le législateur français a voté la loi n° 89-688 du 22 décembre 1989 et qu'après demande présenté à la Commission le 14/04/2003, le Conseil a accepté, dans sa décision du 10/02/2004 – n° 2004/162/CE – de proroger le régime pour dix ans dans les termes suivants : « [
] [l]es autorités françaises sont autorisées, jusqu'au 1er juillet 2014, à prévoir des exonérations ou des réduction[s] de la taxe dite "octroi de mer" pour les produits (
) qui sont fabriqués localement dans les départements français d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de la Réunion » ; que cependant, « [c]es exonérations ou réductions doivent s'insérer dans la stratégie de développement économique et social des départements d'outre-mer, en tenant compte de son cadre communautaire, et contribuer à la promotion des activités locales sans être pour autant de nature à altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun » ; que le Conseil de l'Union [e]uropéenne rappelle dans l'exposé de la décision que la demande de prorogation formulée par la France a été examinée au regard du principe de proportionnalité « afin de vérifier globalement que les différentiels de taxation que les autorités françaises ont demandé de pouvoir appliquer ne conduisent pas à excéder [d'une] manière significative, en terme[s] de prix de revient, les handicaps supportés par les produits locaux par rapport aux produits provenant de l'extérieur. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la Commission propose donc d'autoriser la mise en oeuvre d'une taxe applicable à une liste de produits pour lesquels des exonérations ou des réductions de taxe peuvent être envisagées en faveur des productions locales des départements français d'outre-mer. Cette taxation différenciée a pour effet de rétablir la compétitivité de la production locale et de permettre ainsi le maintien d'activités générant des emplois dans les départements d'outre-mer. Une liste de produits doit être établie pour chaque département d'outre-mer, étant donné que les produits locaux produits dans chacun d'eux sont différents. Il convient toutefois de combiner les exigences de l'article 299, paragraphe 2, et de l'article 90 du traité, ainsi que de veiller à la cohérence du droit communautaire et du marché intérieur. Cela suppose de [se] limiter aux mesures qui sont strictement nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis, compte tenu des handicaps de l'ultrapériphéricité. Le champ d'application du cadre communautaire est donc constitué d'une liste de produits sensibles pour lesquels il a pu être prouvé que, lorsqu'ils sont produits localement, leur prix de revient est sensiblement supérieur au prix de revient de produits similaires provenant de l'extérieur
Les produits pour lesquels des exonérations ou des réductions de taxe peuvent être envisagées en faveur des productions locales sont répartis en trois catégories, selon l'importance du différentiel de taxation qu'il est proposé d'autoriser
» ; que, par ailleurs, il convient de relever que selon décision du Conseil du 19/07/2011 – n° 448/2011/UE – modifiant la décision 2004/162/CE en ce qui concerne les produits pouvant bénéficier d'une exonération ou d'une réduction de l'octroi de mer, il est expressément fait référence au rapport adressé par les autorités françaises le 31/07/2008 relatif à l'application du régime de taxation ainsi qu'aux demandes complémentaires adressées le 16/04/2010 ; que, dès lors, [il y a lieu] de considérer que ledit régime n'a ainsi pas été remis en cause par le Conseil [e]uropéen lequel a – conclusions tirées des informations adressées par les autorités françaises – actualisé les produits concernés par le différentiel de
taxation ; que, dès lors, la société Sodimar ne saurait exciper le moyen selon lequel les autorités françaises n'auraient pas satisfai[t] aux obligations imposées par le Conseil [e]uropéen et [il y a lieu] de constater qu'elle n'oppose aucun grief sur le régime de l'octroi de mer tel que fixé par la décision du [C]onseil [e]uropéen, norme supérieure d'application directe ; que la société Sodimar affirme par ailleurs que l'octroi de mer régional serait illicite en ce qu'il n'a pas été autorisé par le Conseil de l'Union [e]uropéenne dans sa décision du 10/02/2004 – n° 2004/162/CE ; que l'article 37 de la loi du 2 juillet 2004 dispose : « [I. –] Les conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de [L]a Réunion peuvent instituer, au profit de la région, un octroi de mer régional ayant la même assiette que l'octroi de mer. Sont exonérées de l'octroi de mer régional les opérations mentionnées aux articles 4 et 8 ainsi que celles exonérées en application de l'article 5. Indépendamment des décisions qu'ils prennent au titre des articles 6 et 7, les conseils régionaux peuvent exonérer de l'octroi de mer régional les opérations mentionnées à ces articles dans les conditions prévues pour l'exonération de l'octroi de mer. Sous réserve des dispositions du II et du III du présent article, le régime d'imposition à l'octroi de mer régional et les obligations des assujettis sont ceux applicables à l'octroi de mer. / II. - Les taux de l'octroi de mer régional ne peuvent excéder 2,5 %. / III. - L'institution de l'octroi de mer régional, les exonérations qui résultent de l'application du I et la fixation du taux de cette taxe ne peuvent avoir pour effet de porter la différence entre le taux global de l'octroi de mer et de l'octroi de mer régional applicable aux importations de marchandises et le taux global des deux mêmes taxes applicabl[e] aux livraisons de biens faites dans la région par les assujettis au-delà des limites fixées aux articles 28 et 29. » ; que force est ici de constater à la lecture des dispositions précitées que l'octroi de mer et l'octroi de mer régional ont la même assiette ; que les deux taxes obéissent au même régime et doivent respecter les différentiels de taxation posés par la décision [2004/162/CE] ; qu'il y a lieu d'observer que le dispositif relatif au régime de l'octroi de mer a été soumis, à plusieurs reprises à la question préjudicielle de [la] Cour de [j]ustice des Communautés [e]uropéennes ; qu'aux termes des arrêts du 19/02/1998 Chevassus-Marche et [du] 30/04/1998 [
] Sodiprem, la Cour de [j]ustice des Communautés [e]uropéennes a jugé conforme le droit additionnel, qui n'est autre que l'octroi de mer régional dans sa version de 2004 lequel a organisé un régime plus restrictif ; que, dès lors, [il y a lieu] de déclarer le moyen soulevé inopérant » (jugement p. 6 à 9) ;
1° Alors que les articles 1, 2, 4 à 7, 28, 29 et 37 de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 sont contraires aux droits et libertés que la Constitution garantit et, plus spécifiquement, aux principes d'égalité devant la loi fiscale et devant les charges publiques, en ce que le système d'octroi de mer qu'ils instaurent est marqué par des inégalités de traitement entre, d'une part, produits métropolitains et produits locaux, d'autre part, services et livraisons, de troisième part, producteurs locaux réalisant plus ou moins 550.000€ de chiffre d'affaires, de quatrième part, producteurs locaux de biens meubles et producteurs locaux de biens considérés comme immeubles, de cinquième part, opérateurs économiques important, ou non, des produits visés sur la liste des exonérations ; que la déclaration d'inconstitutionnalité que prononcera le Conseil constitutionnel, à la suite du renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par mémoire distinct et motivé, privera l'arrêt attaqué de fondement légal et entraînera en conséquence son annulation, pour perte de fondement juridique ;
2° Alors que la décision 2004/162/CE a autorisé le système du différentiel de taux, dans l'idée qu'une stricte concordance devait exister, pour chaque produit, entre les surcoûts supportés par les producteurs ultramarins et l'exonération liée au différentiel de taxation ; que le juge appelé à statuer sur une demande de restitution d'octroi de mer ne peut se borner à se référer à la décision d'autorisation 2004/162/CE en faisant abstraction de cette exigence, et donc sans vérifier si les différentiels de taxation ont été mis en oeuvre, au plan national, conformément à cette exigence de proportionnalité stricte ; qu'au cas présent, pour écarter le moyen de la Sodimar tendant à constater que, ni en amont, au stade de la loi, ni en aval, notamment lors de l'établissement du rapport d'évaluation que devait produire l'Etat en 2008, la France n'avait été en mesure d'établir qu'elle remplissait l'exigence précitée, la cour d'appel a affirmé que « [l]'adaptation des compensations aux besoins et handicaps des territoires ultrapériphériques est (
) garantie de façon individualisée conformément aux objectifs poursuivis » et que « le régime de l'octroi de mer est conforme aux règles du droit communautaire » (p. 9, 1er et 2e §§, de l'arrêt attaqué) ; qu'en renvoyant ainsi à la simple circonstance que la structure générale de la loi, avec une répartition de produits définis par renvoi à la nomenclature douanière en trois catégories (A, B et C), était identique à celle prévue par la décision du Conseil, la cour d'appel, qui a dispensé la France de tout travail de mise en oeuvre fine de l'exigence de proportionnalité, ainsi que de toute justification quant à la pertinence du maintien de tel ou tel produit dans les catégories prédéfinies, a violé les articles 1, 2, 7, 28 et 37 de la loi n° 2004-639, l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2004/162/CE, ensemble les articles 23, 25, et 299§2 du Traité CE, et les principes de proportionnalité et de nécessité ;
3° Alors que, lorsque le juge est invité à interpréter une loi nationale conformément au droit de l'Union européenne, pour le cas échéant la laisser inappliquée, il appartient à l'Etat se prévalant d'une autorisation communautaire d'adopter le système de taxation mis en oeuvre par la loi en discussion d'apporter la preuve de ce qu'il vérifie les exigences posées par la décision d'autorisation ; que, s'agissant de l'octroi de mer, il incombait ainsi à l'Etat de prouver, pour chaque produit local, l'importance des surcoûts de production résultant des handicaps de l'ultrapériphéricité, ainsi que l'équivalence stricte entre ces surcoûts et le différentiel de taxation accordé ; qu'au cas présent, en affirmant que « [l]'adaptation des compensations aux besoins et handicaps des territoires ultrapériphériques est (
) garantie de façon individualisée » (p. 9, 1er §, de l'arrêt attaqué), sans rechercher si l'administration des douanes apportait la preuve de la stricte correspondance entre les surcoûts supportés par chaque produit local et le différentiel de taux dont bénéficiait ce produit, la cour d'appel, qui ne s'est pas mise en position d'examiner si l'autorisation de l'octroi de mer était vérifiée, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 1, 2, 7, 28 et 37 de la loi n° 2004-639 et de l'article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2004/162/CE, interprétées à la lumière des principes de nécessité et de proportionnalité ;
4° Alors que, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a dispensé l'Etat de la charge de la preuve qui pesait sur lui, violant ainsi les principes régissant la charge de la preuve ;
5° Alors que, en exonérant toute entreprise locale dont le chiffre d'affaires, réalisé sur l'activité de production de biens meubles corporels, est inférieur à 550.000€ et en permettant la fixation d'un taux zéro pour les producteurs locaux de biens meubles corporels figurant sur les listes A, B et C autorisant des différentiels de taxation, la loi 2004-639 du 2 juillet 2004, lue dans le contexte économique des DOM, a reconduit en substance le système ancien, condamné par la Cour de justice de l'Union européenne, d'exonération pure et simple de la quasi-totalité des producteurs domiens ; qu'au cas présent, la cour d'appel de Fort-de-France a retenu que, dès lors que la loi nouvelle, du 2 juillet 2004, avait été adoptée au visa d'une décision européenne dont elle reprenait en substance la structure, ladite loi serait nécessairement conforme au droit de l'Union européenne ; qu'en statuant ainsi, cependant que cette loi conduisait en pratique à une exonération de l'essentiel des producteurs locaux, exonération précisément condamnée par la Cour de Luxembourg dans ses arrêts de principe Legros et Lancry, la cour d'appel, qui aurait dû laisser inappliquée cette loi, a violé les articles 23, 25, 299§2 du Traité CE, ensemble les principes de prééminence et d'effectivité du droit communautaire, et les principes de nécessité et de proportionnalité ;
6° Alors que l'autorisation donnée à la France par la décision 2004/162/CE d'instaurer des différentiels d'octroi de mer aux produits figurant dans les listes A, B et C, doit être lue comme imposant un strict rapport de proportionnalité entre les différences de taxation et les surcoûts liés à l'ultrapériphéricité ; que la France était ainsi appelée à justifier périodiquement du maintien de ce rapport de proportionnalité ; que la loi 2004/639, en exonérant les entreprises réalisant moins de 550.000€ de chiffre d'affaires, sur la production de biens meubles corporels, a exonéré l'essentiel des opérateurs économiques locaux, lesquels ne se sont pas enregistrés auprès de l'administration des douanes, de sorte que les données récoltées par l'administration centrale française, pour justifier du maintien du rapport de proportionnalité précité, n'ont porté que sur une fraction du tissu économique ; qu'en retenant que la loi 2004/639, aux effets prévisibles ainsi décrits, pourrait servir de base à la taxation contestée par la Sodimar, la cour d'appel, qui a validé un système aveugle incapable de produire la moindre justification, a violé les articles 23, 25, 299§2 du Traité CE, ensemble les principes de prééminence et d'effectivité du droit communautaire, les principes de nécessité, de proportionnalité et de transparence, ensemble la décision 2004/162/CE ;
7° Alors subsidiairement que, à supposer qu'il soit considéré que les vices dénoncés par les branches 5 et 6 soient inhérents à la décision 2004/162/CE et non propres à la loi, il est demandé de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle en appréciation de validité de cette décision ; qu'il est ainsi proposé de demander à la Cour de Luxembourg si cette décision, en ce qu'elle aboutit à une exonération des producteurs locaux, et à une impossibilité de vérifier l'adéquation entre l'exonération de fait concédée et les nécessités locales, donc du respect des principes, n'est pas contraire aux articles 23, 25, 299§2 du Traité CE, ensemble les principes précités ; que lorsque la Cour de justice de l'Union européenne aura déclaré cette décision invalide, la Cour de cassation constatera l'annulation de l'arrêt attaqué, pour perte de fondement juridique ;
8° Alors que le système d'octroi de mer autorisé permet un différentiel de taxation de 5%, aux fins d'exonération, des biens ne figurant pas à l'annexe de la décision 2004/162/CE, produits par des opérateurs locaux dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550.000€ ; que la seule justification affichée à cette « prime » aux producteurs locaux est un « souci de cohérence » ; qu'au cas présent, la cour d'appel a retenu que cet élément du système de l'octroi de mer n'était pas source d'invalidité dès lors que l'exception prévue « pour les entreprises dont le chiffre d'affaires annuel est inférieur à 550.000€ (
) tient compte des réalités locales » (arrêt p. 8, al. 2) ; qu'en statuant ainsi, sans justifier l'avantage ainsi institué au regard du seul critère pertinent, qui n'est pas le « souci de cohérence », ni « les réalités locales » non autrement décrites, mais l'exigence, posée par le 4ème alinéa de l'article 299 § 2, d'un lien de rattachement de la mesure spécifique envisagée avec des caractéristiques et contraintes particulières de la région ultrapériphérique en cause, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 23 CE, 25 CE et 299, paragraphe 2, 4e alinéa, CE ;
9° Alors enfin et subsidiairement que, à supposer que le vice précité soit inhérent à la décision 2004/162/CE, il est suggéré de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle en appréciation de validité de l'article 1er, § 4, de cette décision, de sorte que, lorsque la Cour de Luxembourg aura invalidé ce texte, la Cour de cassation constatera l'annulation de l'arrêt attaqué, par perte de fondement juridique.