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20/11/2019 | FRANCE | N°18-10401;18-10413

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 novembre 2019, 18-10401 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° R 18-10.413 et C 18-10.401 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2017), que M. G..., engagé le 18 décembre 1999 et exerçant en dernier lieu les fonctions de pilote de ligne, a été victime d'un accident du travail le 18 mai 2008 ; qu'après consolidation et reprise de ses fonctions, il a été en arrêt maladie de février 2011 au 23 avril 2011 ; que le conseil médical de l'aviation civile (CMAC) a déclaré le salarié inapte définitivement à exercer

sa profession de navigant par décision du 27 juillet 2011 ; que le salarié a ét...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois n° R 18-10.413 et C 18-10.401 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 2017), que M. G..., engagé le 18 décembre 1999 et exerçant en dernier lieu les fonctions de pilote de ligne, a été victime d'un accident du travail le 18 mai 2008 ; qu'après consolidation et reprise de ses fonctions, il a été en arrêt maladie de février 2011 au 23 avril 2011 ; que le conseil médical de l'aviation civile (CMAC) a déclaré le salarié inapte définitivement à exercer sa profession de navigant par décision du 27 juillet 2011 ; que le salarié a été licencié le 23 janvier 2012 ; qu'il avait saisi le 20 janvier précédent la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° R 18-10.413 :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts à la date du 23 janvier 2012, de dire que cette résiliation produit les effets d'un licenciement nul et de le condamner à verser au salarié des dommages-intérêts à ce titre alors, selon le moyen :

1°/ que les lois spéciales dérogent aux lois générales ; que selon les articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail dans leur rédaction en vigueur, qui s'appliquent en principe à tous les salariés, l'examen médical de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi et sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé deux examens espacés de deux semaines ; que ces deux articles du code du travail prévoient donc des règles à respecter s'agissant de l'inaptitude du salarié à occuper son précédent emploi ; qu'aux termes de l'article L. 6511-4 du code des transports, les conditions d'aptitude médicale du personnel navigant technique, c'est-à-dire des pilotes sont attestées par des centres d'expertise de médecine aéronautique ou par des médecins examinateurs agréés par l'autorité administrative, dans des conditions définies par voie réglementaire ; que l'article D 424-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur, précise quant à lui, que le conseil médical de l'aéronautique civile se prononce sur le caractère définitif des inaptitudes déclarées lors des renouvellements d'aptitude par les différents centres d'expertise de médecine aéronautique à l'égard des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique, c'est-à-dire des pilotes ; qu'enfin, l'article L. 6521-6 du code des transports énonce que « le code du travail est applicable au personnel navigant de l'aéronautique civile et à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières fixées par le présent titre » ; que ces dispositions spéciales issues du code des transports et du code de l'aviation civile qui prévoient des règles spécifiques pour les pilotes s'agissant du constat de leur aptitude ou de leur inaptitude définitive à occuper leur métier de pilote (compétence exclusive du CMAC) dérogent à la loi générale prévue par le code du travail en matière d'inaptitude définitive des salariés à occuper leur ancien emploi (compétence du médecin du travail) ; que ces règles particulières doivent donc exclusivement s'appliquer ; qu'en jugeant que la résiliation judiciaire du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul aux motifs que les dispositions du code de l'aviation civile et du code des transports en matière d'inaptitude ne dérogeaient pas aux dispositions du code du travail et n'exonérait pas la société Air France de son obligation de respecter les dispositions impératives de l'article R. 4624-31 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail dans leur rédaction en vigueur, les articles L. 6511-4 et L. 6521-6 du code des transports et l'article D 424-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur ;

2°/ qu'aux termes des articles 1 et 2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique, un pilote déclaré inapte définitivement à exercer son métier par le conseil médical de l'aéronautique civile peut être reclassé dans un emploi au sol ; qu'aux termes de l'article 3.1 de la convention collective PNC intitulé « reclassement au sol au sein de l'entreprise ou reconversion externe » après inaptitude définitive déclarée par le CMAC » applicable, le reclassement au sol peut intervenir à la suite de l'avis du médecin du travail relatif à l'aptitude du salarié navigant à occuper un emploi au sol ; que ces dispositions conventionnelles qui prévoient seulement la possibilité d'un reclassement au sol du pilote inapte et l'intervention du médecin du travail pour déterminer l'aptitude du salarié à occuper un emploi au sol ne rendent pas applicables au pilote dont l'inaptitude définitive à piloter relève de la compétence exclusive du conseil médical de l'aéronautique civile les dispositions générales du code du travail relatives au constat de l'inaptitude des salariés à exercer leur ancien emploi par le médecin du travail ; qu'en décidant que les articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail devaient s'appliquer aux motifs que la société Air France avait l'obligation conventionnelle de mettre en oeuvre une procédure de reclassement au sol pour le pilote inapte, bien que la procédure conventionnelle de reclassement dans un emploi au sol du pilote inapte n'imposait nullement à l'employeur de respecter les articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail dans leur rédaction en vigueur, les articles L. 6511-4 et L. 6521-6 du code des transports et l'article D 424-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur, ensemble les articles 1 et 2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique et l'article 3.1 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial ;

Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que les dispositions spéciales du code de l'aviation civile et du code des transports prévoyant la compétence du CMAC pour se prononcer sur le caractère définitif des inaptitudes des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique n'ont pas le même objet que les dispositions d'ordre public du code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi n° R 18-10.413 :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire pour la période du 27 juillet 2011 au 24 janvier 2012 alors, selon le moyen :

1°/ que les lois spéciales dérogent aux lois générales ; qu'aux termes de l'article L. 1226-11 du code du travail, qui en principe s'applique à tous les salariés, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte par le médecin du travail n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que cependant, selon l'article L. 6526-1 du code des transports, en cas d'incapacité de travail résultant de blessures ou de maladies non imputables au service d'un pilote en cours d'exécution du contrat, l'employeur lui assure jusqu'à la reprise de ses fonctions ou jusqu'à la décision de la commission mentionnée à l'article L. 6511-4 du même code (commission médicale saisie en cas de recours contre la décision médicale d'inaptitude du pilote à exercer ses fonctions prise par les centres d'expertise de médecine aéronautique ou par des médecins examinateurs agréés par l'autorité administrative), son salaire mensuel garanti pendant le mois au cours duquel est survenue l'incapacité et pendant les trois mois suivants et la moitié de ce salaire pendant les trois mois suivant cette première période ; que selon l'article L. 6526-2 du code des transports, en cas d'incapacité de travail résultant de blessures ou de maladies imputables au service, le pilote perçoit jusqu'à la décision de la commission mentionnée à l'article L. 6511-4 son salaire pendant les six premiers mois d'incapacité et la moitié de ce salaire pendant les six mois suivant l'incapacité ; que l'article L. 6521-6 du code des transports énonce que « le code du travail est applicable au personnel navigant de l'aéronautique civile et à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières fixées par le présent titre » ; que les dispositions spéciales du code des transports qui dérogent aux règles générales prévues par le code du travail en matière de garanties salariales d'un pilote déclaré inapte à exercer ses fonctions, doivent seules être appliquées ; qu'en faisant application des dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail, non applicables, pour condamner la société Air France au paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-11 du code du travail et les articles L. 6526-1, L. 6526-2 et L. 6521-6 du code des transports ;

2°/ que si les articles 1 et 2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique prévoient la possibilité pour un pilote déclaré inapte définitivement par le conseil médical de l'aéronautique civile à exercer ses fonctions de pilote d'être reclassé dans un emploi au sol, ces dispositions conventionnelles ne prévoient pas le versement d'un salaire au profit du pilote non reclassé ni licencié un mois après le constat de son inaptitude jusqu'au prononcé de son licenciement ; qu'en jugeant que la mise en oeuvre conventionnelle d'une procédure de reclassement au sol du pilote rendait applicable l'article L. 1226-11 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles 1et 2 et du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique application au sein de la société Air France, ensemble l'article L. 1226-11 du code du travail et les articles L. 6526-1, L. 6526-2 et L. 6521-6 du code des transports ;

3°/ qu'à supposer même que l'article L. 1226-11 du code du travail soit applicable, la cour d'appel ne pouvait pas condamner la société Air France au paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents à compter du 27 juillet 2011, date de l'examen médical par le conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) au terme duquel le salarié a été déclaré inapte à exercer ses fonctions de pilote, jusqu'à son licenciement du 23 janvier 2012 ; que la cour d'appel pouvait seulement condamner la société Air France au paiement d'un rappel de salaire à compter du 27 août 2011 à l'issue du délai d'un mois ayant couru à compter de cet examen médical ; qu'en condamnant la société Air France au paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période du 27 juillet 2011 au 24 janvier 2012, la cour d'appel a violé l'article L. 1226-11 du code du travail ;

Mais attendu que les dispositions des articles L. 6526-1, L. 6526-2 et L. 6521-6 du code des transports n'excluent pas l'application des dispositions d'ordre public de l'article L. 1226-11 du code du travail ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les premier et second moyens du pourvoi n° C 18-10.401 et le troisième moyen du pourvoi n° R 18-10.413 ci-après annexés qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits au pourvoi n° R 18-10.413 par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Air France.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à la date du 23 janvier 2012, dit que cette résiliation produisait les effets d'un licenciement nul et condamner la société Air France à verser au salarié la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

AUX MOTIFS QU' « aux termes des articles 1184 et 1224 nouveau du code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera pas à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. En application de ces textes, le contrat de travail peut être résilié aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de sa part qui empêche la poursuite du contrat de travail. La résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul. Elle prend effet au jour de la décision qui la prononce. Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur. Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement. En l'espèce, M. G... a saisi le conseil de prud'hommes de Bayonne le 20 janvier 2012 et a été licencié par lettre recommandée avec avis de réception du 23 janvier 2012, reçue le 24. Sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail est donc antérieure au licenciement et, en application des principes rappelés ci-dessus, doit être examinée en premier lieu. À l'appui de sa demande en résiliation judiciaire du contrat de travail, M. G... rappelle que l'article R.4624-22 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1908 du 27 décembre 2016, prévoit que le salarié bénéficie d'un examen de reprise du travail par le médecin du travail après, entre autres, une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel et que l'article R.4624-31 du même code, également dans sa rédaction antérieure à la loi 2016-1908 du 27 décembre 2016, dispose que le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé, notamment, deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant des examens complémentaires, un avis d'inaptitude ne pouvant être délivré à l'issue d'un seul examen qu'en cas de danger immédiat. Il invoque également les dispositions de l'article L. 1226-11 selon lesquelles, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Il soutient, dès lors, que la SA Air France a gravement manqué à ses obligations en ce qu'elle n'a pas organisé de seconde visite de reprise après la première visite du 6 mai 2011 ayant conclu à son inaptitude sans référence à un danger immédiat, qu'elle a suspendu le paiement de ses salaires, et qu'elle a formulé une proposition de reclassement en l'absence de seconde visite médicale de reprise. Il ajoute que la résiliation judiciaire du contrat de travail devra produire les effets d'un licenciement nul en raison du caractère discriminatoire de la rupture du contrat de travail, à tout le moins ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La SA Air France réplique que la décision d'inaptitude du CMAC est une décision administrative ayant pour effet d'interdire au navigant d'exercer ses fonctions. Elle en déduit qu'une telle décision emporte rupture immédiate du contrat de travail qui doit s'analyser non en un licenciement imputable à l'employeur mais en une résiliation de plein droit du contrat de travail résultant du "fait du prince'' qui, par conséquent, n'ouvre droit ni à indemnité, ni à reclassement, comme reconnu par la jurisprudence. Elle estime ainsi qu'elle n'avait pas à suivre le droit commun du travail en matière de procédure d'inaptitude d'origine professionnelle qui est inapplicable au cas particulier de l'inaptitude à la profession réglementée de navigant prononcée par la CMAC qui est régie par les règles particulières. Elle soutient, en conséquence, qu'une seconde visite médicale ne s'imposait pas, dès lors que la médecine du travail n'a pas à se prononcer sur la reprise de son emploi d'un salarié qui n'est plus Personnel Navigant et qui ne pourra plus le redevenir, qu'il n'existe pas d'emploi comparable à celui de Personnel Navigant qui n'exige pas l'obtention d'une licence, et que l'obligation de consulter les délégués du personnel ne peut concerner une inaptitude prononcée par le CMAC et non par le médecin du travail. Elle précise avoir licencié M. G... uniquement en application des dispositions protectrices plus favorables de la Convention d'entreprise du personnel navigant technique qui prévoient, en cas d'inaptitude prononcée par la CMAC, la possibilité d'un reclassement au sol et, en cas de refus de l'intéressé, le versement d'indemnités de licenciement (209 712,73 € dans le cas de M. G...). Elle fait également valoir qu'en application de l'article L.6526 du code des transports, l'inaptitude définitive prononcée par la CMAC entraîne la fin du versement de la rémunération du salarié. Elle conclut ainsi au respect de l'ensemble des dispositions légales et conventionnelles applicables à M. G... en matière de visite médicale, d'inaptitude, de reclassement et de versement de salaire. Cela étant, les dispositions spéciales du code de l'aviation civile et du code des transports ne font pas nécessairement obstacle aux dispositions du code du travail. Le principe rappelé ci-dessus s'applique d'autant plus que la décision d'inaptitude du CMAC, contrairement à ce qu'affirme la SA Air France, n'emporte pas rupture immédiate du contrat de travail du salarié concerné. En effet, au-delà du débat sur l'application du « fait du prince » aux relations de travail et sur l'existence éventuelle d'un mode autonome de rupture non prévu par le code du travail, la Convention d'Entreprise du Personnel Navigant Technique impose en son chapitre à la SA Air France, en cas d'inaptitude d'un navigant prononcée par le CMAC, de mettre en oeuvre une procédure de reclassement au sol du salarié concerné, et de ne prononcer le licenciement qu'en cas d'échec de celle-ci. Or, M.G... ayant été en congé maladie durant plus d'un mois, son reclassement au sol ne pouvait se faire que dans le cadre d'une reprise du travail soumise à la condition d'une visite médicale préalable prévue par l'article R.4624-22 du code du travail et, en cas de déclaration d'inaptitude, à la condition d'un second examen imposé par l'article R.4624-31 du même code. La décision d'inaptitude du CMAC qui ne concerne que l'affectation du salarié sur un poste de navigant est sans influence sur ce principe. Ainsi, les dispositions du code de l'aviation civile et du code des transports ne dérogent pas aux articles R.4624-22 et R.4624-31 du code du travail et n'exonéraient pas la SA Air France d'organiser une seconde visite médicale de reprise après l'avis d'inaptitude du 6 mai 2011 émis lors de la première visite. Sauf danger immédiat, la carence de l'employeur à faire pratiquer le second examen médical prévu par l'article L.4624-31 après un premier avis d'inaptitude constitue une faute constitutive d'un manquement grave de celui-ci dans ses obligations contractuelles, plus particulièrement son obligation de résultat de sécurité à l'égard de son salarié, qui justifie la résiliation du contrat de travail à ses torts exclusifs. En l'espèce, il est constant que la SA Air France n'a pas organisé de seconde visite médicale après l'examen de reprise de M. G... du 6 mai 2011 ayant conclu à l'inaptitude du salarié, la société s'estimant à tort déchargée de cette obligation. La visite médicale prévue le 3 janvier 2012 ne peut être considérée comme une seconde visite de reprise car elle était uniquement destinée à vérifier la compatibilité de l'emploi offert en reclassement à M. G... avec l'état de santé du salarié. Ainsi, au vu des principes rappelés ci-dessus, la carence de la SA Air France à organiser une seconde visite médicale de reprise après un premier avis d'inaptitude du salarié suffit à elle seule à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. G... aux torts de la société. Il résulte de l'application combinée des articles L.1132-1 du code du travail prohibant les discriminations fondées, entre autres, sur l'état de santé et R.4624-31 du même code, que la rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré inapte à son poste à l'issue d'une seule visite médicale de reprise est nulle. La résiliation judiciaire du contrat de travail de M. G... produit donc les effets d'un licenciement nul. Pour autant, cette circonstance ne déroge pas au principe selon lequel, lorsque le salarié n'est plus au service de l'employeur au moment où la juridiction prud'homale statue, la résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet à la date du licenciement, soit en l'espèce, le 23 janvier 2012. Selon le bilan social individuel de M. G... portant sur l'année 2010, la rémunération de ce dernier, OPL 1ère classe 9ème échelon à cette date, était constituée d'un salaire fixe mensuel de 2 744 €, d'une prime de vol individualisée de 101,72 € et d'un minimum garanti de 8 707 € pour un salaire brut mensuel moyen à temps complet de 12 405 € "au minimum garanti" et de 14 881 € "à la norme travail". M. G... est passé au 10ème échelon en octobre 2011 ce qui a porté son salaire fixe mensuel de 2 744 € à 2 934,60 €. Le salaire de référence à retenir est donc de 15 071,60 €. En cas de nullité de la rupture du contrat de travail, le salarié a droit, à défaut de réintégration dans l'entreprise, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement qui ne peut être inférieure à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail. À la date de la rupture, M. G... avait 55 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 22 ans et 4 mois au sein de l'entreprise. Il indique qu'il n'a pas pu retrouver d'emploi et qu'il a monté un atelier aéronautique au lycée Villa Pia de Bayonne pendant 2 ans de 2013 à 2015 après avoir passé le CAEA (Certificat d'aptitude à l'Enseignement Aéronautique) à Bordeaux pour lequel il a été rémunéré en « H.S.E (heures supplémentaires effectives) » par l'éducation nationale la 2ème année, après une année de bénévolat à hauteur de 50 heures de cours de septembre à mai, au taux horaire de 37,36 euros €. Au vu de ces éléments, il convient d'octroyer à M. G... la somme de 300 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ».

ALORS QUE les lois spéciales dérogent aux lois générales ; que selon les articles R.4624-22 et R.4624-31 du code du travail dans leur rédaction en vigueur, qui s'appliquent en principe à tous les salariés, l'examen médical de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi et sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé deux examens espacés de deux semaines ; que ces deux articles du code du travail prévoient donc des règles à respecter s'agissant de l'inaptitude du salarié à occuper son précédent emploi ; qu'aux termes de l'article L.6511-4 du code des transports, les conditions d'aptitude médicale du personnel navigant technique, c'est-à-dire des pilotes sont attestées par des centres d'expertise de médecine aéronautique ou par des médecins examinateurs agréés par l'autorité administrative, dans des conditions définies par voie réglementaire ; que l'article D 424-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur, précise quant à lui, que le conseil médical de l'aéronautique civile se prononce sur le caractère définitif des inaptitudes déclarées lors des renouvellements d'aptitude par les différents centres d'expertise de médecine aéronautique à l'égard des personnels navigants titulaires d'un titre aéronautique, c'est-à-dire des pilotes ; qu'enfin, l'article L.6521-6 du code des transports énonce que « le code du travail est applicable au personnel navigant de l'aéronautique civile et à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières fixées par le présent titre » ; que ces dispositions spéciales issues du code des transports et du code de l'aviation civile qui prévoient des règles spécifiques pour les pilotes s'agissant du constat de leur aptitude ou de leur inaptitude définitive à occuper leur métier de pilote (compétence exclusive du CMAC) dérogent à la loi générale prévue par le code du travail en matière d'inaptitude définitive des salariés à occuper leur ancien emploi (compétence du médecin du travail); que ces règles particulières doivent donc exclusivement s'appliquer; qu'en jugeant que la résiliation judiciaire du contrat de travail produisait les effets d'un licenciement nul aux motifs que les dispositions du code de l'aviation civile et du code des transports en matière d'inaptitude ne dérogeaient pas aux dispositions du code du travail et n'exonérait pas la société Air France de son obligation de respecter les dispositions impératives de l'article R.4624-31 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles R.4624-22 et R.4624-31 du code du travail dans leur rédaction en vigueur, les articles L.6511-4 et L.6521-6 du code des transports et l'article D 424-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur.

ET ALORS, en toute hypothèse, QU'aux termes des articles 1 et 2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique, un pilote déclaré inapte définitivement à exercer son métier par le conseil médical de l'aéronautique civile peut être reclassé dans un emploi au sol ; qu'aux termes de l'article 3.1 de la convention collective PNC intitulé « reclassement au sol au sein de l'entreprise ou reconversion externe» après « inaptitude définitive déclarée par le CMAC » applicable, le reclassement au sol peut intervenir à la suite de l'avis du médecin du travail relatif à l'aptitude du salarié navigant à occuper un emploi au sol ; que ces dispositions conventionnelles qui prévoient seulement la possibilité d'un reclassement au sol du pilote inapte et l'intervention du médecin du travail pour déterminer l'aptitude du salarié à occuper un emploi au sol ne rendent pas applicables au pilote dont l'inaptitude définitive à piloter relève de la compétence exclusive du conseil médical de l'aéronautique civile les dispositions générales du code du travail relatives au constat de l'inaptitude des salariés à exercer leur ancien emploi par le médecin du travail ; qu'en décidant que les articles R.4624-22 et R.4624-31 du code du travail devaient s'appliquer aux motifs que la société Air France avait l'obligation conventionnelle de mettre en oeuvre une procédure de reclassement au sol pour le pilote inapte, bien que la procédure conventionnelle de reclassement dans un emploi au sol du pilote inapte n'imposait nullement à l'employeur de respecter les articles R.4624-22 et R.4624-31 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles R.4624-22 et R.4624-31 du code du travail dans leur rédaction en vigueur, les articles L.6511-4 et L.6521-6 du code des transports et l'article D 424-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur, ensemble les articles 1 et 2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique et l'article 3.1 de la convention d'entreprise du personnel navigant commercial.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR condamné la société Air France à verser à M. G... les sommes de 89 457,20 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 27 juillet 2011 au 24 janvier 2012 soit après déduction de la somme allouée en première instance, un solde de 31 512,71 euros et de 10 619,28 euros au titre des congés payés afférents soit après déduction de la somme allouée en première instance, un solde de 4 824,84 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « M. G... invoque les dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail selon lesquelles lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Il rappelle que la SA Air France n'a pas organisé la seconde visite de reprise et qu'elle aurait dû en application de ce texte reprendre le paiement de son salaire à l'expiration du délai d'un mois. La SA Air France se réfère à l'article L.6526-1 du code des transports qui prévoit qu'en cas d'incapacité de travail, résultant de blessures ou de maladies non imputables au service, d'un membre du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile en cours d'exécution du contrat, l'employeur lui assure jusqu'à la reprise de ses fonctions de navigant, ou jusqu'à la décision de la commission mentionnée à l'article L. 6511-4, ou, le cas échéant, jusqu'à la date de l'entrée en jouissance de la retraite : 1° Son salaire mensuel garanti pendant le mois au cours duquel est survenue l'incapacité et pendant les trois mois suivants ; 2° La moitié de ce salaire pendant les trois mois suivant cette première période. Elle invoque également l'article L.6526-2 du même code, selon lequel, en cas d'incapacité résultant d'un accident du travail, d'une maladie imputable au service et reconnue comme telle par la commission mentionnée à l'article L. 6511-4, l'intéressé perçoit, jusqu'à la reprise de ses fonctions de navigant, ou jusqu'à la décision de cette commission, ou, le cas échéant, jusqu'à la date de l'entrée en jouissance de sa retraite, son salaire mensuel garanti pendant les six premiers mois d'incapacité et la moitié de ce salaire pendant les six mois suivant l'incapacité. Elle déduit de ces deux textes que M. G... ne peut être rémunéré après la décision du CMAC l'ayant déclaré inapte. Cela étant, l'obligation faite à la SA Air France par la Convention d'Entreprise du Personnel Navigant Technique de mettre en oeuvre une procédure de reclassement au sol du personnel navigant déclaré inapte par le CMAC et de ne procéder au licenciement du salarié qu'en cas d'échec rend applicable les dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail lorsque l'inaptitude prononcée par le CMAC s'accompagne d'un avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail. Ainsi, sur la base d'un salaire de référence mensuel brut de 15 071,60 €, la SA Air France sera condamnée à verser à M. G... un rappel de salaire de 89 457,20 € pour la période du 27 juillet 2011 au 24 janvier 2012, soit après déduction de la somme allouée en première instance, un solde de 31 512,71 €. Le calcul des congés payés afférents ne sera pas fait sur la base du 1/10 mais selon les dispositions plus favorables de la convention d'entreprise telles qu'appliquées par la SA Air France sur les bulletins de paie par l'affectation d'un taux journalier de 442,47 €. Il revient donc à M. G... à ce titre une somme de 10 619,28 €, pour un solde de 4 824,84 € après déduction de la somme allouée en première instance ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « les parties ne contestent pas que Monsieur Q... G... n'a manifestement pas été rémunéré du 27 juillet 2011 au 23 janvier 2012, date de la notification de son licenciement ; que le conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) qui est un organisme indépendant de la direction générale de l'aviation civile (DGAC), a notifié le 28 juillet 2011, l'inaptitude physique définitive de Monsieur Q... G... pour exercer un emploi de navigant, (cf. la pièce n° 4 de la partie demanderesse); que le CMAC a reconnu l'imputabilité au service aérien de l'arrêt maladie de Monsieur Q... G... sur la période de février au 23 avril 2011, (cf. la pièce n°10 de la partie demanderesse) ; que la SA société Air France ne conteste pas dans sa plaidoirie et dans ses conclusions que l'arrêt maladie résulte d'une rechute de l'état de santé du requérant, liée à l'accident du travail survenu le 18 mai 2008 ; que la SA société Air France a notifié le 19 août 2011, à Monsieur Q... G... sa décision de le placer « en situation d'attente non rémunérée », à compter du 27 juillet 2011, date de la déclaration d'inaptitude physique définitive à un emploi de navigant par le CMAC, (cf. la pièce N° 5 de la partie demanderesse); que la SA société Air France invoque dans sa plaidoirie et dans ses conclusions, pour justifier la privation de salaire de Monsieur Q... G..., la conséquence juridique de sa perte de licence de vol prononcée par un organisme extérieur de puissance publique et qui rend impossible la poursuite de la prestation de travail comme navigant. Elle considère cette impossibilité à exercer sa prestation d'officier pilote de ligne, qui s'impose à la société Air France par la décision du CMAC, comme un cas de force majeure. Elle qualifie dès lors, juridiquement la conséquence de la perte de licence comme une résiliation de plein droit du contrat de travail du « fait du prince » ; que dans son arrêt n° 00-42.370 du 7 mai 2002, la chambre sociale de la Cour de Cassation définit « le fait du prince en matière de rupture de contrat de travail comme une intervention ou un acte de l'administration imprévisible ayant pour effet de rendre impossible pour l'un ou l'autre contractant l'exécution du contrat de travail, puisque réunissant les conditions de la force majeure. Le retrait d'agrément, qui s'imposait à l'employeur de congédier sans délai le salarié, constitue un cas de force majeure privatif des indemnités de rupture »; Le Conseil relève que la jurisprudence citée par la société Air France au soutien, de son raisonnement, se rapporte au retrait d'une habilitation administrative à un croupier de casino pour exercer dans un casino municipal et non pas à une inaptitude physique d'origine médicale pour exercer un emploi donné et consécutive d'un accident de travail. Le Conseil juge que ce moyen jurisprudentiel est inopérant ; qu'au soutien de son argument du fait du prince, la SA société Air France cite dans sa plaidoirie et dans ses conclusions l'article L. 6526-2 du code des transports qui formule :"En cas d'incapacité résultant d'un accident du travail, d'une maladie imputable au service et reconnue comme telle par la commission mentionnée à l'article L. 6511-4, l'intéressé perçoit, jusqu'à la reprise de ses fonctions de navigant, ou jusqu'à la décision de cette commission, ou, le cas échéant, jusqu'à la date de l'entrée en jouissance de sa retraite, son salaire mensuel garanti pendant les six premiers mois d'incapacité et la moitié de ce salaire pendant les six mois suivant l'incapacité. Ce dernier étant proche de l'article L.424-2 du code de l'aviation civile aux dires de la société Air France. Le conseil constate que si l'article L. 424-2 du code de l'aviation civile n'impose pas le maintien du salaire après la décision du CMAC, il n'interdit pas formellement sous peine de sanction pénale, le versement du salaire. De plus, que l'article 1.2.1 a) du chapitre 7 de la convention d'Entreprise du PNT intitulé « Situations permettant le reclassement au sol » stipule : « Le reclassement au sol, dans les conditions définies à l'article 1.2.2., est offert de droit aux officiers navigants ayant perdu leur licence, avant l'âge d'ouverture du droit à la retraite tel que défini par les dispositions en vigueur du code de l'aviation civile pour inaptitude physique définitive résultant d'un accident ou d'une maladie reconnue imputable au service par le Conseil Médical de l'Aéronautique Civile ; toutefois, les intéressés peuvent refuser le principe du reclassement et opter pour le régime d'indemnisation prévu dans cette même convention » ; que l'article 2.2.2. du chapitre 7 de la convention d'entreprise du PNT intitulé « Licenciement pour inaptitude physique définitive » stipule dans son alinéa 2.2.2.1 sur les « Conditions générales » : « Le licenciement peut être prononcé pour inaptitude physique définitive à l'exercice de la profession de navigant. Conformément aux dispositions de l'article 1.2.1, si l'intéressé n'a pas demandé à être reclassé au sol ou refuse le reclassement ou si un reclassement ne peut lui être proposé, il est licencié ... » ; Le Conseil relève à la lecture de ces deux articles que la déclaration d'inaptitude physique définitive, ne conduit pas automatiquement à la rupture du contrat de travail du personnel navigant concerné, puisque la Convention d'Entreprise du PNT prévoit une option de reclassement à un emploi au sol. En outre, que l'article L.1226-11 du code du travail dispose : "lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail." Le Conseil fait remarquer que le code du travail ne considère pas l'inaptitude physique à un emploi qui doit être aussi impérativement déclaré et extérieur, et en l'occurrence la médecine du travail, comme constitutive d'un cas de force majeure rompant le contrat de travail pour fait du prince. Le Conseil fait également remarquer que l'inaptitude définitive de Monsieur Q... G... est la conséquence de son accident de travail survenu lors l'exercice de sa mission et causé par la chute de la cabine d'un simulateur de vol qui appartient à la SA société Air France. Celle-ci devait en principe légalement veiller à la maintenance et à la sécurité de la cabine pour son personnel. La société Air France portant un certain niveau de responsabilité sur la situation à l'origine de l'inaptitude définitive comme navigant du requérant, le Conseil juge qu'elle ne saurait alors se retrancher derrière la décision du CMAC pour assimiler la situation à un cas de force majeure et priver du fait du prince, le salarié de sa rémunération ; que le personnel navigant technique déclaré inapte à un emploi en vol par le CMAC et n'ayant pas choisi d'être reclassé au sol et dès lors licencié, se voit verser une indemnité compensatrice d'un préavis qu'il ne peut pas exécuter; Le Conseil ne comprend pas dans le prolongement du raisonnement de la société Air France pour quelle raison, le fait du prince ne s'appliquerait pas également pour l'indemnisation du préavis ; que dans sa plaidoirie et dans ses conclusions, la SA société Air France n'a pas montré l'énoncé d'un article du code de l'aviation civile ou du code du transport ou de la convention d'entreprise du personnel navigant technique, stipulant explicitement que les dispositions de l'article L. 1226-11 du code du travail ne s'appliqueraient pas au personnel navigant de la SA société Air France ; que la SA société Air France ne produit aucun moyen de droit dérogeant au principe d'ordre public, du versement d'un salaire en contrepartie de l'existence ou du maintien d'une relation contractuelle de travail; Le Conseil déclare que si la perte de la licence du requérant par suite de la décision par le CMAC de prononcer son inaptitude physique définitive, met nécessairement un terme à sa prestation de travail, elle n'implique pas légalement tout aussi nécessairement l'interruption de la rémunération, après l'expiration du délai d'un mois défini dans l'article L.1226-11 du code du travail; Le Conseil juge (
) parce qu'elle n'avait pas appliqué avec succès la procédure de reclassement de la convention d'entreprise du personnel navigant à Monsieur Q... G... à un emploi au sol, et aussi parce qu'elle ne l'avait pas licencié durant ce mois, la société Air France devait reprendre et maintenir jusqu'au licenciement effectif, le versement de sa rémunération correspondant à l'emploi d'officier pilote de ligne que Monsieur Q... G... occupait avant la suspension de son contrat de travail ».

ALORS QUE les lois spéciales dérogent aux lois générales ; qu'aux termes de l'article L.1226-11 du code du travail, qui en principe s'applique à tous les salariés, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte par le médecin du travail n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ; que cependant, selon l'article L.6526-1 du code des transports, en cas d'incapacité de travail résultant de blessures ou de maladies non imputables au service d'un pilote en cours d'exécution du contrat, l'employeur lui assure jusqu'à la reprise de ses fonctions ou jusqu'à la décision de la commission mentionnée à l'article L.6511-4 du même code (commission médicale saisie en cas de recours contre la décision médicale d'inaptitude du pilote à exercer ses fonctions prise par les centres d'expertise de médecine aéronautique ou par des médecins examinateurs agréés par l'autorité administrative), son salaire mensuel garanti pendant le mois au cours duquel est survenue l'incapacité et pendant les trois mois suivants et la moitié de ce salaire pendant les trois mois suivant cette première période ; que selon l'article L.6526-2 du code des transports, en cas d'incapacité de travail résultant de blessures ou de maladies imputables au service, le pilote perçoit jusqu'à la décision de la commission mentionnée à l'article L.6511-4 son salaire pendant les six premiers mois d'incapacité et la moitié de ce salaire pendant les six mois suivant l'incapacité ; que l'article L.6521-6 du code des transports énonce que « le code du travail est applicable au personnel navigant de l'aéronautique civile et à leurs employeurs, sous réserve des dispositions particulières fixées par le présent titre »; que les dispositions spéciales du code des transports qui dérogent aux règles générales prévues par le code du travail en matière de garanties salariales d'un pilote déclaré inapte à exercer ses fonctions, doivent seules être appliquées; qu'en faisant application des dispositions de l'article L.1226-11 du code du travail, non applicables, pour condamner la société Air France au paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents, la cour d'appel a violé l'article L.1226-11 du code du travail et les articles L.6526-1, L.6526-2 et L.6521-6 du code des transports.

ET ALORS QUE si les articles 1 et 2 du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique prévoient la possibilité pour un pilote déclaré inapte définitivement par le conseil médical de l'aéronautique civile à exercer ses fonctions de pilote d'être reclassé dans un emploi au sol, ces dispositions conventionnelles ne prévoient pas le versement d'un salaire au profit du pilote non reclassé ni licencié un mois après le constat de son inaptitude jusqu'au prononcé de son licenciement ; qu'en jugeant que la mise en oeuvre conventionnelle d'une procédure de reclassement au sol du pilote rendait applicable l'article L.1226-11 du code du travail, la cour d'appel a violé les articles 1et 2 et du chapitre 7 de la convention d'entreprise du personnel navigant technique application au sein de la société Air France, ensemble l'article L.1226-11 du code du travail et les articles L.6526-1, L.6526-2 et L.6521-6 du code des transports.

ALORS, à titre infiniment subsidiaire, QU' à supposer même que l'article L.1226-11 du code du travail soit applicable, la cour d'appel ne pouvait pas condamner la société Air France au paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents à compter du 27 juillet 2011, date de l'examen médical par le conseil médical de l'aéronautique civile (CMAC) au terme duquel le salarié a été déclaré inapte à exercer ses fonctions de pilote, jusqu'à son licenciement du 23 janvier 2012 ; que la cour d'appel pouvait seulement condamner la société Air France au paiement d'un rappel de salaire à compter du 27 août 2011 à l'issue du délai d'un mois ayant couru à compter de cet examen médical ; qu'en condamnant la société Air France au paiement d'un rappel de salaire et de congés payés afférents pour la période du 27 juillet 2011 au 24 janvier 2012, la cour d'appel a violé l'article L.1226-11 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;

D'AVOIR condamné la société Air France à verser à M. G... la somme de 49 114 euros à titre de reliquat de congés payés non pris ;

AUX MOTIFS QUE « M. G... indique qu'au moment de son licenciement, il bénéficiait de 111 jours de congés payés acquis et non pris, soit un reliquat de 81 jours auquel s'ajoutaient 30 jours de congés dus du 11 novembre 2011 au 31 mars 2012 mais qu'Air France ne lui a payé, au moment du solde de tout compte, qu'une indemnité compensatrice de congés payés de 5 309 6 correspondant aux congés payés sur préavis, soit 12 jours. La SA Air France réplique que l'allégation de M. G... sur un solde de congés payés d'une centaine de jours est aussi infondée qu'injustifiée. Mais, M. G... produit des demandes de congés informatiques faisant état d'un reliquat de 30 jours et de 81 jours. En conséquence, il sera fait droit à sa demande dans les conditions précisées dans le dispositif ».

ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; que pour condamner la société Air France à verser à M. G... la somme de 49 114 euros à titre de reliquat de congés payés non pris au moment de son licenciement, la cour d'appel s'est bornée à affirmer que le salarié a produit des demandes de congés informatiques faisant état d'un reliquat de 30 jours (période du 11 novembre 2011 au 31 mars 2012 qui correspond en réalité à la saison hiver) et de 81 jours ; qu'en statuant ainsi par des motifs qui ne permettent pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur les périodes visées, en tout cas, pour le reliquat de 81 jours et sur la somme allouée (modalités de calcul de la somme due), la cour d'appel a entaché sa décision d'un vice de motivation et a violé l'article 455 du code de procédure civile. Moyens produits au pourvoi n° C 18-10.401 par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. G....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur G... à la date du 23 janvier 2012 et de l'avoir en conséquence débouté de ses demandes à titre de rappel de salaire du 23 avril 2012 au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, des congés payés y afférents et des sommes versées au titre de la retraite complémentaire (PERE et article 83) ;

AUX MOTIFS QUE « La résiliation judiciaire du contrat de travail de M. G... produit [
] les effets d'un licenciement nul. Pour autant, cette circonstance ne déroge pas au principe selon lequel, lorsque le salarié n'est plus au service de l'employeur au moment où la juridiction prud'homale statue, la résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet à la date du licenciement, soit en l'espèce, le 23 janvier 2012. [
] Sur les rappels de salaire pour la période postérieure au 23 avril 2012 et les congés payés afférents M. G... sollicite un rappel de salaire sur la base d'une rémunération brute mensuelle de 15 071,60 € pour la période allant de l'expiration de son préavis jusqu'à la date de l'audience, soit le 30 juin 2017, ainsi que les congés payés afférents. Mais la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. G... prenant effet à la date du licenciement comme rappelé ci-dessus, M. G... devra être débouté de ces demandes. [
] Sur la demande du paiement et de la souscription par l'employeur à la retraite complémentaire (PERE et Art. 83 CGI) M. G... sollicite le paiement des sommes dues au titre de la retraite complémentaire à laquelle il pouvait prétendre entre le licenciement et la date de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Mais, comme justement relevé par la SA Air France, la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. G... prenant effet à la date du licenciement, M. G... ne peut solliciter le paiement de sommes au titre de la retraite supplémentaire auxquelles il aurait pu prétendre sur la période postérieure à la rupture du contrat de travail. Il sera débouté de cette demande »

ALORS QUE si, lorsqu'un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit rechercher si la demande était justifiée et, dans l'affirmative, fixer la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement, il ne saurait en être de même lorsqu'il apparaît que le licenciement prononcé par l'employeur est entaché de nullité et donc, privé d'effet ; que, dans une telle hypothèse, la prise d'effet de la résiliation judiciaire du contrat de travail doit être fixée à la date de la décision judiciaire la prononçant ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel après avoir retenu, à juste titre, que la rupture du contrat de travail d'un salarié déclaré inapte à son poste à l'issue d'une seule visite médicale de reprise était nulle, ce dont il se déduisait que le licenciement de Monsieur G..., intervenu dans de telles circonstances, était lui-même entaché de nullité, a néanmoins considéré que la résiliation judiciaire de son contrat de travail devait prendre effet à la date de son licenciement, soit le 23 janvier 2012 et non à la date de son arrêt, ainsi que le demandait Monsieur G..., et a, en conséquence, débouté le salarié de ses demandes subséquentes à titre de rappel de salaire du 23 avril 2012 au prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail, de congés payés afférents et des sommes versées au titre de la retraite complémentaire ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1184 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ensemble celles des articles L. 1132-1 et R. 4624-31 du Code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Monsieur G... de sa demande de dommages et intérêts réparant l'intégralité du préjudice tant corporel que moral résultant du caractère brutal, illicite, discriminatoire et vexatoire du licenciement ;

AUX MOTIFS QUE « à l'appui de cette demande, M. G... invoque : - le caractère brutal du licenciement en ce que la lettre de convocation à l'entretien préalable a été envoyée 2 jours après la date de convocation à la visite médicale du travail du 3 janvier 2012 et 5 jours après la fin de la période de protection au titre de son statut de représentant syndical et en ce qu'il a été licencié sans qu'il n'ait été tenu aucun compte des observations formulées par lui lors de son entretien préalable de licenciement le 17 janvier 2012, notamment sur le caractère professionnel de son inaptitude et sur les obligations d'Air France qui y sont attachées, - le caractère vexatoire et discriminatoire du licenciement dont les motifs du licenciement dont volontairement abstraction du caractère professionnel de l'inaptitude, pourtant parfaitement connu par Air France, qui est intervenu après l'audience de référé devant le conseil de prud'hommes de Bayonne, condamnant Air France au paiement des salaires, et, au surplus, en violation du statut protecteur auquel l'accident du travail assorti d'une incapacité permanente de travail de 10% lui donnait droit, - son préjudice corporel résultant de l'accident du travail du 18 mai 2008 dont il a été victime qui lui a laissé un taux d'invalidité initial de 10%, réactualisé aujourd'hui à 15%, - la perte de chance d'avoir pu conserver un emploi au sein d'Air France jusqu'à l'âge de la retraite en raison de l'accident, - le caractère discriminatoire du licenciement en ce qu'il a été licencié en raison de son état de santé dans le mois ayant suivi la fin de son dernier mandat de représentant syndical. Cela étant, comme justement relevé par la SA Air France, la demande en dommages –intérêts de M. G... se heurte, pour partie, à la prohibition de la double réparation d'un même préjudice en ce que l'intéressé sollicite l'indemnisation des conséquences de son licenciement qui ont déjà été réparées par l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement et, pour partie, aux dispositions d'ordre public régissant l'indemnisation d'un accident du travail que la juridiction prud'homale saisie d'un litige né à l'occasion d'un contrat de travail ne peut connaître. Il sera également débouté de cette demande» ;

ALORS QU'en cas de comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture du contrat de travail, le salarié dont le licenciement est nul ou sans cause réelle et sérieuse, peut prétendre, en réparation du préjudice occasionné par ce comportement fautif, à des dommages-intérêts distincts de ceux alloués au titre de la nullité ou de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement ; qu'en conséquence, lorsqu'un salarié sollicite des dommages-intérêts en raison des circonstances de la rupture de son contrat de travail, les juges du fond sont tenus de rechercher si, comme le soutient l'intéressé, les conditions de la rupture ont été abusives ou vexatoires, peu important l'appréciation qui est faite par ailleurs du bien-fondé de cette rupture ; qu'en l'espèce, après avoir rappelé que Monsieur G... invoquait notamment, au soutien de sa demande de dommages et intérêts, le caractère brutal ainsi que le caractère vexatoire et discriminatoire de son licenciement, la Cour d'appel a débouté le salarié de sa demande à ce titre au motif que celle-ci se heurtait, pour partie, à la prohibition de la double réparation d'un même préjudice en ce que l'intéressé sollicitait l'indemnisation des conséquences de son licenciement qui avaient déjà été réparées par l'octroi de dommages et intérêts pour licenciement nul ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, ainsi que le faisait valoir Monsieur G..., les circonstances de la rupture de son contrat de travail ne caractérisaient pas un comportement fautif de la société AIR FRANCE justifiant l'allocation de dommages et intérêts distincts de ceux alloués au titre de la nullité de son licenciement, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10401;18-10413
Date de la décision : 20/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 nov. 2019, pourvoi n°18-10401;18-10413


Composition du Tribunal
Président : M. Cathala (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10401
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