LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
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M. P... K...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 2 juillet 2018, qui, pour violences aggravées, l'a condamné à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et mise à l'épreuve ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 8 octobre 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Lavielle, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Darcheux ;
Sur le rapport de M. le conseiller LAVIELLE, les observations de la société civile professionnelle MARLANGE et DE LA BURGADE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général LE DIMNA ;
Vu le mémoire produit ;
Attendu que le 14 décembre 2012, un bébé né [...] et prénommé W..., était admis au service des urgences d'[...], présentant de multiples fractures costales, une fracture humérale gauche, une fracture et un traumatisme ostéo-cartilagineux au coude droit ainsi qu'une lésion traumatique ulcérée et nécrotique au fond de la gorge avec perforation de la muqueuse ; que M. P... K... et Mme E... F... ses parents, poursuivis devant le tribunal pour violences volontaires aggravées ont été déclarés coupables et condamnés à quatre ans d'emprisonnement et deux ans de suivi socio-judiciaire ; qu'ils ont relevé appel de cette décision ainsi que le ministère public ;
En cet état,
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-12, 222-11, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48-1 et 132-19-2 du code pénal, 378 et 379-1 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le prévenu coupable de faits de violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, avant d'entrer en voie de condamnation à son encontre et de statuer sur les intérêts civils ;
“1°) alors qu'en affirmant, pour déclarer la culpabilité du prévenu, que la lésion au fond de la gorge de son fils serait la conséquence de gestes violents de sa part puisqu'il aurait notamment reconnu avoir introduit son doigt au fond de la gorge de son fils, après avoir expressément constaté que, lors de son audition le 15 décembre 2012, le prévenu avait seulement déclaré avoir « enfoncé son petit doigt dans la bouche de son fils, le long de sa joue, pour sortir des glaires » et non au fond de la gorge, la cour d'appel, qui n'a nullement caractérisé la réalité de gestes violents à l'origine de la lésion imputée au prévenu, a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés ;
“2°) alors qu'en affirmant, pour déclarer la culpabilité du prévenu, que la lésion au fond de la gorge et la fracture délabrée du coude droit de son fils seraient la conséquence de gestes violents de sa part, puisqu'il exercerait un fort ascendant sur sa compagne et qu'il aurait montré de l'agressivité verbale envers son fils, la cour d'appel, qui n'a ainsi nullement caractérisé la réalité de gestes violents à l'origine de la lésion et de la fracture imputées au prévenu, a privé son arrêt de base légale au regard des textes susvisés” ;
Attendu que pour confirmer la déclaration de culpabilité de M. K..., l'arrêt attaqué, après avoir résumé les éléments de l'enquête et détaillé les lésions observées chez l'enfant lors de son hospitalisation, énonce que l'origine des gestes violents envers le bébé ayant pu causer les fractures costales gauches au demeurant anciennes et l'arrachement osseux à l'extrémité du fémur droit ne peut être attribuée à l'un ou l'autre des parents, de même que la fracture à l'humérus gauche ; que les juges ajoutent que cependant il convient de considérer que la lésion au fond de la gorge et la fracture délabrée du coude droit de W... sont la conséquence de gestes violents commis par M. K... qui :
- a exercé un fort ascendant sur Mme E... F... au moins jusqu'à ce que cette dernière le quitte,
- a déjà montré son agressivité verbale envers son fils qu'il a menacé de claquer par terre et dont il a regretté la survie à la naissance, son absence de précaution lors des prises en charge comme le lui a rappelée sa concubine lors d'une nuit chez une amie et comme a pu s'en apercevoir Mme J... F..., soeur d'E...,
- a reconnu avoir introduit son doigt au fond de la gorge de son fils, geste commis entre le mercredi 12 décembre 2012 après la visite à la PMI et le vendredi 14 décembre 2012 au soir et que la fracture délabrée du coude droit peut être datée du vendredi 14 décembre 2012 entre 6 heures 00 et 9 heures 00, puisque la mère s'est aperçue de l'oedème au coude à partir de 9 heures 00 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision;
D'où il suit que le moyen qui revient à remettre en question devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-19, 222-12, 222-11, 222-44, 222-45, 222-47, 222-48-1 et 132-19-2 du code pénal, 378 et 379-1 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, après avoir déclaré le prévenu coupable des faits de violence suivie d'incapacité supérieure à 8 jours sur un mineur de 15 ans par un ascendant ou une personne ayant autorité sur la victime, l'a condamné à la peine de quatre ans d'emprisonnement dont trois ans assortis d'un sursis avec mise à l'épreuve durant deux ans avec des obligations particulières, avant d'ordonner, s'agissant des intérêts civils, une expertise médicale sur la personne de la victime ;
“alors que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; que, s'il décide de ne pas aménager la peine, le juge doit, en outre, motiver spécialement cette décision, soit en établissant que la personnalité et la situation du condamné ne permettent pas un tel aménagement, soit en constatant une impossibilité matérielle ; que le fait que le prévenu ne reconnaisse pas sa culpabilité et n'ait rien fait pour indemniser la partie civile ne saurait justifier le refus d'aménager la peine d'emprisonnement sans sursis prononcée à son encontre ; qu'aussi bien, en décidant de ne pas aménager la peine d'emprisonnement sans sursis à laquelle elle a condamné le prévenu, au motif que celui-ci n'aurait entrepris aucune démarche pour commencer l'indemnisation du dommage, la cour d'appel qui s'est prononcée par un motif inopérant impropre à justifier sa décision de ne pas aménager la peine d'emprisonnement sans sursis, a méconnu les textes susvisés” ;
Attendu que pour écarter l'aménagement ab initio de la partie ferme de l'emprisonnement prononcé, l'arrêt énonce que M. K... ne justifie nullement de ce qu'il exerce une activité professionnelle, qu'il n'a entrepris aucune démarche pour commencer l'indemnisation du dommage ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs qui répondent aux exigences de l'article 132-19 du code pénal, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-neuf novembre deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.