La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/11/2019 | FRANCE | N°18-20400

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 14 novembre 2019, 18-20400


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 15 et 783 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 ont interjeté appel d'une ordonnance de référé ayant notamment rejeté leur demande tendant à voir ordonner la suspension de l'exploitation par la société Le Club des extras d'une plate-forme mettant en relation des professionnels de la restauration et de l'hôtellerie ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les

conclusions des sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 remises le 20 mars 20...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le premier moyen :

Vu les articles 15 et 783 du code de procédure civile ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 ont interjeté appel d'une ordonnance de référé ayant notamment rejeté leur demande tendant à voir ordonner la suspension de l'exploitation par la société Le Club des extras d'une plate-forme mettant en relation des professionnels de la restauration et de l'hôtellerie ;

Attendu que pour déclarer irrecevables les conclusions des sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 remises le 20 mars 2018, l'arrêt retient qu'elles ont été déposées le jour où l'ordonnance de clôture a été prononcée ;

Qu'en statuant ainsi, au seul motif de la date de dépôt des conclusions, sans rechercher si ce dépôt n'était pas intervenu en temps utile et avait eu pour effet de porter atteinte au principe de la contradiction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Le club des extras aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le club des extras ; la condamne à payer aux sociétés Staffmatch France et Staffmatch France 1 la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour les sociétés Staffmatch France 1 et Staffmatch France

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les conclusions des SAS STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 remises le 20 mars 2018 ;

AUX MOTIFS QUE l'article 783 du Code de procédure civile prévoit que : « Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office » ; que les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1, appelantes, ont déposé des écritures le jour où l'ordonnance de clôture a été rendue, le 20 mars 2018, et la société LE CLUB DES EXTRAS plusieurs jours après, soit le 29 mars 2018 ; qu'il résulte des dispositions sus énoncées que leur irrecevabilité doit être prononcée d'office ;

ALORS, D'UNE PART, QUE la Cour d'appel qui, après avoir constaté que les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 avaient déposé des écritures le jour de l'ordonnance de clôture, soit le 20 mars 2018, a jugé que leur irrecevabilité devait être prononcée d'office en application de l'article 783 du Code de procédure civile, a violé, par fausse application, ce texte ;

ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUT ETAT DE CAUSE, Qu'en déclarant irrecevables les conclusions des sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 déposées le jour de l'ordonnance de clôture, sans préciser les circonstances particulières qui ont empêché de respecter le principe de la contradiction, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 15 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit n'y avoir lieu à référé et d'avoir condamné les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 à payer à la SAS LE CLUB DES EXTRAS la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;

AUX MOTIFS QUE l'article 873, alinéa 1er, du Code de procédure civile dispose que le président du Tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du Tribunal, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que le dommage imminent s'entend du « dommages qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ; qu'il s'ensuit que, pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la Cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ; que les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 sont des entreprises de travail temporaire qui interviennent dans le secteur de l'hôtellerie et la restauration ; que leur activité consiste à mettre à disposition provisoire d'entreprises clientes, dites entreprises utilisatrices, des salariés qu'elles recrutent et rémunèrent ; que la société LE CLUB DES EXTRAS – ci-après LCDE – exploite une plate-forme internet (web et mobile) ayant pour objet de mettre en relation des professionnels de la restauration et de l'hôtellerie avec des travailleurs indépendants ; que son activité consiste à identifier des profils d'indépendants inscrits sur la plate-forme pouvant répondre aux besoins de service occasionnel d'un professionnel, puis d'entrer en relation avec celui-ci ou ceux de leur choix ; que LCDE précise qu'elle n'intervient ni dans le choix de l'indépendant, ni dans la détermination de sa rémunération ; qu'elle n'est liée par aucun contrat de travail avec les indépendants ni ne les rémunère ; que la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a créé le régime de l'auto-entrepreneur qui est, par définition, un travailleur indépendant ; que l'article L. 8221-6 du Code du travail dispose que « les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des URSSAF pour le recouvrement des allocations familiales », à savoir les travailleurs indépendants, travaillant ou non sous le statut d'auto-entrepreneur, « sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail » ; que l'article L. 7341-1 du Code du travail, issu de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et du décret du 4 mai 2017 relatif à la responsabilité des plateformes de mise en relation par voie électronique, dispose que les travailleurs indépendants ayant recours, pour leur activité professionnelle, à une plate-forme, ne sont pas, en principe, liés à celle-ci par un contrat de travail ; qu'en vertu de l'article L. 8221-6 précité, l'existence d'un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci ; que LCDE indique qu'aucun des indépendants inscrits sur sa plate-forme n'a agi à son encontre aux fins de se voir reconnaître le statut de salarié ; que les griefs invoqués par les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 à l'encontre de LCDE pour caractériser des faits d'exercice illégal de la profession règlementée d'entreprise de travail temporaire, de contournement frauduleux du régime des micro-entrepreneurs, de marchandage, de prêt illicite de main d'oeuvre, constitutifs d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent par leur réitération, reposent sur le présupposé que les travailleurs indépendants inscrits sur la plate-forme de LCDE seraient, en réalité, des salariés ; que, toutefois, dès lors que, contrairement à ce qu'affirment les appelantes, le modèle économique des plate formes de mise en relation par voie électronique est reconnu légalement, la loi du 8 août 2016 et le décret du 4 mai 2017 ayant pour objet d'accompagner l'essor des plateformes numériques en renforçant le cadre dans lequel les travailleurs indépendants y ayant recours exercent leur activité, notamment en leur octroyant des sociaux minimaux, et dès lors qu'il n'est pas manifeste que la qualification de salariés puissent être reconnue aux travailleurs mis en relation avec des professionnels par LCDE, le trouble illicite, de même que le dommage imminent, ne sont pas démontrés par les sociétés de travail temporaires appelantes ;

ET AUX MOTIFS Qu'il en est de même du grief fondé sur des pratiques commerciales trompeuses au motif que l'utilisation du terme « Extra » par LCDE laisse entendre que le service qu'elle propose serait licite alors qu'il ne peut l'être puisque un extra est un salarié, dont le régime est prévu par la convention collective nationale du 30 avril 1997 ; que si l'article 14 de la convention collective nationale à laquelle il est fait référence stipule que « l'emploi d'extra qui, par nature est temporaire, est régi par les dispositions légales en vigueur. Un extra est engagé pour la durée nécessaire à la réalisation de la mission », il ne peut être déduit ipso facto de cette clause, insérée dans un document régissant les droits des travailleurs dans un secteur d'activité, qu'un extra ne puisse être un travailleur indépendant ; que la preuve du caractère manifestement illicite du trouble invoqué, de même que l'imminence d'un dommage n'est pas rapportée ; que, par ces motifs qui se substituent à ceux retenus par le premier juge, l'ordonnance sera confirmée, qui a dit n'y avoir lieu à référé ;

ALORS, D'UNE PART, QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 4, 19 et 23), les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 avaient dénoncé la fraude à la loi commise par la société LE CLUB DES EXTRAS, cette fraude consistant en l'utilisation d'un moyen légal, celui des plateformes de mise en relation, pour éluder une règle de droit, la règlementation sur le travail temporaire ; qu'en énonçant que les griefs invoqués par les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 à l'encontre de LCDE « reposent sur le présupposé que les travailleurs indépendants inscrits sur la plate-forme de LCDE seraient en réalité des salariés », cependant que la fraude à la loi dénoncée par les exposantes ne reposaient pas sur un tel présupposé, la Cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant et a, dès lors, violé l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

ALORS, D'AUTRE PART, Qu'en se bornant à énoncer « que les griefs invoqués par les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 à l'encontre de LCDE pour caractériser des faits d'exercice illégal de la profession règlementée d'entreprise de travail temporaire, de contournement frauduleux du régime des micro-entrepreneurs, de marchandage, de prêt illicite de main d'oeuvre, constitutifs d'un trouble manifestement illicite et d'un dommage imminent par leur réitération, reposent sur le présupposé que les travailleurs indépendants inscrits sur la plate-forme de LCDE seraient, en réalité, des salariés », sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si la société LCDE n'avait pas commis une fraude à la loi consistant en l'utilisation d'un moyen légal, celui des plateformes de mise en relation, pour éluder une règle de droit, la règlementation sur le travail temporaire, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du Code de procédure civile, ensemble le principe fraus omnia corrumpit ;

ALORS, DE TROISIEME PART, QUE, dans leurs conclusions d'appel, les sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1 ne contestaient pas la légalité des plateformes de mise en relation, indiquant, au contraire, que « les plateformes de mise en relation ne sont absolument pas illégales. Ce qui est illégales et doit donc être interdit c'est la mise en relation afin de réaliser un objectif illicite » (conclusions d'appel, p. 20 et p. 21 à 23) ; qu'en énonçant que, « contrairement à ce qu'affirment les appelantes, le modèle économique des plateformes de mise en relation par voie électronique est reconnu légalement, la loi du 8 août 2016 et le décret du 4 mai 2017 ayant pour objet d'accompagner l'essor des plateformes numériques en renforçant le cadre dans lequel les travailleurs indépendants y ayant recours exercent leur activité, notamment en leur octroyant des droits sociaux minimaux (
) », la Cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel des sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE QUATRIÈME PART, Qu'en se fondant, d'une part, sur le fait non contesté que « le modèle économique des plateformes de mise en relation par voie électronique est reconnu légalement, la loi du 8 août 2016 et le décret du 4 mai 2017 », et, d'autre part, sur la circonstance inopérante que « la qualification de salariés puisse[nt] être reconnue aux travailleurs mis en relation avec des professionnels par LCDE », pour juger que « le trouble illicite, de même que le dommage imminent, ne sont pas démontrés par les sociétés de travail temporaire appelantes », la Cour d'appel a manifestement privé sa décision de base légale au regard de l'article 873 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE, dans leurs conclusions d'appel (p. 27), les exposantes avaient fait valoir que la société LE CLUB DES EXTRAS « utilise le terme « EXTRA » et entend faire référence à la qualité de « l'extra » dont le régime est notamment prévu par la convention collective nationale du 30 avril 1997 et qui prévoit qu'un extra est un salarié » et elles reprochaient à la société LE CLUB DES EXTRAS d'utiliser « de manière abusive le terme « d'extra », utilisation caractérisant l'existence de pratiques commerciales trompeuse dont le but est de créer une confusion dans l'esprit du public » ; qu'en se bornant à viser l'article 14 de la convention collective et à énoncer qu'il « ne peut être déduit ipso facto de cette clause, insérée dans un document régissant les droits des travailleurs dans un secteur d'activité, qu'un extra ne puisse être un travailleur indépendant », sans répondre au moyen invoqué dans les écritures d'appel des sociétés STAFFMATCH France et STAFFMATCH France 1, portant sur le risque de confusion créée dans l'esprit du public, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile ;

ALORS, ENFIN, QUE l'article 1er de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 précise que « la présente convention collective nationale cadre s'applique dans toutes les entreprises en France métropolitaine et dans les DOM dont l'activité principale est l'hébergement et/ou la fourniture de repas et/ou de boissons et, le cas échéant, des services qui y sont associés » et son article 14 précise que « l'emploi d'extra qui, par nature est temporaire, est régi par les dispositions légales en vigueur » ; qu'après avoir constaté que la société LE CLUB DES EXTRAS intervenait dans le secteur de la restauration et de l'hôtellerie, la Cour d'appel, qui a énoncé qu'il ne peut être déduit de l'article 14 de cette convention qu'un extra ne puisse être un indépendant, a violé les dispositions de la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-20400
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 30 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 14 nov. 2019, pourvoi n°18-20400


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.20400
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award