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14/11/2019 | FRANCE | N°18-12170

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 novembre 2019, 18-12170


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-23.711), que M. I..., se prévalant d'un bail authentique consenti le 24 mars 1970 par son père sur des parcelles que celui-ci a ultérieurement données à bail sous seing privé du 1er mai 2005 à M. A..., a sollicité l'annulation ou l'inopposabilité à son égard du second bail et sa résiliation ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1300 du code civil, dan

s sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 décembre 2017), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 3 décembre 2015, pourvoi n° 14-23.711), que M. I..., se prévalant d'un bail authentique consenti le 24 mars 1970 par son père sur des parcelles que celui-ci a ultérieurement données à bail sous seing privé du 1er mai 2005 à M. A..., a sollicité l'annulation ou l'inopposabilité à son égard du second bail et sa résiliation ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 1300 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

Attendu que la confusion laisse au titulaire de la créance qu'elle concerne la faculté d'opposer aux tiers les droits qu'il a acquis ;

Attendu que, pour rejeter la demande en inopposabilité du bail consenti à M. A..., l'arrêt retient que les droits que M. I... tirait lui-même du bail authentique précédent se sont éteints par confusion avec sa qualité de propriétaire, acquise au plus tard lors du partage de la succession de son père le 21 octobre 2010 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, dans les relations avec les tiers, les droits définitivement acquis avant l'événement qui a produit la confusion ne disparaissent pas du seul fait de celle-ci, la cour d'appel, qui a constaté que le bail authentique avait été régulièrement publié, a violé le texte susvisé ;

Et sur le second moyen :

Vu les articles L. 411-31, II, 1° et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que toute sous-location ou cession, même partielle, constitue une cause de résiliation du bail rural sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ;

Attendu que, pour rejeter la demande de résiliation, l'arrêt retient que le fait d'avoir laissé la SARL Crapa'hutte implanter quelques tyroliennes ne saurait être considéré comme étant fautif au regard des obligations nées du bail rural litigieux, dès lors, d'une part, qu'il ne s'agit que d'une activité secondaire à l'activité agricole que M. A... exerce à titre principal, d'autre part, qu'il n'est pas démontré que cette activité secondaire soit de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé qu'une société commerciale exploitait une activité d'organisation de loisirs de plein air destinés aux touristes se déroulant sur des parcelles louées, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. A... et le condamne à payer à M. I... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. I...

PREMIER MOYEN CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. S... I... de l'intégralité de ses prétentions à l'encontre M. K... A..., et ainsi débouté M. S... I... de ses demandes tendant à entendre déclarer inopposable à son égard le contrat de location sous-seing privé en date du 1er mai 2005 et, en conséquence, à ordonner l'expulsion sous astreinte de M. K... A... des parcelles appartenant à M. S... I... cadastrées section [...] , [...], [...] , [...] [...] et [...] et [...] et 106, sises commune d'[...] ;

AUX MOTIFS, SUBSTITUÉS À CEUX DES PREMIERS JUGES, QUE

Il résulte des pièces du dossier qu'étant devenu propriétaire des parcelles litigieuses objets du contrat de bail à ferme du 1er mai 2005 consenti à K... A... par W... I... en suite du décès de ce dernier le [...] et de l'acte de partage de sa succession du 21 octobre 2010, S... I... a tout d'abord saisi le tribunal paritaire des baux ruraux de Clermont-Ferrand d'une action en résiliation de ce bail à ferme pour exécution fautive de ce contrat par le preneur, l'existence même de ce bail ou son opposabilité n'étant à l'époque pas contestées ;

Ce n'est en effet que dans un 2e temps que S... I... a décidé le 24 janvier 2012 de saisir le tribunal paritaire d'une nouvelle action en nullité ou inopposabilité de ce bail de 2005, en se prévalant cette fois de l'acte authentique de bail à ferme que lui avait consenti son père sur certaines parcelles le 24 mars 1970 (acte régulièrement publié le 1er avril 1970) ;

Il est incontestable que S... I... ne pouvait exercer une telle action en nullité ou inopposabilité du bail à ferme consenti le 1er mai 2005 par W... I... à K... A..., second preneur, sur le fondement du bail authentique du 24 mars 1970 qu'en la qualité de preneur antérieur que lui avait conférée cet acte notarié ;

Or il est tout aussi incontestable qu'à supposer même que les droits que S... I... tirait de ce bail authentique aient perduré jusqu'au décès de son père en 2009, ces droits se sont en tout état de cause éteints par confusion au plus tard lors de la signature par S... I... de l'acte authentique contenant partage de la succession d'W... I... reçu le 21 octobre 2010 par Me U..., notaire, puisqu'au terme de cet acte S... I... devenait plein propriétaire des parcelles agricoles en question.

C'est dès lors à bon droit que K... A... se prévaut aujourd'hui – pour la première fois dans le cadre de la présente procédure – de cette confusion sur la tête de S... I... des qualités de bailleur et de preneur, confusion ayant mis fin au bail du 24 mars 1970 puisqu'il en résulte en effet que S... I... ne pouvait être fondé, lorsqu'il a introduit cette action en janvier 2012, à se prévaloir d'une qualité de preneur à bail rural qu'il n'avait plus ;

Dès lors, il y a lieu de confirmer par substitution de motifs le jugement déféré en ce qu'il a débouté S... I... de cette demande, qui était en l'espèce irrecevable puisqu'elle ne pouvait être présentée par l'intéressé qu'en cette qualité de titulaire d'un bail à ferme antérieur à celui de 2005 ici litigieux » ;

ALORS QUE la confusion n'éteint pas d'une manière absolue le droit qu'elle concerne et laisse au titulaire de celui-ci la faculté de l'opposer encore aux tiers qui voudraient porter atteinte à des droits par lui définitivement acquis ; qu'en retenant néanmoins que M. S... I... ne pouvait exercer, sur le fondement du bail authentique du 24 mai 1970 régulièrement publié dont il était titulaire en qualité de preneur, une action en inopposabilité du bail consenti à M. A... le 1er mai 2005 sur certaines des parcelles objet du bail de 1970, dès lors que ses droits de preneur étaient éteints par confusion de la qualité de preneur et de bailleur à la suite du décès de son père bailleur, W... I..., la cour d'appel a violé l'article 1300 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté M. S... I... de l'intégralité de ses prétentions à l'encontre M. K... A..., et ainsi débouté M. S... I... de ses demandes tendant au prononcé de la résiliation du contrat de location sous-seing privé en date du 1er mai 2005 et, en conséquence, à ordonner sous astreinte l'expulsion de M. K... A... des parcelles appartenant à M. S... I... cadastrées section [...] , [...], [...] , [...] , [...] et [...] et [...] et 106, sises commune d'[...] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE,

Sur la résiliation du bail du 1er mai 2005 pour manquement du preneur à ses obligations :

Au soutien de cette demande, le bailleur, S... I..., fait valoir d'une part que " les parcelles en litige restent occupées par Monsieur K... A... pour l'exercice d'une activité commerciale par l'intermédiaire de la Sarl Crapa'hutte " dont l'intéressé est par ailleurs le gérant et que "la mise à disposition par K... A... des parcelles en litige à la Sarl Crapa'hutte constitue une cession prohibée du prétendu bail rural" à une société tierce au contrat ;

Il est constant que K... A... exploite en qualité de gérant au lieu-dit Moidas sur la commune d'[...] la Sarl Crapa'hutte qui a pour activité l'organisation de loisirs de plein air destinés aux touristes (via ferrata, parcours de tyroliennes, circuits de quad, tir à l'arc, etc.) ;

S... I... en déduit qu'en réalité K... A... n'exploite plus en qualité d'agriculteur les parcelles données à bail mais s'en sert dans le cadre de sa société Crapa'hutte pour les activités de loisirs précitées, ce dont il déduit d'une part qu'il a manqué à son obligation d'exploitation agricole des parcelles et d'autre part, qu'il a mis ces terrains à la disposition de sa Sarl, lui cédant ainsi le bail litigieux en contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 du code rural ;

Il résulte toutefois des pièces versées aux débats par K... A... que celui-ci est en son nom personnel éleveur de chevaux et qu'il n'a jamais cessé depuis 2005 d'exploiter en y faisant paître ses chevaux l'ensemble des parcelles ainsi louées, qui représentent au total une surface d'environ 54 ha ;

Le rapport d'expertise judiciaire de B... P... confirme la matérialité de cette exploitation, émettant seulement à ce sujet les réserves suivantes :

- pour la partie des parcelles [...] , [...] et [...] utilisées par S... I... pour son usage personnel (apiculture notamment), K... A... faisant d'ailleurs valoir que s'il avait accepté qu'W... I... dispose sur les parcelles données à bail les ruches que celui-ci exploitait conjointement avec Madame O..., il n'a pour autant jamais donné l'autorisation S... I... d'implanter ses propres ruches sur les parcelles en cause ;

- pour la partie boisée (15,5 ha) de la parcelle [...] , dans la mesure où, s'agissant d'une parcelle de bois avec une forte pente, il n'y a pas d'activité agricole sur cette partie de la parcelle. Pour autant, cette absence d'activité agricole ne saurait être reprochée au preneur, compte tenu de la nature et de la configuration de la parcelle en cause ;

- pour les parcelles [...] et [...], pour lesquels l'expert indique :

"ces parcelles composées de bois et de rochers sont parcourues en partie par les animaux sans qu'il y ait pour autant beaucoup de possibilités de pacage. Nous avons relevé également sur la parcelle [...] la présence d'équipement de type tyrolienne appartenant à la Sarl Crapa'hutte Sainte-Marguerite [...] , dont Monsieur A... est gérant. Ces parcelles, sans véritable vocation agricole, paraissent davantage être utilisées pour les activités de loisirs de la Sarl Crapa'hutte."

La simple lecture de cet avis de l'expert judiciaire sur les parcelles [...] et [...] permet de constater que, contrairement à ce que soutient aujourd'hui S... I..., la Sarl Crapa'hutte n'est pas la seule utilisatrice de ces terrains puisque K... A... s'en sert pour ses chevaux en dépit des difficultés liées à la configuration du terrain.

Il en résulte que le fait d'avoir laissé la Sarl Crapa'hutte y implanter quelques tyroliennes ne saurait être considéré comme étant fautif au regard des obligations nées du bail rural litigieux, dès lors d'une part qu'il ne s'agit manifestement là que d'une activité secondaire à l'activité agricole que K... A... y exerce à titre principal, et d'autre part qu'il n'est pas démontré que cette activité secondaire soit de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, sachant de surcroît que ces parcelles-là sont selon l'expert "sans véritable vocation agricole" ;

Par ailleurs, s'il paraît incontestable au vu des pièces versées aux débats que des Quad ont pu parcourir certaines des parcelles litigieuses, la cour relève d'une part qu'il ne saurait être fait grief à K... A... d'utiliser un tel véhicule tout-terrain à l'occasion de son exploitation agricole de ces parcelles, ce qui peut expliquer certaines des traces de pneus relevées par l'huissier mandaté par S... I..., et d'autre part que les témoignages produits par l'appelant ne permettent aucunement de rattacher d'une quelconque façon à l'activité de loisirs exercée par K... A... via sa société Sarl Crapa'hutte les passages de quads constatés ponctuellement par les témoins, sans que ces derniers aient identifié l'origine de ces véhicules ni l'identité de leurs conducteurs.

En l'état de ces éléments, la cour ne peut que constater que S... I... ne rapporte la preuve ni d'une exploitation des parcelles litigieuses par la Sarl Crapa'hutte, exclusive de l'activité agricole de K... A... comme éleveur de chevaux, ni donc de la cession de bail rural prétendument intervenue entre ce dernier et cette société dont il est le gérant. De même, n'est pas plus établie la sous-location de ses terres à la Sarl Crapa'hutte, sous-location un temps invoquée dans le cadre de la présente procédure par S... I....

Enfin, comme l'a pertinemment relevé le tribunal paritaire dans le jugement déféré, le fait que Me X..., huissier de justice, ait constaté que l'une des parcelles données à bail (B 1274) était par endroits en assez mauvais état d'entretien le 8 février 2011, jour de son constat, ne saurait suffire à justifier une résiliation du bail aux torts du preneur, faute par le bailleur de démontrer le bon état d'entretien de cette parcelle lors de la conclusions du bail et donc l'imputabilité au preneur de cette dégradation des lieux ;

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté S... I... de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de bail du 1er mai 2005 dont bénéficie K... A... sur les parcelles litigieuses ;

ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS DES PREMIERS JUGES QUE

Sur la demande de résiliation du bail dont bénéficie M. A...,

M. S... I... demande à voir constater que les terrains qu'occupe M. A... ne font pas l'objet d'une utilisation conforme à l'article L 411-1 du code rural et de la pêche maritime et que les activités commerciales et touristiques qui y sont organisées par une personne morale distincte du preneur permettent de caractériser l'existence d'une cession, voire une sous-location, opérations toutes deux prohibées ;

il estime que ces éléments justifient la résiliation du bail dont se prévaut le défendeur ;

la cession de bail a pour effet de transférer à un tiers le droit personnel du preneur sur le fonds loué ; elle est en principe interdite au même titre que la sous-location ;

l'article L 411-35 du code rural et de la pêche maritime prohibe la cession, même en l'absence de toute contrepartie ;

selon l'article L 411-31, II, 1° du même code, le propriétaire peut demander la résiliation du bail en cas de contravention du preneur aux dispositions de l'article L 411-35 ;

à l'appui de son argumentation, M. I... produit notamment :

- un procès-verbal de constat établi en date du 8 février 2011 par Me X..., Huissier de justice à [...], qui décrit notamment :

- au bas de la parcelle [...] lieu-dit " ... ", la présence de deux tyroliennes dans la vallée ;

- le câblage de ces tyroliennes menant à deux plates-formes d'arrivée visibles sur l'autre versant de la vallée ;

- la présence au niveau des rochers situés au bas de la parcelle, d'installations nécessaires à un parcours « d'accrobranches » avec des câbles tendus ;

- la présence à proximité d'un panonceau commercial comportant des indications relatives à CRAPA'Hutte ;

- la présence en différents points de traces au sol, plus ou moins marquées, laissées par des pneus (pouvant être ceux d'un quad) au sommet de la parcelle [...] et sur le chemin communal emprunté lors des constatations effectuées ;

- un plan de situation dressé par GEOVAL SELARL de géomètres experts à partir de données recueillies par méthode GPS en date du 8 août 2012 localisant un départ de tyrolienne (d7) et une arrivée de tyrolienne (d6) sur la propriété I... - parcelle [...] (et non 159) ;

- un dossier concernant les activités de CRAPA'Hutte, organisateur d'activités de plein air (via ferrata, tyroliennes géantes, randonnées en canoés...) ;

M. K... A... ne conteste pas avoir constitué avec d'autres associés une SARL dénommée CRAPA-Hutte afin de diversifier ses activités professionnelles et consistant essentiellement à proposer des activités de loisir (parcours de tyroliennes, randonnées en canoés ou promenades en quads) ;

il fait valoir que les activités ainsi exercées à des fins commerciales par une personne morale distincte ne peuvent lui être reprochées en sa qualité de preneur à bail en place exerçant à titre principal son activité d'élevage de chevaux, notamment sur les parcelles qu'il loue ;

il indique aussi que la société GEOVAL a pris la précaution de préciser, sur sa facture, que les constatations qu'elle a effectuées ont été menées à partir des seules affirmations et indications du propriétaire et souligne qu'il était impossible de s'assurer de la réalité des limites des parcelles compte tenu de l'inaccessibilité des lieux liée au relief et à la végétation présente ;

au regard des différents éléments fournis, il n'est pas établi que M. K... A... exerce personnellement sur le fonds loué une activité autre que celle d'éleveur de chevaux ou qui aurait lieu aux dépens de son bailleur ni que les parcelles à vocation agricole auraient été détournées de leur usage ;

les pièces soumises à l'appréciation de la présente juridiction, et en particulier un rapport de localisation non-contradictoirement dressé qui n'apporte aucune information sur l'utilisation effective des installations observées, ne permettent pas plus d'établir que le fonds loué aurait fait l'objet d'une cession ou d'une sous-location de nature à entraîner la résiliation du bail consenti ;

il ne ressort en effet d'aucun de ces éléments que M. A... aurait transféré à un tiers, directement ou indirectement, à titre gratuit ou à titre onéreux, tout ou partie de son droit personnel d'exploiter le fonds loué ni qu'il ait abandonné la maîtrise et la disposition des parcelles agricoles utilisées pour exercer son activité d'élevage, laquelle n'est pas contestée ;

les constatations effectuées relatives au probable passage d'engins de type « quad », notamment sur un chemin communal, et qui ne font état que de traces au sol, d'ailleurs plus ou moins marquées, ne suffisent pas plus à caractériser l'existence d'une utilisation à des fins touristiques des lieux litigieux qui serait imputable à M. A...;

sur les griefs relatifs au mauvais entretien du bien donné à bail :

certains manquements du preneur à ses obligations peuvent être sanctionnés par la résiliation du bail ; Il en est ainsi en cas d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu'il ne dispose pas de la main d'oeuvre nécessaire aux besoins de l'exploitation (article L 411-31, 2° du code rural) ;

M. S... I... fait valoir notamment que M. A... pour exercer son activité se contente de laisser divaguer un certain nombre de chevaux, y compris sur des fonds avoisinants et que la présence de ces chevaux favorise la dévalorisation des sols dès lors qu'aucun nettoyage ou amendement n'est réalisé ;

hormis des constatations décrivant le manque d'entretien de la parcelle [...] avec de nombreuses ronces et buissons ainsi que le mauvais état des clôtures de ce terrain (rapport X...) M. I... n'apporte aucun autre élément de nature à étayer ses dires ;

on observera en outre que le tribunal ne dispose d'aucune information quant à l'état initial de cette parcelle et qu'il n'est guère contestable que les parcelles litigieuses constituent des terrains de faible intérêt cultural de plus situés sur des pentes escarpées ;

au regard de ce qui précède, il convient également de débouter M. S... I... de ses demandes de résiliation du bail et d'expulsion ;

sur les demandes de dommages-intérêts :

compte tenu de ce qui a précédemment été dit, la demande de dommages-intérêts formée par M. S... I... n'apparaît pas fondée et doit être rejetée ;

1°) ALORS, D'UNE PART, QUE toute sous-location ou cession, même partielle, constitue à elle-seule une cause de résiliation du bail rural sans qu'il soit nécessaire de rechercher si elle est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en rejetant la demande de résiliation du bail rural après avoir pourtant constaté que M. A... avait mis à disposition de la société Crapa'hutte, exerçant une activité d'organisation de loisirs de plein air destinés aux touristes, certaines des parcelles données à bail rural en la laissant notamment implanter des tyroliennes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 411-31, II, 1°, et L. 411-35 du code rural et de la pêche maritime ;

2°) ALORS, D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la résiliation du bail rural est encourue lorsque le preneur procède à un changement de destination des lieux loués au profit d'une tierce personne qui y exerce une activité commerciale ; qu'en refusant de prononcer la résiliation du bail après avoir pourtant relevé, par motifs propres que K... A... exerçait via sa société Crapa'hutte une activité commerciale sur les lieux loués et, par motifs adoptés, que M. A... faisait valoir que les activités exercées par la société Crapa'hutte à des fins commerciales par une personne morale distincte « ne peuvent lui être reprochées en sa qualité de preneur à bail en place exerçant à titre principal son activité d'élevage de chevaux, notamment sur les parcelles qu'il loue », ce dont il résultait que la société Crapa'hutte exerçait bien une activité commerciale sur le fonds litigieux, la cour d'appel a violé les articles L 411-31, L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1766 du code civil ;

3°) ALORS ENFIN, ET EN TOUTE HYPOTHÈSE, QUE la résiliation du bail rural est encourue lorsque le preneur procède à un changement de destination des lieux loués au profit d'une tierce personne qui y exerce une activité commerciale, peu important que cette activité soit ou non de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ; qu'en refusant de prononcer la résiliation du bail rural en raison de l'exercice d'une activité commerciale par la société Crapa'hutte sur les parcelles données à bail au motif inopérant que l'activité commerciale exercée sur le fonds loué n'était pas de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, la cour d'appel a violé les articles L 411-31, L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime, ensemble l'article 1766 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-12170
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 15 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 nov. 2019, pourvoi n°18-12170


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12170
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