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14/11/2019 | FRANCE | N°17-26822;17-26823

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 novembre 2019, 17-26822 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 17-26.822 et n° 17-26.823 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 5 septembre 2017), que MM. J... et K... ont été engagés par la société Laboratoire Theramex, société de droit monégasque et ayant son siège social à Monaco, les 12 novembre 2001 et 27 avril 2005 ; que les contrats de travail prévoyaient Monaco comme lieu de travail, l'application de la loi monégasque et indiquaient que toute contestation relative à leur

application relevait de la compétence exclusive des tribunaux de Monaco ; que, le 5...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° 17-26.822 et n° 17-26.823 ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon les arrêts attaqués (Versailles, 5 septembre 2017), que MM. J... et K... ont été engagés par la société Laboratoire Theramex, société de droit monégasque et ayant son siège social à Monaco, les 12 novembre 2001 et 27 avril 2005 ; que les contrats de travail prévoyaient Monaco comme lieu de travail, l'application de la loi monégasque et indiquaient que toute contestation relative à leur application relevait de la compétence exclusive des tribunaux de Monaco ; que, le 5 janvier 2011, la société Teva Pharma BV (Pays-Bas) (le Groupe Teva) a repris la société Theramex ainsi que le groupe américain Cephalon avec sa filiale française, la société Cephalon France, en octobre 2011 ; qu'en 2012, le Groupe Teva a décidé de confier à la nouvelle société Teva santé, issue de la fusion, au 31 décembre 2012, des sociétés Teva santé, Teva Pharma et Cephalon France, la promotion des produits Theramex ; que, consultés, les 11 et 18 juin 2012, sur un projet de restructuration de la société Theramex, conduisant au transfert vers Teva santé de quatre-vingt-huit salariés, le document d'information du 5 juin 2012 destiné aux représentants du personnel faisant état de l'application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail français pour ces salariés, les délégués du personnel ont donné un avis favorable à ce transfert ; que la réorganisation a également conduit à la suppression de quatre-vingt-quatre postes au sein de la société Theramex dont ceux de MM J... et K... ; qu'en application de la loi monégasque le licenciement de M. J..., délégué du personnel jusqu'au 15 février 2013 au sein de la société Theramex, a été soumis à l'autorisation de la commission de licenciement monégasque qui a été obtenue le 1er mars 2013 ; que les deux salariés ont été licenciés pour motif économique par la société Theramex, respectivement les 5 mars 2013 et 19 février 2013 ; que la société Theramex a été placée depuis en liquidation amiable ;

Attendu que les salariés font grief aux arrêts de rejeter le contredit formé par chacun d'eux, de confirmer les jugements d'incompétence et de dire n'y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à voir déclarer le droit français applicable alors, selon le moyen :

1°/ que pour trancher l'exception d'incompétence soulevée dans l'affaire dont il est saisi, le juge statue, si nécessaire, sur les questions de fond dont dépend sa compétence ; qu'une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 3e alinéa dispose que le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'employeur est établi ; que pour rejeter le contredit formé par le salarié et déclarer la juridiction prud'homale française incompétente, la cour d'appel énonce « que la loi monégasque, serait-elle applicable, est soumise à la convention de Rome qui prend en compte les lois impératives des pays signataires dans son article 7 ; que celle-ci ratifiée par la France est d'un niveau supérieur à la loi française, de sorte que les lois impératives françaises doivent être considérées comme préservées par cet accord international » et que « c'est donc à tort que le salarié se plaint de ce que l'article L. 1224-1 du code du travail français pourrait être écarté par le juge monégasque en contradiction avec le droit français » ; qu'en statuant ainsi, sans trancher la question de fond dont dépendait sa compétence, à savoir la question du transfert du contrat de travail d'un employeur établi à Monaco à un employeur établi en France, à Courbevoie, ce dont il résultait que le conseil des prud'hommes de Nanterre était compétent, la cour d'appel a violé les articles 77 et 80, ensemble les articles 5 et 49 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

2°/ que le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision afin de mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision en vertu duquel le juge monégasque est tenu d'appliquer la convention de Rome du 19 juin 1980 dont le caractère universel s'impose aux juges des Etats membres de l'Union européenne, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3°/ que la clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 3e alinéa dispose que le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'employeur est établi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, indépendamment de la question d'applicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail et de la directive CE 2001/23 du 12 mars 2001 au présent litige, la société Teva santé, société de droit français domiciliée en France, à Courbevoie, n'avait pas la qualité de co-employeur à l'égard du salarié, ce dont il résultait que le conseil des prud'hommes de Nanterre était compétent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

4°/ que la clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 2e alinéa dispose que le conseil de prud'hommes territorialement compétent est celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ; qu'en rejetant le contredit formé par le salarié et en déclarant la juridiction prud'homale française incompétente alors pourtant que, par motifs adoptés, elle a relevé que le salarié accomplissait ses fonctions, à la fois en France et à Monaco, ce dont elle aurait dû déduire l'existence en France, au sens de l'article susvisé, d'un établissement justifiant la compétence de la juridiction prud'homale française, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

5°/ que s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut assigner tous les défendeurs devant la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux, malgré la clause attribuant, au profit de certains d'entre eux, compétence à une juridiction étrangère, à la condition qu'il y ait indivisibilité entre les demandes formées contre les divers défendeurs ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il n'y avait pas indivisibilité entre les demandes formées contre les sociétés Laboratoire Theramex et Teva santé de sorte que la clause attributive de compétence dont se prévalait la société Laboratoire Theramex ne pouvait pas priver le salarié de la faculté qui lui était donnée, dès lors que la société Teva santé avait son siège en France, de saisir de l'ensemble du litige la juridiction française normalement compétente à l'égard de cette dernière société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 42, alinéa 2, et 48 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'il résulte de l'article 1er, § 2, de la Directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, que l'article L. 1224-1 du code du travail n'est applicable que dans la mesure où l'entreprise, l'établissement ou la partie d'entreprise ou d'établissement à transférer se trouve dans le champ d'application territorial du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu, ensuite, qu'il n'est pas contesté que la société Theramex avait son siège social dans la Principauté de Monaco qui n'est pas comprise dans le champ d'application du traité précité ; que, par ce motif de pur droit, les parties en ayant été avisées en application de l'article 1015 du code de procédure civile, les arrêts se trouvent justifiés au regard de la première branche du moyen ;

Attendu qu'il ne résulte ni des arrêts ni des conclusions des salariés devant la cour d'appel que les argumentations visées à la troisième branche et à la cinquième branche du moyen ont été soutenues ;

Attendu, enfin, que la cour d'appel a statué par motifs propres en énonçant le fondement juridique de sa décision ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en ses troisième et cinquième branches, et qui manque en fait en ses deuxième et quatrième branches, ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne MM. J... et K... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit au pourvoi n° F 17-26.822 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. J....

Le moyen fait grief à l'arrêt d'AVOIR rejeté le contredit formé par le salarié, confirmé le jugement d'incompétence et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à voir déclarer le droit français applicable.

AUX MOTIFS propres QU'aux termes de l'article 80 du code de procédure civile, le juge du contredit ne doit se prononcer que sur la compétence et non sur la loi applicable, sous réserve de l'évocation de celle-ci dans les motifs pour déterminer la juridiction compétente ; que la clause attributive de compétence est valable, sous réserve de ce qu'elle n'ait pas pour objet ou pour effet d'exclure au préjudice du salarié une loi impérative ; qu'il n'est pas expliqué en quoi un transfert, le cas échéant, du contrat de travail par application de l'article L. 1224-1 du code du travail en faveur de la société Téva porterait atteinte à la validité de cette clause ; que la loi monégasque, serait-elle applicable, est soumise à la convention de Rome qui prend en compte les lois impératives des pays signataires dans son article 7 ; que celle-ci ratifiée par la France est d'un niveau supérieur à la loi française, de sorte que les lois impératives françaises doivent être considérées comme préservées par cet accord international ; que c'est donc à tort que le salarié se plaint de ce que l'article L. 1224-1 du code du travail français pourrait être écarté par le juge monégasque en contradiction avec le droit français ;

AUX MOTIFS supposés adoptés QUE vu l'article 1134 du code civil, l'article L. 1224-1 du code du travail, la convention de Rome du 19 juin 1980, la directive communautaire du Conseil 2001/23 du 12 mars 2011 ; que le contrat de travail de M. J... prévoit, dans son article 10, d'appliquer la loi monégasque et l'exprime de façon claire et non équivoque : « Pour toute question non réglée par le présent contrat, Monsieur X... J... bénéficie de l'application des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles régissant le laboratoire. Le présent contrat est régi par la loi monégasque, et toute contestation relative à l'application des présentes sera de la compétence exclusive des tribunaux de Monaco. » ; que M. J... n'a contesté l'application des dispositions monégasques, ni lors de la signature de son contrat de travail, ni pendant son exécution, ni même lors de sa rupture ; que, de surcroît, M. J... n'a pas contesté la décision de l'inspection du travail monégasque, ni formé de recours auprès du Tribunal suprême de Monaco ; que l'article 6 de la convention de Rome stipule: « Nonobstant les dispositions (de l'article 3) dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection, que lui assurent les dispositions impératives de la loi, qui serait applicable à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article : - loi du pays où le travailleur en exécution du contrat accomplit habituellement son travail, - loi du pays où se trouve l'établissement, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays. » ; que M. J... accomplissait ses fonctions, à la fois en France et à Monaco ; que l'établissement de rattachement de M. J... se situe à Monaco ; qu'au cas d'espèce, seule la loi monégasque a vocation de régir la relation contractuelle, liant la société Laboratoire Theramex et M. J..., et ce en vertu, tant des dispositions expresses du contrat de travail de M. J..., qu'en application des règles de détermination de la loi, qui aurait été applicable à défaut de choix des parties ; que M. J... prétend que les sociétés Teva Santé et Laboratoire Theramex auraient violé l'article L. 1224-1 du code du travail au motif, qu'en raison de la signature du contrat de distribution exclusif entre Teva Santé et Laboratoire Theramex, son contrat de travail aurait dû être transféré à la société Teva Santé ; que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et de la directive CE 2001/23 du 12 mars 2001 sont applicables à tout transfert d'entreprise entre deux sociétés se situant dans le champ territorial intracommunautaire, qu'elles ne sont donc pas applicables entre une entreprise installée sur le territoire français et une entreprise domiciliée sur le territoire monégasque ; que le conseil de prud'hommes règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail français ; qu'en conséquence, le conseil considère que la loi applicable entre les parties est la loi monégasque, et se déclare incompétent au profit du tribunal du travail de Monaco.

1° ALORS QUE pour trancher l'exception d'incompétence soulevée dans l'affaire dont il est saisi, le juge statue, si nécessaire, sur les questions de fond dont dépend sa compétence ; qu'une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 3e alinéa dispose que le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'employeur est établi ; que pour rejeter le contredit formé par le salarié et déclarer la juridiction prud'homale française incompétente, la cour d'appel énonce qu' « il n'est pas expliqué en quoi un transfert, le cas échéant, du contrat de travail par application de l'article 1224-1 du code du travail en faveur de la société Teva Santé porterait atteinte à la validité de cette clause ; que la loi monégasque, serait-elle applicable, est soumise à la convention de Rome qui prend en compte les lois impératives des pays signataires dans son article 7 ; que celle-ci ratifiée par la France est d'un niveau supérieur à la loi française, de sorte que les lois impératives françaises doivent être considérées comme préservées par cet accord international » et que « c'est donc à tort que le salarié se plaint de ce que l'article L. 1224-1 du code du travail français pourrait être écarté par le juge monégasque en contradiction avec le droit français » ; qu'en statuant ainsi, sans trancher la question de fond dont dépendait sa compétence, à savoir la question du transfert du contrat de travail d'un employeur établi à Monaco à un employeur établi en France, à Courbevoie, ce dont il résultait que le conseil des prud'hommes de Nanterre était compétent, la cour d'appel a violé les articles 77 et 80, ensemble les articles 5 et 49 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

2° ALORS, par ailleurs, QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision afin de mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; qu'en énonçant, pour rejeter le contredit formé par le salarié et déclarer la juridiction prud'homale française incompétente, que « la loi monégasque, serait-elle applicable, est soumise à la convention de Rome qui prend en compte les lois impératives des pays signataires dans son article 7, que celle-ci ratifiée par la France est d'un niveau supérieur à la loi française, de sorte que les lois impératives françaises doivent être considérées comme préservées par cet accord international » et que « c'est donc à tort que le salarié se plaint de ce que l'article L. 1224-1 du code du travail français pourrait être écarté par le juge monégasque en contradiction avec le droit français », sans préciser le fondement juridique de sa décision en vertu duquel le juge monégasque est tenu d'appliquer la convention de Rome du 19 juin 1980 dont le caractère universel s'impose aux juges des Etats membres de l'Union Européenne, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3° ALORS, en tout cas, QUE la clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 3e alinéa dispose que le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'employeur est établi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, indépendamment de la question d'applicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail et de la directive CE 2001/23 du 12 mars 2001 au présent litige, la société Teva Santé, société de droit français domiciliée en France, à Courbevoie, n'avait pas la qualité de co-employeur à l'égard du salarié, ce dont il résultait que le conseil des prud'hommes de Nanterre était compétent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

4° ALORS, en tout cas encore, QUE la clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 2e alinéa dispose que le conseil de prud'hommes territorialement compétent est celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ; qu'en rejetant le contredit formé par le salarié et en déclarant la juridiction prud'homale française incompétente alors pourtant que, par motifs adoptés, elle a relevé que le salarié accomplissait ses fonctions, à la fois en France et à Monaco, ce dont elle aurait dû déduire l'existence en France, au sens de l'article susvisé, d'un établissement justifiant la compétence de la juridiction prud'homale française, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

5° ALORS, en tout état de cause, QUE s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut assigner tous les défendeurs devant la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux, malgré la clause attribuant, au profit de certains d'entre eux, compétence à une juridiction étrangère, à la condition qu'il y ait indivisibilité entre les demandes formées contre les divers défendeurs ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il n'y avait pas indivisibilité entre les demandes formées contre les sociétés Laboratoire Theramex et Teva Santé de sorte que la clause attributive de compétence dont se prévalait la société Laboratoire Theramex ne pouvait pas priver le salarié de la faculté qui lui était donnée, dès lors que la société Teva Santé avait son siège en France, de saisir de l'ensemble du litige la juridiction française normalement compétente à l'égard de cette dernière société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 42, alinéa 2, et 48 du code de procédure civile. Moyen produit au pourvoi n° H 17-26.823 par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. K....

Le moyen fait grief à l'arrêt d'AVOIR rejeté le contredit formé par le salarié, confirmé le jugement d'incompétence et dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande tendant à voir déclarer le droit français applicable.

AUX MOTIFS propres QU'aux termes de l'article 80 du code de procédure civile, le juge du contredit ne doit se prononcer que sur la compétence et non sur la loi applicable, sous réserve de l'évocation de celle-ci dans les motifs pour déterminer la juridiction compétente ; que la clause attributive de compétence est valable, sous réserve de ce qu'elle n'ait pas pour objet ou pour effet d'exclure au préjudice du salarié une loi impérative ; que toutefois, la loi monégasque, serait-elle applicable, est soumise à la convention de Rome qui prend en compte les lois impératives des pays signataires dans son article 7 ; que celle-ci ratifiée par la France est d'un niveau supérieur à la loi française, de sorte que les lois impératives françaises doivent être considérées comme préservées par cet accord international ; que c'est donc à tort que le salarié se plaint de ce que l'article L. 1224-1 du code du travail français pourrait être écarté par le juge monégasque en contradiction avec le droit français ;

AUX MOTIFS supposés adoptés QUE vu l'article 1134 du code civil, l'article L. 1224-1 du code du travail, la convention de Rome du 19 juin 1980, la directive communautaire du Conseil 2001/23 du 12 mars 2011 ; que le contrat de travail de M. K... prévoit, dans son article 11, d'appliquer la loi monégasque et l'exprime de façon claire et non équivoque : « Les parties s'engagent à respecter les dispositions légales, règlementaires et conventionnelles en vigueur dans le laboratoire. Le présent contrat est régi par la loi monégasque, et toute contestation relative à l'application des présentes sera de la compétence exclusive des tribunaux de Monaco. » ; que M. K... n'a contesté l'application des dispositions monégasques, ni lors de la signature de son contrat de travail, ni pendant son exécution, ni même lors de sa rupture ; que l'article 6 de la convention de Rome stipule: « Nonobstant les dispositions (de l'article 3) dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection, que lui assurent les dispositions impératives de la loi, qui serait applicable à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article : - loi du pays où le travailleur en exécution du contrat accomplit habituellement son travail, - loi du pays où se trouve l'établissement, si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays. » ; que M. K... accomplissait ses fonctions, à la fois en France et à Monaco ; que l'établissement de rattachement de M. K... se situe à Monaco ; qu'au cas d'espèce, seule la loi monégasque a vocation de régir la relation contractuelle, liant la société Laboratoire Theramex et M. K..., et ce en vertu, tant des dispositions expresses du contrat de travail de M. K..., qu'en application des règles de détermination de la loi, qui aurait été applicable à défaut de choix des parties ; que M. K... prétend que les sociétés Teva Santé et Laboratoire Theramex auraient violé l'article L. 1224-1 du code du travail au motif, qu'en raison de la signature du contrat de distribution exclusif entre Teva Santé et Laboratoire Theramex, son contrat de travail aurait dû être transféré à la société Teva Santé ; que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et de la directive CE 2001/23 du 12 mars 2001 sont applicables à tout transfert d'entreprise entre deux sociétés se situant dans le champ territorial intracommunautaire, qu'elles ne sont donc pas applicables entre une entreprise installée sur le territoire français et une entreprise domiciliée sur le territoire monégasque ; que le conseil de prud'hommes règle les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail français ; qu'en conséquence, le conseil considère que la loi applicable entre les parties est la loi monégasque, et se déclare incompétent au profit du tribunal du travail de Monaco.

1° ALORS QUE pour trancher l'exception d'incompétence soulevée dans l'affaire dont il est saisi, le juge statue, si nécessaire, sur les questions de fond dont dépend sa compétence ; qu'une clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 3e alinéa dispose que le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'employeur est établi ; que pour rejeter le contredit formé par le salarié et déclarer la juridiction prud'homale française incompétente, la cour d'appel énonce « que la loi monégasque, serait-elle applicable, est soumise à la convention de Rome qui prend en compte les lois impératives des pays signataires dans son article 7 ; que celle-ci ratifiée par la France est d'un niveau supérieur à la loi française, de sorte que les lois impératives françaises doivent être considérées comme préservées par cet accord international » et que « c'est donc à tort que le salarié se plaint de ce que l'article L. 1224-1 du code du travail français pourrait être écarté par le juge monégasque en contradiction avec le droit français » ; qu'en statuant ainsi, sans trancher la question de fond dont dépendait sa compétence, à savoir la question du transfert du contrat de travail d'un employeur établi à Monaco à un employeur établi en France, à Courbevoie, ce dont il résultait que le conseil des prud'hommes de Nanterre était compétent, la cour d'appel a violé les articles 77 et 80, ensemble les articles 5 et 49 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

2° ALORS, par ailleurs, QUE le juge doit préciser le fondement juridique de sa décision afin de mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle ; qu'en statuant ainsi, sans préciser le fondement juridique de sa décision en vertu duquel le juge monégasque est tenu d'appliquer la convention de Rome du 19 juin 1980 dont le caractère universel s'impose aux juges des Etats membres de l'Union Européenne, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;

3° ALORS, en tout cas, QUE la clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 3e alinéa dispose que le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes du lieu où l'employeur est établi ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rechercher, comme il lui était demandé, si, indépendamment de la question d'applicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail et de la directive CE 2001/23 du 12 mars 2001 au présent litige, la société Teva Santé, société de droit français domiciliée en France, à Courbevoie, n'avait pas la qualité de co-employeur à l'égard du salarié, ce dont il résultait que le conseil des prud'hommes de Nanterre était compétent, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1221-1, L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

4° ALORS, en tout cas encore, QUE la clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l'article R. 1412-1 du code du travail, applicables dans l'ordre international, dont le 2e alinéa dispose que le conseil de prud'hommes territorialement compétent est celui dans le ressort duquel est situé l'établissement où est accompli le travail ; qu'en rejetant le contredit formé par le salarié et en déclarant la juridiction prud'homale française incompétente alors pourtant que, par motifs adoptés, elle a relevé que le salarié accomplissait ses fonctions, à la fois en France et à Monaco, ce dont elle aurait dû déduire l'existence en France, au sens de l'article susvisé, d'un établissement justifiant la compétence de la juridiction prud'homale française, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-5, R. 1412-1 et R. 1412-4 du code du travail ;

5° ALORS, en tout état de cause, QUE s'il y a plusieurs défendeurs, le demandeur peut assigner tous les défendeurs devant la juridiction du lieu où demeure l'un d'eux, malgré la clause attribuant, au profit de certains d'entre eux, compétence à une juridiction étrangère, à la condition qu'il y ait indivisibilité entre les demandes formées contre les divers défendeurs ; qu'en s'abstenant de rechercher s'il n'y avait pas indivisibilité entre les demandes formées contre les sociétés Laboratoire Theramex et Teva Santé de sorte que la clause attributive de compétence dont se prévalait la société Laboratoire Theramex ne pouvait pas priver le salarié de la faculté qui lui était donnée, dès lors que la société Teva Santé avait son siège en France, de saisir de l'ensemble du litige la juridiction française normalement compétente à l'égard de cette dernière société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 42, alinéa 2, et 48 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-26822;17-26823
Date de la décision : 14/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

UNION EUROPEENNE - Travail - Transfert d'entreprise - Directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001 - Maintien des droits des travailleurs en cas de transfert - Article 1er, § 2 - Domaine d'application - Détermination - Champ territorial d'application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE)

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Modification dans la situation juridique de l'employeur - Définition - Transfert d'une entité économique autonome conservant son identité - Transfert des contrats de travail en cours - Conditions - Entreprise cédant située dans le champ territorial d'application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) - Nécessité - Portée

Il résulte de l'article 1er, § 2, de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'entreprises ou d'établissements, que l'article L. 1224-1 du code du travail n'est applicable que dans la mesure où l'entreprise, l'établissement ou la partie d'entreprise ou d'établissement à transférer se trouve dans le champ d'application territorial du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne


Références :

Article 1er, § 2, de la directive 2001/23/CE du Conseil du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'ent
reprises ou d'établissements

article L. 1224-1 du code du travail

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 nov. 2019, pourvoi n°17-26822;17-26823, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.26822
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