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13/11/2019 | FRANCE | N°18-19574

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 novembre 2019, 18-19574


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme I..., épouse R..., engagée le 6 novembre 2008 par l'association D... et T... A... PCHM (l'association) en qualité de monitrice éducatrice et occupant, en dernier lieu, les fonctions d'éducatrice technique spécialisée, a été licenciée le 29 novembre 2013 pour faute grave ;

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlem

ent moral, alors, selon le moyen, que lorsqu'il invoque un harcèlement moral, le salarié...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme I..., épouse R..., engagée le 6 novembre 2008 par l'association D... et T... A... PCHM (l'association) en qualité de monitrice éducatrice et occupant, en dernier lieu, les fonctions d'éducatrice technique spécialisée, a été licenciée le 29 novembre 2013 pour faute grave ;

Sur le second moyen :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral, alors, selon le moyen, que lorsqu'il invoque un harcèlement moral, le salarié, qui ne supporte pas la charge de la preuve, n'est tenu que de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un cas de harcèlement, l'employeur devant ensuite prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un cas de harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas remis en cause la matérialité des éléments invoqués par la salariée consistant à avoir fait l'objet de propos dénigrants et d'humiliation de la part de Mme B..., avoir fait l'objet d'une procédure disciplinaire abandonnée sans explication, et de présenter un syndrome anxieux médicalement constaté ; qu'en rejetant la demande au motif que l'employeur établissait l'existence de relations difficiles entre les salariés et avec la direction, sans constater que l'association démontrait que les faits dénoncés par l'exposante, étaient objectivement justifiés par des faits étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur la salariée, a violé l'article L. 1154-1 du code du travail ;

Mais attendu que, sous le couvert de grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par la cour d'appel des éléments de fait et de preuve dont elle a, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, déduit tant l'établissement de faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral que la justification par l'employeur d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et de rejeter ses demandes à ce titre, alors, selon le moyen, que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive ce dernier de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, s'il résulte des dispositions des statuts et du règlement intérieur de l'association A... que son président était titulaire du pouvoir de licencier les membres du personnel, aucune disposition ne prévoit en revanche qu'il avait la possibilité de déléguer ce pouvoir ; que si le règlement intérieur évoque une possibilité de délégation, celle-ci est uniquement ouverte en faveur du directeur d'établissement ; qu'en considérant dès lors que le directeur général de l'association était fondé à initier la procédure de licenciement et signer la lettre notifiant à la salariée son licenciement, cependant qu'en l'absence de toute mention en ce sens, le président de l'association n'avait pas la possibilité de lui déléguer cette compétence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans ses dispositions applicables en la cause, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a décidé à bon droit que le président de l'association, titulaire du pouvoir de licencier, avait valablement délégué son pouvoir au directeur général par application des dispositions du règlement intérieur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble les articles L. 1232-1, L. 1235-1 et L. 1321-1 du code du travail ;

Attendu que pour dire que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et rejeter les demandes de la salariée, notamment d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir constaté que la salariée soutenait n'avoir fait l'objet que d'un avertissement notifié le 10 octobre 2013, retient que si le règlement intérieur de l'association précise que sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas déjà fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions disciplinaires, cette stipulation ne peut dépendre d'un événement postérieur et seul l'employeur qui prend l'initiative d'un licenciement pour faute grave doit la respecter ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans vérifier si la salariée avait préalablement fait l'objet de deux sanctions disciplinaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute Mme I..., épouse R..., de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 15 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne l'association D... et T... A... PCHM aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à Mme I..., épouse R..., la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour Mme I..., épouse R...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Madame R... reposait sur une cause réelle et sérieuse, et d'AVOIR en conséquence rejeté les demandes de cette dernière tendant notamment à la condamnation de l'association A... à lui verser la somme de 36.018 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le licenciement : 1°) Sur le pouvoir de la personne ayant procédé au licenciement : La salariée soutient que la procédure de licenciement a été menée intégralement par M. Q... en sa qualité de directeur général de l'association, lequel n'aurait pas ce pouvoir au regard des statuts de l'association comme du règlement intérieur. Il est de jurisprudence constante que l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive celui-ci de cause réelle et sérieuse. La personne ayant procédé au licenciement doit détenir ce pourvoi soit directement par les statuts de l'association ou selon les stipulations du règlement intérieur, soit par délégation. Il entre dans les attributions du président d'une association de mettre en oeuvre une procédure de licenciement d'un salarié, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe. Le président peut donc déléguer cette compétence. Pour les sociétés anonymes simplifiées, il a été jugé qu'aucune disposition n'exige que la délégation du pouvoir de licencier soit donnée par écrit, elle peut donc être tacite et découler des fonctions du salarié qui conduit la procédure de licenciement. De même, en cas de dépassement de pouvoir par le mandataire, le mandant est tenu de l'acte de celui-ci s'il l'a ratifié expressément ou tacitement, ce qui permet à une société de valider une procédure de licenciement initiée par un salarié n'avait pas le pouvoir d'y procéder. Il semble que la jurisprudence distingue la situation entre les employeurs suivant qu'ils soient des sociétés ou des associations. En l'espèce, l'article 12 des statuts (pièce n°29) prévoit que le conseil d'administration est investi de tous les pouvoirs pour la direction et la gestion de l'association. L'article 49 du règlement intérieur (pièce n°30) liste les sanctions disciplinaires et précise, page 28, que les licenciements pour faute disciplinaire sont soumis à la procédure prévue par les dispositions légales. Par décision du conseil d'administration du 27 avril 2006 (pièce n°31), M. Q... a été nommé directeur général de l'association. Par lettre du 15 juin 2011 (pièce n°28), M. V..., président de l'association, a délégué à M. Q... l'ensemble des pouvoirs portant notamment sur l'autorité hiérarchique sur les personnels du groupement. Par lettre du 27 janvier 2012 (pièce n°27), le président de l'association confirme que dans le cadre de la nouvelle entité créée et concernant l'association, il maintient au profit de M. Q... les délégations générales accordées précédemment et notamment les délégations d'engagement de représentation et de signature envers les pouvoirs public, les usagers, les fournisseurs et le personnel (notamment embauche, pouvoir disciplinaire, détermination des rémunérations). Le pouvoir disciplinaire au sens du règlement intérieur précité comprend les sanctions énoncées et donc le licenciement. Il en résulte que M. Q... était fondé à signer la lettre de licenciement du 29 novembre 2013. 2°) Sur la garantie prévue par le règlement intérieur : la salariée se prévaut d'un règlement intérieur (pièce n'12), distinct de celui produit par l'employeur, et dont on ignore la date d'effet. Son article 20 précise que sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de mesure de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas déjà fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions disciplinaires. A supposer ce règlement toujours en vigueur, la salariée rappelle qu'elle n'avait fait l'objet que d'un avertissement notifié le 10 octobre 2013 et que le conseil de prud'hommes ayant retenu la cause réelle et sérieuse et non la faute grave, cet article retrouvait application. Cependant, cette stipulation ne peut dépendre d'un événement postérieur et seul l'employeur qui prend l'initiative d'un licenciement pour faute grave doit la respecter. La faute grave excluant cette limitation, l'argument soulevé n'est pas pertinent. 3°) Sur la faute grave : la lettre de licenciement du 29 novembre 2013 reproche à la salariée d'avoir utilisé des places de spectacle remises par l'association Cultures du coeur de Paris, à son profit ou celui de sa famille et de ses proches, alors que ces places étaient destinées aux jeunes handicapés recueillis par l'association. Informée de ce que les places n'avaient jamais étaient attribuées aux usagers de l'association, l'association culture du coeur de Paris a annulé le partenariat. Ce comportement est qualifié de détournement et de prévarication. Par ailleurs, il est fait grief à la salariée d'avoir, le 27 septembre 2013, transgressé la consigne institutionnelle concernant les accompagnements pré-professionnels et, le 15 octobre 2013, d'être restée septique et réfractaire et d'avoir eu un comportement insolent et irrespectueux envers M. U..., spécialiste en menuiserie, en mettant en cause les compétences de ce formateur. Sur le premier point, il est produit une lettre (pièce n°8) de l'association Cultures du coeur de Paris datée du 29 octobre 2013, où il est précisé qu'un partenariat avait été passé avec l'employeur dès 2007 avec pour référents M. E... et Mme R... qui bénéficiaient d'un identifiant et d'un mot de passe pour accéder aux Offres d'invitations sur le site internet. Les référents réservaient ainsi les places proposées. A la suite de l'annulation d'un spectacle ; l'association a contacté l'employeur qui a ainsi découvert qu'avaient assisté à ces spectacles, non pas les bénéficiaires de l'association, mais les référents ou leurs proches, à hauteur de 66 invitations en 2013. La salariée soutient que les spectacles avaient lieu des jours et à des horaires incompatibles avec l'organisation de sortie ou que les spectacles proposés n'étaient pas adaptés à des adolescents souffrants de handicap mental ou encore en nombre insuffisant par rapport à la totalité des jeunes concernés. Elle ajoute que les places étaient destinées aux salariés pour leur usage personnel et/ou familial. Cependant ces allégations sont entièrement contredites par l'association fournissant lesdites places qui étaient monopolisées à l'usage des deux salariés concernés, dont Mme R.... Les attestations de M. E... (pièces n°29, 30 et 32) selon laquelle tout le personnel avait accès à l'identifiant ou avait profité des places offertes est sujette à caution, l'intéressé étant également mis en cause et ayant fait l'objet d'une procédure de licenciement (pièce n°36). La lettre de Mme N... (pièce n°31) ne permet de s'assurer de l'identité de son auteur et ne sera pas prise en considération. En retenant les noms de R... ou Linge comme le fait la salariée elle-même, seize places et non onze ont été utilisées. Le deuxième grief n'est pas démontré. Sur le troisième, M. U... atteste (pièce n°23) que la salariée était en grande souffrance, qu'elle n'était pas prête à recevoir ses conseils mais qu'il ne s'est pas senti agressé pour autant. Il ajoute qu'il est faux de dire que la salariée a eu un comportement irrespectueux et insolent et que les accusations de Mme B... Iui paraissaient disproportionnées. Il résulte de ces éléments que seul le premier grief est établi et que l'utilisation de seize places à un usage personnel alors qu'elles étaient destinées à des personnes présentant un handicap mental suffit à caractériser une faute, cause réelle et sérieuse du licenciement, sans toutefois revêtir un caractère de gravité. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a rejeté la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif » ;

1°) ALORS QUE les dispositions d'un règlement intérieur qui instituent une garantie de fond au profit du salarié s'imposent au juge ; qu'en l'espèce, l'article 20 du règlement intérieur de l'association A..., dont la légalité n'était pas contestée, prévoyait que « sauf en cas de faute grave, il ne pourra y avoir de licenciement à l'égard d'un salarié si ce dernier n'a pas fait l'objet précédemment d'au moins deux sanctions disciplinaires » ; que l'arrêt attaqué, après avoir écarté la faute grave, retient que les faits imputés à Madame R... constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la salariée avait précédemment fait l'objet d'au moins deux sanctions disciplinaires, ce qui était contesté par l'exposante, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans ses dispositions applicables en la cause, ensemble les articles L.1232-1, L.1235-1 et L.1321-1 du code du travail ;

2°) ALORS QUE l'absence de pouvoir du signataire de la lettre de licenciement prive ce dernier de cause réelle et sérieuse ; qu'en l'espèce, s'il résulte des dispositions des statuts et du règlement intérieur de l'association A... que son président était titulaire du pouvoir de licencier les membres du personnel, aucune disposition ne prévoit en revanche qu'il avait la possibilité de déléguer ce pouvoir ; que si le règlement intérieur évoque une possibilité de délégation, celle-ci est uniquement ouverte en faveur du directeur d'établissement ; qu'en considérant dès lors que Monsieur Q..., directeur général de l'association, était fondé à initier la procédure de licenciement et signer la lettre notifiant à Madame R... son licenciement, cependant qu'en l'absence de toute mention en ce sens le président de l'association n'avait pas la possibilité de lui déléguer cette compétence, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil dans ses dispositions applicables en la cause, ensemble les articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du code du travail ;

3°) ALORS QUE les juges du fond doivent répondre aux moyens opérants des parties ; qu'en l'espèce, l'exposante offrait de démontrer que les spectacles pour lesquels elle avait utilisé les places offertes à l'association A... (L'importance d'être sérieux, d'S... X..., [...], de Z..., un film d'animation avec conférence, etc.) étaient totalement inadaptés pour des adolescents handicapés à raison aussi bien de leur nature, que de leurs lieu et horaires et qu'elle n'avait jamais utilisé de places offertes lors de spectacles réellement adaptés aux enfants handicapés dans des conditions leur permettant effectivement d'y assister (V. concl., p. 13 s.) ; qu'en se contentant de noter, pour écarter le moyen selon lequel les places en cause était réservées aux employés de l'association, que deux salariés, dont Madame R..., avaient monopolisé les places offertes, ce qui ne permettait pas de corroborer le motif évoqué par la lettre de licenciement selon lequel l'exposante se serait appropriée des places réservées aux enfants handicapés, sans répondre aux conclusions susvisées, la cour d'appel a privé sa décision de motifs et a violé l'article 455 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame R... de sa demande tendant à la condamnation de l'association A... à lui verser la somme de 24.012 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral dont elle avait été victime durant la relation de travail ;

AUX MOTIFS QUE « Sur le harcèlement moral : La demande faite à ce titre est indépendante de celle formée au titre de licenciement. (
) ; En l'espèce, la salariée se prévaut, outre de ses propres lettres, de l'analyse de la situation dans l'association par le médecin du travail et une contrôleuse du travail. Elle soutient qu'elle a été victime d'un dénigrement professionnel, d'une procédure disciplinaire engagée en juin 2013 et n'ayant pas été menée à son terme, d'un avertissement prononcé le 10 octobre 2013, de la convocation à un entretien préalable le 4 novembre puis le 6 novembre 2013. Elle se réfère aux attestations de Mmes N... et C... ainsi qu'à des documents médicaux. Par lettre du 15 novembre 2013 (pièce n°9), Mme W..., contrôleuse du travail, demande des explications à l'employeur à la suite de plaintes reçues par des salariés de l'association lesquels seraient victime de propos et d'attitudes de dénigrement, de propos désobligeants, insinuations, humiliations ou brimades et insultes, sans identifier qui que ce soit.Il est produit l'avertissement infligé le 10 octobre 2013 (pièce n°3) lequel est motivé et circonstancié et a été accepté sans contestation. Le Dr P... atteste (pièce n°17) que la salariée présente, depuis mars 2011 et jusqu'en octobre 2013, un syndrome anxieux. Des arrêts de travail ont été accordés par ce médecin en octobre et novembre 2013, par un autre médecin en décembre 2013. Il est fait état de quatre attestations (pièces n°20, 21, 24 et 27), la première émanant de Mme N... indique que la salariée a été la cible de propos de dénigrements et d'humiliation de la part de Mme B..., directrice de l'établissement à savoir : "votre avis ne présente pas d'intérêt, on ne vous a pas donné la parole", la deuxième a été rédigée par Mme C... psychologue de cet établissement, et selon laquelle la salariée s'était confiée à elle et se montrait affectée par des réflexions faites à son encontre par la direction, la troisième provenant de M. M... confirme les affirmations de Mme N..., la dernière établie par M. K... ne rapporte pas d'éléments sur les griefs allégués. Face à ces éléments l'employeur répond en produisant des lettres et attestations (pièces n°3, 5, 7, 11, 12 à 20) retraçant l'attitude contestataire de la salariée, ses relations difficiles avec Mme B... se traduisant par une attitude agressive et narquoise et ce à partir de mai 2010, des relations également tendues avec d'autres collègues de travail Mmes R..., N... et M. E... s'opposant régulièrement aux autres salariés ou aux propositions émanant de la direction. Il en résulte, au regard des éléments produits par la salariée pris dans leur ensemble, et des faits établis par l'employeur qu'il existait des relations difficiles au sein de l'association entre les salariés entre eux, d'une part, et une partie des salariés et la direction, d'autre part. De plus, la salariée a eu une part active dans ces tensions, ce qui a pu affecter sa santé, sans qu'il soit possible de retenir un harcèlement moral de la part de la direction de l'établissement au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. En conséquence, la demande sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point » ;

ALORS QUE lorsqu'il invoque un harcèlement moral, le salarié, qui ne supporte pas la charge de la preuve, n'est tenu que de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un cas de harcèlement, l'employeur devant ensuite prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un cas de harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas remis en cause la matérialité des éléments invoqués par Madame R... consistant à avoir fait l'objet de propos dénigrants et d'humiliation de la part de Madame B..., avoir fait l'objet d'une procédure disciplinaire abandonnée sans explication, et de présenter un syndrome anxieux médicalement constaté ; qu'en rejetant la demande au motif que l'employeur établissait l'existence de relations difficiles entre les salariés et avec la direction, sans constater que l'association démontrait que les faits dénoncés par l'exposante étaient objectivement justifiés par des faits étrangers à tout harcèlement, la cour d'appel, qui a fait peser la charge de la preuve sur l'exposante, a violé l'article L. 1154-1 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-19574
Date de la décision : 13/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 mai 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 nov. 2019, pourvoi n°18-19574


Composition du Tribunal
Président : Mme Leprieur (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.19574
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