LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. H..., engagé le 22 février 2006 par la société Bières du Nord services en qualité de directeur commercial, également associé minoritaire de la société, a été licencié pour faute grave le 10 décembre 2012 aux motifs de son absence injustifiée du 2 au 12 novembre 2012 et de l'utilisation de ses fonctions de directeur commercial pour se verser des sommes dont il allèguait être créancier en qualité d'associé ; que la liquidation judiciaire de la société a été prononcée le 12 novembre 2013, M. I... étant nommé en qualité de liquidateur ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles 1315, devenu 1353, du code civil, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Attendu que pour juger le licenciement pour faute grave fondé et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient qu'il incombe au salarié de rapporter la preuve de l'autorisation donnée par l'employeur à la prise des jours de congés, que le fait que, selon lui, son employeur ne se soit pas opposé à sa demande de jours de congés formée oralement, n'établit aucunement son accord, que dans son courrier du 30 octobre 2012, le salarié mentionne qu'il sera absent du 2 au 12 novembre 2012 mais ne fait aucune référence à l'accord de l'employeur ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu que pour juger le licenciement pour faute grave fondé et débouter le salarié de ses demandes, l'arrêt retient également que celui-ci reconnaît avoir mis à son nom et encaissé des chèques qui ne lui étaient pas destinés pour un montant de 20 000 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions reprises oralement à l'audience, le salarié affirmait que les chèques lui avaient été remis, signés par le gérant lui-même, pour un montant de 27 500 euros, en règlement de dividendes qui lui étaient dus, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces conclusions, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il rejette la demande de sursis à statuer, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les points restant au litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme A..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. H... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. H...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré fondé le licenciement pour faute grave de M. S... H... par la SARL Bières Nord Services et d'avoir, en conséquence, débouté M. S... H... de l'ensemble de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE sur le licenciement pour faute grave : que selon les termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir un cause réelle et sérieuse ; que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis et qu'elle fait obstacle à la poursuite du contrat ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit la prouver ; que les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables ; qu'en outre, en application de l'article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ; qu'enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction ; qu'en application de l'article L.1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que selon la lettre de licenciement notifiée le 10 décembre 2012, la SARL BNS a considéré que la faute grave reprochée à M. H... était fondée sur :- son absence injustifiée du 2 au 12 novembre 2012, - l'absence de réponse aux interrogations légitimes relatives à cette absence, - l'utilisation de ses fonctions de directeur commercial pour se verser des sommes dont il allègue être créancier en qualité d'associé ; que M. H... conteste tout manquement et demande la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a considéré son licenciement non fondé sur une cause réelle et sérieuse ; qu'il expose qu'entre 2006 et 2012, il n'a jamais eu de reproches ou de remarques quant à la qualité de son travail, donnait entière satisfaction aux gérants qui se sont succédés mais que les premières difficultés sont apparues en septembre 2012 lorsqu'il a interrogé en sa qualité d'associé, le nouveau gérant, M. W...-T..., sur l'état d'avancement de la procédure d'expropriation des locaux de la société et notamment sur les négociations relatives au montant de l'indemnité d'éviction du fonds de commerce menées avec la mairie de Saint-Denis ; qu'il précise qu'à cette occasion il a pu constater que le gérant dissimulait toute de cette procédure d'expropriation à la seule fin de permettre à la SCI V..., dont M. W...-T... était associé majoritaire avec sa famille, de percevoir seule cette indemnité qui était, en réalité, due à la SARL BNS ; que s'agissant de l'absence injustifiée du 2 au 12 novembre 2012, M. H... conteste toute faute grave et expose avoir informé verbalement le gérant de son absence avant l'assemblée générale du 4 octobre 2012, soit un mois avant sa date de départ et qu'il n'y avait eu aucune opposition de la part de ce dernier ; qu'il ajoute que par courrier du 30 octobre, il lui avait rappelé qu'il serait absent du 2 au 12 novembre ; qu'il considère que la SARL BSN a fait preuve de mauvaise foi en lui adressant à ce titre un courrier le 9 novembre alors qu'il le savait absent du territoire français ; que si le code du travail ne prévoit aucun formalisme particulier pour la demande de congés payés, il incombe, toutefois, au salarié de rapporter la preuve de l'autorisation donnée par l'employeur à la prise des jours de congés ; qu'en l'espèce, le fait que, selon M. H..., son employeur ne s'est pas opposé à sa demande de jours de congés formée oralement, n'établit aucunement l'accord de l'employeur ; qu'au surplus, dans le courrier qu'il a adressé à la SARL BNS le 30 octobre 2012, l'appelant ne fait aucune référence à l'accord de l'employeur et fait seulement état de ce qu'il sera absent du 2 au 12 novembre 2012 ; que dès lors, la SARL BNS était fondée à lui adresser des mises en demeure pour lui demander de justifier de son absence et M. H... ne peut lui reprocher d'avoir agi de la sorte alors que c'est lui qui manquait à ses obligations ; que le fait d'absence injustifiée du 2 au 12 novembre 2012 est établi ; que la SARL BNS reproche aussi à M. H... d'avoir encaissé à son profit, sans justification, trois chèques destinés initialement au paiement des fournisseurs pour un montant totale de 20 000€ et ce, alors que le compte courant de la société ouvert dans les livres de la Caisse d'Epargne présentait déjà un solde débiteur ; qu'au soutien du bien-fondé de la faute, Maître I..., ès qualités, verse aux débats, la plainte avec constitution de partie civile déposée contre M. H... pour abus de biens sociaux ; que M. H... conteste toute faute grave et expose que le 4 octobre 2012 s'est tenue l'assemblée générale d'approbation des comptes de la SARL BNS pour l'année 2011 à laquelle assistait un huissier de justice, qu'il avait fait désigné par le président du tribunal de commerce de Bobigny, compte tenu du contentieux existant entre les associés ; qu'il précise que le compte-rendu de cette assemblée générale ne fait aucune référence à des irrégularités comptables qui lui seraient imputables, ni à l'encaissement des chèques qui lui a été reproché dans la lettre de licenciement, mais souligné un problème relatif aux clients et aux facturations ; que M. H... ajoute que, détenant 35 % du capital social, il s'était vue attribuer la somme de 79 800€ par la décision des associés en date du 30 juin 2009, qu'à la clôture des comptes de l'exercice 2008, la somme de 21 371€ ne lui avait pas été encore réglée, que la somme avait été augmentée des dividendes dus pour les années ultérieures et qu'en 2010, la SARL BNS avait décidé de régulariser la situation ce qui l'avait conduite à lui verser plusieurs sommes ; que l'intimé affirme qu'en 2012, la somme de 27 300€ lui restait due, que c'est à ce titre que la somme de 20 000€ lui a été versée et qu'au surplus, ne disposant pas de la signature sur le compte bancaire et ne pouvait établir de chèques à son profit ; qu'au vu des pièces produites, il apparait que si le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire annuelle du 30 juin 2009 fixe le montant du dividende pour chaque titre détenu par les associés, ce qui permet de déterminer le montant dû à M. H..., celui-ci ne produit pas les procès-verbaux des assemblées générales ultérieures qui, selon lui, ont décidé de l'attribution de dividendes pour les exercices ultérieurs ; que toutefois, il reconnaît avoir mis à son nom et encaissé des chèques qui ne lui étaient pas destinés pour un montant de 20 000€ ; qu'au surplus, le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 4 octobre 2012, fait état de dividendes distribués au titre des années 2006, 2007 et 20089 mais ne fait aucune référence à des dividendes distribués ultérieurement, ni de dividendes en attente de distribution, ce qui contredit les affirmations de M. H... ; qu'en outre, et contrairement à ce que soutient l'intimé, il ne lui est pas reproché d'avoir lui-même signé les chèques établis à son profit, mais d'avoir encaissé à son profit des chèques déjà signés par le gérant mais ne mentionnant pas d'ordre et destinés à régler les fournisseurs ; que le fait reproché est établi ; qu'il résulte des énonciations précédentes qu'en s'absentant sans autorisation et en encaissant des chèques à son profit qui ne lui étaient pas destinés, M. H..., qui exerçait la fonction de responsabilité de directeur commercial, a gravement manqué à ses obligations, notamment de loyauté à l'égard de son employeur, ces agissements rendaient donc impossible la poursuite du contrat de travail même pendant la période de préavis et ce, même si aucune mise à pied à titre conservatoire n'a été décidée par la SARL BNS ; qu'en conséquence, le licenciement pour faute grave de M. H... par la SARL BNS est fondé et justifié ; que l'intimé est débouté de sa demande à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le jugement est infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et a fixé les créances de M. H... au passif de la liquidation judiciaire de la SARL BNS aux sommes suivantes : - 9 938,64€ à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 993,86€ au titre des congés payés afférents, - 6 757, 58€ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - 867, 94€ à titre de rappel de salaire pour la période du 2 au 12 novembre 2012, - 86, 79€ au titre des congés payés afférents ; avec intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2013, date de réception par la SARL BNS de la convocation devant le bureau de conciliation jusqu'au 12 novembre 2013, date d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, - 22 000€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1) ALORS QUE ne constitue pas une faute l'absence du salarié qui a averti son employeur de son intention de prendre des congés et auquel aucun refus n'a été opposé ; qu'en jugeant fautive l'absence de M. H... aux motifs que ni le fait que son employeur ne se soit pas opposé à la demande de jours de congés formée oralement par M. H... ni même le courrier adressé à son employeur le 30 octobre 2012 par le salarié et faisant référence à son absence prochaine n'établissaient l'accord de l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L.3141-13 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article L. 1331-1 du même code ;
2) ALORS QU'en toute hypothèse, la charge de la faute grave incombe à l'employeur, le salarié n'ayant rien à démontrer ; qu'en exigeant du salarié licencié pour faute grave en raison d'une absence prétendument injustifiée qu'il rapporte « la preuve de l'autorisation donnée par l'employeur à la prise des jours de congés » , quand il appartenait à l'employeur averti de l'intention du salarié de partir en congés de justifier de son opposition à ce départ, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
3) ALORS QUE, subsidiairement, l'absence injustifiée mais unique d'un salarié ayant plusieurs années d'ancienneté sans aucun antécédent disciplinaire et survenue dans un contexte de fortes tensions au sein de la société ne peut caractériser une faute grave ; qu'en considérant, au contraire, que l'absence de M. H..., salarié ayant plus de six ans d'ancienneté sans antécédent disciplinaire, survenue dans un contexte particulier de tension, justifiait son licenciement pour faute grave, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
4) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel reprises oralement à l'audience (pages 15 à 18), M. H... contestait vigoureusement avoir détourné des chèques qui ne lui étaient pas destinés, notamment en expliquant que les chèques litigieux lui avaient été remis par la gérance et ce, à titre de paiement des dividendes lui étant dus en sa qualité d'associé de la société ; qu'en affirmant que M. H... reconnaissait « avoir mis à son nom et encaissé des chèques qui ne lui étaient pas destinés pour un montant de 20 000€ » (arrêt page 5 § 10), la cour d'appel qui a dénaturé ces conclusions, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
5) ALORS QUE la charge de la faute grave incombe à l'employeur, le salarié n'ayant rien à démontrer ; qu'en l'espèce, pour dire le licenciement de M. H... fondé sur une faute grave, la cour d'appel, après avoir relevé qu'au soutien du bien-fondé de la faute grave, le mandataire liquidateur de la société BNS se contentait de produire une plainte avec constitution de partie civile déposée contre M. H..., a retenu, en substance, que les documents produits par le salarié ne permettaient pas d'établir le droit à dividendes qu'il invoquait pour justifier l'encaissement des chèques litigieux ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il appartenait à l'employeur de démontrer que les chèques encaissés par le salarié ne correspondaient pas, comme il l'avait toujours soutenu, au versement de dividendes, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.