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07/11/2019 | FRANCE | N°18-22411

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 07 novembre 2019, 18-22411


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ancien salarié de la société Lafarge ciments, aux droits de laquelle vient la société Lafargeholcim ciments, (la société), M. H... a déclaré, le 21 septembre 2010, une pathologie prise en charge par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône (la caisse) au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles ; que la société a contesté l'opposabilité de cette décision devant une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen

unique, pris en sa première branche :

Vu les articles R. 441-10 et R. 441-14 du ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'ancien salarié de la société Lafarge ciments, aux droits de laquelle vient la société Lafargeholcim ciments, (la société), M. H... a déclaré, le 21 septembre 2010, une pathologie prise en charge par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône (la caisse) au titre du tableau n° 30 des maladies professionnelles ; que la société a contesté l'opposabilité de cette décision devant une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu les articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009 ;

Attendu que le caractère implicite de la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, faute de décision expresse dans le délai de trente jours, ne rend pas par lui-même cette décision inopposable à l'employeur ;

Attendu que pour faire droit à la demande de la société, l'arrêt relève que la caisse a accusé réception de la déclaration de maladie professionnelle souscrite par M. H... le 27 septembre 2011 et que le délai dans lequel elle devait prendre sa décision expirait le 27 décembre 2011 ; que la caisse a avisé la société de la clôture de la procédure d'instruction le 13 janvier 2012, de sorte que le délai était expiré et qu'elle avait manifestement eu recours à un délai supplémentaire, ce qu'elle ne contestait plus ; que la caisse ne justifiant pas avoir avisé la société, préalablement au 27 décembre 2011, de la prolongation de l'instruction, elle a manqué à son obligation d'information et à celle d'instruire de manière contradictoire les procédures de reconnaissance de maladies professionnelles ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'inobservation du délai dans la limite duquel doit statuer la caisse n'est sanctionnée, faute de notification de la prolongation du délai d'instruction, que par la reconnaissance du caractère professionnel de la maladie, dont seule la victime peut se prévaloir, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le même moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu les articles R. 441-11 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue du décret 2009-938 du 29 juillet 2009 ;

Attendu que pour faire droit à la demande de la société, l'arrêt constate que la caisse, dans le cadre de l'instruction de la pathologie litigieuse, a adressé à la société divers courriers mentionnant soit une « pleurésie asbestosique » soit une « pleurésie exsudative » et que le courrier l'informant de la fin de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier ne faisait plus aucune référence à la pathologie concernée mais uniquement à un numéro de dossier ; que ces imprécisions ne permettaient donc pas à l'employeur de connaître précisément la maladie concernée, tandis que la caisse l'informait, dans le même temps, pour le même salarié, de la fin de l'instruction d'un dossier concernant un « épaississement pleural » instruit à partir de la même déclaration de maladie professionnelle et du même certificat médical initial ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser le défaut d'information de l'employeur lors de la clôture de l'instruction de la demande de prise en charge, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;

Condamne la société Lafargeholcim ciments aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône la somme de 2 800 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône.

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'Avoir infirmé, en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine le 7 novembre 2016 relativement au recours et d'Avoir dit que la décision de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône de prendre en charge la maladie déclarée par Monsieur H... le 21 septembre 2011 au titre d'une « pleurésie exsudative » inopposable à la société Lafargeholcim ciments.

AUX MOTIFS QUE « Sur l'absence de respect des délais d'instruction de l'affection déclarée:
La société Lafarge ciments soutient que la décision du 3 février 2012 par laquelle la Caisse a pris en charge au titre des risques professionnels la maladie déclarée par Monsieur Y... H... pour pleurésie lui serait inopposable, au motif que l'organisme a manifestement eu recours à un délai complémentaire d'instruction sans l'en avoir informée. Elle verse aux débats un arrêt de la Cour de cassation (celui en l'attente duquel la présente affaire avait été renvoyée), qui, le 21 décembre 2017, a rejeté le pourvoi formé par la Caisse contre une décision de cette cour qui avait déclarée inopposable à l'employeur la prise en charge d'une maladie professionnelle faute pour l'organisme d'avoir informé celui-ci du recours à une instruction complémentaire.

En réplique, la Caisse maintient que l'éventuelle carence dans cette information n'entraîne nullement l'inopposabilité de sa décision de prise en charge à l'employeur mais est sanctionnée exclusivement par la prise en charge implicite de la maladie au titre des risques professionnels au profit de l'assuré. Elle estime qu'il importe donc peu qu'elle n'ait pas adressé de courrier à la société pour l'informer du recours à un délai complémentaire ou que celle-ci ne l'ait pas reçu.

Aux termes de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable:
‘La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial et de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu le dossier complet comprenant la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial et le résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prescrits par les tableaux de maladies professionnelles pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.
Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre 1er du titre IV du livre 1er et de l'article L.432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.'

L'article R. 441-14 dispose pour sa part :
‘Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (souligné par la cour). A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.
En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.
Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.
La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief. Le médecin traitant est informé de cette décision.'

En l'espèce, la Caisse a accusé réception de la déclaration de maladie professionnelle souscrite par Monsieur H..., salarié de la société Lafarge ciments, le 27 septembre 2011. Le délai de trois mois durant lequel elle devait prendre sa décision expirait donc le 27 décembre 2011. Or, la Caisse a avisé la société de la clôture de la procédure d'instruction le 13 janvier 2012, alors que le délai précité était expiré et qu'elle avait manifestement eu recours à un délai complémentaire.

Elle aurait donc dû, en application des dispositions précitées, informer la société du prolongement du délai d'instruction ce qu'elle avait d'ailleurs expressément rappelé dans le courrier qu'elle lui avait adressé le 15 novembre 2011 pour l'informer de la déclaration de maladie professionnelle de Monsieur H....
La cour constate que pour la première fois en cause d'appel, la Caisse ne conteste pas avoir eu recours à ce délai complémentaire, la cour relevant au demeurant que la fiche colloque en faisait expressément mention. Si elle produit désormais un courrier daté du 20 décembre 2011 aux termes duquel elle informait l'employeur du recours à un délai supplémentaire, elle n'est cependant pas en mesure de justifier de son envoi et de sa réception.
La cour considère donc que la Caisse ne justifie pas avoir avisé la société, préalablement au 27 décembre 2011, de la prolongation de l'instruction, ce qui est un manquement à son obligation d'information et à celle d'instruire de manière contradictoire les procédures de reconnaissance de maladies professionnelles.
Par ailleurs, la cour ne peut que constater que la Caisse, dans le cadre de l'instruction de la pathologie litigieuse, a adressé à la société divers courriers mentionnant soit une « pleurésie asbestosique » soit une « pleurésie exsudalive » et que le courrier l'informant de la fin de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier ne faisait plus aucune référence à la pathologie concernée mais uniquement à un numéro de dossier. Ces imprécisions ne permettaient donc pas à l'employeur de connaître précisément la maladie concernée, d'autant plus que la Caisse l'informait, dans le même temps, pour le même salarié, de la fin de l'instruction d'un dossier concernant un «épaississement pleural» instruit à partir de la même déclaration de maladie professionnelle et du même certificat médical initial.
Pour l'ensemble de ces raisons, la décision de la Caisse doit ·être déclarée inopposable à la société Lafarge ciments. »

ALORS D'UNE PART QUE la méconnaissance par la Caisse de l'obligation posée à l'article R.441-14 du code de la sécurité sociale lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, d'en « informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception» n'a pas pour effet de rendre la décision de prise en charge ultérieurement adoptée par l'organisme social inopposable à l'employeur et cela même s'il s'agit d'une décision implicite de prise en charge résultant de ce manquement ; qu'aussi, en l'espèce, en déduisant l'inopposabilité à la société Lafarge ciments aux droits de laquelle vient la société Lafargeholcim ciments, de la décision de la CPCAM des Bouches du Rhône de reconnaître la nature professionnelle de la maladie de Monsieur H... d'une telle défaillance qui aurait caractérisé « un manquement à son obligation d'information et à celle d'instruire de manière contradictoire les procédures de reconnaissance de maladies professionnelles », la cour d'appel a violé R. 441-14 du code de la sécurité sociale ;

ALORS D'AUTRE PART QUE dans ses conclusions d'appel, la CPCAM des Bouches du Rhône faisait valoir que l'employeur ne pouvait prétendre s'être mépris sur le dossier visé par la lettre de clôture du 13 janvier 2012 dès lors que ce courrier, même s'il ne reprenait pas les termes « pleurésie asbestosique » qui figuraient sur le certificat médical initial du 18 juillet 2011, portait clairement le numéro de référence qui figurait sur la lettre par laquelle la CPCAM avait, le 15 novembre 2011, informé l'employeur de l'ouverture d'une procédure d'instruction relative à une pleurésie ; qu'en retenant pour dire inopposable à la société Lafarge ciments aux droits de laquelle vient la société Lafargeholcim ciments, la décision de reconnaître la nature professionnelle de la maladie de Monsieur H... que le courrier l'informant de la fin de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces du dossier ne faisait aucune référence à la pathologie concernée mais uniquement à un numéro de dossier sans expliquer, comme elle y était pourtant invitée par la CPCAM, pour quelle raison cette référence au numéro de dossier ne permettait pas à l'employeur d'identifier le dossier en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale ;

ALORS ENFIN QUE ne constitue pas une méconnaissance des règles du contradictoire au mépris des droits de l'employeur, le fait pour la Caisse d'utiliser, au terme de l'instruction du dossier, la désignation de la maladie telle qu'elle figure dans le tableau dans le cadre duquel intervient la prise en charge (« pleurésie exsudalive ») après avoir, pendant toute la durée de l'instruction de la demande de prise en charge présentée au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles, fait référence à la pathologie en cause en utilisant les termes employés par le médecin de l'assuré dans le certificat médical initial, c'est-à-dire en la désignant comme une « pleurésie asbestosique » ; qu'en retenant le contraire pour dire inopposable à la société Lafarge ciments aux droits de laquelle vient la société Lafargeholcim ciments, la décision de la CPCAM des Bouches du Rhône de reconnaître la nature professionnelle de la maladie de Monsieur H..., la cour d'appel a violé les articles R.441-10 et suivants du code de la sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 18-22411
Date de la décision : 07/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 juin 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 07 nov. 2019, pourvoi n°18-22411


Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.22411
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