LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, applicable au litige ;
Attendu, selon le second de ces textes, que dans les cas où elle a procédé à une instruction conformément au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief ainsi que la possibilité de venir consulter le dossier qui comprend, en application du premier, au titre des éléments médicaux relatifs à la victime, les divers certificats médicaux ainsi que l'avis du médecin conseil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe (la caisse) a pris en charge, au titre de la législation professionnelle, l'affection déclarée le 18 juillet 2011 par M. P..., salarié de la société Réalisation chaudronnerie charpente (l'employeur), sur la base d'un certificat médical du 4 juillet 2011 faisant état d'une tendinopathie de l'épaule droite et d'une date de première constatation médicale au 15 juillet 2010 ; que l'employeur a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande aux fins d'inopposabilité de cette décision ;
Attendu que pour faire droit au recours de l'employeur, l'arrêt retient essentiellement que le défaut d'information de l'employeur sur la nature de l'acte ayant conduit à la date de première constatation médicale constitue un manquement au principe du contradictoire dans l'instruction de la demande de maladie professionnelle ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le certificat médical initial, la déclaration de maladie professionnelle et la fiche de colloque médico-adminstratif, figurant au dossier constitué par la caisse, mentionnaient tous la date du 15 juillet 2010 comme date de première constatation médicale de la maladie, de sorte que l'employeur avait été mis en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l' autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le recours de la SAS Réalisation chaudronnerie charpente recevable, l'arrêt rendu le 21 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, sur les points restant au litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;
Condamne la société Réalisation chaudronnerie charpente aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Réalisation chaudronnerie charpente et la condamne à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Sarthe
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré inopposable à la société Réalisation Chaudronnerie Charpente la décision de la CPAM de la Sarthe de prendre en charge au titre de la législation professionnelle la maladie déclarée le 18 juillet 2011 par son salarié Monsieur V... P...
Aux motifs que l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale prévoit que dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13 » ; que dans sa version applicable au litige, l'article R. 441-13 du code, précise que « Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre : 1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ; 2°) les divers certificats médicaux ; 3°) les constats faits par la caisse primaire ; 4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ; 5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ; 6°) éventuellement, le rapport de l'expertise technique. Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur ou à leurs mandataires. Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire » ; que dès lors que la maladie a fait l'objet d'une première constatation médicale antérieure au certificat médical initial, l'employeur doit avoir connaissance de la nature de l'élément médical ayant permis au médecin conseil de retenir cette date ; que ce texte ne prévoit pas la nécessité de faire figurer au dossier de la caisse les certificats ou documents médicaux établissant que la première constatation médicale, antérieure au certificat médical initial, est intervenue dans le délai de prise en charge ; qu'en l'espèce, la déclaration de maladie professionnelle remplie le 18 juillet 2011 indiquait au titre de la date de première constatation médicale la date du 15 juillet 2010 sans préciser quel examen avait permis de fixer cette date ; que l'employeur, dès réception de cette déclaration, a demandé des éclaircissements sur ce point puisque dans son courrier de réserves daté du 5 août 2011, il précise « Dès lors que Mr. P... a repris cette date de 1ère constatation médicale du 15 juillet 2010, un an plus tard, sur sa déclaration de maladie professionnelle du 18/07/2011, nous vous demandons de bien vouloir nous indiquer de quelle manière cette maladie a été constatée et de nous adresser le justificatif correspondant » ; or, il apparaît que si cette date du 15 juillet 2010 est bien mentionnée sur le certificat médical initial, sur la déclaration de maladie professionnelle ainsi que dans la fiche de colloque médico-administratif, aucun élément du dossier de la caisse ne permet de déterminer la nature de l'élément médical ayant permis de retenir cette date (examen médical, arrêt de travail
) ; dès lors les éléments du dossier de la caisse ne permettaient pas à l'employeur de déterminer ce que recouvrait la date du 15 juillet 2010 et donc d'être suffisamment informé sur les conditions dans lesquelles cette date a été retenue et ce malgré son courrier relevant dès le début de la procédure cette lacune et demandant des précisions sur ce point ; qu'en cause d'appel la caisse venait préciser pour la première fois que cette date correspondait à un arrêt de travail connu de l'employeur ; qu'elle n'apportait cependant aucun élément de nature à justifier la réalité de cet arrêt de travail, dont elle n'avait pas fait mention en première instance, alors même que les courriers de l'employeur ne mentionnent pas l'existence d'un tel arrêt ; qu'au contraire l'impression d'écran de la caisse faisant état des éléments du dossier de M. P... ne fait pas apparaître d'arrêt à la date du 15 juillet 2010 ; qu'en conséquence, le défaut d'information de l'employeur sur la nature de l'acte ayant conduit à la date de première constatation médicale constitue un manquement au principe du contradictoire dans l'instruction de la demande de maladie professionnelle qui justifie l'inopposabilité de la décision de prise en charge ; qu'en conséquence, le jugement déféré devait être confirmé uniquement en ce qu'il avait déclaré la prise en charge inopposable à l'employeur par substitution de motifs.
Alors, d'une part, que la cour d'appel qui a constaté que la date de première constatation médicale de l'affection déclarée par Monsieur P... du 15 juillet 2010, était mentionnée sur le certificat médical initial du 4 juillet 2011, sur la déclaration de maladie professionnelle du 18 juillet 2011 et sur la fiche de colloque médico-administratif -tous éléments du dossier constitué par la caisse en application de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale-, et alors qu'il était constant et non contesté que le dernier jour de travail du salarié était le 1er juillet 2011, de telle sorte que le délai de prise en charge de 7 jours prévu par la tableau 57 A était en tout état de cause respecté, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient en violation de l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale et du tableau 57 A des maladies professionnelles Alors, d'autre part, que la pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial, n'est pas soumise aux mêmes exigences de forme que celui-ci et n'est pas au nombre des documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de la victime ou de ses ayants droit et de l'employeur en application de l'article R. 441-14, alinéa 3, du code de la sécurité sociale ; et qu'en l'espèce la caisse n'avait pas à justifier des pièces médicales ayant permis au médecin, auteur du certificat médical initial, au médecin-conseil et au colloque médico-administratif de fixer la date de première constatation médicale au 15 juillet 2010, de telle sorte que l'employeur avait été mis en mesure de prendre connaissance des éléments susceptibles de lui faire grief ; et qu'ainsi la cour d'appel a violé les articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.