LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 133-4-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004, applicable au litige ;
Attendu, selon ce texte, qu'en cas de versement indu d'une prestation, hormis les cas mentionnés à l'article L. 133-4 et les autres cas où une récupération peut être opérée auprès d'un professionnel de santé, l'organisme chargé de la gestion d'un régime obligatoire ou volontaire d'assurance maladie ou d'accidents du travail et de maladies professionnelles récupère l'indu correspondant auprès de l'assuré ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, qu'à la suite d'un contrôle de la consommation pharmaceutique de l'un de ses assurés, M. C..., la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) a notifié à ce dernier, le 7 mars 2016, une mise en demeure de régler une certaine somme au titre de prestations indûment versées, l'intéressé ayant obtenu la délivrance de médicaments dans des proportions incompatibles avec un usage thérapeutique personnel et sur présentation d'ordonnances dupliquées ; que la caisse a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en remboursement du coût de ces médicaments sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
Attendu que pour accueillir partiellement cette demande et condamner M. C... à verser à la caisse une certaine somme au titre du préjudice subi, le jugement relève, après avoir rappelé les dispositions de l'article 1240 du code civil, qu'il est acquis que M. C... s'est fait délivrer par trente-cinq pharmacies, sur la période du 3 janvier 2012 au 1er avril 2015, des médicaments sur la base d'ordonnances établies par treize médecins ; que les faits de la cause s'analysent sur la base d'ordonnances établies aux fins d'obtenir frauduleusement dans différentes pharmacies des produits médicamenteux ; que la caisse a ainsi été conduite à verser à l'intéressé des prestations auxquelles il n'avait pas droit au titre des médicaments qu'il s'est fait indûment délivrer ; qu'il en résulte un trop versé, d'un montant de 2 799,80 euros ; que cependant, il ressort des pièces et des débats que le tribunal évalue le préjudice à la somme de 1 500 euros ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le litige portait sur le remboursement, par l'assuré, de prestations indues, de sorte que l'action engagée par la caisse relevait exclusivement des dispositions du texte susvisé, le tribunal a violé ce dernier ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 30 mars 2018, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris est irrecevable en sa demande ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Paris aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir dit la CPAM de Paris partiellement bien fondée en sa demande et d'avoir condamné M. F... C... à payer à la CPAM de Paris la somme de 1 500 euros seulement ;
AUX MOTIFS QUE, « selon l'article 1240 du code civil, « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Il est acquis que M. F... C... s'est fait délivrer par 35 pharmacies, sur la période du 3 janvier 2012 au 1er avril 2015, des médicaments sur la base d'ordonnances établies par 13 médecins. En l'espèce, les faits de la cause s'analysent sur la base d'ordonnances établies aux fins d'obtenir frauduleusement dans différentes pharmacies des produits médicamenteux. La caisse a ainsi été conduite à verser à l'intéressé des prestations auxquelles il n'avait pas droit au titre des médicaments qu'il s'est fait indûment délivrer. Il en résulte un trop versé, d'un montant de 2 799,80 euros. Cependant, il ressort des pièces et des débats que le tribunal évalue le préjudice à la somme de 1 500 euros. Il convient dès lors de condamner M. F... C... au paiement de ladite somme » ;
1°) ALORS QUE la réparation intégrale du préjudice implique que le juge assure à la victime une indemnisation par le versement du strict équivalent monétaire dudit dommage ; qu'il s'ensuit qu'ayant constaté que le préjudice se chiffre à un montant donné, le juge ne peut évaluer les dommages et intérêts à un montant inférieur ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que le trop versé dont avait bénéficié M. C... était d'un montant de 2 799,80 euros ; qu'il en résultait nécessairement que le préjudice subi par la CPAM de Paris était d'un montant semblable et que celle-ci était en droit d'obtenir une indemnisation assurant de manière indirecte le remboursement intégral de ce paiement indu ; qu'en décidant qu'au vu « des pièces et des débats », il convenait, « cependant », d'évaluer le préjudice à la somme de 1 500 euros, le tribunal n'a pas tiré de ses constatations les conséquences s'en évinçant de manière nécessaire et a violé l'article 1149 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret du 10 février 2016, devenu l'article 1231-2 de ce code, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;
2°) ALORS QUE, tenu de motiver sa décision, le juge du fond ne peut procéder par voie d'affirmation en visant des pièces du dossier non analysées fut-ce succinctement afin de les identifier ; qu'en se bornant à affirmer qu'il ressortait « des pièces et des débats » que le préjudice devait être évalué à 1 500 euros en dépit même du constat d'un indu et donc d'un préjudice d'un montant de 2 799,80 euros, le tribunal a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS en tout état de cause QUE les caisses de sécurité sociale ont seules la faculté de réduire le montant de leurs créances, le juge n'ayant pas compétence pour ce faire ; qu'en décidant que M. C..., ayant par sa faute et frauduleusement obtenu un trop versé d'un montant de 2 799,80 euros, ne devait « cependant » indemniser la CPAM de Paris qu'à hauteur de la somme de 1 500 euros, et en réduisant ainsi la créance de la CPAM de Paris, en ses lieu et place, à hauteur de 1 299,80 euros, le tribunal a violé l'article L. 256-4 du code de la sécurité sociale.