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07/11/2019 | FRANCE | N°18-17748

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 07 novembre 2019, 18-17748


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mars 2018), que M. P... a construit une maison sur son terrain, à la suite d'un permis de construire délivré le 9 novembre 2009 par le maire de la commune de [...] ; que, ce permis ayant été annulé par la juridiction administrative, l'association de défense de l'environnement rural (l'ADER) a assigné M. P... en démolition ;

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunis :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de dire l'action de l'ADER recevable et d'...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mars 2018), que M. P... a construit une maison sur son terrain, à la suite d'un permis de construire délivré le 9 novembre 2009 par le maire de la commune de [...] ; que, ce permis ayant été annulé par la juridiction administrative, l'association de défense de l'environnement rural (l'ADER) a assigné M. P... en démolition ;

Sur le premier moyen et le troisième moyen, pris en ses première, troisième et quatrième branches, réunis :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt de dire l'action de l'ADER recevable et d'accueillir la demande de démolition, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une association ne peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet ; qu'il résulte des propres constations de l'arrêt qu'aux termes de ses statuts, l'ADER avait pour objet le « maintien de la "qualité de la vie rurale" et la mise en oeuvre d'actions "contre les personnes physiques ou morales ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive, olfactive l'environnement plus particulièrement dans le secteur des communes de (
) [...]" » ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la juridiction administrative avait annulé le permis de construire pour méconnaissance des articles NC1 et NC2 du plan d'occupation des sols sans constater la poursuite par l'association d'un intérêt entrant dans son objet, la cour d'appel a violé les articles 1134, devenu 1103, du code civil et 31 du code de procédure civile ;

2°/ qu'une association dont les statuts précisent les conditions dans lesquelles elle peut défendre en justice les intérêts qui entrent dans son objet n'a intérêt à agir que si ces conditions sont réunies ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la construction avait été édifiée en violation des règles d'urbanisme sans constater, ainsi qu'elle était invitée, une dégradation visuelle, auditive, olfactive de l'environnement, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et 31 du code de procédure civile ;

3°/ que, lorsqu'il se prononce sur une demande de démolition d'une construction dont le permis de construire a été annulé par la juridiction administrative, le juge judiciaire ne peut contredire le juge administratif en se fondant sur une atteinte que ce dernier a jugé inexistante ou insuffisante pour entraîner l'illégalité du permis de construire ; qu'en retenant que la construction portait atteinte au site de la Montagnette en ce qu'elle méconnaissait l'esthétique dudit site, cependant que le tribunal administratif avait retenu que le permis de construire n'était illégal qu'en raison de sa méconnaissance de l'article NC1 du plan d'occupation des sols et qu'aucun des autres moyens soulevés par l'ADER devant lui n'était de nature à justifier l'annulation de ce permis, dont celui pris de ce que la construction porterait atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et aux sites, la cour d'appel a violé les articles L. 600-4-1 et L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

4°/ que les motifs par lesquels le juge administratif écarte les moyens soulevés par les parties à l'encontre d'un permis de construire au terme de l'examen qu'il pratique en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme sont revêtus de l'autorité absolue de chose jugée, quand bien même l'annulation serait fondée sur des motifs distincts ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme et 1351, devenu 1355, du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu que la décision de la juridiction administrative ayant prononcé l'annulation du permis de construire n'était revêtue de l'autorité de la chose jugée que dans la mesure où elle fondait celle-ci sur la méconnaissance des dispositions de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, seul motif constituant le soutien nécessaire de son dispositif ;

Attendu, d'autre part, qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs, dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social ; qu'ayant relevé que, selon ses statuts, l'association avait pour objet social la défense de la qualité de la vie rurale contre les personnes ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive ou olfactive l'environnement, que le permis de construire avait été annulé en raison de la violation des règles d'urbanisme relatives à la construction des immeubles d'habitation, qui étaient destinées à protéger notamment le caractère agricole et l'esthétique de la zone, et que la construction en cause, d'une superficie de 206 m², édifiée dans une zone classée, à l'esthétique remarquable et d'une superficie réduite, faisant l'objet d'une protection particulière face au développement des immeubles d'habitation, portait, par sa superficie et sa destination, une atteinte grave aux intérêts protégés par la loi, la cour d'appel, qui en a exactement déduit que l'action de l'ADER était recevable, a pu retenir l'existence d'un préjudice personnel en relation directe avec la violation de la règle d'urbanisme sanctionnée et, après avoir constaté que la construction était implantée dans l'une des zones énumérées à l'article L. 480-13, 1°, du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, en ordonner la démolition ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Attendu que M. P... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande en démolition alors, selon le moyen, que, compte tenu des conséquences attachées à la démolition d'une construction à usage d'habitation, les juges du fond ne peuvent prononcer une telle mesure sans s'être préalablement assurés de sa nécessité, non seulement au regard de ses effets et de leur caractère proportionné, mais également en ce qu'elle constitue la seule mesure permettant d'assurer l'indemnisation du préjudice, toute autre mesure étant insuffisante ; qu'en ne recherchant pas si la démolition de la construction était nécessaire et si aucune autre mesure de réparation n'était possible, notamment sous forme de dommages et intérêts, la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Mais attendu qu'ayant relevé qu'aucune autre mesure que la démolition ne permettait de réparer le préjudice causé à l'environnement, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le deuxième moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. P... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. P... et le condamne à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 1 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat aux Conseils, pour M. P....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré l'action de l'ADER recevable, d'avoir réformé le jugement pour le surplus, d'avoir ordonné la démolition du bâtiment d'habitation de monsieur P..., dalle, VRD et toute construction édifiée sur le fondement du permis annulé et la remise en état des lieux, d'avoir dit que cette démolition devra être réalisée dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'avoir débouté monsieur P... de l'ensemble de ses demandes et d'avoir condamné monsieur P... à payer à l'ADER la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que, sur l'intérêt pour agir de l'ADER, aux termes de l'article 31 du code de procédure civile : « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé » ; qu'en l'espèce, si l'ADER ne produit pas ses statuts dans leur rédaction en vigueur au 21 juillet 2014, date de l'assignation devant le tribunal de grande instance, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du jugement n° 1204332 du 18 avril 2014 du tribunal administratif de Marseille statuant sur une requête présentée par cette association le 29 juin 2012 ainsi que de celles figurant dans l'agrément préfectoral délivré le 6 janvier 2005 en application de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, que l'association a pour objet social la défense de la qualité de la vie rurale contre les personnes ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive, olfactive l'environnement ; que si monsieur P..., soutenant que cet objet comporte des conditions cumulatives, fait valoir que l'ADER serait dépourvue d'intérêt à agir au motif que, tout en reconnaissant la violation d'une règle d'urbanisme, le tribunal administratif aurait écarté le moyen tiré de l'atteinte visuelle à l'environnement de la maison d'habitation, ce jugement faisant application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme n'est revêtu de la chose jugée que dans la mesure où il fonde celle-ci sur la méconnaissance des dispositions de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, seul motif constituant le soutien nécessaire de son dispositif ; qu'enfin, la circonstance qu'à la date d'introduction de la présente action en justice, l'agrément délivré le 6 janvier 2005 aurait été échu, un nouvel agrément n'étant accordé que le 30 juillet 2014, est sans incidence sur la recevabilité de la présente action, qui ne porte pas sur l'exercice d'un droit reconnu à la partie civile ; que, de même, la circonstance que d'autres immeubles auraient été construits à proximité de celui de monsieur P... et que ce dernier se soit abstenu de construire le hangar initialement prévu est, par elle-même, sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt pour agir de l'association ADER ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ADER dispose d'un intérêt à agir devant les juridictions civiles contre monsieur P... dont la construction réalisée en méconnaissance des règles d'urbanisme ne peut que lui causer un préjudice personnel et direct au regard de son objet social et des intérêts qu'elle défend ; que, sur la demande de démolition, aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme : « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire : 1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans l'une des zones suivantes : (
) g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 [du code de l'environnement] ; (
) » ; qu'en l'espèce la construction litigieuse a été édifiée à l'intérieure des limites du site de la Montagnette, inscrit par arrêté ministériel du 17 décembre 1970 sur la liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque un intérêt général ; qu'il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'intérêt de la zone de la Montagnette, la construction de la maison d'habitation de monsieur P... porte atteinte au site en ce qu'elle méconnaît les dispositions restrictives applicables à la construction des immeubles d'habitation, destinées à protéger notamment le caractère agricole de la zone et l'esthétique du site ; que, sur l'atteinte au droit de propriété, aux termes du premier alinéa de l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international » ; que la démolition du bien en cause constitue une privation de propriété ; que celle-ci poursuit un but légitime au sens de la convention, en l'espèce la protection de l'environnement dans des zones classées en raison de l'intérêt qu'elles présentent pour la collectivité, de sorte qu'elle est justifiée par une cause d'utilité publique au sens des dispositions précitées ; qu'enfin, l'action en démolition est menée conformément aux dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, soit dans les conditions prévues par la loi au sens de la deuxième règle énoncée par cet article 1er ; que toute atteinte au droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en l'espèce, il ressort en premier lieu des pièces du dossier qu'il s'attache un intérêt particulièrement fort à la protection de l'environnement dans la zone concernée, caractérisée par son caractère esthétique remarquable, sa taille réduite et la pression immobilière qu'y exercent les projets de construction d'habitations au détriment de l'esthétique de la zone et des activités agricoles que le législateur a entendu protéger, de sorte qu'une mesure de démolition est proportionnée à la sauvegarde de cet intérêt ; qu'en second lieu, si la démolition aboutit à priver monsieur P... de sa propriété, la construction a été réalisée suite à la délivrance par le maire de [...] d'un permis de construire ultérieurement annulé par le juge, de sorte que, conformément au principe selon lequel l'illégalité commise dans la délivrance d'un permis de construire constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des préjudices qu'elles auraient directement causés au pétitionnaire, monsieur P... dispose de la possibilité d'agir contre la commune de [...] en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la privation de sa propriété ; que, par suite le moyen tiré de ce qu'une mesure de démolition porterait une atteinte disproportionnée aux droits garantis par l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; que, sur l'atteinte au droit au domicile, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que la décision d'ordonner la démolition d'un immeuble à usage de domicile doit revêtir un caractère proportionné au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, l'examen de cette proportionnalité devant tenir compte du caractère irrégulier ou non de la construction dès son origine, du degré de connaissance qu'avait la personne concernée du caractère illégal de la construction, de la nature et du degré de l'irrégularité de la construction, de la nature précise de l'intérêt dont la protection est recherchée par la mesure de démolition, de l'existence d'une solution d'hébergement alternative adaptée au profit des personnes dont le bien est démoli et, enfin, de la possibilité de parvenir au but recherché par d'autres moyens que la démolition ; qu'en l'espèce, la possibilité d'ordonner la démolition d'un immeuble à usage de domicile principal est prévue par l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et poursuit le but, légitime, de protection de l'environnement, lequel répond à un besoin social impérieux ; que, s'agissant de la proportionnalité de la mesure, il sera relevé en premier lieu qu'alors même que les dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme ont été modifiées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques afin de réduire considérablement les cas d'ouverture de l'action en démolition des constructions illégales, le législateur a entendu conserver les dispositions de cet article permettant la démolition des constructions illégalement édifiées dans les zones dans lesquelles, compte tenu de leur importance pour la protection de la nature, des paysages et du patrimoine architectural et urbain ou en raison des risques naturels ou technologiques qui y existent, la démolition de la construction édifiée en méconnaissance des règles d'urbanisme apparaît nécessaire ; qu'ainsi, en l'espèce, il s'attache un intérêt particulier fort à la protection de la zone de la Montagnette ; qu'en deuxième lieu, la construction en cause est une maison d'habitation de 206 mètres carrés, édifiée dans une zone classée d'une superficie réduite, au sein de laquelle les espaces font l'objet d'une protection particulière face au développement des immeubles à destination d'habitation, nombreux ainsi qu'il résulte des photographies versées au dossier ; qu'ainsi, la construction litigieuse porte, par sa superficie et sa destination, une atteinte grâce aux intérêts protégés par la loi, dont aucune autre mesure que la démolition ne permettrait de réparer le préjudice causé à l'environnement ; qu'enfin, il n'est pas allégué que la recherche d'un logement alternatif adapté pour monsieur P..., qui exerce une activité professionnelle et ne communique pas d'élément sur sa situation familiale, présenterait des difficultés particulières, dès lors qu'un délai suffisant est laissé pour permettre ce relogement ; qu'il résulte de ce qui précède que, nonobstant la circonstance qu'un permis de construire avait été délivré à monsieur P..., lequel ne pouvait ignorer le risque d'illégalité de son projet compte tenu de la protection de la zone en cause et de la présentation d'un recours moins de deux mois après la délivrance de ce permis, la mesure de démolition est proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de monsieur P... et de sa famille ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'une mesure de démolition porterait atteinte aux droits garantis par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Et aux motifs, à les supposer adoptés des premiers juges, que, sur l'intérêt et la qualité pour agir, aux termes de l'article L. 142-1 du code de l'environnement, toute association ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement peut engager des instances devant les juridictions administratives ; que l'article 142-2 évoque quant à lui la constitution de partie civile, ce qui vise à élargir plutôt qu'à restreindre au seul plan pénal l'intérêt et la qualité à agir d'une association comme l'ADER ; que l'ADER dispose d'un agrément de protection environnementale depuis le 21 juillet 2014 ; qu'elle disposait d'un agrément intercommunal depuis un arrêté du 6 janvier 2005 ; que les agréments accordés entre le 1er janvier 2011 et le 11 juillet 2011 sont devenus caducs le 31 décembre 2013 ; que si depuis le 21 juillet 2014 l'agrément de protection environnementale de l'ADER fonde sa qualité à agir quand bien même il fasse l'objet d'un recours devant la juridiction administrative, force est de constater qu'au jour de l'assignation intervenue le 12 mai 2014 l'ADER n'avait pas eu l'agrément qui pouvait justifier la saisine de la juridiction de céans ; que toutefois l'ayant eu avant cette date elle ne pouvait perdre sa qualité et son intérêt à agir ; que la demande doit être déclarée recevable ;

Alors, de première part, qu'une association ne peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs qu'autant que ceux-ci entrent dans son objet ; qu'il résulte des propres constations de l'arrêt qu'aux termes de ses statuts, l'ADER avait pour objet le « maintien de la "qualité de la vie rurale" et la mise en oeuvre d'actions "contre les personnes physiques ou morales ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive, olfactive l'environnement plus particulièrement dans le secteur des communes de (
) [...]" » ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la juridiction administrative avait annulé le permis de construire pour méconnaissance des articles NC1 et NC2 du plan d'occupation des sols sans constater la poursuite par l'association d'un intérêt entrant dans son objet, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et 31 du code de procédure civile ;

Alors, de deuxième part, qu'une association dont les statuts précisent les conditions dans lesquelles elle peut défendre en justice les intérêts qui entrent dans son objet n'a intérêt à agir que si ces conditions sont réunies ; qu'en se fondant sur la seule circonstance que la construction avait été édifiée en violation des règles d'urbanisme sans constater, ainsi qu'elle était invitée (conclusions d'appel de monsieur P..., p. 17 et suiv.), une dégradation visuelle, auditive, olfactive de l'environnement, la cour d'appel a violé les articles 1134 devenu 1103 du code civil et 31 du code de procédure civile ;

Alors, subsidiairement, que les motifs par lesquels le juge administratif écarte les moyens soulevés par les parties à l'encontre d'un permis de construire au terme de l'examen qu'il pratique en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme sont revêtus de l'autorité absolue de chose jugée, quand bien même l'annulation serait fondée sur des motifs distincts ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu les article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme et 1351, devenu 1355, du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la démolition du bâtiment d'habitation de monsieur P..., dalle VRD et toute construction édifiée sur le fondement du permis annulé et la remise en état des lieux, d'avoir dit que cette démolition devra être réalisée dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'avoir débouté monsieur P... de l'ensemble de ses demandes et d'avoir condamné monsieur P... à payer à l'ADER la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que, sur l'intérêt pour agir de l'ADER, aux termes de l'article 31 du code de procédure civile : « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé » ; qu'en l'espèce, si l'ADER ne produit pas ses statuts dans leur rédaction en vigueur au 21 juillet 2014, date de l'assignation devant le tribunal de grande instance, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du jugement n° 1204332 du 18 avril 2014 du tribunal administratif de Marseille statuant sur une requête présentée par cette association le 29 juin 2012 ainsi que de celles figurant dans l'agrément préfectoral délivré le 6 janvier 2005 en application de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, que l'association a pour objet social la défense de la qualité de la vie rurale contre les personnes ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive, olfactive l'environnement ; que si monsieur P..., soutenant que cet objet comporte des conditions cumulatives, fait valoir que l'ADER serait dépourvue d'intérêt à agir au motif que, tout en reconnaissant la violation d'une règle d'urbanisme, le tribunal administratif aurait écarté le moyen tiré de l'atteinte visuelle à l'environnement de la maison d'habitation, ce jugement faisant application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme n'est revêtu de la chose jugée que dans la mesure où il fonde celle-ci sur la méconnaissance des dispositions de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, seul motif constituant le soutien nécessaire de son dispositif ; qu'enfin, la circonstance qu'à la date d'introduction de la présente action en justice, l'agrément délivré le 6 janvier 2005 aurait été échu, un nouvel agrément n'étant accordé que le 30 juillet 2014, est sans incidence sur la recevabilité de la présente action, qui ne porte pas sur l'exercice d'un droit reconnu à la partie civile ; que, de même, la circonstance que d'autres immeubles auraient été construits à proximité de celui de monsieur P... et que ce dernier se soit abstenu de construire le hangar initialement prévu est, par elle-même, sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt pour agir de l'association ADER ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ADER dispose d'un intérêt à agir devant les juridictions civiles contre monsieur P... dont la construction réalisée en méconnaissance des règles d'urbanisme ne peut que lui causer un préjudice personnel et direct au regard de son objet social et des intérêts qu'elle défend ; que, sur la demande de démolition, aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme : « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire : 1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans l'une des zones suivantes : (
) g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 [du code de l'environnement] ; (
) » ; qu'en l'espèce la construction litigieuse a été édifiée à l'intérieure des limites du site de la Montagnette, inscrit par arrêté ministériel du 17 décembre 1970 sur la liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque un intérêt général ; qu'il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'intérêt de la zone de la Montagnette, la construction de la maison d'habitation de monsieur P... porte atteinte au site en ce qu'elle méconnaît les dispositions restrictives applicables à la construction des immeubles d'habitation, destinées à protéger notamment le caractère agricole de la zone et l'esthétique du site ; que, sur l'atteinte au droit de propriété, aux termes du premier alinéa de l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international » ; que la démolition du bien en cause constitue une privation de propriété ; que celle-ci poursuit un but légitime au sens de la convention, en l'espèce la protection de l'environnement dans des zones classées en raison de l'intérêt qu'elles présentent pour la collectivité, de sorte qu'elle est justifiée par une cause d'utilité publique au sens des dispositions précitées ; qu'enfin, l'action en démolition est menée conformément aux dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, soit dans les conditions prévues par la loi au sens de la deuxième règle énoncée par cet article 1er ; que toute atteinte au droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en l'espèce, il ressort en premier lieu des pièces du dossier qu'il s'attache un intérêt particulièrement fort à la protection de l'environnement dans la zone concernée, caractérisée par son caractère esthétique remarquable, sa taille réduite et la pression immobilière qu'y exercent les projets de construction d'habitations au détriment de l'esthétique de la zone et des activités agricoles que le législateur a entendu protéger, de sorte qu'une mesure de démolition est proportionnée à la sauvegarde de cet intérêt ; qu'en second lieu, si la démolition aboutit à priver monsieur P... de sa propriété, la construction a été réalisée suite à la délivrance par le maire de [...] d'un permis de construire ultérieurement annulé par le juge, de sorte que, conformément au principe selon lequel l'illégalité commise dans la délivrance d'un permis de construire constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des préjudices qu'elles auraient directement causés au pétitionnaire, monsieur P... dispose de la possibilité d'agir contre la commune de [...] en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la privation de sa propriété ; que, par suite le moyen tiré de ce qu'une mesure de démolition porterait une atteinte disproportionnée aux droits garantis par l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; que, sur l'atteinte au droit au domicile, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que la décision d'ordonner la démolition d'un immeuble à usage de domicile doit revêtir un caractère proportionné au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, l'examen de cette proportionnalité devant tenir compte du caractère irrégulier ou non de la construction dès son origine, du degré de connaissance qu'avait la personne concernée du caractère illégal de la construction, de la nature et du degré de l'irrégularité de la construction, de la nature précise de l'intérêt dont la protection est recherchée par la mesure de démolition, de l'existence d'une solution d'hébergement alternative adaptée au profit des personnes dont le bien est démoli et, enfin, de la possibilité de parvenir au but recherché par d'autres moyens que la démolition ; qu'en l'espèce, la possibilité d'ordonner la démolition d'un immeuble à usage de domicile principal est prévue par l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et poursuit le but, légitime, de protection de l'environnement, lequel répond à un besoin social impérieux ; que, s'agissant de la proportionnalité de la mesure, il sera relevé en premier lieu qu'alors même que les dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme ont été modifiées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques afin de réduire considérablement les cas d'ouverture de l'action en démolition des constructions illégales, le législateur a entendu conserver les dispositions de cet article permettant la démolition des constructions illégalement édifiées dans les zones dans lesquelles, compte tenu de leur importance pour la protection de la nature, des paysages et du patrimoine architectural et urbain ou en raison des risques naturels ou technologiques qui y existent, la démolition de la construction édifiée en méconnaissance des règles d'urbanisme apparaît nécessaire ; qu'ainsi, en l'espèce, il s'attache un intérêt particulier fort à la protection de la zone de la Montagnette ; qu'en deuxième lieu, la construction en cause est une maison d'habitation de 206 mètres carrés, édifiée dans une zone classée d'une superficie réduite, au sein de laquelle les espaces font l'objet d'une protection particulière face au développement des immeubles à destination d'habitation, nombreux ainsi qu'il résulte des photographies versées au dossier ; qu'ainsi, la construction litigieuse porte, par sa superficie et sa destination, une atteinte grâce aux intérêts protégés par la loi, dont aucune autre mesure que la démolition ne permettrait de réparer le préjudice causé à l'environnement ; qu'enfin, il n'est pas allégué que la recherche d'un logement alternatif adapté pour monsieur P..., qui exerce une activité professionnelle et ne communique pas d'élément sur sa situation familiale, présenterait des difficultés particulières, dès lors qu'un délai suffisant est laissé pour permettre ce relogement ; qu'il résulte de ce qui précède que, nonobstant la circonstance qu'un permis de construire avait été délivré à monsieur P..., lequel ne pouvait ignorer le risque d'illégalité de son projet compte tenu de la protection de la zone en cause et de la présentation d'un recours moins de deux mois après la délivrance de ce permis, la mesure de démolition est proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de monsieur P... et de sa famille ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'une mesure de démolition porterait atteinte aux droits garantis par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Alors que le juge doit préciser sur quelles pièces il fonde ses affirmations ; qu'en ordonnant la démolition des constructions litigieuses, subordonnée par l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme à sa situation dans les limites d'un site inscrit, après avoir affirmé que « la construction litigieuse a été édifiée à l'intérieur des limites du site de la Montagnette, inscrit par arrêté ministériel du 17 décembre 1970 sur la liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque un intérêt général », sans préciser sur quelles pièces elle fondait une telle affirmation, la cour d'appel a méconnu les exigences posées à l'article 455 du code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la démolition du bâtiment d'habitation de monsieur P..., dalle, VRD et toute construction édifiée sur le fondement du permis annulé et la remise en état des lieux, d'avoir dit que cette démolition devra être réalisée dans le délai d'un an à compter de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'avoir débouté monsieur P... de l'ensemble de ses demandes et d'avoir condamné monsieur P... à payer à l'ADER la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux motifs propres que, sur l'intérêt pour agir de l'ADER, aux termes de l'article 31 du code de procédure civile : « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé » ; qu'en l'espèce, si l'ADER ne produit pas ses statuts dans leur rédaction en vigueur au 21 juillet 2014, date de l'assignation devant le tribunal de grande instance, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions du jugement n° 1204332 du 18 avril 2014 du tribunal administratif de Marseille statuant sur une requête présentée par cette association le 29 juin 2012 ainsi que de celles figurant dans l'agrément préfectoral délivré le 6 janvier 2005 en application de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, que l'association a pour objet social la défense de la qualité de la vie rurale contre les personnes ne respectant pas les règles en matière d'urbanisme et d'environnement et qui dégraderaient de manière visuelle, auditive, olfactive l'environnement ; que si monsieur P..., soutenant que cet objet comporte des conditions cumulatives, fait valoir que l'ADER serait dépourvue d'intérêt à agir au motif que, tout en reconnaissant la violation d'une règle d'urbanisme, le tribunal administratif aurait écarté le moyen tiré de l'atteinte visuelle à l'environnement de la maison d'habitation, ce jugement faisant application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme n'est revêtu de la chose jugée que dans la mesure où il fonde celle-ci sur la méconnaissance des dispositions de l'article NC1 du plan d'occupation des sols, seul motif constituant le soutien nécessaire de son dispositif ; qu'enfin, la circonstance qu'à la date d'introduction de la présente action en justice, l'agrément délivré le 6 janvier 2005 aurait été échu, un nouvel agrément n'étant accordé que le 30 juillet 2014, est sans incidence sur la recevabilité de la présente action, qui ne porte pas sur l'exercice d'un droit reconnu à la partie civile ; que, de même, la circonstance que d'autres immeubles auraient été construits à proximité de celui de monsieur P... et que ce dernier se soit abstenu de construire le hangar initialement prévu est, par elle-même, sans incidence sur l'appréciation de l'intérêt pour agir de l'association ADER ; qu'il résulte de ce qui précède que l'ADER dispose d'un intérêt à agir devant les juridictions civiles contre monsieur P... dont la construction réalisée en méconnaissance des règles d'urbanisme ne peut que lui causer un préjudice personnel et direct au regard de son objet social et des intérêts qu'elle défend ; que, sur la demande de démolition, aux termes de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme : « lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire : 1° Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative et si la construction est située dans l'une des zones suivantes : (
) g) Les sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 [du code de l'environnement] ; (
) » ; qu'en l'espèce la construction litigieuse a été édifiée à l'intérieure des limites du site de la Montagnette, inscrit par arrêté ministériel du 17 décembre 1970 sur la liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque un intérêt général ; qu'il résulte des pièces du dossier que, compte tenu de l'intérêt de la zone de la Montagnette, la construction de la maison d'habitation de monsieur P... porte atteinte au site en ce qu'elle méconnaît les dispositions restrictives applicables à la construction des immeubles d'habitation, destinées à protéger notamment le caractère agricole de la zone et l'esthétique du site ; que, sur l'atteinte au droit de propriété, aux termes du premier alinéa de l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international » ; que la démolition du bien en cause constitue une privation de propriété ; que celle-ci poursuit un but légitime au sens de la convention, en l'espèce la protection de l'environnement dans des zones classées en raison de l'intérêt qu'elles présentent pour la collectivité, de sorte qu'elle est justifiée par une cause d'utilité publique au sens des dispositions précitées ; qu'enfin, l'action en démolition est menée conformément aux dispositions de l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme, soit dans les conditions prévues par la loi au sens de la deuxième règle énoncée par cet article 1er ; que toute atteinte au droit au respect des biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ; qu'en l'espèce, il ressort en premier lieu des pièces du dossier qu'il s'attache un intérêt particulièrement fort à la protection de l'environnement dans la zone concernée, caractérisée par son caractère esthétique remarquable, sa taille réduite et la pression immobilière qu'y exercent les projets de construction d'habitations au détriment de l'esthétique de la zone et des activités agricoles que le législateur a entendu protéger, de sorte qu'une mesure de démolition est proportionnée à la sauvegarde de cet intérêt ; qu'en second lieu, si la démolition aboutit à priver monsieur P... de sa propriété, la construction a été réalisée suite à la délivrance par le maire de [...] d'un permis de construire ultérieurement annulé par le juge, de sorte que, conformément au principe selon lequel l'illégalité commise dans la délivrance d'un permis de construire constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard des préjudices qu'elles auraient directement causés au pétitionnaire, monsieur P... dispose de la possibilité d'agir contre la commune de [...] en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la privation de sa propriété ; que, par suite le moyen tiré de ce qu'une mesure de démolition porterait une atteinte disproportionnée aux droits garantis par l'article 1er du protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ; que, sur l'atteinte au droit au domicile, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ; que la décision d'ordonner la démolition d'un immeuble à usage de domicile doit revêtir un caractère proportionné au regard du droit au respect de la vie privée et familiale, l'examen de cette proportionnalité devant tenir compte du caractère irrégulier ou non de la construction dès son origine, du degré de connaissance qu'avait la personne concernée du caractère illégal de la construction, de la nature et du degré de l'irrégularité de la construction, de la nature précise de l'intérêt dont la protection est recherchée par la mesure de démolition, de l'existence d'une solution d'hébergement alternative adaptée au profit des personnes dont le bien est démoli et, enfin, de la possibilité de parvenir au but recherché par d'autres moyens que la démolition ; qu'en l'espèce, la possibilité d'ordonner la démolition d'un immeuble à usage de domicile principal est prévue par l'article L. 480-13 du code de l'urbanisme et poursuit le but, légitime, de protection de l'environnement, lequel répond à un besoin social impérieux ; que, s'agissant de la proportionnalité de la mesure, il sera relevé en premier lieu qu'alors même que les dispositions de l'article L.480-13 du code de l'urbanisme ont été modifiées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques afin de réduire considérablement les cas d'ouverture de l'action en démolition des constructions illégales, le législateur a entendu conserver les dispositions de cet article permettant la démolition des constructions illégalement édifiées dans les zones dans lesquelles, compte tenu de leur importance pour la protection de la nature, des paysages et du patrimoine architectural et urbain ou en raison des risques naturels ou technologiques qui y existent, la démolition de la construction édifiée en méconnaissance des règles d'urbanisme apparaît nécessaire ; qu'ainsi, en l'espèce, il s'attache un intérêt particulier fort à la protection de la zone de la Montagnette ; qu'en deuxième lieu, la construction en cause est une maison d'habitation de 206 mètres carrés, édifiée dans une zone classée d'une superficie réduite, au sein de laquelle les espaces font l'objet d'une protection particulière face au développement des immeubles à destination d'habitation, nombreux ainsi qu'il résulte des photographies versées au dossier ; qu'ainsi, la construction litigieuse porte, par sa superficie et sa destination, une atteinte grâce aux intérêts protégés par la loi, dont aucune autre mesure que la démolition ne permettrait de réparer le préjudice causé à l'environnement ; qu'enfin, il n'est pas allégué que la recherche d'un logement alternatif adapté pour monsieur P..., qui exerce une activité professionnelle et ne communique pas d'élément sur sa situation familiale, présenterait des difficultés particulières, dès lors qu'un délai suffisant est laissé pour permettre ce relogement ; qu'il résulte de ce qui précède que, nonobstant la circonstance qu'un permis de construire avait été délivré à monsieur P..., lequel ne pouvait ignorer le risque d'illégalité de son projet compte tenu de la protection de la zone en cause et de la présentation d'un recours moins de deux mois après la délivrance de ce permis, la mesure de démolition est proportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile de monsieur P... et de sa famille ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'une mesure de démolition porterait atteinte aux droits garantis par l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

Alors, de première part, qu'un préjudice doit être intégralement réparé sans perte ni profit pour la victime ; qu'une mesure de démolition ne peut être prononcée à titre de réparation que s'il est constaté que la personne qui la demande a subi un préjudice et que ce dernier est d'une telle importance que cette démolition se limite à en assurer la réparation ; qu'en prononçant une mesure de démolition sur le seul constat que l'autorisation de construire méconnaissait les dispositions légales ou réglementaires destinées à protéger le caractère agricole et l'esthétique du site, sans se prononcer sur l'existence et la mesure concrète de l'atteinte à l'environnement et moins encore sur l'existence et la mesure du préjudice que l'association requérante aurait personnellement subi du fait de cette atteinte à l'environnement, la cour d'appel a violé les articles 1382, devenu 1140, du code civil et L. 480-13 du code de l'urbanisme dans leur rédaction applicable ;

Alors, de deuxième part, que, compte tenu des conséquences attachées à la démolition d'une construction à usage d'habitation, les juges du fond ne peuvent prononcer une telle mesure sans s'être préalablement assurés de sa nécessité, non seulement au regard de ses effets et de leur caractère proportionné, mais également en ce qu'elle constitue la seule mesure permettant d'assurer l'indemnisation du préjudice, toute autre mesure étant insuffisante ; qu'en ne recherchant pas si la démolition de la construction était nécessaire et si aucune autre mesure de réparation n'était possible, notamment sous forme de dommages et intérêts, la cour d'appel a méconnu les articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;

Alors, subsidiairement, que, lorsqu'il se prononce sur une demande de démolition d'une construction dont le permis de construire a été annulé par la juridiction administrative, le juge judiciaire ne peut contredire le juge administratif en se fondant sur une atteinte que ce dernier a jugé inexistante ou insuffisante pour entraîner l'illégalité du permis de construire ; qu'en retenant que la construction portait atteinte au site de la Montagnette en ce qu'elle méconnaissait l'esthétique dudit site, cependant que le tribunal administratif avait retenu que le permis de construire n'était illégal qu'en raison de sa méconnaissance de l'article NC1 du plan d'occupation des sols et qu'aucun des autres moyens soulevés par l'ADER devant lui n'était de nature à justifier l'annulation de ce permis, dont celui pris de ce que la construction porterait atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et aux sites, la cour d'appel a violé les articles L. 600-4-1 et L. 480-13 du code de l'urbanisme, ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Alors, enfin, que les motifs par lesquels le juge administratif écarte les moyens soulevés par les parties à l'encontre d'un permis de construire au terme d'un examen qu'il pratique en application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme sont revêtus de l'autorité absolue de chose jugée, quand bien même l'annulation serait fondée sur des motifs distincts ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a méconnu l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme ensemble l'article 1351, devenu 1355, du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 18-17748
Date de la décision : 07/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 mars 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 07 nov. 2019, pourvoi n°18-17748


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.17748
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