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06/11/2019 | FRANCE | N°18-10799

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 novembre 2019, 18-10799


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B... a été engagé en qualité d'assistant administratif par la société Sec (la société ) suivant contrat à durée déterminée du 12 mars 2012, en remplacement d'une salariée en arrêt de maladie ; que le congé de maladie de la salariée ayant été prolongé, la société et le salarié ont signé un avenant le 20 mars 2012 prévoyant que le contrat était renouvelé jusqu'au 10 avril 2012 ; que le 11 avril 2012, ils ont signé un nouveau contrat à durée déterminée

pour le remplacement de la même salariée en congé de maternité, le terme étant fixé au ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. B... a été engagé en qualité d'assistant administratif par la société Sec (la société ) suivant contrat à durée déterminée du 12 mars 2012, en remplacement d'une salariée en arrêt de maladie ; que le congé de maladie de la salariée ayant été prolongé, la société et le salarié ont signé un avenant le 20 mars 2012 prévoyant que le contrat était renouvelé jusqu'au 10 avril 2012 ; que le 11 avril 2012, ils ont signé un nouveau contrat à durée déterminée pour le remplacement de la même salariée en congé de maternité, le terme étant fixé au 9 octobre 2012 ; que ce contrat contenait une clause selon laquelle, dans l'hypothèse où l'absence de la salariée remplacée se prolongerait, le contrat se poursuivrait jusqu'au surlendemain du retour de l'intéressée qui constituerait le terme automatique de la relation contractuelle ; que la société a remis au salarié son solde de tout compte le 9 octobre 2012 ; que la salariée remplacée ayant, à l'issue de son congé de maternité, bénéficié d'un congé parental, l'employeur a engagé une salariée intérimaire pour la remplacer, à compter du 3 janvier 2013 ; que se plaignant d'une rupture abusive de son contrat et d'une inégalité de traitement quant à son salaire, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article L. 1242-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que le contrat de travail à durée déterminée conclu pour remplacer un salarié absent peut ne pas comporter un terme précis ; qu'il a alors pour terme la fin de l'absence du salarié remplacé ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande tendant à faire constater la rupture anticipée et injustifiée du contrat à durée déterminée ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes, l'arrêt retient que le contrat à durée déterminée conclu entre les parties le 11 avril 2012 avait pour cause l'absence de la salariée en congé de maternité, que le congé parental pris ultérieurement par cette salariée n'était ainsi pas visé, et ne pouvait l'être, lors de la signature du contrat, qu'il s'ensuit que la prolongation du terme de la relation contractuelle envisagée par les parties s'appliquait exclusivement en cas de prolongation du congé de maternité et que l'absence résultant du congé parental, pris par la salariée après son congé de maternité, ne permettait pas de prolonger le contrat au-delà du 9 octobre 2012, terme dudit congé, que, dans ces conditions, il ne peut être reproché à la société de n'avoir pas poursuivi le contrat au-delà de cette dernière date et que le contrat a régulièrement pris fin à la date du 9 octobre 2012 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé qu'il était stipulé que dans l'hypothèse où l'absence de la salariée remplacée se prolongerait, le contrat se poursuivrait jusqu'au surlendemain du retour de l'intéressée qui constituerait le terme automatique de la relation contractuelle et qu'elle avait constaté que l'absence de la salariée remplacée, bénéficiaire d'un congé parental, s'était prolongée à l'issue du congé de maternité, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. B... de sa demande tendant à faire constater la rupture anticipée et injustifiée du contrat à durée déterminée conclu le 11 avril 2012 et de sa demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef et d'une indemnité de précarité pour la période allant du 9 octobre 2012 au 20 novembre 2013, l'arrêt rendu le 14 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Sec aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Sec à payer à M. B... la somme de 3 000 euros et rejette sa propre demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. B...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à faire constater la rupture anticipée et injustifiée du contrat à durée déterminée et de ses demandes indemnitaires subséquentes.

AUX MOTIFS QUE M. B... soutient que, selon son contrat à durée déterminée, le terme de celui- ci, en cas de prolongation de l'absence de la salariée qu'il remplaçait, était reporté au lendemain du jour du retour de l'intéressée ; que le congé de maternité de la salariée qu'il remplaçait, étant achevé à la date prévue du 9 octobre 2012, puis, suivi d'un congé parental d'un an pris par la même salariée, son contrat devait cesser seulement au lendemain de la reprise de la salariée à l'issue de son congé parental ; que l'établissement d'un solde de tout compte par la société SEC le 9 octobre 2012 constitue donc une rupture abusive de son contrat à durée déterminée qui ne pouvait cesser qu'à la fin du congé parental ; Mais que, comme l'objecte la société SEC, le contrat à durée déterminée conclu entre les parties le 11 avril 2012 avait pour cause l'absence de la salariée en congé de maternité ; que le congé parental pris ultérieurement par cette salariée n'était ainsi pas visé, et ne pouvait l'être, lors de la signature du contrat ; qu'il s'ensuit que la prolongation du terme de la relation contractuelle envisagée par les parties s'appliquait exclusivement en cas de prolongation du congé de maternité et que l'absence résultant du congé parental, pris par la salariée après son congé de maternité, ne permettait pas de prolonger le contrat au-delà du 9 octobre 2012, terme dudit congé ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché à la société SEC de n'avoir pas poursuivi le contrat au-delà de cette dernière date et que le contrat a régulièrement pris fin à la date du 9 octobre 2012 ; que M. B... ne peut, de même, valablement prétendre que son employeur aurait dû lui proposer un nouveau contrat à durée déterminée ou un avenant alors qu'il ne fonde nullement l'existence de cette obligation juridique incombant, selon lui, à la société SEC; que, contrairement à l'appréciation faite par les premiers juges, le comportement de la société SEC n'apparaît pas déloyal puisqu'en l'absence d'obligation pour elle de proposer la poursuite de la relation contractuelle au-delà du 9 octobre 2012 la société SEC n'a commis aucun manquement , peu important, dès lors, qu'elle n'ait pas informé M. B... du congé parental pris par la salariée remplacée.

1° ALORS QUE il est interdit au juge de dénaturer les éléments de la cause ; qu'au titre du motif de recours, le contrat de travail mentionnait que le salarié est embauché « pour assurer le remplacement temporaire de Madame V... pendant la durée de son absence pour congé maternité » ; qu'en son article 2, il était stipulé que « le présent contrat prend effet le 11 avril 2012 et prendra fin le 9 octobre 2012, si toutefois l'absence de Madame V... se prolongeait, celle-ci déterminera la durée envisagée par le présent contrat, celui-ci se poursuivra jusqu'au surlendemain du retour de Madame V..., qui constituerait alors le terme automatique du contrat » ;
qu'en affirmant que « la prolongation du terme de la relation contractuelle envisagée par les parties s'appliquait exclusivement en cas de prolongation du congé de maternité et que l'absence résultant du congé parental, pris par la salariée après son congé de maternité, ne permettait pas de prolonger le contrat au-delà du 9 octobre 2012, terme dudit congé », quand la prolongation du terme se référait uniquement à « l'absence » de la salariée remplacée, sans être circonscrite au congé maternité, la cour d'appel a violé l'article 1134 ancien, devenu 1103 du code civil, ensemble l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause.

2° ALORS QUE le congé maternité a une durée préfixe et ne peut être prolongé ; qu'en affirmant que la prolongation du terme de la relation contractuelle envisagée par les parties s'appliquait exclusivement en cas de « prolongation du congé de maternité », la cour d'appel a attribué à l'employeur et au salarié une volonté juridiquement impossible, en violation de l'article 1134 ancien, devenu 1103 du code civil, ensemble les articles L1225-17 et suivants du code du travail.

3° ALORS QUE le contrat de travail, conclu pour remplacer une salariée absente pour congé de maternité, se poursuit pendant le congé parental sollicité par cette dernière, et a pour terme la fin de l'absence de la salariée ; qu'en estimant que le contrat de travail conclu pour assurer le remplacement temporaire d'une salariée durant la durée de son congé maternité avait nécessairement le terme de celui-ci, nonobstant son absence ultérieure en raison du congé parental dont elle bénéficiait, la cour d'appel a violé l'article L1242-7 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté le salarié de sa demande tendant à faire constater l'inégalité de traitement et de ses demandes de rappels de salaire subséquentes.

AUX MOTIFS propres QUE qu'il n'est pas contesté que la salariée qui a repris le poste précédemment occupé par M. B... en remplacement de Mme V..., a perçu un salaire supérieur à celui versé à M. B... durant sa relation contractuelle avec la société SEC ; que l'inégalité de traitement dont se prévaut B... suppose que deux salariés, placés dans une situation identique, ne reçoivent pas le même traitement ; que s'il est acquis que M. B... et sa « remplaçante » étaient affectés aux mêmes tâches, de facturation et de classement, - qui étaient celles de Mme V... - les pièces aux débats établissent que les deux salariés n'avaient pas la même formation, M. B... étant spécialisé en informatique et sa « remplaçante » en comptabilité ; qu'il n'est pas contesté que le poste litigieux dépendait du service comptable ; qu'au sein de ce service les connaissances en matière comptable de la salariée à laquelle M. B... se compare – d'ailleurs qualifiée de comptable dans ses contrats d'intérim – présentaient donc une utilité particulière et supérieure à celle que pouvaient présenter la formation et les connaissances de M. B... ; que les situations des deux salariés n'apparaissant donc pas identiques, l'inégalité de traitement alléguée et la demande de rappel de salaire de M. B... ont été à bon droit écartées par les premiers juges ;

AUX MOTIFS adoptés QUE la personne recrutée par la société SEC, Madame U... pour remplacer Madame V... pendant son congé parental a perçu un salaire pour élevé que celui de Monsieur B... pour la même mission ce qui constituerait une discrimination ; qu'il ressort des éléments versés aux débats que Monsieur B... avait été recruté en qualité d'agent administratif mais que Madame U... a été recrutée en qualité de comptable ; que la qualification de Madame U... différente de celle de Monsieur B... explique la différence de salaire et ne justifie pas le grief de discrimination.

1° ALORS QUE pour caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement ou au contraire son absence, le juge doit identifier si les salariés en comparaison exercent des fonctions identiques ou similaires et, lorsque elles le sont, doit apprécier la justification objective de cette inégalité ; qu'après avoir constaté que « M. B... et sa "remplaçante" étaient affectés aux mêmes tâches, de facturation et de classement », la cour d'appel a estimé que leur différence de rémunération se justifie par le fait « que le poste litigieux dépendait du service comptable, que les connaissances en matière comptable de la salariée à laquelle M. B... se compare présentaient donc une utilité particulière et supérieure à celle que pouvaient présenter la formation et les connaissances » de celui-ci ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les taches identiques du salarié et de sa remplaçante – de facturation et de classement – exigeaient des connaissances comptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.

2° ALORS QUE pour justifier une différence de traitement, l'employeur doit démontrer et le juge doit constater que les salariés en comparaison n'ont pas la même maîtrise de leur poste, notamment au regard des fonctions exercées ; que, dans ses écritures, le salarié soutenait que ses diplômes étaient équivalent à ceux de la salariée lui ayant succédé dans le poste mais surtout que son expérience professionnelle était supérieure à celle-ci (conclusions p.7-9) ; qu'en estimant que les connaissances comptables de la salariée lui ayant succédé présentaient un intérêt supérieur pour l'entreprise à celles du salarié, sans rechercher – comme elle y était invité – s'il existait une différence dans la maîtrise de leur poste par les deux salariés s'y étant succédé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18-10799
Date de la décision : 06/11/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 nov. 2019, pourvoi n°18-10799


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.10799
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