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06/11/2019 | FRANCE | N°17-24825

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 06 novembre 2019, 17-24825


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2017), qu'à la suite du décès, survenu le [...] , de sa fille, O... R..., à laquelle il avait consenti en 1996 une donation assortie d'un droit de retour, P... K... a, comme conséquence de la résolution de cette libéralité, demandé à l'administration fiscale la restitution des droits d'enregistrement qu'il avait acquittés à cette occasion ; qu'après rejet de sa réclamation, P... K... a assigné à la même fin le directeur des

services fiscaux ; que par un arrêt, devenu irrévocable, du 9 décembre 2005, u...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 juin 2017), qu'à la suite du décès, survenu le [...] , de sa fille, O... R..., à laquelle il avait consenti en 1996 une donation assortie d'un droit de retour, P... K... a, comme conséquence de la résolution de cette libéralité, demandé à l'administration fiscale la restitution des droits d'enregistrement qu'il avait acquittés à cette occasion ; qu'après rejet de sa réclamation, P... K... a assigné à la même fin le directeur des services fiscaux ; que par un arrêt, devenu irrévocable, du 9 décembre 2005, une cour d'appel a ordonné le remboursement, à ses héritiers, des droits acquittés par P... K..., qui était décédé en cours d'instance ; que le [...], l'administration fiscale a notifié à Mme H..., sa petite-fille et cohéritière, domiciliée à l'étranger, une proposition de rectification au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) pour l'année 2006, en réintégrant dans l'assiette taxable le montant de sa créance de restitution sur le Trésor public ; qu'après mise en recouvrement des droits rappelés, et rejet de sa réclamation contentieuse, Mme H... a saisi le tribunal de grande instance en demandant l'annulation de cette décision et la décharge des droits acquittés ;

Attendu que le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux fait grief à l'arrêt de prononcer la décharge des imposition et pénalités rappelées alors, selon le moyen :

1°/ qu'il résulte de l'article 885 L du code général des impôts que « Les personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers. Ne sont pas considérées comme placements financiers les actions ou parts détenues par ces personnes dans une société ou personne morale dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société. Il en est de même pour les actions, parts ou droits détenus par ces personnes dans les personnes morales ou organismes mentionnés au deuxième alinéa du 2° de l'article 750 ter » ; que, selon cet article 750 ter, « Sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit : 1° Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l'article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, lorsque le donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B ; 2° Les biens meubles et
immeubles, que ces derniers soient possédés directement ou indirectement, situés en France, et notamment les fonds publics français, parts d'intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l'article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et valeurs mobilières françaises, lorsque le donateur ou le défunt n'a pas son domicile fiscal en France au sens de l'article précité (...) » ; que, par ailleurs, l'article 1 du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou des amendes »; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate que « (...) pour autant, le cas d'une restitution d'impôt ordonnée par une décision de justice définitive, qui constitue une créance certaine et exigible sur l'État ne saurait être assimilé à un placement financier, et ce malgré l'existence d'intérêt moratoire, le terme même de « placement financier » ne correspondant manifestement pas à cette situation (...) » ; que par conséquent, il résulte des dispositions juridiques en cause que la créance sur le trésor public litigieuse est imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune, les règles d'assiette qui fixent cette imposition ne présentant aucun caractère confiscatoire et ayant une finalité d'intérêt général au sens du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, par conséquent, violé ensemble, les articles 885 L et 750 ter du code général des impôts, ainsi que l'article 1 du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ que l'article 1er du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou des amendes » ; qu'il est constant que les principes de fonctionnement et les modalités de calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune, édictés par une loi conforme à la Constitution, ne présentent pas de caractère confiscatoire et ont une finalité d'intérêt général ; qu'en relevant, au cas particulier, que la créance sur l'État soumise à l'impôt de solidarité sur la fortune, dans le respect des règles légales, se trouve amputée d'un montant substantiel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale lorsqu'elle conclut, de cette affirmation non motivée au regard des textes, à l'existence d'une atteinte manifestement disproportionnée au droit de la redevable au respect de ses biens, en violation de l'article 1 du protocole n° 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux ait soutenu, devant la cour d'appel, que l'imposition contestée n'était pas contraire à l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce que, malgré les circonstances dans lesquelles Mme H... s'était trouvée créancière du Trésor public à la date du 1er janvier 2006, en raison du refus injustifié opposé par l'administration fiscale à la demande de remboursement des droits acquittés par son grand-père à l'occasion de la donation, ultérieurement résolue, consentie à sa fille, O... R..., cette imposition ne portait pas une atteinte manifestement disproportionnée au droit de Mme H... au respect de ses biens garanti par le texte précité ; que le moyen est donc nouveau et mélangé de fait et de droit et, comme tel, irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à Mme H... la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille dix-neuf, signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de la décision.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour le directeur chargé de la direction des résidents à l'étranger et des services généraux, agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Bobigny du 15 janvier 2015 qui a prononcé le dégrèvement de l'imposition litigieuse d'un montant de 110 346 € ;

AUX MOTIFS QUE « «sur ce, l'article 1 du protocole n°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (CEDH), dispose que : «Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou des amendes» ; qu'en premier lieu, il convient de préciser qu'une créance peut représenter un «bien» au sens de l'article 1 du Protocole n°1 précité si elle est suffisamment établie pour être exigible ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que Mme H... était titulaire d'un intérêt patrimonial constituant un «bien» au sens de l'article 1 du Protocole n° 1 pour ce qui est du remboursement de l'impôt indûment payé par son grand-père, M. K..., suite à la condamnation de l'administration fiscale par une décision définitive de la cour d'appel de Paris en date du 9 décembre 2005, tel qu'il a été rappelé ci-avant ; qu'en second lieu, il convient de savoir si un juste équilibre a été maintenu entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu. Que dans ce cadre, il convient de rappeler que l'obligation financière née du prélèvement d'impôts ou de cotisations peut méconnaître la garantie consacrée par l'article 1 du Protocole n°1 si les conditions de remboursement imposent à la personne ou à l'entité en cause une charge excessive ou portent fondamentalement atteinte à sa situation financière ; qu'en l'espèce, Mme H... a hérité d'une créance sur l'État français suite à la condamnation de l'administration fiscale au remboursement des droits de mutation acquittés par M. K... suite au pré-décès de sa fille ayant entraîné la résolution de la donation qu'il lui avait consentie ; que près de cinq ans après sa condamnation, l'administration fiscale a notifié à Mme H... une proposition de rectification au titre de l'ISF 2006 afin d'inclure le montant de la créance qu'elle a hérité dans l'assiette de cet impôt, entraînant un rappel de 110 346 euros ; qu'il apparaît ainsi que l'administration fiscale a entendu soumettre à l'impôt de solidarité sur la fortune une partie de la somme qu'elle a été condamnée à restituer aux héritiers de M. K..., amputant la créance sur l'État d'un montant substantiel. Par conséquent, cette décision porte une atteinte manifestement disproportionnée au droit de Mme H... au respect de ses biens, le juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de sauvegarde des droits fondamentaux ayant été rompu ; que partant, il convient de retenir que la décision de rejet de l'administration fiscale en date du 24 janvier 2013 est contraire au droit fondamental de Mme H... au respect de ses biens, garanti par l'article 1 du Protocole n°1 de la CEDH, et qu'en conséquence, la décharge du rappel d'ISF notifié à madame H... pour un montant de 110 346 euros doit être confirmée».» ;

ALORS QUE, premièrement, il résulte de l'article 885 L du code général des impôts que « Les personnes physiques qui n'ont pas en France leur domicile fiscal ne sont pas imposables sur leurs placements financiers. Ne sont pas considérées comme placements financiers les actions ou parts détenues par ces personnes dans une société ou personne morale dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits immobiliers situés sur le territoire français, et ce à proportion de la valeur de ces biens par rapport à l'actif total de la société. Il en est de même pour les actions, parts ou droits détenus par ces personnes dans les personnes morales ou organismes mentionnés au deuxième alinéa du 2° de l'article 750 ter » ; que, selon cet article 750 ter, « Sont soumis aux droits de mutation à titre gratuit : 1° Les biens meubles et immeubles situés en France ou hors de France, et notamment les fonds publics, parts d'intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l'article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et généralement toutes les valeurs mobilières françaises ou étrangères de quelque nature qu'elles soient, lorsque le donateur ou le défunt a son domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B;2° Les biens meubles et immeubles, que ces derniers soient possédés directement ou indirectement, situés en France, et notamment les fonds publics français, parts d'intérêts, biens ou droits composant un trust défini à l'article 792-0 bis et produits qui y sont capitalisés, créances et valeurs mobilières françaises, lorsque le donateur ou le défunt n'a pas son domicile fiscal en France au sens de l'article précité (...) » ; que, par ailleurs, l'article 1 du protocole n°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou des amendes »; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate que «(...) pour autant, le cas d'une restitution d'impôt ordonnée par une décision de justice définitive, qui constitue une créance certaine et exigible sur l'État ne saurait être assimilé à un placement financier, et ce malgré l'existence d'intérêt moratoire, le terme même de «placement financier» ne correspondant manifestement pas à cette situation (...)»; que par conséquent, il résulte des dispositions juridiques en cause que la créance sur le trésor public litigieuse est imposable à l'impôt de solidarité sur la fortune, les règles d'assiette qui fixent cette imposition ne présentant aucun caractère confiscatoire et ayant une finalité d'intérêt général au sens du Protocole n°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a, par conséquent, violé ensemble, les articles 885 L et 750 ter du code général des impôts, ainsi que l'article 1 du protocole n°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme ;

ALORS QUE, deuxièmement, l'article 1 du protocole n°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme dispose que « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou des amendes »; qu'il est constant que les principes de fonctionnement et les modalités de calcul de l'impôt de solidarité sur la fortune, édictés par une loi conforme à la Constitution, ne présentent pas de caractère confiscatoire et ont une finalité d'intérêt général;
qu'en relevant, au cas particulier, que la créance sur L'État soumise à l'impôt de solidarité sur la fortune, dans le respect des règles légales, se trouve amputée d'un montant substantiel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale lorsqu'elle conclut, de cette affirmation non motivée au regard des textes, à l'existence d'une atteinte manifestement disproportionnée au droit de la redevable au respect de ses biens, en violation de l'article 1 du protocole n°1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 17-24825
Date de la décision : 06/11/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 19 juin 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 06 nov. 2019, pourvoi n°17-24825


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.24825
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